Longtemps, elles furent les oubliées de l’histoire, et il est heureux qu’aujourd’hui, des livres, des bandes dessinées, des documentaires audiovisuels, des films leurs soient consacrés. Avec son livre, l’historien Jean-Philippe Martin nous met dans les pas des pionnières de ce combat pour l’émancipation des agricultrices.
Jean-Philippe Martin, Paysannes. Histoire de la cause des femmes dans le monde agricole des années 1960 à nos jours, Editions de l’Atelier, 2025.
Longtemps, elles furent les oubliées de l’histoire, et il est heureux qu’aujourd’hui, des livres, des bandes dessinées, des documentaires audiovisuels, des films leurs soient consacrés. Avec Paysannes. Histoire de la cause des femmes dans le monde agricole des années 1960 à nos jours, l’historien Jean-Philippe Martin nous met dans les pas des pionnières de ce combat pour l’émancipation des agricultrices. Indispensables à la bonne tenue des exploitations, elles n’étaient que des femmes d’agriculteurs, des aides familiaux. Il fallut attendre les années 1980 pour qu’enfin, juridiquement, elles soient reconnues comme de véritables actrices du monde paysan. En s’appuyant sur les archives syndicales et un travail d’enquête orale, Jean-Philippe Martin retrace plus d’un demi-siècle de luttes pour la reconnaissance sociale et l’émancipation.
Les femmes n’ont pas attendu mai 1968 pour faire entendre leurs voix dans les organisations syndicales et de jeunesse, notamment dans cette fabrique d’élites modernistes que fut la JAC (Jeunesse agricole catholique). C’est dans ce creuset que la nouvelle génération féminine s’affirme, commence à questionner l’ordre moral. Celles qui se couchent tard et se lèvent tôt, qui courent toute la journée et jonglent sans temps mort entre travail sur la ferme et gestion du foyer, veulent avoir voix au chapitre sur l’exploitation comme dans le syndicat. Accaparées par la ferme du matin au soir, elle étouffent et veulent rompre l’isolement. Mais pour cela, il leur faut vaincre les résistances, tant masculines que féminines, et porter le fer au sein même du foyer, de la famille et de la communauté.
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L’après-68 booste ce désir d’émancipation, surtout dans cette gauche syndicale qui émerge sous le nom de « paysans-travailleurs ». Des femmes, notamment celles dont le capital culturel est supérieur à la moyenne, s’organisent, avec ou sans l’assentiment du conjoint, et imposent leur présence dans les luttes comme dans les instances syndicales, même si celles-ci demeurent des espaces essentiellement masculins. Les questions du statut et des droits sociaux, de la formation professionnelle, du « partage équitable et réel du travail », de l’adaptation du matériel agricole comme de la maîtrise de sa sexualité sont au coeur de leurs combats. Elles veulent vivre dans leur foyer les idées qu’elles défendent dans les luttes, nombreuses, qui secouent le monde paysan d’alors. Minoritaires ? Elles l’étaient et le restèrent tant les obstacles à surmonter étaient nombreux pour celles, notamment les mères de famille, qui souhaitaient s’investir.
Dans les années 1980, elles parviennent à arracher, péniblement, des droits nouveaux qu’ils concernent le statut d’agricultrice ou le congé maternité ; aboutissement de combats longs menés par une minorité de femmes pugnaces et combatives. Féministes ? Certaines l’étaient, remettant en question l’ordre patriarcal, quand d’autres refusaient une qualification qui renvoyait trop à leurs yeux à un monde intellectuel et urbain dont les préoccupations centrales leur semblaient très éloignées des leurs. En ce sens, ces paysannes rebelles ne se distinguaient guère de nombre d’ouvrières tout aussi en colère.
Aujourd’hui, le fait que des femmes parviennent à la tête d’organisations syndicales nationales tant ouvrières que paysannes ne doit pas laisser entendre que le problème est réglé. Le sexisme ordinaire irrigue toujours les têtes de beaucoup : il va falloir nous dit l’auteur, « faire admettre à la société et d’abord aux agriculteurs que ce métier est aussi un métier féminin. »
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