L’absence factuelle de contrôle du système judiciaire, pour cause de conflit d’intérêts, mais pas seulement.

Elites délinquantes et Impuissance d’Etat organisée.
CHAPITRE IV

« A la fin du XXème siècle, la dynamique libérale à l’œuvre dans de nombreux pays est venue renforcer et légitimer cette revendication historique en présentant dans tous les secteurs socio-économiques, la régulation publique comme un mal à combattre et l’autorégulation comme un bien salvateur. Si ce n’est que, comme l’analyse Christian Chavagneux[1], « l’autorégulation ne fonctionne pas car ceux qui voient se taisent …la finance de marché tolère un certain niveau de malhonnêteté qui conduit ses acteurs à ne dénoncer personne, tout le monde peut craindre un retour de bâton ».

Pierre Lascoumes[2]

 Avertissement.
1- Le pouvoir du juge est le plus redoutable qui soit pour le citoyen : une décision et même une absence de décision peuvent faire basculer une vie.
2- Des chefs de corps, juges et partie.
3- Le Ministère public veille à la régularité du service des Cours et Tribunaux, en principe !
4- A côté de la responsabilité personnelle des magistrats, la responsabilité civile de l’Etat du fait des actes professionnels des magistrats.
5-Toutes les possibilités de contrôle interne du système judiciaire ont été ignorées dans l’affaire Verbruggen.
6- Les possibilités d’un contrôle externe ont été également ignorées.
7- La récusation ou le dessaisissement pour faire respecter ses droits.
8- En forme de conclusion : ce n’était pas à la Cour d’appel de Bruxelles de connaître de l’Expertise judiciaire.

 

Avertissement.

Nous nous en tiendrons là à la procédure d’expertise judiciaire contrôlée par la 43ème Chambre (civile) de la Cour d’appel de Bruxelles, initiée le 29 janvier 2015. Et n’aborderons donc pas ce qui s’est passé avant, dans le cadre de la procédure pénale ayant opposé les héritiers Verbruggen et s’étant conclu en première instance par une condamnation à de la prison avec sursis le 27 janvier 2011 et en appel par une relaxe au bénéfice du doute le 18 septembre 2012 en faisant fin des présomptions légales civiles et fiscales, confirmée par la Cour de cassation le 06 mars 2013, cet aspect- là des choses nécessitant de reprendre un certain de nombre de points déjà couverts dans nos articles précédents.

 

1- Le pouvoir du juge est le plus redoutable qui soit pour le citoyen : une décision et même une absence de décision peuvent faire basculer une vie.

Le pouvoir du juge est le plus redoutable qui soit pour le citoyen
Dans un article fort intéressant publié le 01 septembre 2009, le Professeur de droit Georges de Leval [3] expose en détails[4] ce qu’il appelle le « contrôle technique » du système judiciaire dont il explique ainsi la nécessité :

« Le pouvoir du juge est le plus redoutable qui soit pour le citoyen : une décision et même une absence de décision peuvent faire basculer une vie. Il est donc fondamental que nous soyons nous-mêmes protégés contre nos gardiens, selon le mot de Juvénal[5], et que le service public sache qu’il se grandit en reconnaissant ses erreurs ». C’est l’occasion pour lui d’expliquer que l’éventail indispensable des moyens de contrôle du fonctionnement de la justice  est impressionnant.

 

2- Des chefs de corps, juges et partie

L’on apprend ainsi que le chef de corps (c’est-à-dire le Président de la juridiction, appelé « Premier Président » lorsqu’il s’agit de la Cour d’appel, de la Cour du travail ou de la Cour de Cassation ) exerce d’importantes fonctions à caractère administratif et disciplinaire et surveille le bon fonctionnement tant collectif qu’individuel de sa juridiction, le chef de corps étant lui-même contrôlable par le chef de corps de la juridiction supérieure.

La Cheffe de corps de la Cour d’appel de Bruxelles s’appelle Laurence Massart[6]. Elle exerce cette fonction depuis décembre 2018 et son mandat de 5 ans expire donc en novembre 2023[7]. Elle est candidate à un nouveau mandat et dans ce cadre a été en conflit avec l’Etat belge qui s’oppose à cet éventuel renouvellement au nom de l’alternance linguistique (conflit en cours de traitement par le Conseil d’Etat et semble-t-il résolu).

Qu’a fait Madame Laurence Massart en tant que Cheffe de corps de ces 3 magistrates auxquelles il faut ajouter Isabelle De Ruydts[8] partie opportunément à  la retraite, à sa demande. Entrée en fonction début 2019,[9] elle succédait à Luc Maes  qui a donc exercé ce rôle sur la période 2014 à 2018. La procédure d’expertise judiciaire initiée en janvier 2015 a donc été couverte jusqu’à présent dans son entièreté par ces deux hauts magistrats. Et elle continuera à l’être par Madame Laurence Massart qui vient d’être renouvelée pour 5 ans après avoir eu succès contre le Ministre de la Justice.

Va-t-elle continuer à maintenir la chape de plomb imposée par son prédécesseur ?
Va-t-elle continuer à maintenir la chape de plomb imposée par son prédécesseur Luc Maes qui a joué un rôle déterminant dans l’affaire Verbruggen !  Nos lecteurs s’en souviendront[10] , Luc Maes présidait la 11ème Chambre de la Cour d’appel (cette fameuse 11ème Chambre sur laquelle nous reviendrons dans de prochains articles ) qui a innocenté au bénéfice du doute, et en balayant d’un revers de main les présomptions légales civiles et fiscales, les héritiers fraudeurs par sa décision du 18 septembre 2012. Il avait pour l’occasion constitué un invraisemblable duo avec son compère Jean-François Godbille, Avocat général. Nos lecteurs ont pu « savourer »  en lisant nos articles précédents.

Mais alors, puisque Luc Maes et Laurence Massart sont contrôlables par le chef de corps de la juridiction supérieure, quel est le magistrat, la magistrate à même de pouvoir exercer ce contrôle ?

Il n’est pas trop tard, Mesdames, pour rétablir votre réputation en brisant l’omerta à laquelle vous vous soumettez volontairement 
Depuis le 02 avril 2019, il s’agit de Beatrijs Deconinck[11]. Elle avait alors succédé à un certain Jean de Codt, Chevalier, que nos lecteurs connaissent également bien. C’est lui qui  a prononcé en audience publique le 06 mars 2013 l’arrêt de la Cour de Cassation confirmant la décision d’appel ci-avant évoquée. Comme Laurence Massart en tant que cheffe de corps pour les magistrats de la  Cour d’appel, Beatrijs Deconinck, en tant que cheffe de corps des magistrats de la Cour de cassation, s’est bien gardée de rompre le silence de son prédécesseur, le Chevalier Jean de Codt. La lecture des rapports de l’Expert judiciaire constitue, sans doute aucun, une véritable agression pour ces deux hauts magistrats que sont Luc Maes et Jean de Codt et leurs successeures qui leur ont emboîté le pas au nom, vraisemblablement d’une solidarité corporatiste qui dans le cas d’espèce s’apparente à une véritable délinquance d’élite préférant faire perdre 100 millions d’euros de droits de succession à la collectivité plutôt que de toucher à la réputation de l’un de ses membres ou pire encore au nom de la nécessité de couvrir un véritable scandale politique. Il n’est cependant pas trop tard , Mesdames, pour rétablir votre réputation en brisant l’omerta à laquelle vous vous soumettez volontairement jusqu’à présent.

Prenant comme une claque ce que révèlent les différents rapports de l’Expert judiciaire ainsi que ses multiples courriers à la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles, les chefs de corps, qui auraient pu faire que les magistrates de la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles retrouvent le bon chemin, sont pris en flagrant délit de non-exercice de leur pouvoir disciplinaire, à moins qu’ils aient décidé d’obéir à leurs chefs sans même que ces derniers aient à leur donner des ordres, dans la mesure où ceux-ci ne seront pas pour rien dans l’évolution de leurs carrières. Nous aurons l’occasion dans un  prochain article de traiter de choses scandaleuses qui se déroulent au sein de la 11ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles spécialisée dans les affaires financières et dont nous avons déjà parlé[12], occasion qui nous permettra de mettre en évidence  que les « défaillances volontaires » de ces chefs de corps sont loin de se limiter à l’affaire Verbruggen !

On croit toujours dans ce dossier que le pire a été fait en matière d’atteinte au droit. Eh bien, non.
On croit toujours dans ce dossier que le pire a été fait en matière d’atteinte au droit. Eh bien, non. On en découvre encore ! Ainsi, lors des nombreuses audiences ayant eu lieu préalablement à l’arrêt du 29 janvier 2015 de la 7ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles, il est apparu en octobre 2013 que la juge Isabelle De Ruydts qui y siégeait avait également siégé à  la Chambre des mises en accusation[13] dans le cadre du dossier répressif né de la plainte au pénal  déposée par Luc Verbruggen en décembre 2002 ! On connaît l’issue de la plainte (classement sans suite). Il n’est pas inutile de rappeler à nos lecteurs  que la Chambre des mises en accusation en question avait rejeté la demande réitérée d’actes d’instruction, demandés par Luc Verbruggen, en ces termes :

 … Qu’en se référant expressément aux décisions qu’elle a rendues, notamment le 15 mars 2006 dans le cadre de la présente procédure, la Cour de céans considère que les devoirs demandés au stade actuel de la procédure, ne sont plus utiles pour la manifestation de la vérité, dès lors qu’en dépit des volontés, voire de l’acharnement de la partie requérante et de son frère Jack, l’instruction ne semble pas avoir révélé l’existence d’indices de culpabilité à charge des personnes mises en cause dans la constitution de partie civile du 12 décembre 2002, et par rapport à la saisine du magistrat instructeur; … 

Isabelle De Ruydts est signataire de 11 des 12 arrêts rendus par la 43ème Chambre, dont 10 comme Présidente. Oui, vous avez bien lu !

 

3- Le Ministère public veille à la régularité du service des Cours et Tribunaux, en principe !

Existe-t-il un autre moyen permettant de débusquer les abus pratiqués par les magistrates de la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles ? Oui.
Malgré ces « défaillances volontaires », existe-t-il un autre moyen permettant de débusquer les abus pratiqués par les magistrates de la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles ?

Oui, nous apprend encore Monsieur Georges de Leval. En effet, l’article 140 du Code judicaire prévoit que « le Ministère public veille à la régularité du service des cours et tribunaux ». Le professeur en conclut que le Ministère public a donc une mission générale de surveillance du système et exerce, par voie de conséquence, des prérogatives en matière disciplinaire, pouvant ainsi saisir toute autorité disciplinaire d’une procédure disciplinaire et disposant d’un droit d’appel à l’encontre de toute sanction disciplinaire. Rappelons pour nos lecteurs que ce sont les « magistrats du parquet » qui constituent le Ministère public et qu’ils  agissent au nom de l’État et défendent ainsi les intérêts de la société.

Qu’a fait le Ministère public dans l’affaire Verbruggen pour veiller à « la régularité du service des Cours et tribunaux » ? Rien, visiblement.

Mais de qui dépend hiérarchiquement le Ministère public ? Du Ministre de la Justice lui-même qui dans le contexte que nous évoquons dispose d’un droit d’injonction positive par lequel il peut ordonner au Parquet- mais jamais au juge- que des poursuites soient exercées dans un cas particulier, mais, n’ayant pas la qualité de magistrat, sans pouvoir se substituer au Ministère public[14].

Mais qu’ont donc fait le Ministère public et le Ministre de la Justice dans l’affaire Verbruggen, tant durant toutes les procédures ayant conduit à la décision de la Cour de cassation du 06 mars 2013 que durant la procédure judiciaire de liquidation-partage initiée depuis le 29 janvier 2015 ?

Il convient de rappeler à ces magistrats qu’ils ne bénéficient pas d’un statut d’immunité et qu’ils engagent leur responsabilité
Il convient  donc de rappeler à ces magistrats, ayant les comportements que nous dénonçons  régulièrement dans cette affaire Verbruggen, qu’ils ne bénéficient pas d’un statut d’immunité et qu’ils engagent leur responsabilité tant disciplinaire (sanction d’un comportement portant atteinte à l’institution en compromettant la confiance dans celle-ci), que pénale (répression des infractions, le principe étant qu’un magistrat est directement jugé pour les crimes et délits qui lui sont reprochés par la Cour d’Appel) et civile (réparation du dommage causé à une partie ; lorsqu’il s’agit d’un magistrat qui doit pouvoir statuer en toute sérénité, sans redouter la pression d’un justiciable excessivement querelleur, des règles spéciales sont prévues : il s’agit de la prise à partie admissible notamment lorsque le juge s’est rendu coupable de dol ou de fraude, soit dans le cours de l’instruction, soit dans des jugements ; en d’autres termes cette règle vise le magistrat qui s’est rendu coupable de manœuvres ou d’artifices soit pour tromper la justice, soit pour favoriser une partie ou lui nuire, soit pour servir un intérêt personnel ; telle est la jurisprudence de la Cour de cassation, seule compétente pour connaître ce type de recours).

 

4- A côté de la responsabilité personnelle des magistrats, la responsabilité civile de l’Etat du fait des actes professionnels des magistrats.

Il importe d’insister sur la responsabilité civile de l’Etat du fait des actes professionnels des magistrats
Notre professeur ajoute un élément fort important. Il souligne en effet qu’à côté de la responsabilité personnelle des magistrats, il importe d’insister sur la responsabilité civile de l’Etat du fait des actes professionnels des magistrats . Il précise que la Cour de cassation française décide que constitue une faute lourde « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la mission dont il est investi ».

Et pour couronner le tout, le Professeur indique, sans prétendre à l’exhaustivité nous dit-il, que l’article 1088[15] du Code judiciaire prévoit notamment que les actes par lesquels les juges et les officiers du Ministère public ainsi que les autorités disciplinaires des Officiers publics et Ministériels et du Barreau auraient excédé leurs pouvoirs peuvent être dénoncés à la Cour de cassation par son Procureur général sur les instructions du Ministre de la Justice.

 

5-Toutes les possibilités de contrôle interne du système judiciaire ont été ignorées dans l’affaire Verbruggen.

On peut donc conclure qu’aucune des possibilités de contrôle interne de la justice n’a été utilisée malgré les énormes enjeux
On peut donc conclure qu’aucune des possibilités  de contrôle interne de la justice n’a été utilisée malgré les énormes enjeux : une vie brisée pour un héritier auquel le droit d’hériter est dénié et 100 millions de droits de succession, dont pas un seul centime n’a été encaissé et sur lesquels un trait est jusqu’à présent tiré. Ce sont tous les échelons hiérarchiques qui sont complices de fait de cette impotence volontaire, jusqu’à l’échelon le plus haut, celui du Ministre de la Justice ou plutôt des Ministres de la Justice  puisqu’il sont 8 à avoir jusqu’à présent connu de l’Affaire Verbruggen. On rappellera que le Ministre de la Justice et ses collègues du Gouvernement fédéral ont pourtant été saisis du scandale de l’Affaire Verbruggen à de très nombreuses reprises par l’héritier rebelle et à 8 reprises dans le cadre de notre enquête sur l’évasion fiscale aux droits de succession pour l’instant circonscrite à l’affaire Verbruggen.

Voilà donc pour ce que le Professeur appelle le contrôle interne du système judiciaire.

 

6- Les possibilités d’un contrôle externe ont été également ignorées.

Mais il existe aussi, en principe, un contrôle externe, celui du Conseil Supérieur de la Justice (CSJ) qui réunit des représentants élus des magistrats et des citoyens désignés par le Sénat.

La loi prévoit en effet les contrôles suivants :

« La commission d’avis et d’enquête réunie est chargée de surveiller de manière générale et de promouvoir l’utilisation des mécanismes de contrôle interne au sein de l’ordre judiciaire visés aux articles :

– 140 (rôle du ministère public),
– 340 (contrôle du fonctionnement des assemblées générales dont les attributions sont très nombreuses concernant le bon fonctionnement de la juridiction)
– 398 à 400 in fine,
– 401 à 414 (droit disciplinaire d’une complexité déconcertante),
– 651, 652 (dessaisissement),
– 838 (récusation)
et 1088 du Code judiciaire.
– ainsi qu’aux articles 441 et 442 du Code d’instruction criminelle (dénonciation pour excès de pouvoir) ».

Le paragraphe 2 de ce texte de loi stipule que « les autorités compétentes pour l’application des dispositions de lois visées au paragraphe 1er, sont tenues d’établir un rapport annuel en la matière à l’attention de la commission d’avis et d’enquête réunie (du Conseil supérieur de la Justice) ainsi qu’au Ministre de la Justice. La commission d’avis et d’enquête réunie peut en outre demander à ces autorités toute information utile. Le ministre de la Justice en est avisé simultanément ». Enfin aux termes du paragraphe 3, « La commission d’avis et d’enquête réunie établit un rapport annuel sur la façon dont les moyens de contrôle internes sont employés et leur fonctionnement peut être amélioré ».

On mentionnera encore d’autres attributions essentielles du Conseil supérieur de la Justice : la nomination et la désignation des magistrats ; l’établissement de profils généraux pour les désignations à la fonction de chef de corps ; la formalisation pour les autorités gouvernementales et législatives des avis et des propositions concernant le fonctionnement général et l’organisation de l’ordre judiciaire (dans ce but, il peut visiter les juridictions et demander des renseignements aux membres de celles-ci) ; la réception et le suivi de plaintes (émanant pour l’essentiel des citoyens) relatives au fonctionnement de l’ordre judiciaire (par exemple le retard dans les expertises) mais à l’exclusion de toutes les compétences disciplinaires et pénales et sans que la plainte ne puisse porter sur le contenu d’une décision judiciaire (on a vu en effet plus haut que ces procédures pénales et disciplinaires restent des prérogatives exercées au sein des juridictions ou, s’agissant de la discipline des membres du Ministère public, devant le Ministre de la Justice s’il y a lieu). Toutefois, tant le Conseil Supérieur de la Justice que les évaluateurs des magistrats (car en effet les magistrats font l’objet d’une évaluation régulière sur la qualité de leur travail, sous tous ses aspects) peuvent porter à la connaissance du chef de corps l’existence de manquements susceptibles d’engager la responsabilité disciplinaire d’un magistrat.

Le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ) a été saisi à de nombreuses reprises par l’héritier rebelle Luc Verbruggen, sans effet aucun
Le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ)  a été saisi à de nombreuses reprises par l’héritier rebelle Luc Verbruggen, sans effet aucun. Pour mémoire, la dernière plainte introduite par Luc Verbruggen auprès du CSJ l’a été en date du 23 décembre 2021 et a donné lieu à une réponse datée du 15 décembre 2022 de la part de Madame Valérie Delfosse, Présidente de la Commission d’avis et d’enquête francophone. Madame Delfosse écrit : « La Commission d’avis et d’enquête a examiné votre plainte. N’ayant identifié aucun nouvel élément lui apparaissant constitutif d’un dysfonctionnement de l’ordre judiciaire par rapport à vos plaintes précédentes (NdlR : elle en cite deux), la Commission d’avis et d’enquête s’est déclarée incompétente pour traiter votre plainte (Code judiciaire, art. 259bis-15, §3, alinéa 1er, 4°). Elle vous renvoie aux courriers qui vous ont été adressés dans le cadre de vos plaintes antérieures. »

Doit-on conclure que le dysfonctionnement ayant été constant depuis que la 43ème Chambre de la Cour d’appel de Bruxelles concernant les arrêts rendus (12 au total) dans cette affaire (le premier a été rendu le 29 septembre 2016 et le dernier le 29 juin 2023) , le CSJ n’a donc pu discerner d’élément nouveau ?  A noter que Madame Delfosse précise dans sa réponse que le CSJ n’est pas un ordre professionnel, ni n’est responsable du contenu des décisions judiciaires. ; mais elle ne dit pas un mot sur les missions qui lui échoient, décrites ci-avant et qui auraient dû la conduire à prendre des actions.

On notera que Madame Magali Clavie écrivait[16] le 10 avril 2017 alors qu’elle était Présidente du CSJ :

« La Commission déclarera la plainte fondée si elle considère qu’il y a eu un « dysfonctionnement », c’est-à-dire une situation où le service offert au justiciable n’est pas conforme à ce que l’on peut légitimement attendre du service public offert par l’ordre judiciaire. Le « dysfonctionnement » ne se limite pas aux situations de faute. Il peut aussi exister en cas de difficultés dans le fonctionnement du service (par exemple l’absence de réponse réservée aux courriers adressés par un justiciable à un parquet ou à une juridiction), dispositions légales peu claires ou peu efficaces, délais de traitement anormalement longs, etc. ». « Lorsque la plainte est déclarée fondée, la Commission en informe le plaignant et l’instance concernée. Elle peut aussi adresser des recommandations aux juridictions ou au Ministre de la Justice en vue de résoudre le problème ou d’améliorer à l’avenir le fonctionnement général de l’ordre judiciaire ».

Le déroulement de l’Expertise judiciaire dans le cadre de la liquidation-partage de la succession Verbruggen fait pourtant l’objet de nombreux dysfonctionnements de la même nature que ceux évoqués par la Présidente du CSI le 10 avril 2017 , mais sa consœur actuelle ne partage visiblement pas son point de vue.

 

7- La récusation ou le dessaisissement pour faire respecter ses droits.

Lorsqu’il s’agit non plus seulement de contester un magistrat mais l’ensemble de la juridiction, il existe une procédure de dessaisissement de la juridiction dans son entier
Les différents organes de contrôle dont le législateur a doté la magistrature s’étant révélés « inopérants » dans cette affaire, il ne resterait donc plus qu’au justiciable de tenter de faire respecter ses droits.

Ainsi, lorsqu’un magistrat n’est pas suffisamment indépendant ou impartial et qu’il ne se déporte pas, le justiciable, a la faculté d’introduire une procédure en récusation, laquelle se définit comme étant l’acte par lequel un justiciable refuse d’être jugé par ou en présence d’un magistrat dont il conteste l’indépendance ou l’impartialité. Cette procédure, contradictoire et sans recours, est jugée par le juge supérieur à celui dont on conteste l’impartialité ; avec la problématique vécue et décrite plus avant.

Lorsqu’il s’agit non plus seulement de contester un magistrat mais l’ensemble de la juridiction, il existe une procédure de dessaisissement de la juridiction dans son entier, sur décision de la Cour de cassation. Si une décision est intervenue, en espérant qu’ait été scrupuleusement respecté le délai du délibéré (ce délai est en principe d’un mois et son dépassement fait l’objet d’un contrôle strict), la décision est susceptible de recours (appel, opposition ou pourvoi en cassation principalement).

Des règles techniques organisent le régime de l’exécution provisoire, c’est-à-dire l’effectivité du jugement malgré le recours qui perd ainsi son effet suspensif, mais le mécanisme est lui-même assorti d’un ensemble de règles faisant penser à un mécanisme d’horlogerie bien réglé car il peut y avoir tant d’intérêts contradictoires à prendre en considération simultanément. On ne peut jamais perdre de vue cet aspect du fonctionnement de la justice, qui est à l’image de la complexité des intérêts qui s’opposent, reposant sur des faits dont les parties ont une présentation parfois totalement inconciliable.

 

8- En forme de conclusion : ce n’était pas à la Cour d’appel de Bruxelles de connaître de l’Expertise judiciaire.

D’abord celle du professeur Georges de Leval :

« De manière générale les temps morts injustifiés sont inadmissibles et le formalisme inutile doit être traqué. De « bonnes pratiques » uniformes doivent être privilégiées et l’extrême importance de la mission des chefs de corps doit être soulignée tout en veillant à ce que le magistrat soit réellement affecté à des missions juridictionnelles de temps plein (il serait intéressant de relever dans la magistrature actuelle ce qu’il en est réellement) et que chacun accomplisse sa mission en restant à sa place ».

Et la nôtre :

Ce n’était pas à la Cour d’appel de Bruxelles de connaître de l’Expertise judiciaire.  La 7ème Chambre avait décidé de choisir les notaires judiciaires (et conséquemment l’Expert judiciaire) hors l’arrondissement de Bruxelles. Il aurait fallu étendre cette décision aux magistrats qui allaient assurer le bon déroulement de l’Expertise judiciaire.

 

Christian Savestre

SOMMAIRE

DOSSIER et Préface – Elites délinquantes et Impuissance d’Etat organisée
Chapitre IL’Etat belge, responsable et coupable
Chapitre IILa Cour et ses magistrates devraient mourir de honte.
Chapitre IIITout le monde se défile
Chapitre IV – L’absence factuelle de contrôle du système judiciaire, pour cause de conflit d’intérêts, mais pas seulement.
Chapitre VLa C.T.I.F. (Cellule de Traitement des Informations Financières) saisie ou pas ?
Chapitre VIIl faut empêcher les Notaires judiciaires de conclure
Chapitre VIILa mystérieuse société Gérance de Biens
Chapitre VIIIEt maintenant ?


[1] Les Plus Belles Histoires de l’escroquerie, paru en 2020 aux Editions du Seuil.

[2] « L’Economie morale des Elites dirigeantes » Editions SciencesPo Les Presses

[3] Professeur honoraire à la Faculté de Droit de Liège (né en 1946)

[4] https://www.justice-en-ligne.be/Y-a-t-il-un-controle-du-systeme judicaire

[5] Juvénal est un poète satirique romain de la fin du Iᵉʳ siècle et du début du IIᵉ siècle. Il est l’auteur de seize œuvres poétiques rassemblées dans un livre unique et composées entre 90 et 127, les Satires.

[6] https://bx1.be/categories/news/la-presidente-de-la-cour-dappel-de-bruxelles-laurence-massart-en-justice-contre-letat-belge/

[7] https://www.rtbf.be/article/cour-dappel-de-bruxelles-laurence-massart-gagne-en-refere-face-a-letat-belge-11262969

[8] Son départ à la retraite est effectif au 31 décembre 2022

[9] https://bx1.be/categories/news/laurence-massart-la-nouvelle-presidente-de-la-cour-dappel-de-bruxelles-entre-en-fonction/

[10] https://pour.press/la-bande-organisee-des-batonniers-et-ex-batonniers/

[11] Beatrijs Deconinck, née le 5 juillet 1955 à Ypres (Belgique), est une avocate et juge belge, première présidente de la Cour de cassation depuis le 2 avril 2019.

[12] Voir les différents épisodes de l’Affaire Verbruggen

[13] Suite à une infraction pénale, le juge d’instruction a mené l’enquête puis transmis le dossier à la chambre du conseil. Celle-ci doit décider si oui ou non l’inculpé sera jugé devant le tribunal correctionnel ou la cour d’assises, voire devant le tribunal de police. En cas de désaccord avec la décision de la chambre du conseil, l’inculpé peut interjeter appel devant la chambre des mises en accusation, où il est donc présent en principe avec son avocat. Il s’agit donc une chambre de la cour d’appel.
Ces appels concernent aussi les décisions de la chambre du conseil qui confirment une détention préventive.
Mais la chambre des mises en accusation a également un autre rôle. À la fin d’une instruction pénale concernant une infraction grave, appelée « crime », comme un meurtre, la chambre du conseil peut envoyer l’affaire à la chambre des mises en accusation. Celle-ci peut décider de renvoyer l’affaire en cour d’assises.

[14] En aucun cas, le Ministre ne pourrait interdire ou ordonner l’arrêt de poursuites ; il s’agirait alors de l’injonction négative rejetée par le système judiciaire

[15] Art. 1088. Sans préjudice des dispositions de l’article 502, les actes par lesquels les juges et les officiers du ministère public, ainsi que les autorités disciplinaires des officiers publics et ministériels et du barreau, auraient excédé leurs pouvoirs sont dénoncés à la Cour de cassation par son procureur général, sur les instructions du ministre de la Justice, même si le délai légal de pourvoi en cassation est écoulé et alors qu’aucune partie ne s’est pourvue. <L 1999-05-04/03, art. 45, 046; En vigueur : 01-11-1999>.  La cour annule les actes s’il y a lieu.

[16] https://www.justice-en-ligne.be/Les-plaintes-en-cas-de