Pourquoi les gauches françaises, y compris écologistes, commencent à nous inquiéter

Sur les gauches de France, y compris écologistes, quelques impressions vue de Belgique
Olivier Faure est de nouveau premier secrétaire du PS, un PS qui a été sauvé par les alliances en Nupes et en NFP notamment et surtout avec et par LFI et Jean Luc Mélenchon (certains lui reprochent bien assez), la réélection d’Olivier Faure garantissant l’existence, dans un cadre certes plus contraint, d’un minimum de discussions avec LFI.
Un PS qui n’a toujours pas tiré le bilan “du hollandisme notamment macronien et vallsiste” et qui ne le tirera pas.
Par exemple, le PS français soutiendrait-il la suppression des dispositions défavorables de la loi El Khomry de 2016 (voulue par Hollande sous le gouvernement Valls et qui a ouvert le chemin aux dispositions défavorables de la loi Travail de 2017 voulue par Macron dès son élection) et des dispositions défavorables de la loi travail de 2017 mise en place  sous le gouvernement Philippe par Muriel Perricaud (une cadre apolitique du secteur privé dont le parcours révèle qu’elle fut toujours discrètement bien en cour auprès du pouvoir socialiste, notamment hollandiste), des lois qui ont donné la haute main de l’organisation de la flexibilité en entreprises ( et donc de la précarité qui va souvent avec) aux différentes composantes du patronat français ?
Également, il aura fallu attendre le lundi 26 mai 2025, quelques jours avant les votes pour sa réélection comme premier secrétaire du PS, pour qu’Olivier Faure, le PS étant réuni avec les Ecologistes et le PCF, prononce la première fois les mots de “génocide à Gaza”, ce PS dont Edwy Plenel rappelait  le 13 mars 2025 que c’est Hollande qui l’avait fait basculer dans le soutien inconditionnel à Israël, ce que les Palestiniens et ce qui reste des gauches israéliennes paient cash.
Un PS qui se voit, malgré tout, toujours,  comme un navire de croisière de la gauche française mais n’est plus qu’un caboteur rouillé et dont le moteur s’étouffe régulièrement, qui perd ses marins.
30.000 adhérents mais 20.000 votants.
Une influence construite sur un réseau de militants professionnels des fonctions publiques locales et territoriales, dont les élections locales de 2026 menacent le maintien.
“Plus de militants socialistes en dehors du PS qu’au PS”, dit l’ironie de la vérité, et nombreux qui n’y reviendront pas car ils sont hors du PS parce qu’ils sont de gauche et  n’aspirent pas à un “néo-hollandisme”.
Un PS  dont également une partie de ses officiers navigants “n’arrivent que difficilement à être réellement de gauche”.
Un PS dont la tendance majoritaire, porteuse d’un ligne plus sociale et écologique,  pourrait peut être faire alliance ́notamment avec d’éventuels débris du macronisme et dont la tendance minoritaire, porteuse d’une ligne plus libérale, souhaite faire alliance avec d’éventuels débris du macronisme, dans les 2 cas pour revenir au centre physique de l’échiquier politique en France.
Mais, il n’y a pas de débris du macronisme,  certes réduit, Attal (qui fut pendant 10 ans membre du PS, de la gauche de droite) y veille, et ils n’iraient pas vers le PS, Attal également y veille.
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Hollande devrait arrêter d’ennuyer directement et indirectement les gauches en France et, ce sont de nobles occupations, prendre réellement sa pension, arrêter de vouloir influencer, laisser son suppléant occuper sa place de député, se taire, s’occuper de son jardin et de ses enfants et petits enfants ou de tout autre activité qui lui plairait mais cesser la politique.
Son bilan n’est pas de gauche mais de droite.
Quoiqu’il fasse, quoiqu’il suggère, directement ou par d’autres, ce sera cela la mémoire de son bilan et quoiqu’il fasse n’y changera rien, même pas d’essayer de faire croire qu’il n’y avait aucune alternative, ce qui est le sens de son égocentrique activité politique actuelle.
S’il souhaite continuer à gâcher son temps à faire de la politique, sa place est à Renaissance (ex LREM), si Renaissance l’accepterait, ce dont on peut douter.
Je sais, le diagnostic, comme tout diagnostic d’un patient en phase finale, est rude.
De nouvelles  perspectives “hollandistes” conduiront par ailleurs de nouveau “sa gauche de droite”, qui n’a pas de réel allié à sa droite, et l’ensemble des gauches à la défaite.
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Glucksman (Place Publique, 10000 adhérents, en partie volatils) n’est qu’un  produit centriste marketé pour être un “nouveau Macron” et qui n’est pas des gauches.
Comme le Macron initial , “il prendra à gauche pour aller au centre droit”.
L’hirondelle Glucksman des élections européennes n’est pas l’avenir des gauches sociales-démocrates, mais un nouveau symptôme d’une nouvelle phase possible de leur possible déclin.
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Les gauches françaises, sauf LFI, sont dans la gadoue comme des poules sans tête.
Elles obscurcissent les valeurs de gauche et un éventuel programme commun des gauches sur des questions de procédure et de “c’est moi-c’est nous le meilleur – les meilleurs”.
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On l’oublie, mais François Mitterand, que nous n’avons jamais aimé ni admiré, était aussi un léniniste, comme tous les grands hommes politiques, fussent-ils de droite ou du centre.
Il a trouvé en son temps une nouvelle efficacité pour les gauches divisées et c’est pourquoi, en son temps, il déplaisait aux droites, à leur mandants et à une partie des gauches.
Lui aussi, au-delà d’une image médiatique soigneusement mise en scène, fut irascible, manipulateur et exécrable dans sa vie militante.
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Le peuple, les classes ouvrières et populaires, ne sont plus dans les partis politiques, y compris dans les partis des gauches, y compris écologistes.
Cette absence (dont le hollandisme porte,  mais pas seul, une part de responsabilité en France) suppose de trouver une nouvelle efficacité politique.
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LFI, créée en 2016, a trouvé et construit cette nouvelle efficacité politique.
Plus de 300000 adhérents et 100000 actifs à divers titres, même et souvent également hors de LFI, ce qui est un gage d’influences. Un groupe de députés LFI  passant de 17 en 2017, à 58 en 2022 et à 70 en octobre 2024, dont 8 en 2017, 22 en 2022 et 25 en 2024 affiliés au Parti de Gauche pour 1 affilié au Parti de Gauche en 2012, après le départ de Jean Luc Mélenchon en 2008 du PS et la création du Parti de Gauche en 2009.
Un institut de formation de cadres politiques salué en exemple et envié par de nombreux à gauche et même, à bas mots, par certains à droite, ceux qui ont compris et savent que “la politique” est aussi une forme organisationnelle et pas seulement une opinion, “il y en a tellement d’opinions dans les gauches françaises”.
Un réseau d’influenceurs sociaux.
Un programme politique régulièrement actualisé et c’est le seul à gauche dans le cas.
Une production régulière de  colloques thématiques suivi chacun  par près de 10000 personnes et de livres thématiques. La reconstitution de liens avec les intellectuels et, parfois conflictuels avec certains, de liens avec divers mouvements sociaux, dont LFI n’estime pas, par ailleurs, qu’ils seraient une simple courroie de transmission, contrairement jadis au PC et aussi au PS.
Certains comportements de cette efficacité sont criticables, comme par ailleurs dans toute efficacité.
C’est pour cette nouvelle efficacité politique que LFI et Jean Luc Mélenchon déplaisent aux droites, à leurs mandants et à certains des  gauches.
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“Personne” d’autre dans les gauches françaises n’a re-construit une telle efficacité politique.
“Personne” d’autre dans les gauches françaises ne dispose également d’une telle efficacité politique.
 “Personne ” d’autre dans les gauches françaises ne disposera d’une telle efficacité politique pour 2026 et 2027, également pour les élections régionales de 2028.
C’est trop tard pour la créer pour ces échéances, si certains en auraient la volonté, ce dont nous doutons.
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C’est également et surtout pour cela que Jean Luc Mélenchon  est devenu une telle cible.
“Sa disparition”, quelle qu’elle soit,  que nous ne souhaitons pas, augurerait de diverses OPAs sur LFI, son potentiel militant et son potentiel électoral.
Eh oui, c’est cela, l’enjeu secret de cette chasse “en meute”, qui n’épargnera aucun moyen, même les plus bas, contre Jean Luc  Mélenchon et LFI, et qui ne sert que les droites.
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Jean Luc Mélenchon, tribun, n’a rien d’un révolutionnaire, et la période ne l’est pas.
LFI n’est pas une secte.
LFI est un mouvement politique.
Qui assume délibérément une fonction tribunicienne, celle qu’a assumé en son temps, par exemple, á gauche, Georges Marchais. Elle peut effectivement déplaire mais elle est nécessaire.
LFI n’est ni un parti révolutionnaire ni un mouvement révolutionnaire.
Son programme est de gauche et est un réformisme socialiste, parfois même social-démocrate, et écologiste, certes radical si on considère “comme de gauche” les reculs du PS, notamment sous Hollande, et si l’on considère “comme de gauche” l’illibéralisme et les  volontés de régressions démocratiques, sociales et fiscales qui se répandent.
Jean Luc Mélenchon et LFI, par leur existence et leur activité, ont permis, après le minable bilan du hollandisme notamment “macronien et vallsiste”, aux valeurs et perspectives “des gauches” de ne pas sombrer, y compris moralement.
Également moralement, et cela a son importance.
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Dans les perspectives actuelles, il y aurait au moins 2 candidats des gauches, y compris écologistes, aux élections présidentielles de 2027 en France (dont un ou une candidat-e de LFI).
Il y aura également probablement un-e candidat-e d’extrême-droite et de ses alliés (ce ne sera peut-être pas Marine Le Pen, son absence affaiblirait par ailleurs ce pôle) et 2 ou 3 candidats du “socle commun de Macron” qui, selon ses composantes, soit se droitise soit  s’illibéralise à des rythmes divers de plus en plus vers l’extrême-droite.
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Pour n’avoir à l’élection  présidentielle de 2027 qu’un seul candidat des gauches, y compris écologistes, qui serait présent au second tour en 2027, ce qui est la condition pour gagner, sans garantie que ce ne soit  une défaite,  cela nécessite non pas une primaire (qui excluerait LFI et d’autres, au choix, notamment par lui-même Glucksman, qui n’y serait pas vainqueur, ou par lui-même Nicolas Meyer-Rossignol, patron de la tendance minoritaire du PS, qui combattit Hollande sur la déchéance de nationalité et qui n’a pas d’ambition présidentielle mais ne veut pas y voir la défaite de sa tendance dans une primaire des gauches hors LFI), qui aboutirait comme la précédente primaire à un nouveau désastre, mais cela nécessite un programme commun et un socle militant commun.
Quinze mois de travail politique effectif, sérieux, non médiatisé par les buzz et effectué hors l’urgence (contrairement à la NUPES et au NFP, celui-ci conclu en un jour), y compris sur l’aspect organisationnel d’un socle commun militant pour les échéances locales et présidentielle et sur les moyens de mobiliser en faveur “des gauches” les réserves d’abstentionnistes, sont possibles pour arriver à ce résultat nécessaire.
Travaux qui ne peuvent se faire qu’avec LFI, EELV et le PCF étant de gauche, le PS français devra (malgré les motions de ses courants qui souhaitent, plus l’un que l’autre, contourner LFI) choisir d’être de gauche avec LFI (les motions de courants furent nombreuses dans l’histoire du PS français mais ont-elles réellement comptées ?).
C’est ce qu’attendent “les peuples de gauche” qui ont défilé ce dimanche 09 juin 2025 à Montargis dans le Loiret contre l’anniversaire y organisé par le Rassemblement National pour la montée aux élections européennes des extrêmes droites et des partis illibéraux regroupés dans le groupe des Patriotes Européens.
C’est également la seule option pour rassembler derrière un programme des gauches les mouvements sociaux, féministes, syndicaux et écologistes, notamment, et donner une voix la plus unanime possible aux espoirs “des peuples des gauches”.
Petite question, certes saugrenue.
Si des élections législatives devaient intervenir, par exemple fin 2025, les gauches françaises prendraient elles le risque de les affronter désunies ?
La réponse est évidente et négative.
Elles seraient condamnées, sous peine d’être réduites, à “être de gauche” ensemble pour une telle échéance (certes très très très hypothétique mais dont elles ne maîtrisent pas le calendrier de l’hypothétique anticipation).
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Les élections municipales de mars 2026 en France (qui interviendront effectivement 3 mois après notre hypothétique hypothèse monstrative) seront donc également un enjeu concret de cette unité “des gauches, y compris écologistes et y compris LFI”.
On pourrait aussi  écrire du maintien ou de la régression de l’influence locale du PS français construite sur des militants professionnels des fonctions publiques locales et territoriales, qui, sans l’appui de LFI, perdra une partie de ses implantations, du maintien ou pas de l’influence électorale et sociale écologiste dans certaines grandes villes françaises (EELV ne compte que 6000 adhérents, provenant essentiellement de la petite bourgeoisie urbaine) et de l’implantation locale de LFI dans les grandes villes, les villes, les  bourgs et les villages où son implantation et influence locales, socialement diverses, peuvent et doivent se réaliser politiquement localement.
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Les gauches françaises, y compris LFI, commence à nous inquiéter, pour le dire poliment.
Leurs disputes, leurs oublis des principes minimaux d’unité et du principe d’efficacité,  risquent, dans la situation des 2 ans à venir, de leur faire perdre et certaines élections locales de 2026 et l’élection présidentielle de 2027, et de consacrer ainsi de nouvelles défaites stratégiques des gauches françaises, également, par ricochet, des gauches européennes, et de créer de nouveaux désespoirs dans ce qui reste “des peuples des gauches”.
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Perdre, cela ne signifie pas seulement, dans le meilleur des cas où l’on aurait perdu, arriver second à la présidentielle de 2027 mais également (ce d’autant que le vainqueur provoquera des élections législatives et que les prochaines élections régionales françaises sont prévues en 2028) :
●si un  programme commun des gauches françaises y compris LFI ne serait pas conclu, qu’existe un vide politique et de désespérances et d’absence de résistances, en cas de défaite des gauches, y compris écologistes, si les gauches etaient défaites;
●si ce programme commun serait conclu, qu’il ne  trouve pas d’écho politique et citoyen suffisant et suffisamment fort (en absence de socle commun militant non organisé et en absence de mobilisation suffisante des abstentionnistes
notamment ) pour construire une résistance, si le programme des gauches,  y compris écologistes, devait arriver second.
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La situation politique des gauches belges, au niveau fédéral de Belgique, en Wallonie, en Région de Bruxelles-Capitale et en  Flandres, n’a pas de réelle incidence sur les gauches, y compris écologistes, au niveau européen et au niveau international.
La situation politique des gauches françaises, y compris écologistes, a des incidences sur les gauches au niveau européen et au niveau international.
De nouvelles défaites des gauches françaises, y compris écologistes, en 2026 et en 2027 auraient également des répercussions dramatiques sur les gauches en Europe et au niveau international.
Il fut un temps où l’on expliquait que les droites françaises étaient, par leurs désunions et leurs disputes permanentes et publiques, “les plus bêtes du monde”.
Le temps est-il venu où les gauches françaises, y compris écologistes, seraient devenues “les plus bêtes du monde” ?
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Victor Serge,
11 juin 2025.