Donald Trump est désormais président des États-Unis. Depuis le jour de l’An, des voisins, des amis, des inconnus (surtout des femmes) rencontrés au hasard des jours me parlent de leur inquiétude devant l’arrivée de cet homme vindicatif, sexiste, raciste, mythomane à la tête des États-Unis. Je sens chez ces personnes beaucoup de désarroi et surtout, une tentation : se réfugier dans des petits bonheurs quotidiens et attendre que l’orage passe. Je comprends. Mais à chacune, à chacun, je me permets d’affirmer, à l’aube de mes 77 ans : l’orage gronde déjà au-dessus de nos têtes.
L’histoire de l’humanité nous invite à affronter les vents contraires plutôt que de les fuir.
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Trump veut imposer de lourdes taxes aux produits canadiens. L’enjeu est énorme. Souhaitons que les répliques politiques du Québec et du Canada soient à la hauteur de nos attentes. Sans reculer sur nos règles environnementales. Mais il y a plus : la nouvelle ère Trump sera marquée par un sexisme décomplexé, un racisme à lever le cœur, un énorme favoritisme à l’égard des millionnaires et milliardaires, la déconstruction de l’État de droit et de ses institutions et le déni total de la crise climatique extraordinaire que nous connaissons trop bien. Malgré les ouragans, les inondations, les incendies sans précédent qui dévastent de grandes régions américaines. Et tout cela sur fond de discours agressif, voire haineux.
Les politiques de Donald Trump s’appliquent surtout aux États-Unis. Pourquoi devrions-nous résister à ce tsunami de droite, voire d’extrême droite ? Parce que les courants de pensée qui prennent de l’ampleur chez nos voisins finissent souvent par nous contaminer. Comment agir ? Par une résistance active. Le contrat que nous nous sommes donné, ici, au Québec de la Révolution tranquille, doit être respecté par nos décideurs publics. Des valeurs comme l’égalité des chances et des droits demeurent à l’ordre du jour et nous ne céderons pas devant tous ceux, et parfois celles, qui nous demandent d’être raisonnables et modérés, de comprendre que l’État québécois a un déficit à résorber — même si le gouvernement caquiste l’a passablement créé lui-même — et qu’on ne peut pas aider tout le monde.
Je n’en peux plus de ces discours qui appellent soi-disant à la raison, mais qui, en fait, favorisent toujours les mêmes : les gens bien nantis, assis sur leur fortune, capables de se donner des services privés en santé, par exemple, mais qui rechignent devant le moindre effort fiscal additionnel.
Je n’en peux plus de savoir que par grand froid, on fait « dormir » des personnes sans-abri sur des chaises faute de lits dans les refuges. Que 1300 organismes communautaires distribuent de l’aide alimentaire chaque année à des dizaines de milliers de personnes et de familles. Est-il normal que tant de gens aient faim chez nous ? Je n’en peux plus de notre complaisance fiscale : c’est simple, plus une personne gagne de l’argent et plus elle peut bénéficier de mesures qui lui font économiser de l’impôt. Je suis profondément inquiète de la privatisation des services de santé et du manque de ressources financières et humaines dans les écoles. Et très fâchée de l’insouciance avec laquelle les décideurs publics traitent l’urgence climatique.
Mes cinq petits-enfants sont âgés de 8 à 16 ans. C’est de leur avenir qu’on parle, de leur vie ! Un mot commence à m’horripiler : adaptation. Il faut, disent les politiciens, s’adapter aux changements climatiques. Évidemment. Mais il faut surtout et de toute urgence combattre ces changements par tous les moyens possibles. Cela suppose du leadership, de la volonté, du courage de la part de celles et ceux qui savent quoi faire, mais n’osent pas le proposer.
Ils prétendent que la population n’est pas prête à modifier des comportements néfastes pour l’environnement. Il est vrai que tout changement est un défi. Mais avec ce genre de raisonnement, les féministes québécoises n’auraient jamais combattu le patriarcat, les lois sexistes, les comportements machos. Elles l’ont fait, en ont parfois payé le prix, mais peuvent se réjouir aujourd’hui de n’avoir jamais capitulé, car leurs luttes ont largement porté leurs fruits. Même s’il s’agit d’un combat à poursuivre.
Je propose de résister activement aux discours et aux pratiques empreints de racisme, de sexisme, d’homophobie. « Et les humains sont de ma race », chantait le grand Gilles Vigneault. Agissons pour que le Québec demeure et soit de plus en plus une terre où il fait bon vivre ensemble ! Répondons aux discours discriminants, marginalisants. Engageons-nous dans des organismes communautaires, syndicaux, écologistes, féministes, antiracistes. Soutenons celles et ceux qui se battent pour l’avenir de la prochaine génération, Mères au front ou les éducatrices en CPE, par exemple. Donnons du temps dans notre communauté.
Opposons au défaitisme une mobilisation sociale et politique nationale, rassembleuse et forte. Les grands mouvements sociaux ont la capacité de l’organiser, ils l’ont démontré par le passé ! Exigeons du gouvernement du Québec une plus grande justice fiscale, du logement social, des mesures environnementales costaudes dans son prochain budget. Ne nous contentons pas de peu. On n’est plus nés pour un p’tit pain !
Un président américain qui a laissé sa marque en matière de justice sociale, Franklin D. Roosevelt, a déclaré ceci : « La seule chose que nous ayons à craindre c’est la peur elle-même. » N’y cédons pas !
Tribune d’opinion de Françoise David,
22 janvier 2025, publié dans LeDevoir, grand quotidien de Montréal, au sujet de l’arrivée de Trump et ce qu’elle signifie.
Françoise David, née en 1948, apparentée à une dynastie politique québécoise qui, depuis son arrière grand père, donna plusieurs députés et sénateur au parti libéral (une de ses soeur est également députée libérale, une autre est toujours membre du Comité Directeur de Québec Solidaire), fut sensibilisée très jeune aux questions sociales et féministes. Ancienne militante et cadre de l’organisation marxiste léniniste canadienne et
québécoise En Lutte, dissoute en 1982, docteur honoris causa de l’université de Montréal, elle fut coordinatrice du Regroupement des Centres des femmes au Québec (regroupant quelques 80 centres et associations) et de plusieurs coordinations territoriales communautaires a Montréal. Militante féministe et altermondialiste (organisatrice de la Marche mondiale des femmes en 2000), elle fut notamment ancienne présidente de la Fédération des Femmes du Québec. Fondatrice et dirigeante d’Option Citoyenne, elle participe (avec l’Union des Forces Populaires et Option Nationale) à la fondation de Québec Solidaire, regroupement de diverses composantes de la gauche extraparlementaire au Québec, disposant aujourd’hui de 12 députés au Parlement du Québec et dénommée “la seconde opposition”, dont elle fut présidente et porte parole, également députée au Parlement du Québec.
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Source : https://www.ledevoir.com/opinion/idees/835039/idees-orage-gronde-il-faut-resister