Pensions des fonctionnaires : deux arguments pour un régime mal aimé

Parmi les nombreuses réformes des pensions annoncées par le gouvernement De Wever, la disparition des spécificités du régime des fonctionnaires figure en bonne place. Dans le futur, ceux-ci devraient être traités exactement comme les salariés et les indépendants. Ce n’est que justice, dira-t-on : tous les travailleurs doivent avoir les mêmes droits. D’accord. Mais pourquoi serait-ce le régime des salariés et des indépendants qui devrait servir de modèle ? Pourquoi ne pourrait-on pas souhaiter au contraire une convergence vers le régime des fonctionnaires ? Certes, celui-ci a plutôt mauvaise presse, sans parler de son coût. Je voudrais néanmoins ici présenter deux arguments en sa faveur.
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Le premier tient à ce que ce régime est certainement la meilleure illustration de l’ambition qui se trouve au fondement de la sécurité sociale. L’image est éculée et pourtant toujours aussi pertinente : « la sécurité sociale, c’est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas ». Autrement dit, la sécurité sociale a vocation à remplacer l’épargne ou l’héritage pour garantir un certain niveau de vie lorsque les revenus professionnels viennent à disparaître temporairement (par exemple en cas de maladie) ou définitivement (par exemple en cas de retraite). Et il faut bien admettre qu’à l’heure actuelle, c’est la pension des fonctionnaires qui réalise le mieux cet objectif. Cela s’explique par son mode de calcul : son montant est établi de façon à correspondre à une partie, plus ou moins importante selon la durée de la carrière, d’un montant proche de la dernière rémunération. Au contraire des autres travailleurs qui, en raison du faible montant de leur pension, doivent se constituer un patrimoine par leurs moyens propres (ou un héritage familial) pour éviter une chute de leur niveau de vie, le fonctionnaire peut compter sur la pension légale pour remplir ce rôle. En d’autres termes, sa pension sert d’équivalent fonctionnel au patrimoine. Remarquons que dans les deux cas, celui de la pension du fonctionnaire ou du patrimoine, de l’argent est nécessaire pour maintenir le niveau de vie du travailleur. Mais dans le premier, la distribution de cet argent se fait un moyen d’une institution organisée collectivement. Dans le second, c’est le parcours individuel et les aléas qui y sont liés (avancements ou interruptions de carrière, projets familiaux, chance d’hériter ou non, etc.) qui déterminent l’épaisseur du patrimoine.
Publication de la version longue avec l’aimable accord de Quentin Detienne.
La version courte à été publiée en Carte Blanche sur le site du journal le Soir le 25 mars 2025.