Évasion fiscale : impuissance d’État volontaire

La Cour des comptes de Belgique en donne les preuves, sans conclure. Tout ou presque reste très opaque, malgré les centaines de milliards d’euros envolés chaque année dans 30 paradis fiscaux.
 Toute forme de mépris, si elle intervient en politique, prépare ou instaure le fascisme.  Albert Camus

Table des matières

Introduction – Si vous n’êtes pas à la table, c’est que vous êtes au menu
Chapitre 1
Sommes vertigineuses, impuissance contagieuse, lutte contre l’évasion fiscale fallacieuse
Chapitre 2Après 12 années d’opacité, un rapport de la Cour des Comptes enfin publié
Chapitre 3Des déclarations officielles durement taclées par la Cour des comptes
Chapitre 4Incohérence législative, sanctions peu effectives, libre circulation des capitaux impérative
Chapitre 5Des constats effarants qui tombent comme à Gravelotte
Chapitre 6Les contrôles des déclarations sont improductifs, alors ne les contrôlons plus !
Chapitre 7Des trous noirs fiscaux à la place des paradis fiscaux et le tour est joué ?
Chapitre 8Voyage en ADGM (Abu Dhabi Global Market), à la rencontre des multinationales
Chapitre 9Conclusion. Deux poids, deux mesures
AnnexeParadis fiscaux – listes OCDE, Union Européenne (UE), Belgique vs listes ONG et listes Promoteurs évasion fiscale

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Introduction – Si vous n’êtes pas à la table, c’est que vous êtes au menu

Un fiasco délibéré, organisé.
C’est l’histoire d’un fiasco, mais pas importe quel fiasco ! Un fiasco délibéré, organisé. Depuis le 01 janvier 2010, la loi impose aux entreprises belges de déclarer leurs paiements vers des paradis fiscaux. Le citoyen lambda était alors en droit d’en attendre efficience et efficacité. Résultat ? Un silence assourdissant de 2010 à 2015. En 2016, il apprend enfin que 840 entreprises belges ont payé 82,9 milliards € en 2015 vers 30 paradis fiscaux, qui ne sont pas les plus importants parmi la centaine existant de par le monde. Et puis les chiffres s’emballent pour atteindre 288,1 milliards € en 2018, l’équivalent de 62,6% du PIB. Pour 2019, les chiffres ne sont pas encore définitifs mais s’élèvent déjà à 265,3 milliards. Quant à 2020 le record est littéralement pulvérisé puisque l‘on atteint 383 milliards* ! soit 83,9% du PIB et les chiffres ne sont sans doute pas non plus définitifs. Pourtant le nombre d’entreprises déclarantes reste stable globalement stable.
Une sorte de black-out généralisé de l’Administration, des Gouvernants, des médias et de l’extrême majorité des femmes et hommes politiques
En dehors des chiffres globaux, pas d’autre information ou si peu ; une sorte de black-out généralisé de l’Administration, des Gouvernants, des médias et de l’extrême majorité des femmes et hommes politiques. Le citoyen lambda, mais aussi contribuable lambda auxquels les politiques pétris de culture de gouvernement ne cessent d’expliquer qu’ils ne peuvent laisser à leurs petits-enfants la dette publique qui atteignait 620 milliards € fin 2021 se disent que quelque chose ne va vraiment pas puisque depuis 2010, c’est de l’ordre de 3 fois la dette publique à fin 2021 qui est partie dans 30 paradis fiscaux. Quelles sommes stratosphériques atteindrait-on si cette obligation légale concernait la centaine de paradis fiscaux répertoriés sur la planète, s’appliquait aussi aux riches particuliers et ne se déclenchait pas seulement à partir de 100.000 € par an et par entreprise ? Quelle somme incommensurable atteindrait-on si cette obligation légale était en vigueur dans les autres pays, ceux de l’Union européenne, notamment ? Seul face à ses questions, ce même citoyen, en train de se demander comment il va bien pouvoir payer ses factures d’énergie, apprend que la Cour des comptes, à son initiative, a publié le 27 juin dernier un rapport d’audit sur ces paiements vers des paradis fiscaux. Et quelle n’est pas sa stupeur quand il découvre que les réponses de la Cour des comptes aux 3 questions qu’elle s’était posées sont effarantes :

  •  La réglementation relative aux paiements effectués vers les paradis fiscaux est-elle claire et cohérente ? Elle n’est ni claire, ni cohérente. 
  • L’Administration fiscale est-elle suffisamment organisée en vue d’un contrôle efficient et efficace des paiements effectués vers les paradis fiscaux ? Elle n’est pas suffisamment organisée
  • L’obligation déclarative et sa réglementation contribuent-t-elles à la réalisation de l’objectif stratégique en matière de lutte contre la fraude fiscale internationale ? Elles n’y contribuent pas. 

Le constat de la Cour des comptes est implacable, mais ne concerne qu’une toute petite partie des très nombreuses questions auxquelles réponses devraient être fournies par qui de droit.

Une énorme supercherie : celle d’une prétendue lutte des gouvernants (7 gouvernements successifs) contre l’évasion fiscale qui ne peut avoir pour raison d’être que de vous anesthésier
POUR et Attac Bruxelles 2 se sont emparé pour vous de ce rapport de la Cour des comptes en l’examinant ligne à ligne et en l’analysant dans le cadre global de la lutte contre l’évasion fiscale. Vous allez ainsi pouvoir vous régaler, tout au long des 9 chapitres de cette histoire qui s’avère être une énorme supercherie : celle d’une prétendue lutte des gouvernants (7 gouvernements successifs) contre l’évasion fiscale qui ne peut avoir pour raison d’être que de vous anesthésier pour mieux vous cacher que, oui décidément, la politique économique se fait, en Belgique comme ailleurs, « à la corbeille » ! Vous découvrirez que toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres de l’Union Européenne et entre les États membres de l’Union Européenne et pays tiers sont interdites et permettent ainsi aux organisateurs de l’évasion fiscale, ces multinationales du fiscotrafic, de mettre en place  les circuits les plus sophistiqués pour échapper à l’impôt, cependant que les gouvernants désarment leurs propres administrations fiscales nationales, à un point tel que ces organisateurs pourraient s’exclamer, à l’instar de Staline qui déclarait « le Pape, combien de divisions ? »,  « les Administrations fiscales, combien de divisions ? » à une différence de taille près : Staline ne conseillait pas le Pape, les fiscotrafiquants conseillent eux les gouvernants ! C’est un véritable apartheid fiscal qu’il ont tous ensemble mis en place et vous, contribuables captifs, n’êtes pas conviés aux réunions internationales auxquelles eux participent officiellement ou en sous-main, pour mettre en place ce qu’ils dénomment la bonne gouvernance internationale. Normal, vous n’êtes pas invités à la table (de négociations). Vous faites partie du repas !

Bonne lecture

Christian Savestre

*Données communiquées par la Cour des comptes lors de son audition du 21 septembre 2022

Sommes vertigineuses, impuissance contagieuse, lutte contre l’évasion fiscale fallacieuse
Une nouvelle forme de servitude volontaire, mais cette fois de la part de l’Etat belge, à l’instar de nombreux autres, vis à vis des détenteurs du pouvoir économique ?

Après 12 années d’opacité, un rapport de la Cour des Comptes enfin publié
La Belgique apporte ainsi une preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, de l’absence de volonté politique de ceux qui détiennent le pouvoir de lutter contre ce fléau de l’évasion fiscale

Des déclarations officielles durement taclées par la Cour des comptes
Il serait temps de nous éveiller, de constater que nous ne vivons pas sous l’empire d’une fatalité

Incohérence législative, sanctions peu effectives, libre circulation des capitaux impérative
La Belgique apporte ainsi une preuve supplémentaire, s’il en fallait encore une, de l’absence de volonté politique de ceux qui détiennent le pouvoir de lutter contre ce fléau de l’évasion fiscale

Des constats effarants qui tombent comme à Gravelotte
Le ver est dans le fruit, pourrait-on dire du cadre législatif de la loi de 2009.

Les contrôles des déclarations sont improductifs, alors ne les contrôlons plus !
C’est grosso modo ce que propose la Cour des comptes même si cela se traduit dans son expression par une remise en cause de la stratégie actuelle de contrôle

Des trous noirs fiscaux à la place des paradis fiscaux et le tour est joué ?
On se souvient des déclarations, en janvier 2018,  de Pierre Moscovici alors qu’il était encore Commissaire européen aux Affaires Economiques et Financières, à la Fiscalité et à l’Union douanière à propos des « trous noirs fiscaux ».

Voyage en ADGM (Abu Dhabi Global Market), à la rencontre des multinationales
La littérature spécialisée nous apprend que la gestion de trésorerie des entreprises connaît une phase de changements majeurs, profonds et rapides

Conclusion. Deux poids, deux mesures
Ces paradis fiscaux et ce qu’ils engendrent comme conséquences mortifères pour l’immense majorité des habitants de la planète et pour la planète elle-même