NewB et la reconnexion de la finance

« La finance est déconnectée de l’économie réelle ». Cette accusation est fréquemment adressée au géant anonyme de Wall Street, en particulier lorsqu’une panique boursière ou un bonus de plusieurs millions de dollars est annoncé dans les médias. Elle est également souvent tournée en dérision par les professionnels de la finance moquant la naïveté du slogan et se félicitant (ou félicitant leurs étudiants) de figurer parmi les rares à maîtriser la technicité des transactions boursières. Leur ligne de défense est simple : contre l’accusation de déconnexion, rappeler la dépendance de la finance vis-à-vis de la sphère productive, et vice versa. « La fonction de la finance est de répartir efficacement l’épargne de long terme que les ménages, souvent via une banque, lui confient : comment imaginer qu’une usine internationale puisse tourner sans apport de capital extérieur ? Inversement, quel que soit le degré de dérivation des produits financiers, il existe toujours un “sous-jacent’ qui correspond, sous forme d’action ou d’obligation, à l’activité d’une entreprise ! Retirez la finance : la production est asséchée. Retirez la production : la finance est sans fondements. »

L’accusation ne serait-elle donc qu’une « idéologie », ignorant tout de la « science financière » ? L’ambition de cette chronique est au contraire de démontrer sa double pertinence et le rôle de reconnexion que pourrait remplir NewB si elle voyait le jour. Reprenons donc l’argumentaire bien rôdé de notre professionnel de la finance : la production est-elle dépendante de la finance ? Il convient ici de parer au réductionnisme habituellement opéré : confondre la finance et les marchés financiers dérégulés permet en effet de se rendre intouchable parce qu’essentiel1. Une entreprise, pour peu qu’elle grandisse, a rapidement besoin d’un financement excédant l’apport en capital de ses fondateurs ; elle est donc dépendante de la finance. Mais n’est-on en droit d’espérer un mode de financement alternatif aux marchés financiers dérégulés ? Le crédit bancaire et la coopérative n’en sont-ils pas des témoins vivants ? Si l’entreprise nécessite un financement, elle n’est donc pas nécessairement financiarisée…

Des paris purement spéculatifs

Les Le second lien de dépendance est plus subtil, mais aussi plus profond. Car, que signifie l’accusation de déconnexion ? Il s’agit moins d’un doute sur l’importance du financement qu’un effroi suscité par certains contrastes : comment Richard Fuld peut-il se verser un salaire de 37 millions de dollars en 2007 alors que son entreprise, Lehman Brothers, et toute l’économie sont au bord du gouffre ? Non pas éthiquement (rien d’étonnant à la cupidité des traders), mais techniquement.

Pour accéder à l’intégralité de cet article, vous devez vous connecter (connexion) ou souscrire à l’Abonnement numérique.

Tom Duterme


Favereau, O. (2005). « Quand les parallèles se rencontrent : Keynes et Wittgenstein, l’économie et la philosophie »,  Revue de métaphysique et de morale, 47(3), 403‑427.
Keynes, J. M. (1949). Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie. Paris: Payot.
Orléan, A. (1999). Le pouvoir de la finance. Paris: Odile Jacob.
[1] Nous pourrions dire de même de la réduction de l’économie à l’économie de marché.


By Tom Duterme

Tom Duterme, étudiant en économie et en sociologie à l’UCL, membre du Parlement Jeunesse Wallonie-Bruxelles de 2015 à 2017, et actuellement de Rethinking Economics. Intéressé par les enjeux politiques concrets liant un savoir économique abstrait et un pouvoir fait de "nécessités