Sous couvert de simplification, la Commission européenne s’apprête à sacrifier les plus grandes avancées en matière de responsabilité des entreprises.
Si vous pouvez lire ceci, c’est parce que d’autres se sont abonnés.
MERCI À CELLES ET CEUX QUI NOUS SOUTIENNENT !
C’est grâce à vous que nous pouvons publier du contenu.
Vous pouvez aussi nous soutenir en vous abonnant,
sur Tipeee, ou nous soutenir GRATUITEMENT avec Lilo !
Alors que l’Union européenne venait de franchir un cap historique avec l’adoption des directives CSRD (reporting de durabilité) et CSDDD (devoir de vigilance des entreprises), voilà qu’un texte passé presque inaperçu sème le doute et menace de faire voler en éclats ces avancées pourtant décisives : le texte OMNIBUS.
Présenté comme une simple opération de “simplification réglementaire”, le texte OMNIBUS agit en réalité comme un cheval de Troie législatif, ouvrant la voie à une remise en cause silencieuse mais profonde des obligations environnementales et sociales pesant sur les grandes entreprises européennes.
Il ne s’agit plus seulement d’alléger les procédures : il s’agit de revenir sur l’esprit même de ces normes. De rendre optionnel ce qui devait être contraignant. De donner des armes aux États membres et aux lobbies les plus réticents pour freiner, retarder, voire neutraliser les dispositifs de responsabilisation. En somme, de désosser les normes CSRD et CSDDD avant même leur entrée en vigueur complète.
Ce texte crée un précédent. Il banalise l’idée qu’une norme peut être vidée de sa substance par simple volonté administrative. Il institutionnalise le double langage européen : des grands discours sur la transition verte et la responsabilité sociale, mais des actes qui en sape la portée dès que les intérêts industriels grondent.
Ce recul est d’autant plus grave qu’il envoie un signal désastreux à toutes les entreprises qui, de bonne foi, ont anticipé les exigences de la CSRD et de la CSDDD. Que vont-elles penser, ces PME et ces grands groupes qui ont réorganisé leur gouvernance, repensé leur chaîne d’approvisionnement, investi dans la transparence ? Que les efforts ne paient pas ! Que l’UE n’est pas fiable ! Et que les tricheurs seront, une fois de plus, récompensés !.
Des signaux faibles mais convergents révèlent une inquiétude croissante. Dans un baromètre publié début 2025, les directions juridiques européennes estiment leur préparation ESG à un niveau très insuffisant. Le doute s’installe. Sur le terrain, on observe déjà des entreprises qui suspendent ou ralentissent leur transition durable, faute de lisibilité réglementaire. Le message envoyé par le texte OMNIBUS ne fera qu’aggraver cette défiance.
Loin de renforcer la compétitivité européenne, le texte OMNIBUS affaiblit notre capacité collective à transformer le modèle économique, à planifier la transition écologique, à remettre la justice au cœur des échanges mondialisés. Il détricote patiemment ce que la société civile, les chercheurs, les élus engagés et même une partie du monde économique avaient mis des années à bâtir.
À l’heure où les dérèglements climatiques s’intensifient et où les tensions sociales s’exacerbent, remettre en cause les normes de responsabilité revient à jouer avec des allumettes sur un baril de poudre. Ce texte trahit les objectifs du Green Deal européen. Il affaiblit la parole publique. Il légitime le cynisme économique.
La boîte de Pandore est ouverte. Si nous la laissons béante, ce ne sont pas seulement les normes CSRD et CSDDD qui seront emportées, mais l’ensemble du projet européen de durabilité.
Et nous ne sommes pas seuls à tirer la sonnette d’alarme. En Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas, des ONG, des eurodéputés et des universitaires dénoncent déjà cette dérive. Une résistance transnationale est en train de se lever. Car il ne s’agit pas d’un débat technique, mais d’un choix de civilisation.
Nous appelons les parlementaires européens à s’opposer fermement à ce recul normatif. Et nous appelons les citoyens, associations, syndicats et entreprises responsables à faire entendre leur voix. Il en va de notre avenir démocratique, écologique et économique commun.