L’histoire oubliée de l’antisionisme juif

Zachary J. Foster est un historien usaméricain dont les recherches portent sur l’idée de Palestine ainsi que sur les origines de l’identité palestinienne au XIXe siècle. Zach est Maître de conférences en droit au Rutgers Center for Security, Race and Rights. Il est titulaire d’une maîtrise en études arabes de l’université de //Georgetown et d’un doctorat en études du Proche-Orient de l’université de Princeton. Il est le fondateur des archives numériques Palestine Nexus et rédige une lettre d’information intitulée Palestine, in Your Inbox. Zach contribue fréquemment à des médias internationaux, dont le journal israélien Haaretz et TRT, le radiodiffuseur public national de Turquie.

 

Des juives antisionistes, du groupe Judies por una Palestina Libre, protestent contre le génocide des Palestiniens par Israël à Mexico, le 29 novembre 2024. Une manifestante porte une pancarte sur laquelle on peut lire “Pas en notre nom”” une autre pancarte indique “Expulser Israël de l’ONU”. Photo Zachary Foster.

Le sionisme a été impopulaire parmi la plupart des Juifs pendant les six premières décennies de son existence juive, des années 1870 aux années 1930. Il est devenu dominant dans les années 1940 avec l’anéantissement des Juifs d’Europe et la conversion des Juifs usaméricains et arabes, qui sont passés de non sionistes à sionistes. Au cours des six décennies suivantes, le sionisme a prospéré, transformant l’affiliation religieuse des institutions juives du monde entier du judaïsme à l’israélisme. Cependant, au cours des deux dernières décennies, et surtout des deux dernières années, la communauté juive mondiale s’est divisée : alors que le sionisme s’est ancré parmi les juifs d’Israël, il a reculé parmi les juifs des USA, où résident 70 % des juifs en dehors d’Israël et où le soutien au sionisme s’effondre à la vitesse la plus rapide de l’histoire. Ceci est l’histoire de la montée, de la chute et de la résurgence de l’antisionisme juif.

 

L’antisionisme juif avant 1948

USA et Europe occidentale

La plupart des Juifs usaméricains, qui étaient entre 4 et 5 millions dans les années 1930, se sont opposés au sionisme depuis ses origines jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. Le mouvement réformé a clairement exprimé son rejet institutionnel du sionisme dans sa plate-forme de Pittsburgh de 1885 et dans une déclaration de 1898, puisque « la mission du judaïsme est spirituelle et non politique ». Après la Première Guerre mondiale, 299 éminents Juifs usaméricains ont écrit  une lettre ouverte pour protester contre « la ségrégation politique des Juifs et le rétablissement en Palestine d’un État spécifiquement juif ». Selon eux, c’était « totalement contraire aux principes de la démocratie ». Ils estimaient qu’un État juif dans un pays composé à 90 % de non-Juifs était antidémocratique. Allez savoir pourquoi. Pour citer l’historien juif usaméricain Morris Jastrow Jr. en 1919, « la présence de tant de nationalités en Palestine » est la raison pour laquelle il devrait y avoir « un État palestinien – pas un État juif, pas plus qu’un État mahométan ou chrétien… ». Le problème du sionisme était évident pour la plupart des Juifs usaméricains.

 Même au milieu des années 1930, le sionisme n’attirait qu’une minorité de Juifs usaméricains. Les principales organisations sionistes usaméricaines comptaient environ 1,5 % de Juifs usaméricains parmi leurs membres, soit 65 000 sur 4 400 000. La plupart des Juifs se sont tenus à l’écart du sionisme parce qu’ils pensaient que la défense d’un État juif en Palestine jetterait le doute sur leur allégeance aux USA et confirmerait ainsi les accusations antisémites de double loyauté. Même les intellectuels juifs qui soutenaient la revitalisation de la culture juive, comme Samuel Untermyer et Felix M. Warburg, étaient de cet avis. Beaucoup d’autres, cependant, gravitaient autour du communisme, ridiculisant les sionistes en tant que nationalistes et impérialistes. Comme l’a dit un universitaire, les sionistes étaient « une petite minorité souvent moquée au sein de la gauche socialiste juive ».