Cryolite : le Danemark censure son histoire coloniale

D’après le documentaire « L’or blanc du Groenland », entre 1854 et 1987, le Danemark a extrait de la cryolite au Groenland pour un chiffre d’affaires de plus de 50 milliards d’euros, provoquant l’indignation dans le pays. La censure du documentaire par la radio-TV danoise illustre combien au Danemark, pas moins qu’en France, il ne faut s’appesantir de l’histoire ni de la violence coloniale.

Ces derniers jours, DR, la radio-télévision danoise, a retiré le documentaire Orsugiak : L’or blanc du Groenland de son catalogue. Ce documentaire, produit par DR et initialement diffusé le 9 février, relate l’enquête de la chercheuse dano-kalaaleq (sing. groenlandais·e) Naja Dyrendom Graugaard, spécialiste des questions coloniales, pour faire connaître les activités extractivistes danoises au Kalaallit Nunaat (nom autochtone du territoire désigné par Groenland) pendant et après l’époque coloniale. L’enquête démontre qu’entre 1854 et 1987, le Danemark a extrait environ 3,5 millions de tonnes de cryolite dans un fjord du sud du Kalaallit Nunaat pour un chiffre d’affaires estimé à 400 milliards de couronnes danoises de 2025 (environ 54 milliards d’euros). La cryolite est un minerai rare, à la base de l’industrie de l’aluminium, qui repose sur un assemblage avec de l’alumine extraite de la bauxite. Elle est désormais épuisée et produite artificiellement. Le seul gisement se trouvait à Ivittuut, dans le sud-ouest du Kalaallit Nunaat. La mise en lumière des activités extractivistes danoises au Kalaallit Nunaat, mais surtout le chiffrage des revenus tirés par la puissance coloniale danoise a provoqué une grande indignation au Kalaallit Nunaat et suscité les dénégations au Danemark. Le retrait du documentaire par DR illustre l’étendue des tensions autour de la reconnaissance de l’histoire coloniale danoise, alors que les élections législatives du 11 mars au Kalaallit Nunaat pourraient rapprocher le territoire autonome de l’indépendance.


By Tanguy Sandré

Tanguy Sandré est post doctorant en sciences sociales, CEARC, Université de Paris Saclay. Il est doublement Master en Adaptation au changement climatique et en Études arctiques, et chercheur dans ces domaines. Il a également collaboré avec l'Université du Cap (Afrique du Sud) et le Ministère de l'Europe et  des Affaires Étrangères.