Ouvrir le débat et relever le défi de l’alternative écologique et sociale
Nicolas Hulot dénonçait dans Brisons cet ordre cannibale “La fraction des acteurs économiques organisés pour contourner l’impôt et ne pas contribuer au budget commun” et concluait “Osons dire que la violence capitaliste a colonisé tous les cercles du pouvoir”.
À la veille des élections belges et européennes du 26 mai dernier, Hugues Le Paige – réalisateur et journaliste, membre du collectif éditorial de la Revue Politique, publie dans Le Vif une analyse sur le positionnement politique et idéologique d’Écolo sous le titre “Écolo, le capitalisme et la gauche”.
Jean De Munck a immédiatement réagi à l’article d’Hugues Le Paige, car s’il partage certaines de ses approches et critiques, il arrive à une conclusion opposée à ce dernier qui, lui, doute d’un réel ancrage à gauche d’Écolo.
Nous souhaitons développer sur notre site de POUR ce débat et relever le défi de l’alternative écologique et sociale. Nous appelons donc à une contribution d’idées à ce débat des plus importants pour la période.
Nous publions aujourd’hui, l’apport de Pierre Ansay au débat entamé par l’article de Hugues Le Paige et la réponse de Jean De Munck. ..
Jean-Claude Garot
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Lire et digérer les apports de ces deux penseurs de grande qualité me remplit de joie : le temps des anathèmes et des excommunications semble bien passé. Certes, le chemin à tracer à partir des rugosités qu’ils exhibent s’avère des plus ardus puisque le noyau de leur argumentation atterrit sur des enjeux politiques brûlants : la possibilité d’une alliance des trois partis progressistes (Ecolo, PS et PTB) en Wallonie, nonobstant la problématique constitution d’une majorité de centre-gauche au Parlement fédéral. Je me propose donc de passer en revue, en respectant la temporalité de leurs débats (carte blanche de Hugues Le Paige puis réponse de Jean De Munck) en pointant quelques arguments et les mettant en regard. J’y ajouterai quelques remarques élaborées à partir d’un processus que je nomme « processus de subjectivation », à savoir comment ces propositions lèvent en moi des interrogations, poussent vers la reprise de grands auteurs en la matière (Machiavel, Spinoza et Weber) et stimulent la production d’hypothèses que je livre au lecteur compatissant pour mes à peu près.
Hugues Le Paige : le capitalisme et la gauche
Pour Hugues, il est question de forcer Ecolo à sortir du bois : il lui est demandé de se démarquer clairement sur l’axe gauche/droite. Hugues, avec une argumentation solide, a la partie facile pour pointer les propos évasifs de la direction d’Ecolo qui s’emploie à noyer le poisson avec toute l’habileté désirable vu que son relatif succès bénéficie d’un apport conséquent résultant d’une transfusion électorale affaiblissent le MR L’avenue est ouverte pour des formulations alambiquées de type « capitalisme vert », « changeons nos comportements individuels », « l’économie reverdie créatrice d’emplois », « justice climatique », etc. Mais il convient de ne pas oublier que le texte de Hugues a été écrit avant les élections, n’ayant donc pas pris en compte le succès incontestable du PTB qui, a son tour, enlève des parts de marché électorales potentiellement acquises à Ecolo. La vaste nuée imprécise des votants pour le PTB a sans doute contribué à atténuer la vague verte et à gruger des votes de gauche qui se sont tournées vers des proclamations plus explicites relatives à la justice. Pertinence sans doute de rappeler la distinction cardinale qu’opère Max Weber entre l’éthique de conviction et l’éthique de responsabilité. L’éthique de conviction affirme ses valeurs et ne veut rien céder de ses principes. Elle ne veut rien entendre des conséquences de ses actions, seule compte la pureté de ses principes qui flirtent avec le dogme et le discours religieux. L’éthique de responsabilité est attentive aux conséquences hic et nunc de son engagement. Je pense dès lors à ces phrases, certes pessimistes mais sans doute réalistes de Spinoza dans le Traité politique : « Les hommes politiques songeraient, croit-on, bien plus à tendre des embûches aux hommes qu’à les servir utilement et leurs actes seraient inspirés bien plus par la ruse que par la sagesse. Ne savent-ils pas, par expérience, qu’il n’y a pas d’hommes sans défauts ? C’est pourquoi, en vue de déjouer la méchanceté des hommes, ils ont recours à toutes sortes de procédés éprouvés qui font appel au sentiment de crainte, bien plus qu’au raisonnement. »
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Pierre Ansay
[1] Francis Wolff, Trois utopies contemporaines, Paris, Fayard, 2017
[2] Rosa Luxembourg, textes, Paris, Editions sociales, 1982.