Avocats, portez plainte contre votre Bâtonnier et votre Président du Conseil de discipline.
Sauf à contribuer au discrédit provoqué par l’infamante décision que vient de prendre Maître Georges-Albert Dal, le Président du Conseil de Discipline[1] du ressort de la Cour d’Appel de Bruxelles, de quelle autre solution disposez-vous pour empêcher que le code de déontologie qui régit votre Ordre Professionnel soit piétiné comme si de rien n’était par ceux qui ont la lourde charge de le faire respecter et que plus de 5000 d’entre vous élisent tous les deux ans pour ce qui concerne votre Bâtonnier ? Virez-les et vous réparerez une scandaleuse atteinte à l’honneur et à la dignité de votre Ordre et aux principes de probité, de délicatesse et d’indépendance qui constituent le fondement de votre profession.
– Les griefs des plaignants visant ces deux avocats sont colossaux :
° Pour ce qui concerne Maître Arnaud Jansen : apport rémunéré de clients, participation à des activités susceptibles d’être constitutives de fraude fiscale grave et de blanchiment de capitaux, utilisation de cartes bancaires anonymes pour percevoir des commissions réclamées dans le cadre de son activité d’avocat, organisation d’un faux procès dans un cadre où le risque de participer de la sorte à une activité de blanchiment était patent.
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° l’avocat enquêteur nommé par le Bâtonnier n’a pas entendu un seul plaignant.
° les deux rapports circonstanciés[6] rendus par l’avocat enquêteur au Bâtonnier sont demeurés secrets, aucun plaignant n’a pu y accéder.
° l’authenticité des documents issus des Dubaï Papers est remise en cause par l’un des deux avocats incriminés (Me Arnaud Jansen) alors que le Parquet Fédéral s’en est saisi (comme en France) et a diligenté des instructions sur cette base.
° le Président du Conseil de Discipline ne pouvait prendre seul la décision qu’il a prise quant à la non-recevabilité des plaintes pour cause d’absence prétendue d’intérêt à agir. C’était au Conseil de Discipline de la prendre éventuellement, Conseil au sein duquel son Président ne siège pas.
° la décision du Président du Conseil de Discipline qu’il ne pouvait prendre seul ne peut faire l’objet d’aucun recours.
° le Président du Conseil de Discipline a organisé un débat contradictoire (entre avocats) sur l’intérêt à agir des plaignants alors qu’un tel débat contradictoire ne peut être organisé que devant le Conseil de Discipline lui-même.
° le Président du Conseil de Discipline ignore le régime particulier[7] en matière de procédure disciplinaire destiné à préserver l’intérêt général en ajoutant une condition[8] à ce régime particulier.
° le Président du Conseil de Discipline poursuit la remise en cause de l’intérêt à agir des plaignants alors que le Président (magistrat) du Conseil de Discipline d’Appel Francophone et Germanophone (la plus haute instance en matière disciplinaire) confirme la recevabilité de la plainte et donc l’intérêt à agir des plaignants dans le cadre de sa décision de dépayser de Bruxelles à Liège le dossier de Me Arnaud Jansen, ce qui conduit le Bâtonnier de Liège à ouvrir une nouvelle enquête disciplinaire et à nommer un nouvel avocat enquêteur.
° les plaignants ne sont pas informés que le dépaysement du dossier de Me Arnaud Jansen à Liège a fait l’objet d’une tierce opposition de la part de l’avocat incriminé.
° les plaignants ne sont pas informés que la confirmation du dépaysement par le Président (magistrat) du Conseil de Discipline d’Appel Francophone et Germanophone a fait l’objet d’un pourvoi en cassation de la part de Me Arnaud Jansen.
° les plaignants ne sont pas informés du contenu précis du recours en cassation introduit par Me Arnaud Jansen.
° les plaignants sont tenus dans la plus complète ignorance quant à la date à laquelle leurs plaintes à l’encontre de Me Arnaud Jansen trouveront leur issue.
° le statut de juge conseiller suppléant de Me Thierry Afschrift à la 6ème Chambre fiscale de la Cour d’Appel de Bruxelles, depuis 1999 au moins jusqu’à sa démission récente du 30 septembre 2020 (donc peu de temps après la décision du Bâtonnier de ne pas donner suite), lui octroie le privilège de juridiction accordé aux magistrats, alors qu’il n’a jamais siégé à la Cour et lui permet de conserver le titre honorifique. Les garanties judiciaires qui en résultent (les faits incriminés datent de l’époque où il était juge conseiller suppléant) lui octroient une protection qui pourrait lui valoir d’échapper à des conséquences de certains de ses actes auxquelles il n’échapperait pas s’il ne disposait de ce privilège.
° deux des avocats de Me Arnaud Jansen, Me Jean-Pierre Buyle et Me Robert De Baerdemaeker ont été Bâtonniers sur la période des faits incriminés par les plaignants ce qui n’est pas sans poser problème. Me Arnaud Jansen a lui siégé au Conseil de Discipline, présidé par Me Georges Albert Dal, sans discontinuer de 2006 à 2018, montrant là une véritable vocation pour la déontologie.
° le Président du Conseil de Discipline ne s’est pas saisi d’initiative de la problématique posée par le fait que Me Arnaud Jansen avait été membre du Conseil de Discipline pendant plusieurs années, sous la Présidence du Président actuel et qu’il y avait siégé avec plusieurs des membres actuels. Il a fallu que ce soit les plaignants qui la mettent en évidence et qui demandent eux-mêmes le dessaisissement de Bruxelles.
° le Président du Conseil de Discipline et sa décision solitaire démontrent une nouvelle fois que les reproches faits au Barreau quant à son trop grand laisser-faire en matière de lutte contre le blanchiment sont fondés[9] mais sans effet sur les décisions des autorités ordinales.
Mesurer l’ignominie commise nécessite de prendre connaissance dans le détail du déroulement de la procédure, menée à leur guise par les autorités ordinales. Avant d’y venir, deux points doivent être rappelés :
– Les Bâtonniers, avocats enquêteurs et Président de Conseil de Discipline ont été destinataires d’une foultitude d’éléments de fait et de procédures agrémentés d’arguments de poids, dont certains démontrent que les législations anti-blanchiment n’ont pas été respectées.
– Malgré l’importance et la gravité des faits produits et argumentés l’Ordre des avocats du Barreau francophone de Bruxelles a décidé de faire prévaloir l’omerta face à des centaines de plaignants alors que les autorités judiciaires se sont elles-mêmes saisies d’une affaire qui ne peut en rester là se disent tous ceux pour qui l’évasion fiscale toujours illégitime et très souvent frauduleuse est d’abord une violence extrême infligée à la majorité de ceux qui font société par une minorité qui elle fait sécession.
Ce qui s’est passé : du dépôt de plaintes au « Circulez, y’a rien à voir ».
Des centaines de plaintes jugées recevables, l’intérêt à agir reconnu.
C’est l’association Attac qui avait porté plainte le 16 décembre 2019 avant d’être rejointe au cours des semaines suivantes par plus de 300 citoyens et 12 associations et plateformes associatives regroupant elles-mêmes quelques 325 associations. Attac voyait ses plaintes jugées recevables et donc son intérêt à agir reconnu par le Bâtonnier Michel Forges dès le 06 janvier 2020 entraînant immédiatement la nomination d’un avocat enquêteur, Maître Jean-François Masquelin. Il en fut de même pour les centaines d’autres plaignants.
On enquête, on ne donne pas suite, ne demandez pas pourquoi : des centaines de plaignants « giflés ».
Près de huit mois après, le Bâtonnier Michel Forges, juste avant de céder la place à son successeur Maître Maurice Krings dont il n’est pas inutile de préciser qu’il est l’un des auteurs d’un ouvrage intitulé « Les avocats et le blanchiment : actualités, enjeux et perspectives », décide donc de ne pas donner suite aux plaintes le 24 août 2021. Pour les deux avocats visés, le Bâtonnier fait état de deux rapports circonstanciés, établis par l’avocat enquêteur, qui l’ont conduit à cette décision. Pour l’avocat Jansen, le Bâtonnier invoque en plus que « l’enquête n’a pas permis d’établir l’authenticité, contestée[10], des documents produits ». Aucun plaignant n’a été entendu durant ces 9 mois d’instruction.
A l’heure où le budget fédéral et les budgets régionaux, déjà asséchés par les 30 milliards annuels d’évasion fiscale (fraude incluse), sont mis à mal par la pandémie du Covid 19, les centaines de plaignants ont été littéralement sidérés que leurs plaintes puissent faire l’objet de réponses aussi insuffisantes, tant du point de vue de la procédure que de la forme et du fond. Soucieux de la collectivité et de l’utilité sociale des avocats qu’ils ne perçoivent pas chez ceux à l’encontre desquels ils ont porté plainte, ils pensent, au contraire du Bâtonnier auteur du « y’a rien à voir », qu’il y a assurément beaucoup à voir, d’autant plus qu’ils donnent crédit aux déclarations de l’Ordre professionnel auprès duquel ils ont porté plainte : n’ont-ils pas constaté que le site Avocats.be (nom de communication adopté par les barreaux des avocats francophones et germanophones) et l’OVB (Orde Van Vlaamse Balies) qui regroupe les barreaux néerlandophones avaient affiché à l’occasion de la première vague du Covid 19
Ce qui s’est passé : du « Circulez, y’a rien à voir » au « Vous n’avez pas d’intérêt à agir ».
La remise en cause de l’intérêt à agir pour ne pas aborder le fond.
Le 20 novembre 2020, 23 plaignants[11] (5 associations, 1 association de fait et 17 personnes physiques) décident de donner une seconde chance à l’Ordre francophone du Barreau de Bruxelles en allant en appel devant le Président du Conseil de Discipline du ressort de la Cour d’Appel de Bruxelles, Maître Georges-Albert Dal.
Le 12 janvier 2021, le Président du Conseil de Discipline consent à entendre des représentants des plaignants qu’il limite à 2, sur plus de 300. L’audition est courte et se limite essentiellement de la part du Président à remettre en question l’intérêt à agir des plaignants. Il s’agit bien d’une remise en cause puisque le Bâtonnier avait lui, un an plus tôt, considéré les plaintes comme recevables. Sa remise en question est confirmée le 20/01/2021 par une demande formelle faite aux plaignants de justifier de leur intérêt à agir. On verra que pourtant le juge Morandini, Président du Conseil de Discipline d’Appel Francophone et Germanophone (la plus haute instance en matière disciplinaire), n’a pas de doute sur la question puisqu’il décide le 01/02/2021 du dépaysement à Liège du dossier de Me Arnaud Jansen, décision qu’il n’aurait pas prise s’il avait considéré que les plaintes n’étaient pas recevables pour cause de non-intérêt à agir.
Bien que cette exigence du Président du Conseil de Discipline soit illégale, les plaignants se disent qu’il ne sert à rien de lui refuser la justification de l’intérêt à agir ,qu’ils avaient déjà fournie plus d’un an plus tôt. En approfondissant encore leurs arguments, ils se soumettent à l’exigence de Mr le Président du Conseil de Discipline qui leur demande une note détaillée sur la question pour ensuite organiser un débat contradictoire avec la partie adverse qu’il ne pouvait pourtant pas organiser dans le cadre de sa fonction, une telle éventuelle initiative revenant au Conseil de Discipline lui-même au sein duquel le Président ne siège pas.
Jouer la montre et les coups de billard à trois bandes.
Le Président prend alors un temps qui n’a rien à voir avec la prétendue complexité de la question. Après moults échanges, ce n’est que le 08 juillet 2021 que Me Georges-Albert Dal communique les fruits de son intense réflexion : les plaintes sont irrecevables. Près de 8 mois nécessaires depuis le recours des plaignants pour examiner un faux problème de recevabilité ? Un tel délai ne s’explique pas seulement par une expertise réelle dans l’art de jouer la montre mais aussi et surtout par un événement contrariant survenu le 22 janvier 2021, date à laquelle les plaignants ont demandé le dépaysement du dossier de Me Arnaud Jansen devant le Conseil de Discipline de Mons ou de Liège.
En effet, les plaignants avaient constaté que Me Arnaud Jansen avait siégé au Conseil de Discipline sans discontinuer de 2006 jusqu’en 2017 au moins, juste avant qu’il ne pose sa candidature au Bâtonnat au titre des élections de juin 2018. Qui plus est, cette fonction disciplinaire s’était exercée, au moins pour partie, alors que Me Georges-Albert Dal exerçait déjà la responsabilité de Président du Conseil de Discipline. Tout ceci ne constituait pas pour les plaignants un gage d’impartialité, ce qui les a donc conduits à demander le dépaysement du dossier de Me Arnaud Jansen.
On aurait pu s’attendre à ce que les autorités disciplinaires se saisissent d’initiative d’un problème qui aurait sauté aux yeux de n’importe quel juriste. Il n’en a rien été et Me Georges-Albert Dal a visiblement considéré qu’il n’avait pas d’intérêt à agir face à cette situation problématique qui pour sûr n’avait pu lui échapper.
A l’art de jouer la montre s’est conjuguée la pratique du billard à trois bandes dont Me Georges-Albert Dal semble être un adepte. Les plaignants n’en ont jamais été informés et ce n’est que par la bande, encore une, qu’ils l’ont appris tout récemment : il s’en est passé des choses dans leur dos !
En effet, Me Arnaud Jansen et ses avocats ont formé tierce-opposition contre le dessaisissement de Bruxelles au profit de Liège. Ils préféraient visiblement rester à Bruxelles.
Toujours sans être informés par qui de droit, les plaignants ont ensuite appris que les mêmes avaient interjeté un pourvoi en cassation devant la Cour de Cassation, ce qui leur a donc permis de déduire que le juge Philippe Morandini avait confirmé sa décision initiale de dessaisissement.
Pourquoi le Bâtonnier de Liège et l’avocat enquêteur n’ont-ils pas informé les plaignants de la situation ainsi créée par Me Arnaud Jansen ? Pourquoi le Bâtonnier de Liège n’a-t-il pas répondu à la demande formelle du 25 mai 2021 des plaignants d’être entendus ? Pourquoi les plaignants ne sont-ils pas partie à la cause dans ce qui va être jugé à la Cour de Cassation ? Quel est le contenu du pourvoi en cassation ? Est-il circonscrit à la question du dépaysement ou intègre-t-il aussi la question de l’intérêt à agir ?
Pendant que les plaignants étaient tenus dans l’ignorance, Me Georges Albert-Dal préparait lui ses coups en prenant son temps. Il était sans doute important pour lui de savoir si le juge Morandini allait réagir favorablement à la tierce-opposition formée par Me Arnaud Jansen et ses avocats. Il aurait dans cette hypothèse pu faire d’une pierre deux coups et régler simultanément les cas des avocats Thierry Afschrift et Arnaud Jansen en déclarant pour les deux la non-recevabilité des plaintes.
Les choses se compliquant un peu, il a donc dû abattre sa première carte plus tôt qu’il ne l’aurait voulu et se prononcer pour le seul avocat Afschrift, considérant sans doute que faire poireauter encore les plaignants après plus de 8 mois, dans l’attente d’une décision de la Cour de Cassation dont la date est difficile à prévoir en l’absence d’une procédure d’urgence, n’était guère envisageable. Mais Monsieur le Président du Conseil de Discipline s’apprête certainement à tirer le prochain coup de sa partie de billard à trois bandes lorsque la Cour de Cassation aura pris sa décision. Que cette dernière considère que le dépaysement du dossier Arnaud Jansen n’est pas justifié et il n’a plus qu’à faire ce qu’il a fait pour Thierry Afschrift ; qu’elle considère en revanche que le dépaysement est justifié et il n’a plus qu’à susurrer à l’oreille du Bâtonnier de Liège (voire préventivement à son homologue Président du Conseil de Discipline de Liège) qu’il se trouve ainsi saisi d’un dossier qui s’est avéré irrecevable en appel pour cause d’absence d’intérêt à agir.
La fine fleur du Barreau au secours de Me Arnaud Jansen.
Pour cela, il faut être en mesure de mobiliser la fine fleur du Barreau et visiblement les deux avocats incriminés en ont les moyens ! Le très célèbre Me Marc Uyttendaele pour la défense de Me Thierry Afschrift et pas moins de 3 avocats pour la défense de Me Arnaud Jansen : Me Jean-Pierre Buyle, ex-Bâtonnier du Barreau de Bruxelles de 2010 à 2012, Me Robert De Baerdemaeker, lui-même ex-Bâtonnier du même Barreau de 2006 à 2008, dont Me Georges-Albert Dal aura été le patron quand il était lui-même Bâtonnier du toujours même Barreau de 1994 à 1996. Deux des défenseurs de Me Arnaud Jansen étaient donc Bâtonniers à l’époque des faits incriminés dans la plainte déposée à son encontre. Ils semblent d’ailleurs l’être toujours, sans que le Barreau ne s’en émeuve jusqu’à présent.
La question est d’importance puisqu’une partie des activités de Me Arnaud Jansen, qui auraient dû faire l’objet d’une déclaration de soupçon de blanchiment, concerne la période durant laquelle Me Jean-Pierre Buyle était Bâtonnier, lequel aurait dû recevoir la déclaration de Me Arnaud Jansen auquel cas Me Jean-Pierre Buyle serait son témoin à décharge. Dans l’hypothèse où Me Arnaud Jansen ne se serait pas livré à cette déclaration, Me Jean-Pierre Buyle serait alors son témoin à charge. Or, la qualité de témoin, à charge ou à décharge, est incompatible avec la fonction de défenseur.
Mais Me Arnaud Jansen ne s’est pas arrêté là puisqu’il a mobilisé un autre Bâtonnier en exercice et pas n’importe lequel : il s’agit de Me Paul Lefebvre, Bâtonnier des avocats (20 au total ) à la Cour de Cassation, alors que cette dernière est en cours d’examen du recours déposé par son client à propos du dépaysement à Liège et peut-être d’autres questions inconnues des plaignants.
Affirmations péremptoires et questions sans réponses.
Quand les plaintes Attac du 16 décembre 2019 avaient fait l’objet d’un article dans la presse[13], Me Arnaud Janssen s’exprimait ainsi dans l’exercice de son droit de réponse :
Les trois lignes par lesquelles le Bâtonnier Michel Forges indique ne pas donner suite aux centaines de plaintes concernant Me Arnaud Jansen mentionnent que ce dernier remet en cause l’authenticité des pièces produites. Les autorités ordinales ne sont pas sans ignorer qu’un dossier pénal a été ouvert par le Parquet Fédéral et qu’elles ont tout loisir de se rapprocher du Parquet pour apprécier cette authenticité. L’ont-elles fait ou pas ? Si oui, avant ou après la décision du Bâtonnier de Bruxelles ? Le Président du Conseil de Discipline s’est-il lui aussi intéressé à la question ? Dans l’hypothèse où ce rapprochement aurait été effectué et que cela aurait permis de conclure à l’authenticité, Me Arnaud Jansen se serait rendu coupable d’insincérité vis-à-vis de son Ordre Professionnel, ce qui constitue une infraction déontologique grave, comme en atteste la jurisprudence. Dans l’hypothèse où ce rapprochement n’aurait pas été fait et alors qu’elles disposent d’un nombre de pièces dont l’ampleur exceptionnelle rend invraisemblable qu’un faussaire ait pu entreprendre un tel ouvrage, les autorités ordinales n’ont-elles pu parvenir à établir leur propre conviction ? Au-delà de cette question d’authenticité, est-il même envisageable que les autorités ordinales ne se soient pas rapprochées du Parquet Fédéral ?
Rendre impossible ce qui s’est passé.
Les activités de conseil fiscal et de conseil financier sont exercées par une minorité des avocats de l’Ordre qui y compte notamment la présence de tous les avocats fiscalistes appartenant (en tant que personnes physiques) à ces fameux grands cabinets d’audit et de conseil dont les plus connus sont les Big Four[16].Toutes les instances spécialisées dans la lutte contre l’évasion fiscale mettent en avant le rôle de premier plan joué dans l’évasion fiscale par les avocats exerçant ces activités, qu’il s’agisse d’ONG ayant pignon sur rue ou bien d’organisations spécialisées telles que le GAFI[17] (Groupe d’action Financière), organisme intergouvernemental créé en 1989 par les Ministres de ses états membres, aujourd’hui au nombre de 37. Le GAFI pointe d’ailleurs qu’en ce qui concerne la Belgique, les transmissions à la CTIF[18] (Cellule de Traitement des Informations Financières) sont quasi-inexistantes.
Ces activités de conseil s’exercent en outre à l’abri du secret professionnel de l’avocat qui aboutit, entre autres, à leur conférer un véritable avantage stratégique par rapport à ceux exerçant la même activité, mais n’en bénéficiant pas.
Comment mettre un terme à des pratiques qui ne sont pas sanctionnées dans le cadre d’une autorégulation qui en la matière ne fonctionne pas sans confier pour ces activités-là le contrôle des règles déontologiques de la profession à une institution indépendante ?
Comment éviter que de nouvelles centaines de plaignants puissent se voir infliger dans le futur le même déni de justice que celui décrit dans cette affaire, sans instaurer un principe de «class action » en matière déontologique ?
Comment attendre quoi que ce soit d’autorités ordinales qui ont commis cette forfaiture ? Ne sont-ce pas elles qui procédaient aux déclarations suivantes qui résonnent étrangement aux oreilles des centaines de plaignants :
-Me Michel Forges le 04 juillet 2018[19] , alors Vice-Bâtonnier:
-Me Michel Forges le 21 juin 2018[20], en instance de prendre son poste de Bâtonnier en septembre 2018, déclarant, en compagnie de son dauphin Me Maurice Krings (qui a battu Me Arnaud Jansen à plate couture comme candidat au Dauphinat[21]) qui lui succédera en septembre 2020, vouloir peser sur le débat démocratique et assurant :
-Me Michel Forges le 17 octobre 2019[22] à propos de l’avocat pénaliste Olivier Martins et de ses ennuis judiciaires :
-Me Jean-Pierre Buyle le 25 octobre2019[23] en tant que défenseur de l’avocat pénaliste Olivier Martins (et futur défenseur de Me Arnaud Jansen) à propos d’un conflit qui existerait entre le fait de respecter la loi anti-blanchiment et les droits de la défense :
A défaut d’attendre quoi que ce soit des autorités ordinales, relisons attentivement ce qu’écrivait[24] le 24 mars 2021, l’un des deux avocats incriminés par les centaines de plaignants, Me Thierry Afscrift :
Parole d’expert ! Vraiment. A la date de cette publication, le 24 mars 2021, le Bâtonnier Michel Forges avait rendu sa décision « Circulez, y’a rien à voir » depuis 7 mois et le Président du Conseil de Discipline Georges-Albert Dal mûrissait la sienne, après avoir reçu la note de défense de Me Marc Uyttendaele, avocat de Me Thierry Afschrift le 04 février 2021, pour conclure à l’attention des centaines de plaignants « Vous n’avez pas d’intérêt à agir ».
Les législateurs ont du travail !
Christian Savestre
[1] Le président du Conseil de Discipline est élu par les bâtonniers des Ordres appartenant soit à AVOCATS.BE (qui réunit tous les barreaux des parties francophone (11) et germanophone (1) du pays) soit à l’O.V.B qui réunit les Barreaux néerlandophones. Le président est, de même que les présidents de chambre, choisi parmi les anciens Bâtonniers. Les avocats membres des conseils de discipline sont proposés par les conseils de l’Ordre du ressort du conseil de discipline ; ils sont choisis parmi les anciens membres des conseils de l’Ordre..
[2] 12 associations : ATTAC (Association pour la Taxation des Transactions Financières et pour l’Action Citoyenne) Bruxelles + Liège, CADTM (Comité pour l’Abolition des Dettes Illégitimes), CGé (ChanGements pour l’Egalité), la PASS (Plateforme Action Santé Solidarité́), le CBCS (Conseil Bruxellois de Coordination Sociopolitique), le CNCD-11.11.11.(Centre National de Coopération au Développement), , la Centrale Générale- FGTB, le RJF (Réseau pour la Justice Fiscale), Accompagner, Front commun SDF, Aide aux Personnes déplacées ainsi que plus de 300 citoyens.
[3]Vaste opération d’évasion fiscale orchestrée par le Prince Henri de Croÿ avec comme centre névralgique un très important paradis fiscal, celui de Ras-El-Khaïmah, le plus petit des 7 émirats constituant les Emirats Arabes Unis. L’affaire a été divulguée, pour son versant belge, par le journaliste indépendant Frédéric Loore.
[4]Le cas de Me Arnaud Jansen ayant été dépaysé à Liège , la décision du Président du Conseil de Discipline près la Cour d’Appel de Bruxelles ne vaut que pour Me Thierry Afschrift.
[5] L’importance de Ras el Khaïmah au sein des paradis fiscaux va grandissante au fil des ans.
[6] Un rapport par avocat incriminé. On apprend dans la décision du Président du Conseil de Discipline que le rapport concernant Me Thierry Afschrift compte 23 pages. C’est la seule information divulguée.
[7] La question de l’intérêt à agir en matière disciplinaire est régie par une disposition particulière édictée par l’article 458, §1, alinéa 2 du Code judiciaire qui soumet la recevabilité d’une plainte déontologique à 4 conditions uniquement : elle doit être introduite par écrit, signée, datée et contenir l’identité complète du plaignant.
[8] La condition rajoutée consiste à exiger que le plaignant démontre en outre un intérêt au sens de l’article 17 du code judiciaire
[9] Le Parlement Européen, notamment, a mis en évidence cet état de fait dans le cadre du rapport du 16 novembre 2017 de la Commission d’enquête chargée d’examiner les allégations d’infraction et de mauvaise administration dans l’application du droit de l’Union en matière de blanchiment de capitaux, d’évasion fiscale et de fraude fiscale.
[10] Les éléments apportés par les plaignants ayant notamment trait au dossier « Kauko /Lion » conduisent à invalider cette remise en cause.
[11] Attac Bruxelles, Attac Liège, CADTM, CNCD 11.11.11, Centrale Générale FGTB, ChanGements pour L’Egalité et 17 citoyens.
[12] François Fornieri est un homme d’affaires Liégeois impliqué notamment dans la célèbre affaire Nethys.
[13] Article dans la Libre du 17 décembre 2019 intitulé : « Dubaï Papers : Attac s’en prend aux avocats Afschrift et Jansen ».
[14] Il s’agit d’une série d’articles du journaliste indépendant Frédéric Loore.
[15] C’est le nom du réseau monté par le Prince Henri de Croÿ.
[16] Les Big Four (traduction littérale, les « quatre grands ») sont les quatre plus grands groupes d’audit financier et de conseil au niveau mondial : Deloitte , EY (Ernst & Young), KPMG, PwC (PricewaterhouseCoopers). 1.150.000 employés dans le monde.
[17] Les objectifs du GAFI sont l’élaboration des normes et la promotion de l’efficace application de mesures législatives, réglementaires et opérationnelles en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux, le financement du terrorisme et les autres menaces liées pour l’intégrité du système financier international. Le Groupe d’action financière est donc un organisme d’élaboration des politiques qui s’efforce de susciter la volonté politique nécessaire pour effectuer les réformes législatives et réglementaires dans ces domaines.
[18] La CTIF (Cellule de Traitement des Informations Financières) est chargée d’analyser les faits et les transactions financières suspectes de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qui lui sont transmis par les institutions et les personnes visées par la loi.La CTIF est une autorité administrative indépendante, ayant la personnalité juridique, sous le contrôle des Ministres de la Justice et des Finances. Placée sous la direction d’un magistrat, Monsieur Philippe de KOSTER, elle est composée d’experts financiers et d’un officier supérieur de la Police fédérale.
[19] La Capitale du 05 juillet 2018 à propos de victimes des attentats de Bruxelles arnaqués par leur avocat
[20] L’Echo du 21 juin 2018 : « Les nouvelles fortes têtes du Barreau de Bruxelles »
[21] Le Dauphin est le futur Bâtonnier. Il assiste et remplace de plein droit le Bâtonnier en cas d’empêchement. Il est aussi élu par ses pairs.
[22] DH du 17 octobre 2019 : « L’avocat star Martins et ses ennuis judiciaires : le Bâtonnier Michel Forges réagit »
[23] L’Echo du 25 octobre 2019 : « Olivier Martins : si j’avais voulu être riche, j’aurais fait du droit fiscal »
[24] Publication de Me Thierry Afschrift parue le 24 mars 2021 sur son site intitulée : « Suisse, les avocats échappent à la loi anti-blanchiment ».