Détournement d’audit. Le système financier au cœur de la crise libanaise

Conjuguée avec une difficile situation sanitaire liée à la gestion de la pandémie de Covid 19[1], la double explosion du port de Beyrouth, le 4 août 2020, a de lourdes conséquences. Près de 200 personnes y ont trouvé la mort, 7.000 autres ont été blessées, près de 300.000 personnes se retrouvent aujourd’hui sans logement, tandis que des milliers perdraient leur emploi. Alors que ce port était la porte d’entrée commerciale principale du pays, ce sont l’économie libanaise toute entière et la sécurité alimentaire du pays qui sont une nouvelle fois mises à mal.

Ce système bancaire a peu à peu fait sombrer le pays dans une inexorable crise financière qui a ruiné une grande partie de la classe moyenne
Cette explosion survient dans un contexte de grandes difficultés économiques que rencontre le pays depuis plus d’un an. En octobre 2019, le gouvernement annonce l’imposition de nouvelles taxes sur toutes les applications téléphoniques gratuites. S’ensuivent plusieurs mois de protestations sociales d’où émergeront certaines revendications dont, notamment, la cessation de la privatisation des entreprises étatiques et la chute du système bancaire actuel. En effet, ce système bancaire a peu à peu fait sombrer le pays dans une inexorable crise financière qui a ruiné une grande partie de la classe moyenne et provoqué la dégradation de nombreux services publics. Tandis que les inégalités de revenus se creusent avec force[2], le taux de pauvreté est passé au-dessus de 50% de la population[3] et environ un tiers de la population vit avec moins de 4$ par jour.

 

La ritournelle de la politique d’endettement

Début mars, devant la dévaluation galopante de la livre libanaise, le Liban annonce le premier défaut de paiement de son histoire sur une partie de sa dette extérieure publique
Les politiques économiques ultralibérales appliquées depuis la fin de la guerre civile en 1990 ont renforcé le secteur financier devenu la principale locomotive d’une économie de rente. L’État a fait le choix de la reconstruction à travers un endettement auprès de la Banque du Liban (BDL) (dirigée par le même gouverneur depuis près de 30 ans, M. Riad Salamé) et des banques commerciales libanaises (dont certains sièges de conseils d’administration sont détenus par des hommes politiques). La politique monétaire libanaise repose sur la parité très étroite de la livre libanaise sur le dollar. Sur base des dollars envoyés par l’immense diaspora libanaise de par le monde (8 milliards $ en 2018), les banques achètent massivement des titres de la dette publique libanaise, dont près de 40% sont libellés en dollars, en bénéficiant de taux d’intérêt très avantageux. Aujourd’hui, les banques détiennent ensemble près de 80% de la dette publique libanaise qui représente début 2019, 170% du PIB du pays.