Les Emirats Arabes Unis, « Le stade Dubaï du capitalisme »

CHAPITRE VIII

Dubaï, l’un des 7 Emirats est devenu sur les 30 dernières années une place forte de la fraude fiscale.
Première destination des paiements des entreprises belges vers les paradis fiscaux, Dubaï, l’un des 7 Emirats est devenu sur les 30 dernières années une place forte de la fraude fiscale et même, selon l’ancien juge d’instruction français au pôle financier du Tribunal de Paris Renaud Van Ruymbeke[1], « l’épicentre de l’argent sale ».

L’économiste Gabriel Zucman[2] indique : « Le risque est que l’immobilier à Dubaï remplace le compte en Suisse comme stratégie d’évasion fiscale ou de dissimulation du patrimoine[3] » .

Le pays ne prélève aucun impôt sur les revenus, le patrimoine et les sociétés, il offre une protection absolue aux investisseurs liés à la fraude internationale, la corruption, la drogue…
Dans son dernier livre « Offshore, dans les coulisses édifiantes des paradis fiscaux », Renaud Van Ruymbeke écrit « Outre que le pays ne prélève aucun impôt sur les revenus, le patrimoine et les sociétés, il offre une protection absolue aux investisseurs liés à la fraude internationale, la corruption, la drogue…Le jeu en vaut la chandelle. Pour mémoire, l’ONU a évalué en 2009 à 870 milliards de dollars les profits tirés des trafics de drogue et du crime organisé dans le monde ».

Quiconque ne voudrait pas se contenter du dernier livre de Renaud Van Ruymbeke, paru en novembre 2022 pourtant fort édifiant et qui met en évidence que les paradis fiscaux ne se sont jamais aussi bien portés, devrait alors se procurer un autre livre titré « Le stade Dubaï du capitalisme »[4]. Extraits :

Les Émirats ont autorisé Dubaï à mettre en place un « système économique entièrement autonome, copié de l’Occident et travaillant en dollars et en anglais.
« Dubaï est surtout connue pour ses extravagances touristiques, mais la ville-État a pour ambition première de capter le plus de valeur ajoutée possible à travers toute une série de zones franches et de pôles de développement high tech. Pour se transformer en mégalopole, écrit un journaliste d’ABC, une des stratégies de ce petit comptoir côtier a consisté à n’hésiter devant aucune concession pour inciter les entreprises à investir et s’implanter à Dubaï. Dans certaines zones franches, les investisseurs étrangers peuvent légalement posséder jusqu’à 100 % des actifs, sans avoir à payer aucun impôt ni aucun droit de douane. » La première zone de ces zones franches, établie dans les limites du district portuaire de Jebel Ali, accueille aujourd’hui plusieurs milliers d’entreprises commerciales et industrielles. Elle est la tête de pont des firmes américaines vers l’Arabie saoudite et les marchés du Golfe. Dubaï n’est évidemment pas la seule ville de la région à posséder des zones franches et des pôles de développement high tech, mais elle est la seule à offrir à ces enclaves un régime juridique d’exception taillé sur mesure pour les investisseurs étrangers et les cadres supérieurs délocalisés. Comme le souligne le Financial Times, « ces niches de profit autorégulées sont au cœur de la stratégie de développement de Dubaï. « Ainsi, Media City est pratiquement libre de la censure qui règne dans le reste de la ville, tandis que l’accès à la toile n’est pas filtré à Internet City. Les Émirats ont autorisé Dubaï à mettre en place un « système économique entièrement autonome, copié de l’Occident et travaillant en dollars et en anglais ». Non sans susciter des protestations, Dubaï a également importé des juristes et des magistrats britanniques retraités et spécialisés en thèmes financiers pour gagner la confiance des investisseurs en démontrant qu’elle appliquait les mêmes règles du jeu que Zurich, Londres et New York].
Une sorte d’Eldorado pour riches entreprises et riches particuliers qui ne mérite donc pas que l’on scrute les paiements qu’y font les entreprises et particuliers belges.
Parallèlement, en mai 2002, pour assurer la vente rapide des luxueuses villas de Palm Jumeirah et des îlots privés de l’Île-Monde, El Maktoum[5] a annoncé une véritable « révolution immobilière » qui permettra aux étrangers d’en devenir les propriétaires définitifs, au lieu de bénéficier d’un simple bail de 99 ans, comme c’est le cas partout ailleurs dans la région ».

Bref, une sorte d’Eldorado pour riches entreprises et riches particuliers qui ne mérite donc pas que l’on scrute les paiements qu’y font les entreprises et particuliers belges, mais qui mérite, en revanche, qu’une convention de prévention de la double imposition soit signée entre les Emirats arabes unis dont fait partie Dubaï et la Belgique !

Christian Savestre

Table des matières

Chapitre I – Après l’avoir abusée, le Ministre des Finances et son Administration fiscale finissent par lâcher – piteusement – la vérité à la Cour des comptes.
Chapitre II – La Cour des comptes avait pourtant interrogé les autorités responsables, mais avait été contrainte de déclarer qu’elle n’avait pas reçu d’explications satisfaisantes.
Chapitre III – Une véritable embrouille d’Etat, au long cours, sur les chiffres
Chapitre IV – Une loi pour faire semblant, appliquée en faisant semblant.
Chapitre V – Depuis 2010, des milliers de milliards de paiements vers des paradis fiscaux qui n’ont pas inquiété grand-monde, jusqu’à ce que la Cour des comptes décide de mener son enquête.
Chapitre VI – Un inexplicable désintérêt des parlementaires
Chapitre VII – Opacité et art de l’esquive comme mode de gouvernance.
Chapitre VIII – Les Emirats Arabes Unis, « Le stade Dubaï du capitalisme »
Chapitre IX – Une future étude scientifique
Chapitre X – Pas de risque de fraude des particuliers effectuant des paiements dans des paradis fiscaux, déclare le Ministre des Finances.
Chapitre XI – Un énorme scandale maintenu sous cloche
Chapitre XII – Trois  auditions, trois occasions de savoir, trois constats d’échec
Chapitre XIII – Les constats d’échec en détails

ANNEXES

Annexe I – Méthodologie
Annexe II – Quelques points de repère chronologiques
Annexe III – Audition des Représentants de l’Inspection Spéciale des Impôts du 26 novembre 2022
Annexe IV – Audition du Ministre des Finances du 09 novembre 2022
Annexe V – Tableau de calcul du passage des chiffres officiels aux chiffres officiels corrigés sur base du cash pooling prétendument inclus dans ces chiffres officiels

[1] Renaud Van Ruymbeke, né le 19 août 1952, est un magistrat français. Juge d’instruction, il a notamment conduit les enquêtes politico-financières dans l’affaire Urba, l’affaire des frégates de Taïwan et l’affaire Clearstream 2.

[2] Gabriel Zucman né le 30 octobre 1986 à Paris, est un économiste français. Ancien enseignant en économie à la London School of Economics, il est professeur associé à l’université de Californie à Berkeley depuis 2019. Il est notamment connu pour ses travaux sur les inégalités sociales et les paradis fiscaux.

[3] « L’immobilier de Dubaï, un havre pour l’argent sale » Le Monde, 4 mai 2022

[4] « Le stade Dubaï du capitalisme ». Ouvrage de Mike Davis, récemment décédé, pointant les rapports de force à l’œuvre derrière le phénomène Dubaï ; elle est complétée par une réflexion de François Cusset sur les défis posés aux ” démocraties ” occidentales par l’insolente réussite de Dubaï, Inc.. François Cusset, né le 9 mars 1969 à Boulogne-Billancourt, est un historien des idées, professeur de civilisation américaine à l’université de Nanterre.

[5] Mohammed ben Rachid Al Maktoum, né le 15 juillet 1949 à Dubaï, est un homme d’État émirien, émir de Dubaï, mais aussi vice-président, Premier ministre et ministre de la Défense des Émirats arabes unis. Issu de la famille Al Maktoum qui règne sur l’émirat depuis le début du xixe siècle, il est le troisième fils de Cheikh Rachid ben Saeed Al Maktoum. En tant qu’émir de Dubaï, il a succédé à son frère Maktoum ben Rachid Al Maktoum le 4 janvier 2006 et, dès lors, il a entrepris d’importantes réformes dans le gouvernement, concernant notamment la stratégie du gouvernement fédéral en avril 2007.