Les contrôles des déclarations sont improductifs, alors ne les contrôlons plus !

CHAPITRE VI

Les contrôles des déclarations de paiements sont terriblement improductifs, alors ne contrôlons plus les déclarations effectuées et identifions les déclarations non effectuées !

Cannes : un échec constant dominé par les compromis, les combines et les faux pas…  – [Il n’y a pas qu’à Cannes…]<span class="su-quote-cite">François Truffaut</span>

 

 VI-1 Une autre stratégie de contrôle ?

La Cour des comptes propose « une stratégie de contrôle alternative ».
C’est grosso modo ce que propose la Cour des comptes même si cela se traduit dans son expression par une remise en cause de la stratégie actuelle de contrôle en proposant. « une stratégie de contrôle alternative ».

Surprenant tout de même une telle recommandation ! Imaginons qu’elle soit faite pour les déclarations des contribuables personnes physiques et morales (impôt sur le revenu, impôt société. Inimaginable, inconcevable. Et pourtant, ce n’est ni inimaginable, ni inconcevable pour les centaines de milliards de règlements vers des paradis fiscaux, pas les plus importants, qui plus est).

La Cour des comptes va même jusqu’à qualifier ceux qui respectent la loi de « bons élèves ».
Cela veut-il dire que la Cour des comptes a intégré comme étant une donnée durable le fait que les moyens actuels mis en œuvre seraient peu susceptibles d’augmenter et qu’en conséquence il serait préférable de s’en remettre à la détection des contribuables entreprises qui omettent délibérément de satisfaire à l’obligation légale de déclaration. Elle va même jusqu’à parler des sociétés « qui déclarent spontanément leurs paiements » !! Comme si se conformer à la loi relevait de la spontanéité !! La Cour des comptes va même jusqu’à qualifier ceux qui respectent la loi  de « bons élèves ».

Et la Cour, pour étayer sa recommandation d’enfoncer le clou en écrivant ceci :

« La productivité des contrôles est invariablement entravée par le manque de clarté de la législation. »
« La productivité des contrôles est invariablement entravée par le manque de clarté de la législation. Les seuls contrôles qui sont productifs et qui ne posent pas question sont ceux qui identifient des paiements non déclarés. »

Elle précise que le repérage des contribuables ne déclarant pas présente de nombreux avantages par rapport au contrôle de ceux qui déclarent puisque le défaut de déclaration entraîne automatiquement sanction et évite d’avoir à se confronter à cet « exposé des motifs » de la loi, déjà évoqué plus avant, le véritable ver dans le fruit de cette loi.

 

VI-2 Détection automatique des règlements non-déclarés

Pour ce faire, la Cour spécifie que l’Administration fiscale doit être en mesure de détecter les paiements non déclarés, en rajoutant (coup de pied de l’âne ?)  que c’est l’impuissance présumée en la matière qui a conduit à l’époque à l’introduction de l’obligation de déclaration et à la concentration des moyens sur le contrôle de ces paiements plutôt que sur la détection des paiements non déclarés.

Pourquoi la Cour des comptes ne propose-t-elle pas de procéder à une révision de la loi ?
Pourquoi la Cour des comptes, dans ses recommandations, ne propose-t-elle pas de procéder à une révision de la loi existante ? Pourquoi ne conclut-elle pas que le combat sincère et véritable contre l’évasion fiscale implique nécessairement de traiter à la fois des déclarations effectuées et des déclarations non effectuées ? Entérine-t-elle ainsi elle-même une forme d’impuissance volontaire de l’Etat à faire ce qui devrait être fait ?  

« On ignore pour le moment le nombre de paiements réellement effectués vers des paradis fiscaux »
Et comme si elle n’avait pas assez tapé sur le clou, elle réitère ce qu’elle a par ailleurs déjà mentionné dans son rapport : « On ignore pour le moment le nombre de paiements réellement effectués vers des paradis fiscaux et combien d’entre eux sont déclarés. »

Elle nous dit que son enquête n’a inclus que 8 dossiers  dans lesquels des paiements non déclarés ont fait l’objet d’un examen. Dans la grande majorité des cas, cet examen a été effectué manuellement moyennant un travail de recherche chronophage.

Ces 8 dossiers font-ils partie des 71 dossiers « terminés » pour lesquels elle a questionné les contrôleurs qui n’ont répondu que pour 54 d’entre eux ? Quelle a été la productivité de ces 8 dossiers ?  La Cour ne le dit pas.

L’air de rien, la Cour des comptes indique que les nouvelles techniques d’e-audit permettraient de détecter de manière performante les paiements non déclarés, comme cela a été développé par avant.

L’Administration fiscale « maintient sa stratégie de contrôle peu rentable en continuant à miser uniquement sur les contrôles des paiements déclarés »
Malgré cet avis d’expert, l’on apprend que la plus récente circulaire émise par l’Administration fiscale « maintient sa stratégie de contrôle peu rentable en continuant à miser uniquement sur les contrôles des paiements déclarés (circulaire 2021/C/112 sur l’obligation de déclarer les paiements à certains États) ».

 

VI-3 La non-déclaration de règlements n’entraîne pas sanction automatique

Mais dans un monde où la « concurrence libre et non faussée » est la reine absolue, les plus ferventes déclarations de gouvernants en matière de lutte contre l’évasion fiscale peuvent s’avérer être des coups d’épée dans l’eau et/ou des tours de prestidigitation ! On vous avait déjà dit, lecteur, qu’il fallait lire les notes de bas de page de la Cour des comptes. On vous le confirme à nouveau.

« À condition que le paiement ne relève pas d’une des exceptions légales, (…) si le rejet entrave la libre circulation des capitaux. »
Eh oui ! Vous ne le faites pas et vous restez sur un grand espoir né de ce que vous avez lu plus haut : le défaut de déclaration entraîne automatiquement sanction. Eh bien non ! La note de bas de page spécifie : «  À condition que le paiement ne relève pas d’une des exceptions légales, comme un paiement vers un paradis fiscal avec lequel la Belgique a conclu une convention préventive de la double imposition contenant une clause de non-discrimination ou si le rejet entrave la libre circulation des capitaux. ».

On se dit décidément que les apôtres de la liberté absolue de la circulation des capitaux ont de sacrées responsabilités ainsi que ceux qui approuvent, sans exiger d’en connaître les tenants et aboutissants, les conventions préventives de la double imposition avec clause de non-discrimination.

 Christian Savestre

 

 

Table des matières

Introduction – Si vous n’êtes pas à la table, c’est que vous êtes au menu
Chapitre 1
Sommes vertigineuses, impuissance contagieuse, lutte contre l’évasion fiscale fallacieuse
Chapitre 2Après 12 années d’opacité, un rapport de la Cour des Comptes enfin publié
Chapitre 3Des déclarations officielles durement taclées par la Cour des comptes
Chapitre 4Incohérence législative, sanctions peu effectives, libre circulation des capitaux impérative
Chapitre 5Des constats effarants qui tombent comme à Gravelotte
Chapitre 6Les contrôles des déclarations sont improductifs, alors ne les contrôlons plus !
Chapitre 7Des trous noirs fiscaux à la place des paradis fiscaux et le tour est joué ?
Chapitre 8Voyage en ADGM (Abu Dhabi Global Market), à la rencontre des multinationales
Chapitre 9Conclusion. Deux poids, deux mesures
AnnexePARADIS FISCAUX – Listes OCDE, Union Européenne (UE), Belgique vs Listes ONG et Listes Promoteurs évasion fiscale