Nous avons besoin de NewB

Nous nous permettons de prendre quelques minutes de votre temps, parce qu’on pense qu’il y a devant nous une chance historique et qu’il reste très peu de temps pour la saisir. Si cette chance était perdue, elle le serait pour longtemps – une génération au moins. Mais il reste une possibilité de gagner, et si vous en avez l’envie vous pouvez y contribuer.

La chance historique, c’est de nous offrir la possibilité d’échapper à un système bancaire qui utilise chaque jour notre argent contre nous. Dans notre vie quotidienne, vous comme nous croyons à la solidarité, faisons attention à l’environnement, refusons les injustices… Mais quelle que soit la banque où nous ferions verser notre salaire, nous sommes aujourd’hui sûrs d’une chose : cette banque possède de multiples filiales dans des paradis fiscaux et encourage ou pratique la fraude ou l’évasion fiscale à grande échelle ; elle investit notre argent dans l’armement ou le développement de nouvelles exploitations d’énergie fossile ; et elle recourt régulièrement à des licenciements pour augmenter les dividendes à ses actionnaires ou les super-bonus à ses dirigeants.[1]

De sorte que nous nous sentons prisonniers d’une banque qui ne partage aucune de nos valeurs ni de nos intérêts réels, et compromet durablement les intérêts de nos enfants. Et on peut difficilement se faire payer son salaire en liquide et se passer d’un compte en banque et d’une carte Bancontact ; dès lors nous sommes prisonniers.

Mais pas condamnés à perpétuité : NewB, une banque coopérative belge, simple et robuste, sociale et écologique peut voir le jour début 2020. Cette possibilité résulte de 6 ans et de milliers d’heures de travail préparatoire. Reste une étape cruciale à franchir d’ici le 27 novembre : réunir les 30 millions € exigés par la Banque Nationale, qui a scruté le projet et le business plan de la future banque.

Il y a urgence. Le cap des 2 millions n’a été passé qu’après 11 jours. C’est un bon début, mais c’est trop lent. D’autres apports (organisations, institutionnels) arriveront aussi, mais l’effort des « simples citoyen∙ne∙s » sera déterminant. C’est pourquoi nous avons placé une partie de nos économies et de nos espoirs dans cette campagne : nous voulons lui donner une chance.

Nous espérons que vous aussi. Mais vous avez certainement des questions. Que va-t-il se passer avec notre argent ? Si le projet échoue, il n’y aura pas de banque et tous mes sous me reviennent illico, sans frais. Si la campagne réussit, la banque démarre au printemps. Nous en serons copropriétaires, parmi des dizaines de milliers. Durant 3 ans notre placement sera immobilisé. Ensuite, sa valeur variera selon les résultats de la nouvelle banque. Mais si NewB réussit à rassembler 30 millions en 33 jours, nous avons toutes les raisons de croire que le projet bancaire marchera, et que d’ici quelques années nous pourrons retrouver notre argent.

C’est bien beau, nous ont dit des amis, mais tout le monde n’a pas d’épargne à placer ! C’est en cela que NewB est un projet démocratique et populaire. La part est à 20€. Avec une seule part vous êtes déjà membre… Dans l’esprit coopératif, celui qui a une part a 1 vote, tout comme celui qui aurait 1.000 parts. Que personne ne pense que son apport serait « trop petit » : les petits ruisseaux font les grandes rivières. Chaque personne qui peut risquer 100, 200 ou 500 € aidera le projet à réussir. Et celle ou celui qui peut immobiliser plus durant 3 ans aidera un peu plus, pour le bénéfice de tout le monde : Sarah et moi avons mis 2.000€ chacun, dans un premier temps. On peut aussi aider en en parlant autour de soir, en mettant une affiche à sa fenêtre, en diffusant les messages sur Facebook, en invitant quelqu’un de la NewB à son association, etc.

Y a-t-il des risques de perdre ? Oui, mais nous les croyons faibles. Le prospectus rédigé avec la FSMA (le « gendarme des marchés ») souligne plutôt deux fois qu’une tous les scénarios pessimistes : ce sont le règles du jeu, que NewB doit suivre. Et c’est vrai que si le cap des 30 millions est atteint et que la banque démarre, le risque existe qu’elle se plante. Comme tout projet nouveau. Mais nous considérons que nous pouvons risquer (vu la faible probabilité de pertes) une partie de nos économies. Chacun∙e peut se demander ce qu’elle/il peut mettre dans la balance, avec prudence mais avec l’espoir de se libérer des banques malfaisantes.

Pourquoi ça irait mieux alors que par le passé la coopérative a perdu de l’argent ? Ça c’est plutôt simple : par le passé on a travaillé énormément à créer les conditions de faire une banque, ce qui représente un travail et des investissements gigantesques… mais on n’avait pas de banque ! Donc pas de recettes. Au printemps, si tout va bien, on aura une banque et on va enfin commencer à gagner de l’argent. Le business plan soumis à la Banque Nationale et à la FSMA se base sur des hypothèses super prudentes et arrive pourtant à regagner de l’argent après quelques années. Ici comme en toute chose importante, le plus risque sera toujours… de ne pas en prendre[2].

Une banque qui soit à nous, conformes à nos intérêts et à nos valeurs, qui soutienne l’économie locale, écologique et sociale : c’est possible maintenant si on s’y met tous, tout de suite.

A vous de jouer, si vous voulez. Nous avons une chance historique, qui ne se représentera pas. C’est ici que ça se passe : www.newb.be.

Merci à vNous !

Sarah Duplat et Felipe Van Keirsbilck


[1] On me dira : il y a Triodos ou Credal, qui sont éthiques. Oui … mais ce ne sont pas des banques. Impossible d’y faire verser son salaire, d’y avoir un compte universel ou une carte bancontact…
[2] Ceci dit sans références ironiques aux très-prudents petits actionnaires de Fortis, qui ont tout perdu en 2008, persuadés de n’avoir rien risqué, et sans avoir créé le moindre espoir que la finance serve à sauver le vivant et le bien commun, au lieu de les détruire …


By Felipe Van Keirsbilck

Felipe Van Keirsbilck, né en 1965 en Bolivie, est arrivé en Belgique à 4 ans : il s’y sent toujours un peu étranger, et rien de ce qui touche aux étrangers ne lui est étranger. Militant pacifiste, antiraciste, écologiste rouge vert (il est lui-même à 98% biodégradable) et féministe (pour preuve : il a le bonheur d’être père de 5 filles), il considère comme une chance, un apprentissage et un privilège de travailler depuis 22 ans pour la CNE, dont il est actuellement le Secrétaire Général. La CNE lui a appris les exigences de l’action collective et de l’éducation permanente (ou « éducation populaire » comme on dit mieux en France) Il y a trouvé un syndicalisme où penser n’est pas interdit, et où la prise en compte du réel n’est pas une excuse pour ne rien essayer. Les débats au sein de la CNE, et la radicalisation politique austéritaire en UE depuis 2010, lui ont fait abandonner la foi aux deux religions obligatoires du 21ème siècle : l’européisme et la foi en la croissance. Toujours non-violent, il est néanmoins chaque matin plus radical, pour l’évidente raison que c’est la gravité de la situation qui se radicalise, sur le triple plan social, écologique et des libertés fondamentales. Dans ces chroniques pour Pour il tentera de rendre visibles (et qui sait légitimes ?) les profonds conflits d’intérêts qui opposent les groupes sociaux, et de montrer comment l’intérêt de la classe dominante est de rendre ces conflits invisibles, pathologiques ou ridicules, et de casser les dispositifs sociaux institués durant le court 20ème siècle pour leur donner une représentation efficace.