Vente d’armes et conflits armés : sortir du cercle vicieux 

Un article du CADTM – Projet ReCommonsEurope

 

Il n’y a pas de fumée sans feu…  

L’Union européenne et ses États membres portent de lourdes responsabilités directes et indirectes dans les conflits armés qui, en semant la mort et la destruction à travers la planète, affectent la vie de millions de personnes. Celles et ceux qui survivent dans des zones de conflits sont affecté·e·s par la destruction physique des logements, des services publics de santé et d’éducation, ou encore des unités de production d’énergie, d’assainissement d’eau, et des infrastructures permettant l’acheminement de ces biens vitaux. En cela, les conflits armés ont des conséquences négatives durables sur les capacités des sociétés affectées à garantir les droits humains fondamentaux et à être résilientes à d’autres chocs majeurs tels que des catastrophes naturelles ou des urgences sanitaires. Pensons à l’impact potentiellement dévastateur que pourrait avoir une épidémie telle que celle du Covid-19 dans des régions lourdement marquées par les destructions d’infrastructures, ou dans les camps où sont entassées dans des conditions déplorables des centaines de milliers de personnes fuyant les conflits et les persécutions. 

Pour les classes dominantes qui représentent une infime minorité de la population mais ont le contrôle du pouvoir d’État, les armes constituent en revanche un moyen efficace pour maintenir l’ordre social existant dès lors que la domination n’est plus acceptée comme naturelle par les dominé·e·s. La nécessaire reconstruction de zones dévastées par les guerres permet en outre d’offrir de nouveaux champs d’accumulation pour le capital. 

Pour les forces de la gauche politique et sociale qui voudraient incarner une force de changement en Europe visant à établir les bases d’une société égalitaire et solidaire, il est impératif de se saisir des politiques antimilitaristes. Il s’agit de lutter non seulement contre les guerres des impérialismes européens, mais aussi contre les ventes d’armes et le soutien accordé à des régimes répressifs et en guerre. 

Le capitalisme industriel a conduit à la production massive d’armes par des industriels qui ont gagné un poids économique et politique considérable, en particulier aux États-Unis, en Europe occidentale, en Russie et en Chine. De par l’objet de leur production, les capitaux de l’armement disposent d’un statut très particulier dans nos sociétés capitalistes : l’armement est un domaine où l’État et le capital privé sont très intimement imbriqués l’un dans l’autre. Les décisions quant à la recherche, à la production et au commerce des armes ne se font pas sans l’aval de l’État, tandis que les industriels sont protégés et subventionnés par celui-ci, qui joue même le rôle de représentant du commerce pour les capitalistes de l’armement.  

 

Des armes de plus en plus performantes 

Poussée à l’innovation permanente, l’industrie de l’armement a développé des armes toujours plus destructrices, notamment à partir de la Première Guerre mondiale. Véhicules blindés, chars d’assaut, autres navires de guerre et sous-marins toujours plus performants se sont multipliés sur les champs de bataille. Surtout, le développement et la généralisation de l’aviation militaire (et des porte-avions) vont permettre de semer la mort et la terreur chez les populations civiles (caractéristique des guerres totales). C’est un objectif similaire de terreur et de mort à l’échelle industrielle parmi les populations civiles qui est poursuivi par le développement des armes chimiques, qui seront au cœur de l’entreprise d’extermination nazie des Juifs et Juives d’Europe et des Tziganes avec les chambres à gaz, comme du déploiement impérialiste de Washington en Indochine avec l’agent orange. C’est toujours cette même logique qui présidera au développement de la bombe atomique, utilisée par les États-Unis à Hiroshima et Nagasaki en août 1945. 

L’utilisation de technologies de pointe est aujourd’hui au cœur du développement des systèmes d’armements, par exemple avec les drones (véhicules – aériens ou non – commandés à distance ou automatisés, pouvant servir à la surveillance comme au combat lorsqu’ils sont équipés de missiles) ou les frontières automatisées (reconnaissant les traversées clandestines à travers un système de capteurs). Comme avec le développement de l’aviation au 20e siècle, ces technologies permettent d’établir une distance de plus en plus grande entre celui qui tue et celles et ceux qui sont tués (ou entre celui qui garde la frontière et celles et ceux qui cherchent à la traverser), et ainsi de limiter chez l’assaillant les risques de blessures, de pertes ou d’empathie pour les victimes.