CHAPITRE V
« Les lois sont comme les toiles d’araignée qui prennent les moucherons mais laissent passer les guêpes et les frelons. »
Jonathan Swift[1]
1- Embouteillage ou calme plat au guichet des signalements ? 2- L’omnipotence de Bâtonniers du Barreau de Bruxelles. 3- La Cour n’estime pas « devoir dénoncer la situation » à la CTIF. 4- Les professions impliquées dans l’Affaire Verbruggen pèsent pour rien dans les signalements à la CTIF. ANNEXE I – Le Rôle de la CTIF (Source : site CTIF) |
1-Embouteillage ou calme plat au guichet des signalements ?
Depuis 2002, l’Affaire Verbruggen a connu de nombreuses phases au cours de laquelle des magistrats de renom se sont illustrés dans la phase correctionnelle en adoptant des positions invraisemblables, jamais motivées . On pense notamment à l’Avocat général Jean-François Godbille[4] qui n’a pas hésité dans son réquisitoire à stigmatiser une prétendue voracité du fisc, considérant ainsi que les héritiers fraudeurs n’avaient fait que se défendre , et à considérer qu’une fausse déclaration de succession n’était pas un faux en écritures. On pense aussi évidemment au Président de la Cour d’appel qui a innocenté les fraudeurs, Luc Maes, devenu ensuite Premier Président de la Cour d’appel de Bruxelles et chef de corps pendant plusieurs années de ces 3 magistrates rendant des arrêts dignes d’Ubu roi. On a bien compris que la bande organisée des Bâtonniers et ex-Bâtonniers[5] était parvenu à faire en sorte que les pièces à conviction saisies soient retirées du dossier répressif, mais pour autant, en quoi l’interdiction de les produire qu’ils ont opposé à leurs membres avec violence empêchait-elle ces magistrats d’intervenir auprès de la CTIF, et parmi tous ceux-ci la juge d’instruction elle-même Silviana Verstreken ainsi que ses enquêteurs judiciaires ! Et puis tous les autres magistrats ayant connu de cette Affaire.
On rajoutera aussi, sans être en mesure de garantir une quelconque exhaustivité, les personnes qui ont eu à connaître des données intimes de cette affaire, nous pensons notamment aux fonctionnaires des services administratifs de l’Etat.
L’on n’inclut pas dans cette longue liste l’Expert judiciaire lui-même qui, s’il le faisait, devrait vraisemblablement se déporter du dossier ce qui, en l’état actuel de l’Expertise, serait une véritable catastrophe. S’il devait, pour une raison ou une autre, disparaitre de l’Expertise en cours, il aurait évidemment faculté à saisir la CTIF.
La C.T.I.F. ayant été créée début 1993, on ne comprendrait pas qu’elle ait été laissée ignorante de faits particulièrement graves découverts par les enquêteurs de la police judiciaire avant qu’ils ne soient stoppés en 2004 par la juge d’instruction Silviana Verstreken[6] à deux reprises :
-le 05 mars 2004 : Silviana Verstreken refuse de mettre en place les mesures coercitives que ses enquêteurs demandent
-le 26 juin 2004, elle ordonne de retirer du dossier d’instruction les pièces à conviction qui avaient été saisies par ses enquêteurs
La loi du 18 septembre 2017, article 79§2 spécifie en effet que “les fonctionnaires des services administratifs de l’Etat, les curateurs de faillite et les administrateurs provisoires visés par la loi du 8 août 1997 sur les faillites, lorsqu’ils constatent, dans l’exercice de leur mission ou de leur profession, des fonds, des opérations ou des faits qu’ils savent, soupçonnent ou ont des motifs raisonnables de soupçonner d’être liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme” sont habilités à procéder à signalement auprès de la CTIF.
Les fonctionnaires qui ont procédé aux saisies conservatoires de 25 millions d’euros le 08 août 2012 et de 6,6 millions d’euros le 24 janvier 2014 et constamment renouvelées depuis tous les 3 ans, ne pourront eux invoquer le fait que le champ des personnes habilitées à saisir la C.T.I.F. n’ait été étendu qu’en 1997.
Alors Messieurs les Ministres, avez-vous informé la C.T.I.F. au cas où vos subordonnés ne l’auraient pas fait ? Et puis, si la CTIF a été saisie par l’un ou l’autre des maillons de la chaîne hiérarchique au nom de quelle curieuse logique, l’Etat belge prend-il le risque de mettre un terme à l’Expertise judiciaire en cours en ne réglant pas les honoraires d’expertise de 105.000 euros ?
Alors, embouteillage ou calme plat au guichet des signalements ?
La situation de l’affaire Verbruggen à ce jour ne peut conduire qu’à 2 hypothèses :
• La CTIF n’a fait l’objet d’aucun signalement
• La CTIF a fait l’objet de signalements, mais ne les a pas traités
On exclut l’hypothèse selon laquelle la CTIF aurait décidé de ne pas donner suite aux signalements dont elle aurait fait l’objet, sauf à considérer que la CTIF est dans la situation des magistrats officiant u Palais de Justice de Bruxelles où le manque de moyens conduit à de graves dysfonctionnements.
Mais l’on remarque que la CTIF, présentée comme une autorité administrative indépendante, est placée sous le contrôle des Ministres de la Justice et des Finances[7] et l’on rappellera à nouveau qu’ils sont 6 Ministres des Finances et 8 Ministres de la Justice à avoir contrôlé la CTIF depuis le début de l’Affaire Verbruggen, tous parfaitement au courant de ses tenants et aboutissants !
2-L’omnipotence de Bâtonniers du Barreau de Bruxelles
3- La Cour n’estime pas « devoir dénoncer la situation » à la CTIF
Au regard des informations produites par l’Expert judiciaire à travers ses deux rapports et ses multiples courriers à la Cour et aux parties, une telle réponse non motivée est non seulement une véritable insulte à celui qui en fait la demande mais aussi aux citoyens soucieux de la cause publique. Et puis, la réponse de la Cour laisse totalement abasourdi tous ceux qui, faisant confiance à la justice, pouvaient évidemment penser que la C.T.I.F. avait été saisie par la Cour depuis bien longtemps !
La seule explication à ce refus de signalement à la CTIF (rappelons qu’il s’agit seulement d’un signalement et non d’une plainte qui expliciterait ce que la CTIF saisie cherchera à élucider) réside en fait dans la volonté constante des magistrats, depuis le début de l’Expertise judiciaire, de ne surtout pas faire émerger la vérité. Procéder à une dénonciation à la CTIF pour la Cour et ses 3 magistrates, c’est en fait se dénoncer elles-mêmes puisque, immanquablement, se posera la question, pour la CTIF qui instruira la dénonciation reçue, des pièces que les juges se refusent à obtenir par voie de contrainte avec astreintes suffisamment dissuasives. A noter que si les 3 magistrates ne dénoncent pas à la CTIF pour ne pas se dénoncer, il en est de même de tous ceux qui auraient dû signaler à la CTIF et il y a pléthore !
L’Expert judiciaire, qui doit valoriser les actions de 3 sociétés de famille, a produit deux rapports majeurs : l’un le 02 mars 2021, l’autre le 23 août 2021.
Nous en reproduisons ici deux courts extraits dans le but de montrer à quel point la décision de la Cour de ne pas signaler à la CTIF les éléments découverts par l’Expert judiciaire est sidérante. Que faut-il donc pour qu’une telle Cour se décide à procéder à signalement à la CTIF ? Le seule lecture de ces deux courts extraits rend encore plus inacceptable que les magistrates ne motivent pas leur décision. L’absence de plumitifs d’audience ne permet même pas de savoir si elles se sont attachées à comprendre le mécanisme de financement complexe « démonté » par l’Expert judiciaire. Sur ce qui nous est rapporté, la Cour ne s’est pas préoccupée en audience d’approfondir les mécanismes financiers complexes mis en œuvre.
Au travers d’interminables manœuvres dilatoires destinées à empêcher l’Expertise d’aboutir, les avocats chasseurs de primes cherchent à faire oublier quelques éléments fondamentaux démontrés par l’Expertise :
– la société Fidelec de droit liechtensteinien dont avocats et notaires ont écrit qu’elle n’existait pas est un centre névralgique majeur du système d’évasion fiscale orchestrée
– des flux financiers très importants existent entre les 3 sociétés de droit belge et cette société Fidelec qui, prétendument, n’existait pas !
-des millions d’euros qui venant du Luxembourg arrivent sur le compte d’un avocat bruxellois
-des comptes faux qui contreviennent aux règles les plus élémentaires du droit comptable
-de constantes atteintes au droit des sociétés
-une énorme transaction qui est bien plus qu’une vente d’immeuble et qui s’accompagne d’un contrat occulte
-cinq héritiers et leurs conseils chasseurs de primes qui violent en permanence le code judiciaire en ce que les parties ont l’obligation de collaborer activement à l’Expertise
-un décompte de la société Fidelec purement et simplement caviardé
-une comptabilité tenue au crayon pour la plus mystérieuse des sociétés (Gérance de Biens)….. après que Fidelec ait vu son existence prouvée malgré la malhonnêteté d’un notaire éminent (Deschamps) et d’un avocat/professeur d’université ayant pignon sur rue (Emmanuel de Wilde d’Estmael), liste non exhaustive
Le tout organisé par 3 héritiers professionnels du droit, du chiffre et des affaires. Qui dit mieux ?
Et c’est loin d’être exhaustif !
L’Expert écrivait notamment dans son rapport du 02 mars 2021 :
« Mais le bien vendu[9] (et c’est pour cela que la vente n’est pas seulement une vente classique de bien immobilier, mais aussi une opération financière) fait l’objet d’un contrat d’emphytéose entre Saprotel et Jolly Hotel donnant lieu à une redevance annuelle payée au propriétaire (Saprotel) par ce que l’on appelle l’emphytéote, Jolly Hotel en l’occurrence. Le contrat d’emphytéose court jusqu’au 27 janvier 2025.
L’expert expose qu’en vendant le Jolly Hôtel, Saprotel « s‘est privée d’une somme totale de redevances égale à 34,8 millions d’euros » (valeur actualisée), montant supérieur à la vente effectuée pour 31,7 millions d’euros et « s’est surtout privée de toute plus-value immobilière à terme compte-tenu de la construction juridique du droit d’emphytéose et l’absence d’indemnisation au terme du contrat signé le 27 janvier 1989 ».
A contrario, l’acheteur, la société WestInvest, « ayant acquis le bien pour 31,7 millions d’euros a en même temps acquis une capacité à encaisser 34,8 millions de redevances (valeur actualisée) et a capté la formidable plus-value immobilière future ».
En l’expert conclut ainsi : « ce déséquilibre entre acheteurs et vendeurs, ce non-sens économique, me laisse perplexe quant à la complétude de la transaction financière intervenue via Saprotel et me laisse supposer-je n’affirme rien- qu’il existe peut-être un second contrat, qui ne transite pas par Saprotel et qui vise la réelle négociation sur la cession des créances emphytéotiques et la plus-value à terme ».
Il met aussi en évidence que la société de droit liechtensteinois Fidelec, dont l’existence a été niée jusqu’à un passé récent, a des liens très importants avec les sociétés de droit belge qu’il a en charge d’expertiser, liens qui ont un impact significatif sur leurs comptes.
L’Expert indique aussi que les flux financiers avec la société de droit liechtensteinois sont nombreux et note que certains flux financiers partant de Fidelec vers deux des sociétés de droit belge transitent par les comptes d’un cabinet d’avocats bruxellois, Dupont-De Caluwe.
L’Expert judiciaire écrit notamment à propos du financement du JOLLY HOTEL :
« SAPROTEL a fait construire son hôtel de prestige place du Sablon à Bruxelles, le « JOLLY HOTEL » sur un terrain acquis en 1982.
Pour financer cette construction importante, la société est actrice d’un mécanisme de financement complexe qui fait intervenir une banque luxembourgeoise, une banque italienne ainsi que l’Anstalt FIDELEC qui est une construction juridique créée dans les années 78.
D’après les informations communiquées, FIDELEC a emprunté à une banque italienne une somme de 825.000.000 BEF (20.451.215,79 EUR). FIDELEC a acheté pour 235.000.000 BEF (5.825.497,83 EUR) un produit financier basé sur des obligations à zéro coupon[10]. La durée de l’obligation souscrite par FIDELEC, élément essentiel, n’est cependant pas connue. Le solde de 590.000.000 BEF (14.625.717,96 EUR) est mis en dépôt auprès d’une banque située au Luxembourg, la SANPAOLO-LARIANO BANK, laquelle prête cette somme à SAPROTEL.
L’objectif de FIDELEC en acquérant une obligation à zéro coupon de 235.000.000 BEF (5.825.498 EUR) est de reconstituer à l’échéance l’intégralité de la somme empruntée de 825.000.000 BEF (20.451.170 EUR) et d’enregistrer de la sorte un produit financier de 590.000.000 BEF (14.625.685 EUR). Tandis que SAPROTEL paie les intérêts financiers sur les 590.000.000 BEF.
Cette structuration financière a pour conséquence que la société SAPROTEL a supporté une charge d’intérêts importante depuis 1989 (entre 600.000 EUR et 1.200.000 EUR par an en fonction du taux d’intérêt qui est variable), tandis que l’Anstalt FIDELEC enregistre un produit financier conséquent par la détention du « zéro bonds » qu’elle détient.
La charge d’intérêts supportée par SAPROTEL vient diminuer fortement le résultat de chaque exercice comptable, d’autant plus que le crédit est « bullet », c-à-d. qu’en attendant son remboursement, l’emprunteur paie une charge d’intérêts sur 100% du montant emprunté, contrairement à la charge d’intérêts sur un crédit amortissable qui décroit à la suite de chaque remboursement en capital.
Cette charge importante vient logiquement diminuer les capitaux propres étant donné le transfert du résultat annuel dans ces capitaux propres (résultat annuel amputé par la prise en charge des intérêts financiers).
Le déséquilibre est flagrant : une société paie des intérêts importants, tandis qu’une structure étrangère engrange un produit financier important. En l’absence de pièces probantes liées à la reconstitution du « zéro bonds » par FIDELEC, il est impossible de connaître l’ampleur du gain financier obtenu par cette structure juridique étrangère, au détriment, indirectement, de SAPROTEL.
La somme empruntée par FIDELEC correspond pratiquement à la somme totale empruntée par SAPROTEL auprès de la SANPAOLO-LARIANO BANK (590.000.000 BEF, soit 14.625.685 EUR), OCCH (70.000.000 BEF, soit 1.735.251 EUR)) et CAISSE PRIVEE (127.000.000 BEF, soit 3.148.240 EUR).
Il ne fait aucun doute que si SAPROTEL avait emprunté cette somme au moyen de crédits amortissables, la charge d’intérêts aurait été considérablement moindre et les capitaux propres considérablement plus élevés ».
L’Expert judiciaire s’attache également à mettre en évidence l’importance des flux financiers partant de FIDELEC (immatriculée au Liechstenstein) et arrivant dans les 3 sociétés de droit belge :
« …. Claire GRAM (NdlR : épouse du Notaire Robert Verbruggen) aurait versé à GESPAFINA une somme de 1.053.547,48 EUR en date du 23 juillet 2003 et à GERANCE DE BIENS une somme de 1.735.254,67 EUR (seul l’extrait reprenant une somme de 1.235.254,67 EUR a été communiquée).
Le conseiller technique (NdlR : des 3 sociétés de droit belge) mentionne dans son courrier du 24 mars 2020 que « avance faite via comptes des avocats en janvier 2002 et versé sur compte GESPAFINA VEREINSBANK en date du 07 février 2003.
A la lumière des explications données par le conseiller technique, il appert que Claire GRAM aurait versé sur le compte de GESPAFINA, la somme de 1.053.547,48 EUR et aurait versé sur le compte de la société GERANCE DE BIENS, la somme de 1.735.254,67 EUR.
L’extrait de compte VEREINSBANK produit chez GESPAFINA (Compte 0484299/001/000/978 – extrait n°21 du 23 juillet 2003) mentionne « Claire GRAM / AUFTRAG 26 février 2003 » pour 1.053.254,67 EUR, tandis que l’extrait de compte VEREINSBANK produit chez GERANCE DE BIENS (Compte 0484271/001/000/978 – extrait n°25 du 23 juillet 2003) reprend « Claire GRAM / AUFTRAG 26 février 2003 » pour 1.235.254,67 EUR.
Cela est conforté par le décompte produit par le directeur de FIDELEC, Philippe STEIGER dont question à la page 24 de l’arrêt du 29 janvier 2015.
Des anomalies inexplicables sont constatées à la lecture des pièces, dont entre autres, le laps de temps anormalement long entre le 31 janvier 2000 (décompte STEIGER – FIDELEC) et le 23 juillet 2003 (extraits bancaires VEREINSBANK) ».
Ne pouvant compter sur aucun professionnel du droit et du chiffre pour un signalement à la C.T.I.F., Luc Verbruggen avait lui-même tenté de procéder à un signalement qui n’avait pas été jugé recevable[11] sans que l’on puisse en comprendre clairement la raison. Il espérait donc que la Cour ait fait ou fasse ce qui lui avait été refusé.
Il faut attirer l’attention de nos lecteurs sur le fait que l’Affaire Verbruggen s’avère être un repoussoir pour les avocats qui semblent effrayés de s’y colleter tant l’ombre tutélaire du (des) Bâtonnier (s) en place semble refroidir toute ardeur.
4- Les professions impliquées dans l’Affaire Verbruggen pèsent pour rien dans les signalements à la CTIF
Ainsi, ces professions-là sont à l’origine du nombre de signalements suivants :
-Notaires : 1.653 soit 0,03% du total pour 327 notaires déclarants
-Experts comptables externes, conseillers fiscaux externes, comptables agréés externes, comptables fiscalistes agréés externes : 319 soit 0,0059% pour 182 déclarants
-Réviseurs d’entreprises : 84 soit 0,00156% du total pour 31 déclarants
-Agents immobiliers : 51 soit 0,00095% pour 17 déclarants
-Avocats : 14 soit 0,00026% du total pour 7 déclarants
-Commerçants en diamants : 3 soit 0,000056% pour 2 déclarants
On notera aussi que l’ITAA (nouvelle dénomination de l’Institut des Experts-comptables), le Parquet fédéral et SPF Finances n’ont pas fait de signalements en 2022, 1 signalement seulement pour le Parquet fédéral en 2021 et 2020 et rien pour les autres.
La centaine de professionnels du droit et du chiffre ayant une connaissance réelle de l’Affaire Verbruggen ne fait donc pas exception à la règle générale !
Les rapports annuels de la CTIF ne donnent les effectifs équivalents temps plein qui y travaillent. L’on sait seulement que l’arrêté royal du 20 mars 2022 édicte que La CTIF est composée de trois membres effectifs au moins et de huit membres effectifs au plus, dont le président, le ou les présidents suppléants et le vice-président. La connaissance de cette donnée est pourtant essentielle pour apprécier l’effectivité de la lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme. Le nombre de signalements en constante augmentation ces dernières années pose la question des moyens.
La Cour des comptes nous avait appris en juin 2022 que la Cellule Paradis Fiscaux, dont on pensait qu’elle était le fer de lance de lance de la lutte contre la fraude fiscale et l’évasion fiscale illégitime, était en fait composée de 4 personnes à temps partiel pour traiter des paiements des entreprises belges, vers une trentaine de paradis fiscaux, qui s’élevaient en 2020 (déclarations faites en 2021) à 383 milliards d’euros, sachant que les entreprises en question doivent déclarer ces paiements règlement par règlement, d’où des dizaines de milliers d’opérations qui devraient être analysées : une gageure évidemment impossible à relever non seulement pour les 4 personnes en question mais aussi pour l’ensemble des collaborateurs de SPF Finances, du bas de l’échelle jusqu’au Ministre des Finances, tout ceci conduisant à un autre scandale d’Etat : personne à ce jour n’est capable d’expliquer ce en quoi consistent ces 383 milliards !
Alors, qu’en est-il exactement des moyens humains et informatiques dont dispose la CTIF pour traiter ces dizaines de milliers de signalements ?
Cette question vaut évidemment pour les entités qui reçoivent des informations émises par la CTIF et l’on pense notamment au nombre de signalements que fait remonter la CTIF au Procureur du Roi ou au Procureur Fédéral :
-en 2020 : 1.228 signalements
-en 2021 : 1.241 signalements
-en 2022 : 1.257 signalements
La lecture des rapports de la CETIF réserve quelques surprises. Ainsi le tableau d’entités assujetties ayant effectué des déclarations couplé avec le tableau des transmissions par type de déclarant ne conduit pas au nombre total de déclarations par entité déclarante. Des erreurs de formules dans les tableurs, vraisemblablement.
De là à nous conduire à émettre l’idée que la Cour des comptes devrait prendre l’initiative d’aller voir un peu ce qui se passe à la CTIF, il n’y a qu’un pas, franchi aisément.
Christian Savestre
SOMMAIRE DOSSIER et Préface – Elites délinquantes et Impuissance d’Etat organisée |
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ANNEXE I Le Rôle de la CTIF
Source : site CTIF
La CTIF est une autorité administrative indépendante, ayant la personnalité juridique, sous le contrôle des Ministres de la Justice et des Finances. Placée sous la direction d’un magistrat, Monsieur Philippe de Koster, elle est composée d’experts financiers et d’un officier supérieur de la Police fédérale (voir rubrique Composition de la CTIF-CFI).
La CTIF est chargée d’analyser les faits et les transactions financières suspectes de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qui lui sont transmis par les institutions et les personnes visées par la loi.
La CTIF est une autorité administrative indépendante, dotée de la personnalité juridique, qui est chargée du traitement et de la transmission d’informations, en vue de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, en ce compris le financement de la prolifération d’activités nucléaires sensibles ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires. Composée d’experts en matière financière et d’un officier supérieur détaché de la police fédérale, elle est placée sous le contrôle des Ministres de la Justice et des Finances et sous la direction d’un magistrat ou de son suppléant détachés du parquet. Le bureau, composé du président et du vice-président, organise les activités de la CTIF.
Centralisation et analyse de l’information
Sans préjudice des compétences des autorités judiciaires, la CTIF est destinée à recevoir et à analyser les informations transmises par :
- les entités assujetties visées par la loi;
- les autorités de contrôle de ces entités;
- les autorités chargées du contrôle des marchés financiers;
- les organismes étrangers remplissant des fonctions similaires aux siennes, dans le cadre d’une collaboration mutuelle;
- les autorités compétentes en matière de réception des déclarations de transport transfrontalier d’argent liquide effectuées en application de l’Arrêté Royal du 26 janvier 2016 portant certaines mesures relatives au contrôle du transport transfrontalier d’argent liquide;
- du Ministère public dans le cadre d’une information ou d’une instruction liée au terrorisme ou au financement du terrorisme;
- de l’Office européen de lutte anti-fraude de la Commission européenne (OLAF) dans le cadre d’une enquête relative à une fraude au préjudice des intérêts financiers de l’Espace économique européen;
- des fonctionnaires des services administratifs de l’Etat, des curateurs de faillite et des administrateurs provisoires qui dans l’exercice de leurs missions ou de leur profession constatent des faits qu’ils savent ou soupçonnent être liés au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
La CTIF peut se faire communiquer, non seulement de la part des organismes et personnes visés par la loi et du bâtonnier mais aussi de la part des services de police, des services administratifs de l’Etat, des curateurs de faillite, des administrateurs provisoires de la faillite et des autorités judiciaires, tous les renseignements complémentaires qu’elle juge utiles à l’accomplissement de sa mission, dans le délai qu’elle détermine. Quant au juge d’instruction, il ne transmettra les renseignements qu’avec l’autorisation expresse du procureur général ou du procureur fédéral. Les autorités judiciaires, les services de police, les services administratifs de l’Etat, les curateurs de faillite et les administrateurs provisoires peuvent communiquer d’initiative à la CTIF toute information qu’ils jugent utiles à l’exercice de sa mission. La CTIF a en outre accès aux données du Registre national des personnes physiques.
En outre, elle peut prendre connaissance sur place des documents utiles à l’accomplissement de sa mission légale, qui appartiennent aux organismes ou aux personnes visés par la loi ou qui sont en possession de ceux-ci.
La CTIF peut habiliter un ou plusieurs de ses membres ou un ou plusieurs membres de son personnel, aux fins de demander des renseignements aux organismes et personnes ou de prendre connaissance sur place des documents.
Le ministère public communique à la CTIF toutes les décisions judiciaires définitives prononcées dans les dossiers ayant fait l’objet d’une transmission d’information par la CTIF au parquet.
Opposition à l’exécution d’une opération et transmission de l’information au parquet
Si, en raison de la gravité ou de l’urgence de l’affaire, la CTIF l’estime nécessaire, elle peut faire opposition à l’exécution de toute opération afférente à cette affaire. LaCTIF détermine les opérations ainsi que les comptes bancaires concernés par l’opposition.
Cette opposition s’applique pendant une durée maximale de cinq jours ouvrables à compter de la notification.
Si la CTIF estime que cette mesure doit être prolongée, elle en réfère sans délai au procureur du Roi compétent ou au procureur fédéral, qui prend les décisions nécessaires.
Dès que l’examen des informations qui lui sont transmises fait apparaître un indice sérieux de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme, en ce compris le financement de la prolifération d’activités nucléaires sensibles ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, ces informations sont transmises par la CTIF au procureur du Roi compétent ou au procureur fédéral. Lorsque ces informations sont transmises au procureur du Roi, une copie de celles-ci est également transmise par la CTIF au procureur fédéral.
En cas d’opposition à une opération envisagée et lorsque dans le délai de cette opposition la CTIF transmet les informations au procureur du Roi compétent ou au procureur fédéral, la CTIF informe également sans délai l’Organe central pour la saisie et la confiscation. Cette information sera également faite lorsque la CTIF informe le procureur du Roi compétent ou le procureur fédéral lorsque des avoirs d’une valeur significative, de quelque nature qu’ils soient, sont disponibles en vue d’une saisie judiciaire éventuelle.
Secret professionnel de la CTIF
Les membres de la CTIF, les membres de son personnel, les membres des services de police et les autres fonctionnaires détachés auprès de la CTIF ainsi que les experts externes auxquels elle a recours sont soumis à un secret professionnel très strict. Ils ne peuvent divulguer, même dans le cas visé par l’article 29 du Code d’instruction criminelle, et hors le cas où ils sont appelés à rendre témoignage en justice, les informations recueillies dans l’exercice de leurs fonctions, à l’exception de la transmission d’informations, dans les conditions prévues par la loi :
- au procureur du Roi compétent ou au procureur fédéral;
- aux autorités de contrôle des entités assujetties;
- aux organismes étrangers remplissant des fonctions similaires;
- à l’Office européen de lutte antifraude;
- au Ministre des Finances;
- à la Sûreté de l’Etat ou au Service général du renseignement et de la sécurité des Forces armées;
- à l’OCAM;
- à l’auditeur du travail;
- au Service d’Information et de Recherche Social (SIRS);
- à l’EPI (Direction générale des Etablissements pénitentiaires du SPF Justice).
[1] Jonathan Swift, né le 30 novembre 1667 à Dublin en Irlande et mort le 19 octobre 1745 dans la même ville, est un écrivain, satiriste, essayiste, pamphlétaire politique, poète et clergyman anglo-irlandais.
[2] Voir Annexe 1 à propos des missions de la CTIF
[3] La CTIF a été créée par la loi du 11 janvier 1993 .
[4] Jean-François Godbille, vraisemblablement possédé par la passion de la défense de l’intérêt général, a tenté de jouer les prolongations malgré l’âge de la retraite atteint ce qui lui a valu de se faire virer en mai-juin 2021 sans ménagement par le Procureur Général de Bruxelles, Johan Delmulle lui-même en charge, au sein du Collège des Procureurs Généraux près les Cours d’Appel de Belgique, de la criminalité en matière économique, financière et fiscale et de la corruption.
[5] https://pour.press/la-bande-organisee-des-batonniers-et-ex-batonniers/
[6] https://pour.press/du-parquet-de-bruxelles-a-la-reserve-de-bandia-au-senegal-puis-retour-precipite-en-belgique-litineraire-tourmente-de-la-juge-dinstruction-silviana-verstreken/
[7] Voir Annexe I Chapitre V
[8] Les Bâtonniers sont élus pour 2 ans
[9] Il s’agit de la vente de l’hôtel de prestige , le « Jolly Hôtel », situé sur la place du Grand Sablon à Bruxelles
[10] Contrairement aux obligations classiques, les obligations à coupon zéro ne génèrent pas de coupons durant toute leur durée de vie. Ces derniers sont capitalisés et versés à l’échéance. Pour qu’elles restent attractives aux yeux des investisseurs, elles sont généralement émises en-dessous du pair, c’est-à-dire en-dessous de leur valeur nominale
[11] Signalement effectué les 08 et 25 janvier 26 janvier 2022, donnant lieu à fin de non-recevoir pour cause d’émission par un particulier bien que Luc Verbruggen soit agent immobilier assermenté en retraite
[12] https://www.ctif-cfi.be/images/documents/French/Rapports_annuels/RA2022FR.pdf
[13] https://www.ctif-cfi.be/index.php/en/belgian-system/key-figures