Évasion fiscale – Quand le mépris d’Etat fait suite à son impuissance volontaire

Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme.Albert Camus

Table des matières

Chapitre I – Après l’avoir abusée, le Ministre des Finances et son Administration fiscale finissent par lâcher – piteusement – la vérité à la Cour des comptes.
Chapitre II – La Cour des comptes avait pourtant interrogé les autorités responsables, mais avait été contrainte de déclarer qu’elle n’avait pas reçu d’explications satisfaisantes.
Chapitre III – Une véritable embrouille d’Etat, au long cours, sur les chiffres
Chapitre IV – Une loi pour faire semblant, appliquée en faisant semblant.
Chapitre V – Depuis 2010, des milliers de milliards de paiements vers des paradis fiscaux qui n’ont pas inquiété grand-monde, jusqu’à ce que la Cour des comptes décide de mener son enquête.
Chapitre VI – Un inexplicable désintérêt des parlementaires
Chapitre VII – Opacité et art de l’esquive comme mode de gouvernance.
Chapitre VIII – Les Emirats Arabes Unis, « Le stade Dubaï du capitalisme »
Chapitre IX – Une future étude scientifique
Chapitre X – Pas de risque de fraude des particuliers effectuant des paiements dans des paradis fiscaux, déclare le Ministre des Finances.
Chapitre XI – Un énorme scandale maintenu sous cloche
Chapitre XII – Trois  auditions, trois occasions de savoir, trois constats d’échec
Chapitre XIII – Les constats d’échec en détails

ANNEXES

Annexe I – Méthodologie
Annexe II – Quelques points de repère chronologiques
Annexe III – Audition des Représentants de l’Inspection Spéciale des Impôts du 26 novembre 2022
Annexe IV – Audition du Ministre des Finances du 09 novembre 2022
Annexe V – Tableau de calcul du passage des chiffres officiels aux chiffres officiels corrigés sur base du cash pooling prétendument inclus dans ces chiffres officiels

Le mépris des lois, c’est le commencement de la décadence.  Jean Pellerin, Poète

INTRODUCTION

C’est l’histoire d’un fiasco organisé écrivions-nous en introduction de notre premier dossier.
C’est l’histoire d’un fiasco organisé, écrivions-nous en introduction de notre premier dossier publié le 27 septembre 2022 intitulé « Evasion Fiscale : Impuissance d’Etat volontaire »,consacré à l’analyse détaillée du rapport d’audit publié le 27 juin 2022, réalisé par la Cour des comptes sur le thème majeur des paiements effectués par les entreprises belges vers une trentaine de paradis fiscaux. Lors de son audition du 21 septembre 2022 devant la Commission Finances & Budget de la Chambre des Représentants, la Cour des comptes nous apprenait que le montant total de ces paiements avait été pulvérisé en 2020 (année de déclaration 2021) en atteignant 383 milliards d’euros, l’équivalent de 84% du PIB de la même année , versés par 765 entreprises représentant 0,21% du nombre d’entreprises belges.

Six mois après et à l’issue des auditions de l’Administration fiscale et du  Ministre des Finances, qui ont suivi celle de la Cour des comptes, respectivement les 26 octobre 2022 et 09 novembre 2022, c’est un second dossier que nous vous proposons.

C’est d’une autre histoire qu’il s’agit. Celle d’une véritable tromperie, du fait des plus hautes autorités de l’Etat et de son Administration.
Et c’est d’une autre histoire qu’il s’agit. Celle d’une véritable tromperie, du fait des plus hautes autorités de l’Etat et de son Administration consistant à justifier de la très dérangeante énormité des chiffres par des transactions qui, en fait, n’y étaient pas incluses ! C’est ce que le Ministre des Finances lui-même a confirmé (après vérification a-t-il précisé) lors de son audition, qualifiée d’échange de vues.

La Cour des comptes elle-même a été abusée durant le déroulement de son audit.
La Cour des comptes elle-même a été abusée durant le déroulement de son audit. Quant au Ministre des Finances actuel, il maintenait la chape de plomb imposée à son Administration de tutelle, à l’image de tous ses prédécesseurs, au nombre de 5 depuis l’entrée en vigueur de la loi imposant aux entreprises, à compter du 01 janvier 2010, de déclarer leurs paiements vers des paradis fiscaux s’ils excédent un montant annuel de 100.000 euros. La Cour des comptes, en se saisissant d’initiative de ce thème hautement explosif, ne lui a pas permis de jouir de la tranquillité dont avaient bénéficié ceux qui l’avaient précédé.

C’est à une véritable embrouille d’Etat, au long cours, sur les chiffres que tous les citoyens ont eu droit. C’est une véritable entrave à son audit que la Cour des comptes a dû affronter. C’est une entrave au fonctionnement du pouvoir législatif  qui s’est déroulée sous nos yeux, qui se poursuit et qui devrait déclencher une commission d’enquête parlementaire.

Les milliers de milliards de paiements  effectués depuis 2010 vers des paradis fiscaux n’ont pas inquiété grand-monde.
A l’analyse, cette fameuse loi s’avère être une loi « pour faire semblant » appliquée « en faisant semblant ». A un point tel que les milliers de milliards de paiements  effectués depuis 2010 vers des paradis fiscaux n’ont pas inquiété grand-monde. Et si la Cour des comptes ne s’était pas emparée de ce monstrueux problème, « le silence dans les rangs »  continuerait implacablement à prévaloir.

La Cour des comptes, par son initiative, a ouvert une brèche dans laquelle il faut s’engouffrer avec force et au plus vite, ce qui semble-t-il ne correspond pas, dans les faits, à la volonté de la majorité des parlementaires. Nous avons en effet pu constater, à quelques exceptions notables près, un inexplicable désintérêt de bon nombre d’entre eux.

Ce second dossier est aussi l’occasion de voir à quel point, pour un sujet aussi déterminant pour la vie en société, l’opacité et l’art de l’esquive sont érigés en mode de gouvernance.

Les Autorités continuent à maintenir sous cloche un colossal scandale.
Malgré l’aveu auquel les Autorités ont été contraintes, elles continuent à maintenir sous cloche un colossal scandale.

Alors que les 3 auditions de la Cour des comptes, de l’Administration fiscale et du Ministre des Finances constituaient 3 occasions de savoir, les lecteurs de ce second dossier concluront comme nous à 3 constats d’échec. Et pendant ce temps, des dizaines de milliards continuent à s’envoler de la Belgique vers Dubaï devenu selon le juge Van Ruymbeke « l’épicentre de l’argent sale » .

Ce qui semble être le plus probable aujourd’hui, c’est bien un enterrement de première classe.
Ce qui semble être le plus probable aujourd’hui, au regard de la situation d’apparence résignée malgré un rapport d’audit explosif, mais 2 auditions (Administration fiscale et Ministre des Finances) anesthésiantes, c’est bien un enterrement de première classe. Près de 9 mois après la publication du rapport de la Cour des comptes, la Commission des Finances & Budget n’a pas émis de recommandations ni auprès des autorités politiques, ni auprès des autorités administratives

Alors faisons chacun, avec force, ce qui est en notre pouvoir pour qu’il advienne un troisième dossier dans lequel il sera expliqué que l’enterrement de première classe a été empêché.

Auquel cas nous aurons réussi à mettre un terme au mépris en politique et à ses effets dévastateurs pour la démocratie, cependant que la fin du mépris des lois aura permis d’éviter le commencement de la décadence*.

Bonne lecture,

Christian Savestre

POUR.PRESS remercie Victor Serge, pour ses précisions techniques.
* Cfr la deuxième citation, de Jean Pellerin
Jean Pellerin 24 avril 1885-09 juillet 1921. Peu connu, c’est Francis Carco qui rassemblera ses poèmes dans un recueil posthume, Le Bouquet inutile. Il disait de lui : « On n’a pas fait encore à Jean Pellerin la place qu’il méritait d’avoir et qu’il aura parmi tant de poètes où seuls, peut-être, Guillaume Apollinaire et quelques-uns de ses amis le mettaient malgré lui. »

LE DOSSIER
Introduction 

Résumé du dossier – Introduction

C’est l’histoire d’une véritable tromperie, du fait des plus hautes autorités de l’Etat et de son Administration, consistant à justifier de la très dérangeante énormité des chiffres par des transactions qui, en fait, n’y étaient pas incluses ! L’équivalent de 83 % du PIB belge, soit 383 milliards, versés dans 30 paradis fiscaux (pour 2020) et dont on ne sait toujours rien.

Chapitre 1

Après l’avoir abusée, le Ministre des Finances et son Administration fiscale finissent par lâcher – piteusement – la vérité à la Cour des comptes.

Quelle vérité ? L’aveu d’un mensonge ? L’énormité des paiements vers les paradis fiscaux était principalement justifiée par des transactions qui s’avèrent ne pas y être incluses.

Chapitre 2

La Cour des comptes avait pourtant interrogé les autorités responsables, mais avait été contrainte de déclarer qu’elle n’avait pas reçu d’explications satisfaisantes.

Déjà dans son rapport de juin 2022, la Cour des comptes avait mis en évidence d’énormes incohérences. Elle avait pu constater que le ministère des Finances avait d’abord annoncé le chiffre de 172,0 milliards pour ensuite le réviser à la hausse  à hauteur de 288,1 milliards !

Chapitre 3

Une véritable embrouille d’Etat, au long cours, sur les chiffres

Le Ministre et son Administration fiscale confessent finalement aux parlementaires de la Commission Finances & Budget ce qu’ils se sont refusé à dire à la Cour des comptes.

Chapitre 4

Une loi pour faire semblant, appliquée en faisant semblant.

Des lois appliquées en faisant semblant, cela existe. Des lois conçues pour faire semblant, c’est encore autre chose.
Et pourtant !

Chapitre 5

Depuis 2010, des milliers de milliards de paiements vers des paradis fiscaux qui n’ont pas inquiété grand-monde, jusqu’à ce que la Cour des comptes décide de mener son enquête.

C’était le 24 février 2021. Ce jour-là,  la Cour des comptes, après avoir décidé à son initiative d’enquêter sur les paiements des entreprises belges vers des paradis fiscaux informe officiellement le Ministre des Finances, le Président du Comité de Direction du SPF Finances (…)

Chapitre 6

Un inexplicable désintérêt des parlementaires

383 milliards de paiements effectués par 760 entreprises belges vers une trentaine de paradis fiscaux : le commun des mortels pouvait s’attendre à ce que les membres de la Commission Finances & Budget de la Chambre des Représentants se soient précipités pour assister aux 3 auditions résultant du rapport de la Cour des comptes.

Chapitre 7

Opacité et art de l’esquive comme mode de gouvernance.

Les déclarations des uns et des autres au cours des 3 auditions ont été scrutées sur la base de 4 sources de données :
-les enregistrements audio-vidéos de 2 des auditions (…)

Chapitre 8

Les Emirats Arabes Unis, « Le stade Dubaï du capitalisme »

Première destination des paiements des entreprises belges vers les paradis fiscaux, Dubaï, l’un des 7 Emirats est devenu sur les 30 dernières années une place forte de la fraude fiscale.

Chapitre 9

Une future étude scientifique

Une future étude scientifique pour faire semblant après une loi pour faire semblant appliquée en faisant semblant ?

Chapitre 10

Pas de risque de fraude des particuliers effectuant des paiements dans des paradis fiscaux, déclare le Ministre des Finances

Qui déclare également que l’extension aux particuliers de la loi  créerait une charge administrative disproportionnée pour compenser un risque plutôt limité de perte de recettes fiscales.

Chapitre 11

Un énorme scandale maintenu sous cloche

Sur la base du dossier que nous avions publié le 26 septembre 2022 intitulé « Evasion fiscale ; Impuissance d’Etat volontaire », nous avions dressé une longue liste de questions dans la perspective des 3 auditions qui font l’objet de ce nouveau dossier.

Chapitre 12

Trois  auditions, trois occasions de savoir, trois constats d’échec

Synthèse des questions-réponses obtenues par les membres de la Commission Finances & Budget, tous membres confondus – par audition, par membre – par audition et l’origine, en %, par parti du nombre de questions, de réponses, de non-réponses

Chapitre 13

Les constats d’échec en détails

Questions POUR.Press et réponses obtenues par chapitre et par question.