Signes intérieurs de résilience

Ce 4 févier 2020, nous publiions ici un article Riccardo Petrella, « La stratégie de la résilience. Solution au désastre écologique ? ». Ce texte émettait des doutes quant à la pertinence de la résilience pour résoudre les graves problèmes sociaux et environnementaux que doit affronter l’Humanité. Il partait en effet de la conception de la résilience telle que conçue par « les dirigeants du monde… » qui y voient une obligation « d’adaptation aux nouvelles conditions de vie ». De fait, cette vision « ne postule aucun changement structurel global du système en place »…

Toutefois, cette conception-là de la résilience traduit surtout la capacité des sphères dirigeantes à récupérer les mots et à détourner les alternatives à leur volonté d’hégémonie. Ainsi, pour d’autres, les véritables initiateurs du concept de résilience en politique, la résilience est tout autre. C’est pour mettre en regard cette version initiale de la résilience que nous avons demandé à Hugues Latteur de nous autoriser à reproduire ici une partie d’un texte qu’il a publié pour le Centre d’animation et de recherche en écologie politique Etopia. Le texte complet est consultable en ligne sur le site d’Etopia et dans une adresse directe aux lecteurs privilégiés de nos contrées occidentales, Hugues Latteur défend une conception bien plus offensive de la résilience.

AA – 14 février 2020

 
Signes intérieurs de résilience

Comment se fait-il que, malgré les cris d’alarme répétés des scientifiques depuis bientôt 40 ans et en dépit du constat que « tout se déroule comme prévu pour que survienne le désastre »[1], la mobilisation écologique soit si hésitante ? Le nœud du problème (et la solution) réside dans le psychisme humain. Il comporte six failles de taille.

Cerveau dénaturé

  • La première est bien connue. Aujourd’hui, nous sommes totalement déconnecté·e∙s de la nature. Alors que nos aïeux chasseurs-cueilleurs vivaient intensément dans l’instant présent, les sens en éveil, à l’affût des proies ou des prédateurs, nous passons la majeure partie de notre temps « hors-sol », « assignés à résidence » dans le béton, immobiles comme des prisonniers de droit commun entre 4 murs, ou sur le bitume, entre 4 portières. Comme nos yeux regardent davantage les écrans, et les lumières artificielles que les vrais gens, nous sommes aussi tout simplement déconnecté·e∙s de la réalité. Quant aux produits qui débordent de nos caddies, ce sont des « boîtes noires » dont l’origine nous laisse indifférent·e∙s. Nous oublions que le lait sort du pis d’une vache privée de son enfant ou que le jaune d’œuf est l’ovule d’une poule cloîtrée dans un espace équivalent à une feuille de format A4. Nous ne comprenons pas le lien de cause à effet entre le pesticide pulvérisé au jardin et la qualité de l’eau qui sort du robinet. Nous perdons de vue que la nature nous nourrit et qu’elle est belle à regarder, à écouter et à sentir.
  • La faiblesse de la mobilisation pour sauver la planète s’explique ensuite par notre façon destructrice de répondre à nos besoins physiologiques, de sécurité ou d’appartenance, tout autant que par notre avidité à chercher toujours plus de récompenses immédiates. Nous mangeons trop pour gérer le stress chronique d’un train de vie surchargé ou pour compenser notre isolement, nous nous déplaçons en voiture ou consommons du jetable parce que nous n’avons pas le temps de marcher ou de cuisiner, nous achetons des produits dont nous n’avons pas besoin pour épater la galerie et être « quelqu’un », nous nous déplaçons dans de grosses cylindrées pour nous sentir en sécurité ou faire étalage de virilité et nous nous tuons à la tâche pour nous prémunir face à un avenir incertain. Nous renonçons à réduire notre « confort » matériel parce que nous ignorons que nous pourrions satisfaire autrement nos besoins légitimes.