La justice procrastine à nouveau

AFFAIRE VERBRUGGEN.
Les suites de notre enquête.

La justice procrastine à nouveau et L’Institut des Réviseurs d’Entreprises défend l’opacité. De découverte et en découverte.

Remettre une pièce dans le juke-box ? La justice l’a fait.

 

A l’abri d’un huis-clos imposé discrétionnairement.

Il s’agit du cinquième expert judiciaire. Les quatre précédents ont soit échoué, été récusé ou abandonné
Nous sommes le 9 octobre 2020, 9 heures : se tient au Palais de justice de Bruxelles l’audience qui aurait dû se tenir le 30 avril 2020, mais qui a été reportée pour cause de Covid19. Son objet est d’examiner les difficultés rencontrées par l’expert judiciaire dans sa mission d’évaluation de la succession Verbruggen.

Pour mémoire, il s’agit du cinquième expert judiciaire, nommé le 14 septembre 2017. Les quatre précédents ont soit échoué, été récusé ou abandonné. Le premier d’entre eux avait été nommé le 26 avril 2002.

Alors on se dit, ce matin-là, que les choses vont enfin avancer au bout de tant d’années. On y croit à ce point  que l’on a écrit à Madame La Présidente , Isabelle De Ruydts,  pour l’informer que nous assisterions à l’audience dont il nous paraissait évident qu’elle serait publique et pour lui demander de pouvoir la filmer : une occasion unique de saisir le moment où ceux qui empêchent la manifestation de la vérité depuis plus de dix-huit années seront enfin contraints par l’autorité judiciaire de communiquer les éléments comptables dont tout expert a besoin pour faire le travail que la justice elle-même lui a demandé d’effectuer.

Tout citoyen bruxellois au courant de l’affaire aurait d’ailleurs pu, tout à fait légitimement, être présent à cette audience. Ne lit-il pas, n’entend-t-il pas quasi-quotidiennement que les finances de la Région Bruxelles-Capitale traversent une bien mauvaise passe, le mot est faible, en ces temps de deuxième vague du Covid-19 ? Apprendre en direct que la justice décide enfin de prendre les mesures susceptibles de faire rentrer des dizaines de millions d’euros dans les caisses de la Région bruxelloise (c’est elle qui encaisse les droits d’enregistrement) a de quoi susciter l’enthousiasme d’un citoyen responsable ! En ne venant pas, le citoyen en question aura au moins évité une chose : celle d’être venu pour rien.

Huis clos donc pour une affaire qui dès sa naissance est une affaire publique. Certaines choses (mais lesquelles ?) devaient rester secrètes
En effet, Madame la Présidente nous informe, séance tenante, que l’audience se tiendra à huis clos en invoquant le fait que cela résulte du code pénal qu’elle se devait de respecter. Huis clos donc pour une affaire qui dès sa naissance est une affaire publique puisqu’il s’agit d’évasion fiscale aux droits de succession. N’ayant pas la compétence pour contester la décision de Madame la Présidente, nous avons donc vu la porte de la salle d’audience se refermer sans comprendre du tout ce qu’un tel huis clos était destiné à protéger, sauf à considérer que certaines choses (mais lesquelles ?) devaient rester secrètes.

La documentation que nous avons, depuis, pu consulter nous dit que la publicité des audiences est  très importante : elle « protège les justiciables contre une justice secrète échappant au contrôle du public ; elle constitue aussi l’un des moyens de préserver la confiance dans les cours et tribunaux », précise la Cour européenne des droits de l’homme. Elle permet aux procès d’être équitables, comme ce doit être le cas dans une société démocratique. Il existe toutefois des exceptions. Selon la Constitution belge, « les audiences des tribunaux sont publiques, à moins que cette publicité ne soit dangereuse pour l’ordre ou les mœurs, et, dans ce cas, le tribunal le déclare par jugement ».
Le Code judiciaire exclut précisément certains domaines : par exemple, il n’est pas question de publicité et de présence d’un public en matière de protection de la jeunesse, les audiences de mineurs ayant donc toujours lieu à huis clos. La Convention européenne des droits de l’homme précise également que la salle d’audience peut être interdite au public dans l’intérêt de la moralité, de l’ordre public ou de la sécurité nationale, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent ou si cette publicité était susceptible de nuire aux intérêts de la justice. La Convention européenne des droits de l’homme et le Code judiciaire belge ne disent pas tout à fait la même chose à propos de la possibilité pour le juge de déroger à l’obligation de publicité. Un exemple : un particulier demande au juge que son affaire soit jugée à huis clos pour protéger sa vie privée. S’appuyant sur la Convention, le juge pourrait accepter s’il estime que le droit à la vie privée est ici plus important que la transparence dans le fonctionnement de la justice. Le Code judiciaire belge ne dit rien à ce sujet. En fait, il n’existe pas de droit au huis clos et c’est donc au juge à l’autoriser ou à l’interdire. Quelle que soit sa décision, le juge devra la prendre par un jugement motivé, après avoir entendu les deux parties en audience publique. Quand la Présidente de la Chambre décide du huis-clos, elle ne fait référence à aucun jugement intervenu au début de l’audience ou lors d’audiences précédentes. Dès lors, au nom de quoi le huis-clos a-t-il été ainsi imposé ?

 

Le huis-clos n’a pourtant pas empêché une colère publique, preuve de nouvelle fracture chez les héritiers.

S’est bien produit là un revirement majeur dans cette saga au long cours qui aurait dû alerter les juges barricadés dans leur huis-clos.
L’héritier rebelle, Luc Verbruggen, n’était pas seul au tout début de l’affaire en 2002. Son frère Jack s’était associé à sa plainte au pénal. Et puis, le temps passant, les pressions du clan des cinq « anti-impôts » s’intensifiant, Jack s’est désolidarisé au point de se féliciter du jugement d’appel qui innocentait les cinq condamnés à cinq mois de prison avec sursis en première instance. Mais ce matin-là, il a littéralement explosé dans les couloirs du Palais de Justice, s’en prenant à la bande des cinq héritiers avec une violence verbale à laquelle aucun des cinq n’a échappé, même si Liliane la notaire, Chantal la réviseure d’entreprise et Marc qualifié de « chef de mafia » ont vu se concentrer sur eux une pluie d’insultes quant à leur cupidité.

S’est bien produit là un revirement majeur dans cette saga au long cours qui aurait dû alerter les juges barricadés dans leur huis-clos.      

 

Et l’on repart pour un tour : nouveau coup fourré.  La Région de Bruxelles-Capitale attendra.

Encore quatre mois pendant lesquels l’expert judiciaire risque bien de ne pas obtenir les pièces réclamées
Le cinquième expert judiciaire doit faire face depuis si longtemps à une obstruction caractérisée de la part de la bande des cinq qu’il est évident pour toute personne sensée que la justice qui l’a investi va enfin lui donner les moyens de travailler, en décidant notamment de mesures d’astreinte suffisamment dissuasives pour que toutes les pièces requises soient enfin mises à sa disposition.

Ce n’est pourtant pas ce qui s’est passé ce jour-là, la Cour s’est en effet contentée d’un nouveau calendrier d’échanges de conclusions entre chacune des parties, les cinq, Luc Verbruggen, Jack Verbruggen et l’Etat belge, courant jusqu’au 10 février 2021 : encore quatre mois pendant lesquels l’expert judiciaire risque bien de ne pas obtenir les pièces réclamées, pour la simple raison que les lui livrer sans contrainte reviendrait, pour ceux qui les cachent depuis plus de dix-huit années, à capituler volontairement sans conditions.

Avec un tel calendrier qui ne mentionne curieusement pas la date de plaidoirie qui devrait cependant se situer en mars ou avril 2021, suivie en principe d’un jugement qui devrait être connu en mai ou juin 2021, la Région Bruxelloise va donc devoir encore attendre pendant près de neuf mois pour y voir un peu plus clair ou bien n’y rien voir du tout.

 

La Justice se met dans une seringue.

« Le business juridique et financier » fera à nouveau tourner le compteur des honoraires qui s’élèvent déjà à près de cent fois le montant de la succession déclarée !
Quel jugement le Tribunal pourrait-il bien rendre s’il s’avère que l’expert judiciaire n’a toujours pas pu accomplir son travail pour cause de non-communication des pièces ? En d’autres termes, il est hautement probable que la justice soit alors conduite à constater que l’expert qu’elle a nommé n’a pas pu effectuer sa mission. Mais n’est-ce pas elle qui crée cette situation en se gardant d’imposer des astreintes suffisamment contraignantes à ceux qui depuis dix-huit années exercent de manière éhontée une incroyable rétention de documents ?

L’autorité judiciaire peut-elle aller jusqu’à envisager de prononcer un jugement alors que l’expert judiciaire, qu’elle a elle-même nommé, a vu sa mission empêchée par cinq héritiers qui continuent à défendre l’indéfendable à savoir que la succession du richissime notaire est de 117.000 euros, transformant ainsi leur mensonge en parjure devant le notaire judiciaire ?

Une seule certitude dans cette situation : « le business juridique et financier » a lui aussi remis une pièce dans le juke-box et fera à nouveau tourner le compteur des honoraires qui s’élèvent déjà à près de cent fois le montant de la succession déclarée ! Quant à celui qui n’a plus depuis longtemps les moyens de se payer les services d’un avocat, il sera, selon la « méthode habituelle », destinataire des conclusions de ses adversaires au tout dernier moment, au mépris, une nouvelle fois, des règles déontologiques censées être respectées par les avocats de la partie adverse.

 

Le coup fourré avait été précédé de deux coups de Jarnac, l’un autorisé par le Tribunal, l’autre en découlant.     

Les tricheurs exigent, de ceux qu’ils ont trompés, qu’ils soient écartés
Le coup de Jarnac ajoute au coup fourré, synonyme de coup tordu, une connotation de violence imprévue et d’habileté avoisinant la traîtrise : c’est bien dans ce registre que les choses se sont joué. Dans leurs conclusions du 05 décembre 2019, les avocats de la partie adverse ont exigé que tous ceux (Luc Verbruggen, Jack Verbruggen et l’administration fiscale fédérale), qui demandent qu’enfin l’expert judiciaire en charge de la valorisation de la succession puisse disposer de ce dont il a besoin pour faire son travail, soient interdits d’accès aux pièces et tous autres documents qu’ils seront susceptibles de remettre au cinquième expert judiciaire. Ce non-accès est même généralisé aux visites de lieux (n’oublions pas que la succession est faite d’importants bien immobiliers). Bref, les tricheurs exigent, de ceux qu’ils ont trompés, qu’ils soient écartés du processus contradictoire de l’expertise et qu’ils attendent tranquillement le premier rapport de l’expert, qualifié de rapport préliminaire.

L’héritier rebelle Luc Verbruggen décide, malgré lui, de ne pas s’opposer à cette incroyable exigence considérant que c’est peut-être une chance, au bout de tant d’années, de voir enfin les pièces mises à disposition et comptant sur la vigilance de la Cour pour y parvenir, vigilance dont il considérait qu’elle compenserait le fait qu’il perdait dans l’affaire la possibilité de faire valoir son point de vue avant la publication du rapport de l’expert. L’administration fiscale fédérale décida de s’opposer à ces exigences allant à l’encontre du droit, cependant que Jack Verbruggen ne prendra pas position.

Un tel coup de Jarnac n’a aucune chance de réussir se dit le commun des mortels. Il a pourtant bien tort. Le coup de Jarnac, c’est la Présidente de la 43ème Chambre de la Cour d’Appel de Bruxelles, Isabelle De Ruydts, qui le permet en décidant d’accéder aux demandes outrancières de ceux qui planquent les pièces depuis près de vingt années. Elle fait donc droit aux receleurs de pièces essentielles de ne pas les dévoiler à ceux qui en sont victimes. Mais de quel droit ? Au nom de quelle justice ? Le déroulement de l’expertise ne devait-il pas se dérouler de manière parfaitement contradictoire ?

Le premier coup de Jarnac joué, le second pouvait être tenté par ceux qui considèrent que, décidément, rien ne peut leur être interdit. Les contradicteurs écartés, ils poussent leur avantage, généreusement octroyé par « la justice », en décidant tout simplement de persévérer dans la rétention des pièces dont l’expert judiciaire a besoin. A ce jour, les faits montrent bien qu’ils continuent à avoir succès. Rien, strictement rien n’a été décidé par l’autorité judiciaire qui en a le pouvoir pour contrecarrer leurs plans pervers, sauf un planning d’échanges de conclusions qui va permettre de faire traîner les choses pendant six mois encore. Pourquoi, alors que tant de demandes ont été faites pour lui demander d’enfin agir ? Qu’attend-t-elle ? La disparition de l’héritier rebelle qui ferait s’éteindre le conflit et qui pourrait à tout le moins permettre une « transaction financière » avec l’administration, à l’abri du regard citoyen et permettant de s’assurer de la virginité du casier judiciaire de ceux qui jouent l’opacité ? Un troisième coup de Jarnac qui selon la logique   de ceux qui peuvent impunément tout se permettre devrait conduire à tenter de demander la nomination d’un sixième expert judiciaire, avec à la clé encore quelques années de gagnées ? Que fera alors l’autorité judiciaire, elle qui a déjà fait le succès des deux premiers ?

 

Quand le Vice-Président de l’Institut des Réviseurs d’Entreprises se transforme en ardent défenseur de l’opacité.

Monsieur Fernand Maillard, c’est de lui qu’il s’agit, a été choisi comme Conseiller technique par les auteurs de fausses déclarations de succession qui sont aussi ceux qui bloquent l’accès aux informations depuis toujours. Réviseur d’entreprises depuis le 1er octobre 1986, il accède à la Vice-Présidence de L’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE), l’Ordre Professionnel des Réviseurs d’Entreprises, le 27 avril 2019. Ce n’est pas rien l’Institut des Réviseurs d’Entreprises. Ce que l’on peut lire sur son site Internet est aussi solennel que rassurant : « le réviseur d’entreprise est un expert indépendant et impartial au service des entreprises, des pouvoirs publics et de nombreux organismes du secteur non marchand ». L’une des tâches importantes du réviseur d’entreprises « est d’assurer la fiabilité des comptes annuels dont tous les utilisateurs (tous ceux qui peuvent être conduits à les consulter) attendent qu’ils donnent une image fidèle du patrimoine et de la situation financière et des résultats de l’entité ».

Il en connaît donc un rayon Monsieur Fernand Maillard en matière de comptes fiables et fidèles : autant, sinon plus que sa consoeur Chantal Verbruggen, héritière et « Ministre des Finances » de la famille Verbruggen, encore inscrite au Registre des réviseurs d’entreprises actifs en juillet 2020, adepte des comptabilités tenues au crayon (!) et suffisamment créative pour parvenir à ce que 90 % des opérations comptables des sociétés  de famille qu’elle comptabilisait elle-même soient constituées de ce que les spécialistes appellent des « opérations diverses réparatrices », de quoi mettre la puce à l’oreille de n’importe quel comptable, expert-comptable, réviseur, sauf à l’Institut des Réviseurs lui-même qui lui n’y voit rien à redire, malgré plusieurs plaintes dont il a été saisi par l’héritier rebelle.

Interpellant tout de même que « la bande des cinq » ait pu décider de s’offrir les services d’une telle sommité de la profession du chiffre, elle qui, pour échapper à l’image fidèle du patrimoine et de la situation financière des sociétés faisant partie de la succession, n’a de cesse de se soustraire systématiquement à tout ce qui permettrait de l’obtenir. Une sommité pareille a nécessairement un agenda de ministre et une clientèle existante qui ne permet pas au premier venu de prétendre s’immiscer dans un tel emploi du temps. Eh bien la « bande des cinq » y est parvenu. Il faut dire qu’elle a une longue expérience des recours aux experts divers et variés puisqu’elle y a déjà laissé plusieurs millions d’euros qui témoignent de sa capacité financière sans limites, sésame permettant  d’ouvrir des portes infranchissables pour d’autres.

 

Mais qu’écrit le Conseiller technique Fernand Maillard ?

Comment le formule-t-il ? Conflit d’intérêt et mission impossible à accepter. L’Institut des Réviseurs est impliqué au plus haut niveau.

L’objectif est d’impressionner la Cour et sa Présidente dont ce n’est pas lui faire injure que de penser qu’en tant que Présidente de Chambre de la famille et de la jeunesse, elle n’est pas nécessairement familière avec les aspects comptables et financiers, d’où tout l’intérêt, pour ceux qui en ont les moyens, de s’offrir la signature d’un réviseur.
Commençons par le « comment » qui est beaucoup plus important que le « quoi ». Le Conseiller technique ne signe pas sa note datée du 8 octobre 2020, destinée à l’audience judiciaire du lendemain, en tant que Conseiller technique, mais en tant que Réviseur, Expert-comptable certifié (y-en-aurait-il qui ne le seraient pas ?), administrateur, signature agrémentée du superbe cachet de son cabinet « Sprl Maillard, Dethier et Cie » sur une lettre à en-tête qui précise la même chose au cas où ce ne serait pas suffisamment explicite. Ne manque même pas la balance, symbole de la justice et de l’équité.

En fait, cette note pourrait se résumer à l’en-tête et à la signature. C’est en effet ce que la « bande des cinq » a acheté : la signature d’un Réviseur d’entreprise, Vice-Président de son Institut, lequel, à longueur de rapports annuels successifs, ne cesse de vendre la profession avec des slogans comme ceux qui suivent : « Notre métier, créer la confiance », ou, « Notre métier, créateur de confiance et de valeur » et en insistant sur les missions légales du réviseur, consistant à certifier les comptes des entreprises qui en ont l’obligation.

Le décor est ainsi posé, délibérément, pour mieux s’opposer à celui qui se défend seul. L’objectif est d’impressionner la Cour et sa Présidente dont ce n’est pas lui faire injure que de penser qu’en tant que Présidente de Chambre de la famille et de la jeunesse, elle n’est pas nécessairement familière avec les aspects comptables et financiers, d’où tout l’intérêt, pour ceux qui en ont les moyens, de s’offrir la signature d’un réviseur. Non seulement le Conseiller technique se présente comme Réviseur et non comme Conseiller technique, mais en plus il engage de facto l’Institut des Réviseurs d’entreprises en tant que Vice-Président. Et sous cette seconde fonction, il se situe véritablement en conflit d’intérêt dans la mesure où l’adversaire de ses clients a porté plainte à plusieurs reprises contre plusieurs réviseurs toujours inscrits auprès de l’Institut, sans suite et sans aucune justification à cette absence de suite. Fernand Maillard n’aurait donc pas dû accepter cette mission. Indépendamment de ce conflit d’intérêt, il n’aurait pas dû non plus l’accepter au motif prévu par L’Institut des Réviseurs, à savoir celui de missions s’exerçant dans des conditions susceptibles de mettre en cause l’objectivité du missionné.

 

Que déclare-t-il ?

Secondaire par rapport à la forme, le contenu de la note du Conseiller technique n’en comporte pas moins d’étonnants propos, à commencer par la constatation faite consistant à faire semblant de  regretter de devoir constater qu’il soit demandé à ses clients des informations et documents remontant à plus de trente ans, dont les auteurs ou acteurs sont entretemps décédés.

Veut-il ainsi préparer la Cour à une issue concluant à l’impossibilité de l’expertise à cause de la disparition des pièces ? Comment un Conseiller technique /Réviseur peut-il écrire cela alors qu’il sait parfaitement que ses clients se refusent à communiquer les pièces depuis plus de dix-huit ans ? Qui peut croire une seconde que « la bande des cinq » doté des compétences d’un chef d’entreprise, d’un notaire et d’une réviseure d’entreprise puisse décider de ne pas précautionneusement s’attacher à sauvegarder toutes les pièces alors que le conflit familial a officiellement commencé par une plainte pénale en 2002 mais dans les faits encore beaucoup plus tôt, en l’occurrence depuis 1989 (Voir épisode 2 de l’enquête) ?

Le conseiller technique omet un élément essentiel : Chantal Verbruggen, l’un de ses cinq clients, est sa consoeur, l’actrice et le témoin idéal de cette longue période, au cours de laquelle elle a été constamment aux manettes. Elle a prêté serment (oui, les réviseurs d’entreprise prêtent serment) en 1980, 22 années avant le décès de son père notaire. Pas une écriture comptable des sociétés familiales qui ne soit passée par elle, y compris évidemment ces fameuses opérations diverses réparatrices qui, pour peu qu’elles aient été comptabilisées au crayon, pouvaient d’un coup de gomme ne pas laisser de trace et se voir remplacées par d’autres opérations diverses réparatrices, plus opportunes.

Quant à Fernand Maillard, il a prêté serment aussi, en 1986. Quand il accepte la mission de conseiller technique que lui confient sa consoeur Chantal et ses quatre frére et sœurs, Chantal est toujours inscrite au registre public des réviseurs actifs et lui est devenu Vice-Président de l’Institut de Réviseurs d’Entreprises (IRE) le 27 avril 2019. Fin juillet 2020, Chantal était toujours inscrite comme Réviseure active, même s’il apparaît aujourd’hui qu’elle ne l’est plus (elle apparaît comme Réviseure Honoraire), comme si, cette affaire n’en finissant pas, ses acteurs majeurs prenaient du champ à l’instar du planificateur successoral Maître Emmanuel de Wilde d’Estmael qui voit ou laisse filer tous ses associés de son très prospère Cabinet, à peu près à la même époque, en juin 2020. A se demander si la notaire héritière Liliane, autre pièce maîtresse de cette gigantesque évasion fiscale aux droits de succession, ne va pas, elle aussi, décider de mettre un terme à son activité de notaire dans les prochains mois.

La démission de Chantal de l’IRE en tant que Réviseure active présente l’avantage pour Fernand Maillard de ne pas avoir un jour prochain à juger de sa cliente et consoeur Chantal
Et puis, la démission de Chantal de l’IRE en tant que Réviseure active présente l’avantage pour Fernand Maillard de ne pas avoir un jour prochain à juger de sa cliente et consoeur Chantal, si jamais un tel événement était susceptible de survenir. Il faut dire que la consultation du registre des réviseurs laisse tout à fait perplexe quant à la possibilité d’une telle occurrence. Qu’y trouve-t-on dans ce registre aujourd’hui ? Des réviseurs qui se sont illustrés dans cette saga Verbruggen au long cours. Ainsi Joëlle Bacq, la réviseure qui se distingue dans l’épisode 2 de l’enquête et dont il est patent qu’elle a contrevenu gravement à ses obligations de réviseur. La plainte déposée à son encontre auprès de l’Institut par l’héritier rebelle n’a eu aucune suite, en revanche la carrière de Joëlle Bacq au sein de l’IRE a prospéré puisqu’elle devient en 2005 l’un des deux membres qui constituent le Collège des commissaires (un organe majeur de l’Institut), une promotion soudaine mais au long cours puisque le dernier rapport annuel de l’IRE connu, celui de 2019, nous apprend qu’elle l’est toujours, une longévité qui laisse de l’espoir aux réviseurs qui prendraient quelques libertés avec leurs serments prêtés. Pour l’anecdote, mais peut-être aussi pour dépeindre un peu mieux cette vénérable institution qui n’a de cesse de proclamer l’importance qu’elle attache à l’éthique, on ne peut s’empêcher de préciser au lecteur le nom de celui qui avait précédé Joëlle Bacq à cette fonction où elle officie depuis quinze années : Fernand Maillard en 2004, 2003 et 2002. Impossible de savoir si Fernand a pu faire preuve de la même longévité que Joëlle puisqu’il n’a pas été possible d’accéder aux rapports antérieurs à 2002.

La longévité semble être une caractéristique de ce métier dont on entend souvent qu’il est harassant. C’est ainsi que l’on retrouve Marc Ghyoot, comme réviseur honoraire, lequel s’était particulièrement illustré en procédant à d’invraisemblables expertises des sociétés familiales créées par le notaire Robert Verbruggen. A son encontre aussi, l’héritier rebelle avait porté plainte auprès de son Institut, sans le moindre effet.

Ils sont plusieurs à pouvoir parler de l’affaire Verbruggen au sein de l’IRE puisque l’on y trouve  encore  Jacques Cloquet, qui fut expert judiciaire  pour une courte durée dans cette affaire ainsi que Hugues Fronville (lequel est omniprésent au sein des différents organes et commissions de l’IRE)  expert judiciaire également dans cette affaire ,mais finalement récusé, tous deux en tant que réviseurs honoraires. Dans sa note de Conseiller technique /réviseur de son ex-consoeur Chantal Verbruggen, le Vice-Président de l’IRE ne recommande-t-il pas son confrère réviseur honoraire Marc Ghyoot et ses « expertises » remontant à 1999 et 2002. Et si ceux-là ont quelques problèmes de mémoire, pas forcément inhérents à leurs statuts de réviseurs honoraires, ils pourront toujours compter sur Gérard Delvaux, Henry Garny, Bertrand Guevar qui, tous, ont prospéré sur cette affaire scandaleuse et qui eux aussi sont toujours Réviseurs honoraires.

 

Le conseiller technique de la bande des cinq se trompe, les véritables acteurs, ceux qui savent, ne sont pas décédés et ils ont même une particularité commune : ils se fréquentent au sein du même Institut ! 

Le conseiller technique de la bande des cinq et Vice-Président de l’IRE, en principe apôtre de la transparence et de la sincérité des comptes, totalement dédié à la volonté de ses clients de ne pas voir le cinquième expert judiciaire enquêter là où il le faut, se répand en considérations savantes sur la notion de sondages (qui permettraient de passer à côté de l’essentiel) en se référant à la norme d’audit ISA 530  (norme internationale d’audit) tout en oubliant de préciser que cette norme s’applique, semble-t-il, aux audits d’états financiers des périodes ouvertes à compter du 15 décembre 2009. Il ne fait en revanche aucune référence à ce que dit le Conseil des normes internationales d’audit et d’assurance (International Auditing and Assurance Standards Board, IAASB) à propos de la tenue de comptabilité au crayon papier…Le conseiller technique ne craint pas non plus d’opposer à l’expert judiciaire qu’il doit se contenter de consulter les pièces, lui qui d’expérience sait nécessairement qu’une mission d’expertise judiciaire ne peut s’effectuer sans en disposer physiquement et totalement, seule façon d’assurer la transparence  et le contradictoire.

Fernand Maillard indique qu’à l’analyse de la comptabilité des sociétés concernées, il n’a pas constaté de complexités techniques particulières ou hors du commun, élément d’information capital dans la mesure où l’expertise judiciaire, si elle finit par arriver à son terme, permettra de déterminer in fine si dans sa mission d’intérêt général, le vice-président de l’institut a failli.

 

De découverte en découverte.

La proximité, pour ne pas dire la consanguinité, qui règne entre l’Institut des Réviseurs d’Entreprises et ceux qui leur accordent nombre de missions, est particulièrement choquante
L’analyse du site de l’IRE ne laisse pas de surprendre. On pensait en avoir fini avec les personnages rencontrés tout au long de l’enquête. Mais non, les rapports annuels encore accessibles nous ont permis de découvrir que Madame Anne Spiritus Dassesse, Présidente du Tribunal de Commerce de Bruxelles était dans le même temps et sans discontinuer, de 2000 à 2008, Présidente de la commission de discipline de l’IRE. C’est elle qui prononça le 6 octobre 2004 en moins de vingt- quatre heures huit jugements de faillite sur aveu sans avoir convoqué une assemblée générale extraordinaire des actionnaires, sans prévenir la caution personnelle Luc Verbruggen, ni l’avocat des actionnaires (Cf épisode 10 de notre enquête). La plainte déposée par LV au près de l’IRE à l’encontre de Gérard Delvaux, le réviseur liquidateur judiciaire dans ce cadre, n’a pas eu de suite….Quant à Laurence Massart, qui a pris en avril 2019 la succession à la tête de la Cour d’Appel de Bruxelles du juge Luc Maes dont on se souvient de l’arrêt qu’il a rendu en innocentant « la bande des cinq » condamnée en première instance à cinq mois de prison avec sursis, on s’aperçoit qu’elle est en 2009 membre de la Commission d’Appel de l’IRE.

La proximité, pour ne pas dire la consanguinité, qui règne entre l’Institut des Réviseurs d’Entreprises et ceux qui leur accordent nombre de missions, est particulièrement choquante, d’autant plus que des enjeux financiers très importants sont en jeu. A quand la publication par le Tribunal de Commerce de Bruxelles (et par tous les autres) des expertises judiciaires confiées, de leurs montants et de leurs bénéficiaires ? Les surprises ne manqueraient vraisemblablement pas.

 

Un Vice-Président de l’IRE polyvalent.

Cet Institut est un véritable repaire des meilleurs connaisseurs de l’affaire Verbruggen qui, jusqu’à présent, restent unis et actifs dans le déni
Le Vice-Président de l’IRE est polyvalent. L’analyse des mandats exercés par le Conseiller technique/réviseur Fernand Maillard met en effet en évidence qu’il exerce le mandat d’administrateur du Centre Belge de la Bande Dessinée (CBBD) depuis le 29 avril 2016 et qu’il en est également le trésorier depuis cette même date. Il apparaît que le CBBD est certes une entité à but non lucratif (Asbl) mais qui exerce une activité économique qualifiable de commerciale, ce qui ne semble pas permettre à un Réviseur d’exercer ce mandat d’administrateur, selon les règles de la profession de Réviseur d’entreprise. Une Institution qui se déclare, au moins officiellement, aussi sourcilleuse quant à la transparence, à l’éthique et à la rigueur aurait intérêt à publier l’intégralité des mandats d’administrateurs exercés par ses membres, au moins pour ceux qui sont autorisés.

En tirant la pelote, le Centre Belge de la Bande Dessinée (CBBD) nous conduit au site de ActuaBD qui a publié deux contributions de lecteurs pour le moins troublantes, où l’on retrouve notre Conseiller technique, Fernand Maillard. Les deux semblent bien indiquer que le CBBD exerce une activité commerciale : l’une datée du 01 décembre 2019 est titrée : « Quand un scandale en cache plusieurs autres, conflits d’intérêts à répétition », l’autre datée du 07 décembre 2019 est titrée, elle : « Auteurs, rentrez, Marchands, sortez ». Sans rentrer dans les détails, le Réviseur Fernand Maillard, administrateur et trésorier du CBDD n’a pas trouvé à redire à ces conflits d’intérêts qui semblent patents, pas plus qu’il n’a fait barrage à « l’absence de rigueur ahurissante », pour reprendre les termes de la parution, ayant présidé à l’élaboration des bilans 2015, 2016, 2017 et 2018 ayant été déposés à la Banque Nationale de Belgique. Et l’on ne parle pas là  de certaines « curiosités de gestion » qui apparaissent comme étant « incohérentes et incroyablement favorables aux marchands, au détriment du CBBD », pas plus que de charges exceptionnelles qui ont la particularité pour le moins paradoxale d’être récurrentes.

L’irruption du Vice-Président, Fernand Maillard, de L’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) dans l’affaire Verbruggen nous a donc permis non seulement d’aller plus avant sur la personne du Conseiller technique choisi par les héritiers hostiles aux droits de succession, au point de commettre le parjure, mais aussi de mettre en évidence que cet Institut (1) est un véritable repaire des meilleurs connaisseurs de l’affaire Verbruggen qui, jusqu’à présent, restent unis et actifs dans le déni, au point d’accepter que son Vice-Président soit celui qui officiellement fasse obstacle, en son nom, à la manifestation de la vérité.

Christian Savestre 

(1) Au-delà de l’affaire Verbruggen, la plongée au sein de L’Institut des Réviseurs d’Entreprises (IRE) mérite le détour, comme on dit dans le guide Michelin, un détour trois étoiles même. Nous y reviendrons dans un autre article qui viendra compléter nos recherches en matière d’organisation de l’évasion fiscale.