Faire trembler les banques (février 2008) – JULIAN ASSANGE

JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 12

En janvier 2008, alors que la crise financière bat son plein, la banque Julius Bär, l’une des plus grandes banques suisses, continue sans scrupules à se livrer à des transactions illicites avec sa filiale des îles Caïmans, afin de permettre à ses clients de réduire ou d’échapper à l’impôt…

WikiLeaks s’empresse de publier des documents compromettants, où figurent une série de noms bien connus : Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, Jim Carrey, Céline Dion…
C’est une information qui va remonter jusqu’à WikiLeaks grâce à Rudolf Elmer, l’ancien directeur de la filiale des îles Caïmans. Soupçonné de fraude puis licencié, Rudolf Elmer a décidé de se venger de Julius Bär. Il a quitté les bureaux avec une copie de ce qui se trouvait sur les serveurs… Et WikiLeaks s’empresse de publier des documents compromettants, où figurent une série de noms bien connus : Bruce Willis, Arnold Schwarzenegger, Jim Carrey, Céline Dion…

Les menaces proférées par le cabinet sont si agressives que l’avocat de WikiLeaks conseille à Julian de renoncer
La réaction de Julius Bär et des avocats de ses clients ne se fait pas attendre. Le cabinet d’avocats Ludley & Sanger envoie un courrier à WikiLeaks, exigeant le retrait de la liste des clients. Les menaces proférées par le cabinet sont si agressives que l’avocat de WikiLeaks conseille à Julian de renoncer :
Ces gens sont trop puissants, trop connectés, trop riches, rien ne va les arrêter.
Julian rétorque que lui non plus, rien ne l’arrête. Il maintient et poursuit les publications… La banque décide alors de poursuivre en justice WikiLeaks, ainsi que le registre du nom de domaine wikileaks.org. C’est une situation de crise, la première grande crise qui menace l’existence même de WikiLeaks.

La justice américaine ordonnera la fermeture du nom de domaine de WikiLeaks
La justice américaine tranchera en faveur de Julius Bär et ordonnera la fermeture du nom de domaine de WikiLeaks. En février 2008, wikileaks.org est mis hors ligne et n’est plus accessible que via son adresse IP numérique ou les sites miroirs…

Mais Julian avait prévu ce cas de figure dès la création de Wikileaks. C’est ici que l’on comprend en quoi le dépôt du nom de domaine à San Francisco, capitale des Cypherpunks (épisode 5 de WANTED), était un choix judicieux. En effet, en apprenant la nouvelle, les nombreuses associations de défense de la liberté de presse basées dans cette ville montent au créneau. Très vite, elles introduisent une requête pour protester contre la censure du nom de domaine de WikiLeaks. Elles veulent être entendues par le tribunal pour attirer son attention sur des points de droit relatifs au premier amendement, qu’elles estiment avoir été négligés. Pour rappel, voici le premier amendement de la constitution américaine :

Le Congrès n’adoptera aucune loi relative à l’établissement d’une religion, ou à l’interdiction de son libre exercice ; ou pour limiter la liberté d’expression, de la presse ou le droit des citoyens de se réunir pacifiquement ou d’adresser au Gouvernement des pétitions pour obtenir réparation des torts subis?
La pression que ces organisations exercent sur le tribunal est si forte que le juge Jeffrey White fait marche arrière : il annule son ordonnance 
La pression que ces organisations exercent sur le tribunal est si forte que le juge Jeffrey White fait marche arrière : il annule son ordonnance et rejette la demande de la banque. Lucy Dalglish, directrice exécutive du Comité des reporters pour la liberté de la presse, dira : « Il est rare qu’un juge fédéral fasse un virage à 180° dans une affaire et revienne sur une décision. Nous sommes très heureux qu’il ait reconnu les implications constitutionnelles de cette restriction préalable ». À l’issue du procès, la banque sera condamnée à 300 millions $ d’amendes. Victoire énorme et cruciale pour WikiLeaks et Julian… qui recevront cette année-là l’Economist New Media Award.

Cette affaire a permis à Julian d’observer de plus près le fonctionnement des paradis fiscaux. Il réfléchit entre autres à ce qui détermine leur localisation. Pourquoi les investisseurs choisissent-ils souvent des endroits reculés dans le monde, comme des îles perdues dans le Pacifique ? Parce que leurs faibles densités de population, le fait que ces lieux se trouvent loin de tout et en dehors des radars, permettent aux lobbyistes de faire passer des lois qui les transforment en paradis fiscaux.

Pourquoi ne pas utiliser cette même stratégie pour créer l’inverse d’un paradis fiscal … un paradis de l’information ?
Il n’en faut pas plus pour que germe dans l’esprit de Julian une idée « diabolique » : pourquoi ne pas utiliser cette même stratégie pour créer l’inverse d’un paradis fiscal ? Pourquoi ne pas utiliser cette stratégie pour créer un… paradis de l’information ?

Voilà. C’était le 8ème épisode de WANTED, la série qui vous emmène au cœur du réacteur de notre monde et vous en dévoilera les faces cachées…

Demain, nous verrons comment WikiLeaks va poursuivre son travail, pendant que cette nouvelle idée fait son chemin dans la tête de Julian…

Belgium4Assange

Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir

Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.

A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.

Sources / pour en savoir plus

The most dangerous man in the world, Andrew Fowler, Skyhorse Publishing, 2011.

The unauthorized autobiography, Julian Assange, Canongate Books Ltd, 2011.

https://wikileaks.org/wiki/Bank_Julius_Bär_vs._Wikileaks.

https://www.journalistefreelance.be/A-Leak-in-Paradise.

https://wikileaks.org/wiki/Wikileaks_victorious_over_Bank_Julius_Baer.

https://wikileaks.org/wiki/Bank_Julius_Baer.

Les associations qui ont soutenu WikiLeaks : l’Electronic Frontiers Fondation, l’American Society of News Editors, l’Associated Press, le Citizen Media Law Project, la E. W. Scripps Company, la Gannett Company, la Hearst Corporation, le Los Angeles Times, la National Newspaper Publishers Association, la Newspaper Association of America et la Society of Professional Journalists…

https://wikileaks.org/wiki/Media_and_civil_liberties_organizations_file_briefs_in_support_of_Wikileaks

https://www.letemps.ch/economie/un-exbanquier-remet-documents-wikileaks.

Le film documentaire du journaliste belge David Leloup A Leak in Paradise : https://www.journalistefreelance.be/A-Leak-in-Paradise.

Economist New media Award : https://www.indexoncensorship.org/2017/04/indexawards2008-wikileaks-economist-new-media-award/.