Les mécanismes législatifs de l’autoritarisme algérien face au hirak : entre répression de la mobilisation et prévention de toute organisation du mouvement

The legislative mechanisms of Algerian authoritarianism concerning hirak: between repression of mobilization and prevention of any organization of the movement

Massensen Cherbi

Résumés

Depuis le mois de juin 2019 le hirak algérien a connu une répression judiciaire qui a permis de mettre un terme à son expression publique en mai et juin 2021. Pour réprimer la mobilisation de ce mouvement pacifique et en prévenir toute organisation, les autorités bénéficiaient déjà d’un large éventail de dispositions répressives et restrictives des droits et libertés, héritées de l’époque coloniale, de celle du parti unique, de la Décennie noire et de la prévention des Printemps arabes. Pour répondre aux spécificités du hirak, cet arsenal fut renforcé, dès le confinement consécutif à la pandémie de la Covid-19, par la promulgation de nouvelles lois visant le « délit de solidarité passive », le discours de haine ou encore les « fake news ». L’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 est depuis venue criminaliser plus largement et sévèrement les revendications du mouvement, en étendant la qualification d’acte terroriste et de sabotage au fait « d’œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, àaccéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels» (C. pén., art. 87 bis, al. 14).

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Texte intégral

  • 1 « Gaïd Salah : l’ANP accompagnera la justice pour “rouvrir tous les dossiers lourds” liés à la corr (…)
  • 2 Mokrane Aït Ouarabi, « Il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie », El Watan, 10 août 2021. Voir (…)

1Le 8 août 2019, alors que la répression du hirak algérien avait commencé depuis le mois de juin précédent, le général Ahmed Gaïd Salah exprimait son satisfecit à l’égard de « certains professeurs en droit pour avoir éclairé l’opinion publique, et qui n’ont pas hésité à dire la vérité. En effet, après avoir pris connaissance des dossiers des individus arrêtés, ils ont confirmé que ce ne sont pas des prisonniers d’opinion, comme le clament certaines parties qui tentent d’exploiter ce dossier et que seule la justice est habilitée pour trancher sur ce sujet »1. Dans le même sens, le président Abdelmadjid Tebboune déclarait deux ans plus tard, le 8 août 2021, « il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie »2, à une époque où le hirak venait de cesser toute expression publique, à la suite d’une nouvelle étape dans sa répression judiciaire, consistant désormais en sa criminalisation.

2Ce « mouvement » pacifique, transpartisan, interclassiste et transrégional est né en février 2019, après que le président Abdelaziz Bouteflika eut annoncé sa candidature à un cinquième mandat. À la suite de marches organisées chaque vendredi, le président finit par démissionner le 2 avril 2019, sous les injonctions du chef d’État-major et vice-ministre de la Défense, le général Gaïd Salah. Les marches continuèrent cependant tout au long du mois d’avril, la rue réclamant plus généralement un « changement radical de système », notamment par le rejet de l’élection présidentielle qui devait être organisée dans le délai constitutionnel de 90 jours (2016, art. 102, al. 6), au risque d’élire un président disposant des mêmes pouvoirs exorbitants que ceux du président Bouteflika (Boumghar, 2019 et Cherbi, 2020).

  • 3 « Gaïd Salah met en garde contre les objectifs “ambigus” de ceux qui veulent geler la Constitution  (…)
  • 4 « Gaïd Salah met en garde contre ceux brandissant des drapeaux autres que l’emblème national », APS(…)

3Refusant toute sortie de la Constitution en vigueur par une transition démocratique, voire l’élection d’une Assemblée constituante, le général Gaïd Salah réitéra, le 18 juin 2019, le risque d’un « vide constitutionnel »3. Puis, profitant d’une baisse de la mobilisation depuis le mois de ramadan, il s’en prit le 19 juin suivant aux porteurs de l’emblème amazigh, dans une politique du divide ut imperes. Et d’affirmer ainsi que « des ordres et des instructions stricts ont été donnés aux forces de l’ordre pour une application rigoureuse des lois en vigueur et faire face à quiconque tente encore une fois d’affecter les sentiments des Algériens »4. Ce faisant, il venait d’ouvrir la voie à la répression tous azimuts du hirak.

  • 5 Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, JORA n° 49 du 11 juin 1966, p. 530-561.

4Pour ce faire, les autorités ont pu puiser dans un riche arsenal répressif, remontant parfois jusqu’à l’époque coloniale, à travers l’entreprise de démoralisation de l’armée (C. pén., art. 75) ou l’atteinte à l’intégrité du territoire national (C. pén., art. 79), dispositions inspirées de l’ancien Code pénal français et algérianisées à l’époque du parti unique, dans le Code pénal de 19665 (David, 1970 ; Lebrun, 1977). Elles ont pu aussi bénéficier des restrictions aux libertés acquises à la suite de l’ouverture démocratique de 1989, à l’origine orientées contre le Front islamique du salut (FIS), à travers la nécessité d’une autorisation préalable pour pouvoir manifester, imposée par la loi n° 91-19 du 2 décembre 1991 ; l’infraction de terrorisme (C. pén., art. 87 bis), initialement issue du décret législatif n° 92-03 du 30 septembre 1992, ou encore l’ordonnance n° 97-09 du 6 mars 1997, venue restreindre le multipartisme. Les autorités auront pu aussi se fonder sur une législation promulguée afin d’endiguer les Printemps arabes de 2011, notamment à travers la loi n° 12-06 du 12 janvier 2012 sur les associations.

  • 6 39,88 % : « Présidentielle du 12 décembre : résultats définitifs proclamés par le Conseil constitut (…)

5C’est dans ce cadre répressif que put être organisée l’élection présidentielle du 12 décembre 2019, au terme de laquelle, Abdelmadjid Tebboune devint président, avec le plus faible taux de participation officiellement enregistré pour ce type de scrutin depuis 19636. La répression s’accentua alors, à l’occasion de la pandémie de la Covid-19 et de l’arrêt des marches depuis le mois de mars 2020. Deux lois amendant le Code pénal furent ainsi promulguées, le 28 avril 2020, afin d’introduire des infractions relatives au discours de haine, aux « fake news » (C. pén., art. 196 bis) et à la « solidarité passive » (C. pén., art. 95 bis). Si le deuxième anniversaire du hirak fut l’occasion de reprendre les marches, en février 2021, l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 finit d’en achever toute expression publique, en criminalisant le mouvement, c’est-à-dire en étendant l’incrimination d’acte terroriste ou sabotage à toute action ayant pour objet d’«accéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels» (C. pén., art. 87, al. 14).

  • 7 Décret présidentiel n° 20-442 du 30 déc. 2020 relatif à la promulgation au Journal officiel de la R (…)
  • 8 23,84 % : Proclamation n° 01/P.CC/20 du 12 nov. 2020 portant résultats définitifs du référendum du (…)
  • 9 Loi organique n° 18-16 du 2 sept. 2018 fixant les modalités de mise en œuvre de l’exception d’incon (…)

6Le président Tebboune avait entre-temps initié une révision constitutionnelle7 qui fut soumise à référendum le 1er novembre 2020, à nouveau avec un taux officiel de participation historiquement bas8 (Cherbi, 2023, Mondes arabes). Outre la reconnaissance de jure du pouvoir exercé jusque-là de facto par l’armée, dorénavant proclamée la garante des « intérêts vitaux et stratégiques du pays » (art. 30, al. 4) (Cherbi, 2021), cette révision permet désormais de déroger par une loi aux droits et libertés garantis par la Constitution, notamment « pour des motifs liés au maintien de l’ordre public, de la sécurité, et de la protection des constantes nationales » (art. 34, al. 2). Or, non seulement ces « constantes » ne sont pas définies, mais plus encore, ces exceptions ne sont pas limitées par les garde-fous de la nécessité et de la proportionnalité dans une société démocratique, nonobstant le fait de porter atteinte à « l’essence de ces droits et libertés » (art. 34, al. 3). L’article 34 permet surtout de parer à l’introduction de l’exception d’inconstitutionnalité, depuis la révision constitutionnelle de 2016, alors que son entrée en vigueur, le 7 mars 20199, s’était trouvée coïncider avec les débuts du hirak.

  • 10 Décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 portant adhésion au pacte international relatif aux dro (…)
  • 11 Décision n° 1-D-L-CC 89 du 20 août 1989 relative au Code électoral, JORA n° 36 du 30 août 1989, p.  (…)

7La Constitution algérienne reconnaît néanmoins, depuis 1989, la supériorité des traités ratifiés par le président de la République sur la législation nationale (2020, art. 154) et la révision de 2020 précise même que « dans l’exercice de sa mission, le juge est tenu d’appliquer les traités ratifiés » (art. 171). L’Algérie a d’ailleurs ratifié, en 1989, le Pacte international de 1966 relatif aux droits civils et politiques (PIDCP)10 et le Conseil constitutionnel avait considéré, dans sa première décision n° 1-D-L-CC du 20 août 198911, « qu’après sa ratification et dès sa publication, toute convention s’intègre dans le droit national et en application de l’article 123 [actuel 154] de la constitution, acquiert une autorité supérieure à celle des lois, autorisant tout citoyen algérien de s’en prévaloir devant les juridictions ».

8Dès lors, dans quelle mesure ces dispositions législatives ont-elles été efficaces pour réprimer et contenir le hirak ? Comment, par ailleurs, les juges les ont-elles interprétées, notamment eu égard à la Constitution algérienne et aux conventions internationales ratifiées par l’Algérie ?

9Pour mener à bien cette étude, les sources privilégiées ont été celles tirées du Journal officiel (JORA) et celles issues de la jurisprudence. La période allant de 2020 à 2023 a été l’occasion de collecter plusieurs dizaines de décisions judiciaires, difficilement néanmoins, en raison de la suspicion et de la peur induites par la répression. Les décisions les plus pertinentes ont été privilégiées, tant sur un plan juridique que factuel, en braquant les projecteurs sur les détenus d’opinion. Si le corpus rassemblé n’est pas exhaustif, il permet néanmoins d’illustrer l’essentiel des dispositions législatives abordées. En effet, pour réprimer le hirak, les autorités usèrent d’une législation visant à restreindre tant les libertés individuelles (I) que les libertés collectives (II).

Des atteintes aux libertés individuelles contraires au principe de légalité des délits et des peines

  • 12 Comité DH, Observation générale n° 29 sur l’article 4, CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, 2011, § 7.

10La législation répressive visa à la fois la liberté d’expression (PIDCP, art. 19) (A) et la liberté religieuse (PIDCP, art. 18) (B), à travers des dispositions contraires au principe de légalité (PIDCP, art. 15), en vertu duquel le Comité des droits de l’homme des Nations Unies considère que « les peines doivent être définies dans des dispositions claires et précises »12.

La liberté d’expression

1. Par les incriminations d’atteinte à l’intégrité de l’unité nationale, d’atteinte à l’intérêt national et d’outrage à corps constitué, legs de l’époque coloniale et du parti unique

  • 13 Ordonnance n° 75-47 du 17 juin 1975 complétant et modifiant l’ordonnance n° 66-156 portant code pén (…)

11Pour réprimer les porteurs de l’emblème amazigh (Tilmatine, 2019), une disposition fut trouvée : l’« atteinte à l’intégrité de l’unité nationale », par « quelque moyen que ce soit » (C. pén., art. 79). Le Code pénal algérien de 1966 distingue en effet, depuis un amendement de 197513, entre la version arabe, seule à avoir valeur officielle, qui vise l’atteinte à « l’intégrité de l’unité nationale », et le texte français, qui vise comme en 1966 et dans l’ancien Code pénal français (art. 88) l’atteinte à « l’intégrité du territoire national », notion plus étroite.

  • 14 T. Sidi M’hamed, Mustapha Hocine Aouissi, Mokrane Chalal, Samira Messouci, Elhadi Kichou, 11 nov. 2 (…)
  • 15 « Gaïd Salah met en garde contre ceux brandissant des drapeaux autres que l’emblème national », art (…)
  • 16 T. Annaba, Nadir Fetissi, 8 août 2019, n° 19/04476.
  • 17 C. Alger, Bilal Bacha,Djaber Aibeche, Messaoud Leftissi, 18 mars 2020, n° 19/19254. Quant au Group (…)
  • 18 C. suprême, Bilal Bacha, Djaber Aibeche, Messaoud Leftissi, 13 oct. 2022, n° 1479164.

12Les juges hésitèrent cependant à entrer en condamnation, à défaut de précédent. En quoi en effet cet emblème pouvait-il attenter à l’intégrité de l’unité nationale et comment déterminer les éléments constitutifs de cette unité ? Des condamnations à un an de prison, dont six mois ferme, et 30 000 dinars d’amende furent prononcées dès le 11 novembre 2019, par le tribunal de Sidi M’hamed (Alger), notamment sur le fondement de la constitutionnalisation, depuis 2008, du drapeau algérien dans la Loi fondamentale (art. 6). Le juge avait en effet considéré que celui-ci constituait l’un des éléments de l’unité nationale et que le port d’un autre emblème caractérisait dès lors une atteinte à celle-ci14. Cette motivation n’était pas sans rappeler le général Gaïd Salah, lorsqu’il avait affirmé que le drapeau algérien est « un emblème unique qui représente le symbole de souveraineté de l’Algérie, de son indépendance, de son intégrité territoriale et de son unité populaire »15. Cependant, le 8 août précédent, le tribunal d’Annaba avait relaxé un prévenu et avait ordonné de lui remettre son emblème, en se fondant sur le principe constitutionnel de légalité (2016, art. 160 et 2020, art. 167), pour en déduire l’absence d’incrimination à l’égard de l’emblème amazigh, tout en constatant la constitutionnalisation, depuis 1996, de l’amazighité dans le triptyque identitaire algérien (préambule, § 4)16. Quant à la cour d’Alger, une fois le chef d’État-major décédé, le 23 décembre 2019, elle finit par relaxer plusieurs prévenus le 18 mars 2020, en se fondant à son tour sur le principe constitutionnel de légalité, ainsi que sur la constitutionnalisation du tamazight, en tant que langue nationale depuis 2002 et officielle depuis 2016 (art. 4)17. La Cour suprême a d’ailleurs depuis confirmé l’absence d’incrimination à l’égard de l’emblème amazigh, dans un arrêt du 13 octobre 202218. L’emblème berbère n’aura donc été qu’un prétexte.

  • 19 À l’exception notable du général Ali Ghediri, candidat à l’élection présidentielle de 2019, condamn (…)
  • 20 Un projet de loi prévoit néanmoins d’étendre l’infraction d’entreprise de démoralisation de l’armée (…)
  • 21 C. Alger, Karim Tabbou, 24 mars 2020, n° 20/05075.
  • 22 C. Alger, Abdelouahab Fersaoui, 17 mai 2020, n° 20/05630.
  • 23 C. Alger, Samir Benlarbi, Khaled Mohamed Drareni, Moh Slimane Hamitouche, 15 sept. 2020, n° 20/0975 (…)

13Si l’« entreprise de démoralisation de l’armée » (C. pén., art. 75) avait aussi figuré parmi les premiers chefs d’inculpation, elle fut rapidement abandonnée par requalification des faits19. Elle était sans doute trop révélatrice du pouvoir réel de l’armée, l’essentiel de la répression ayant d’ailleurs eu lieu devant des tribunaux civils20. C’est donc l’atteinte à l’intégrité de l’unité nationale qui lui fut préférée, en ce qu’elle devait s’étendre à l’ensemble de la répression. Karim Tabbou, ancien secrétaire du Front des forces socialistes (FFS) et président de l’Union démocratique et sociale (UDS), fut ainsi condamné à un an de prison ferme par la cour d’Alger, le 24 mars 2020, pour avoir cherché à provoquer la « division » au sein de l’armée, en distinguant entre l’aisance de ses hauts gradés et la condition plus modeste de ses simples soldats, c’est-à-dire, selon les juges, en cherchant à porter atteinte à l’intégrité de l’unité nationale21. Le président de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), Abdelouahab Fersaoui, fut condamné le 17 mai suivant, par la même cour et sur le même fondement, à six mois de prison ferme22. Il lui était notamment reproché d’avoir appelé, sur les réseaux sociaux, à la grève générale, sans organisation et illégalement, ce qui équivalait, selon les juges, à un appel à la désobéissance civile conduisant au chaos. Quant au journaliste Khaled Drareni, il fut condamné à deux ans de prison ferme par la cour d’Alger, le 15 septembre 2020, en partie sur ce fondement. Les juges s’étaient en effet fondés sur la Constitution qui proclame que le président de la République « incarne l’unité de la Nation » (2016 et 2020, art. 84, al. 1er), pour considérer que le partage par le prévenu, sur les réseaux sociaux, de critiques remettant en cause la légitimité du président Tebboune, le rendait passible du délit d’atteinte à l’intégrité de l’unité nationale23.

  • 24 « Déchéance de la nationalité pour les Algériens auteurs de graves préjudices aux intérêts de l’Éta (…)
  • 25 Madjid Makedhi, « Le projet de loi sur la déchéance de la nationalité abandonné : Zeghmati et le go (…)

14Véritable « fourre-tout » de la répression, un avant-projet de loi, présenté le 3 mars 2021, avait prévu d’inclure l’atteinte à l’unité nationale commise depuis l’étranger parmi les causes justifiant la déchéance de nationalité pour les binationaux, en permettant ainsi d’étendre la répression à la diaspora24. Ce projet fut finalement abandonné le 4 avril suivant25. Il participa cependant d’une démobilisation du hirak de l’étranger, particulièrement en France et au Canada, par la peur de ne plus pouvoir revoir la famille restée au pays, au risque d’y être arrêté ou de ne plus pouvoir le quitter, à la suite d’une interdiction de sortie du territoire national (ISTN).

  • 26 C. Alger, Nacer Meghnine, Kamel Slimani, Abderrahmane Moussa, Zahir Bouzid, 14 nov. 2021, n° 21/132 (…)

15L’incrimination d’atteinte à l’intérêt national (C. pén., art. 96), issue du Code pénal de 1966, fut elle aussi mobilisée. C’est en partie sur ce fondement que le président de l’association SOS-Bab-El-Oued, Nacer Meghnine fut condamné à un an de prison ferme par la cour d’Alger, le 14 novembre 202126. Les juges lui reprochaient la présence de publications au sein du siège de l’association qui dénonçaient les arrestations arbitraires, la répression et la torture, sans preuve. Selon les juges, ces assertions ternissaient l’image de l’Algérie, en prétendant que le pays avait manqué à ses engagements internationaux, notamment la Convention contre la torture, ce qui pouvait ainsi ouvrir la voie à l’ingérence étrangère. Cette disposition avait déjà figuré, à l’époque du parti unique, parmi les charges retenues en 1985 contre les membres fondateurs de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) (Collectif Contre la répression en Algérie, 1986, p. 24-25), en raison de la distribution et de la confection de tracts, dans le but de porter atteinte « aux institutions nationales » ou au « régime », parmi lesquels figuraient des tracts, « ayant pour objectif d’imposer un État de droit » (ibid, p. 18), la « démocratie » et le respect des « Droits de l’Homme » (ibid., p. 31). Les détenus avaient alors fait remarquer que les magistrats confondaient ici « “intérêt du régime” et “intérêt national” » (ibid., p. 36).

  • 27 T. Bir Mourad Raïs, Lakhdar Bouregaâ, 7 mai 2020, n° 20/00004.
  • 28 Le décret présidentiel n° 22-217 du 8 juin 2022 a depuis consacré la journée du 4 août » Journée na (…)
  • 29 « Rencontre de Monsieur le président de la République avec les représentants de la presse nationale (…)
  • 30 Ibid.

16Quant à Lakhdar Bouregaâ, ancien commandant de la wilaya IV (Algérois), durant la guerre de libération nationale, et opposant au colonel Boumediene, ce qui lui avait déjà valu d’être emprisonné entre 1967 et 1975 (Bouregaa, 2018), il fut condamné, le 7 mai 2020, à 100 000 dinars d’amende par le tribunal de Bir Mourad Raïs, pour outrage à corps constitué (C. pén., art. 144 bis et 146),après avoir passé six mois en détention provisoire, bien qu’âgé de près de 86 ans27. Il lui était en effet reproché d’avoir affirmé, en juin 2019, que l’Armée nationale populaire (ANP) n’était par l’héritière de l’Armée de libération nationale (ALN), à laquelle il avait appartenu, et que pour devenir réellement populaire, elle devait rejoindre le hirak28. Les rapporteurs spéciaux du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies ont depuis pointé le caractère « vague » du terme outrage et le risque de « grave » atteinte à la liberté d’expression qu’il constitue (Conseil DH, 2021, p. 10). Or, pour le président Tebboune, si la liberté d’expression est garantie par la Constitution, elle ne signifie pas pour autant « permette de semer la zizanie et créer le chaos ou encore porter atteinte à la sécurité publique »29. En effet, « la construction de la démocratie passe par une liberté d’expression réelle et responsable et non par une liberté de sabotage ou d’injure »30.

  • 31 Voir la note de bas de page n° 23.
  • 32 Loi organique n° 12-05 du 12 janv. 2012 relative à l’information, JORA n° 02 du 15 janv. 2012, p. 1 (…)
  • 33 Loi organique n° 23-14 du 27 août 2023 relative à l’information, JORA n° 56 du 29 août 2023, p. 8-1 (…)
  • 34 T. Tamanrasset, Rabah Karèche, 12 août 2021, n° 21/01221.

17La liberté de la presse a ainsi été particulièrement restreinte, bien que la Constitution prohibe la privation de liberté pour délit de presse (2016, art. 50, al. 4 et 2020, art. 54, al. 5). Pour contourner cette disposition, les juges usèrent notamment de deux techniques. La première, employée dans l’affaire Khaled Drareni31, relève de la Constitution même, puisque celle-ci renvoie au « cadre de la loi » la diffusion d’informations (2016, art. 50, al. 3 et 2020, art. 54, al. 2, tiret 6). Or, pour se voir reconnaître la qualité de journaliste professionnel, la loi organique n° 12-05 du 12 janvier 201232 (Dris, 2012) nécessitait une carte de presse (art. 76) et un contrat écrit (art. 80) dont ne pouvait attester le prévenu. Cette jurisprudence a depuis été légalisée par la nouvelle loi organique n° 24-14 du 27 août 2023 sur l’information33, en ce qu’elle fait désormais la distinction entre la qualité de « journaliste » et celle de « journaliste professionnel ». C’est en effet de la seconde, attestée par une « carte nationale de journaliste professionnel » (art. 18, al. 1), que dépend le bénéfice des « mesures prises en faveur de la presse » (art. 18, al. 2), à commencer par la prohibition des peines privatives de liberté. La deuxième technique, employée dans l’affaire Rabah Karèche, consiste à distinguer entre la qualité de journaliste, par la publication d’articles dans la presse, protégée par la Constitution, et la qualité de personne privée, à travers le partage de ces mêmes articles par leur auteur sur ses propres réseaux sociaux, ce qui permet dès lors une peine privative de liberté34.

2. Par les incriminations visant les discours de haine, les « fake news », la « solidarité passive » et le « terrorisme pacifique », spécialement calibrées à l’égard du hirak

  • 35 Loi n° 20-05 du 28 avr. 2020 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le (…)
  • 36 T. Khenchla, Yacine Mebarki, 8 oct. 2020, n° 20/02684.
  • 37 C. Khenchla, Yacine Mebarki, 25 nov. 2020, n° 20/02578.
  • 38 Loi n° 20-06 du 28 avr. 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant (…)

18Pour répondre aux spécificités induites par le hirak, le Code pénal fut d’abord renforcé sur le plan délictuel, avant de l’être sur le plan criminel. C’est ainsi que la loi n° 20-05 du 28 avril 202035 permet d’incriminer la discrimination et le discours de haine. Or, en contexte de hirak, cette infraction a été instrumentalisée à l’encontre de l’opposition. Le militant amazigh des Aurès, Yacine Mebarki, fut ainsi condamné, en partie sur ce fondement, le 10 octobre 2020, à dix ans de prison ferme et 10 000 000 de dinars d’amende par le tribunal de Khenchla, soit la peine maximale lorsque le discours dit de haine est diffusé sur un compte électronique (art. 34)36, peine réduite par la Cour de Khenchla, le 25 novembre 2020, à un an de prison ferme et 50 000 dinars d’amende. Pour le condamner, les juges d’appel avaient retenu à son encontre des textes et publications qui incitent à la haine et l’inimitié entre Amazighs et Arabes, pour avoir qualifié la présence arabe en Afrique du Nord de colonisation et l’avoir opposée à la culture et la civilisation amazighes37. Pour ce faire, ils retinrent, entre autres, des propos tels que « je suis Amazigh et non Arabe » ou bien encore le partage d’une vidéo où une Libanaise affirmait que les Phéniciens ne sont pas des Arabes. Quant à la loi n° 20-0638, elle est venue incriminer les « fake news », à l’encontre de « quiconque volontairement diffuse ou propage, par tout moyen, dans le public des informations ou nouvelles, fausses ou calomnieuses, susceptibles de porter atteinte à la sécurité ou à l’ordre publics » (C. pén., art. 196 bis). Pour les rapporteurs spéciaux, cette disposition ouvre « la voie à des poursuites judiciaires contre des journalistes, des militants pacifiques ou toute personne partageant des contenus critiques, considérés a posteriori par les autorités comme étant “faux” » et limitant ainsi tout débat public » (Conseil DH, 2021, p. 11).

  • 39 T. Constantine, Mustapha Bendjama, Hicham Aboud, Amir Boukhors, Raouf Farrah, Sebti Farrah, Sofiane (…)
  • 40 C. Alger, Ihsane El Kadi, 18 juin 2023, n° 23/10374. La Cour suprême a depuis rejeté son pourvoi en (…)

19La loi n° 20-06 permet par ailleurs d’incriminer la solidarité passive à l’égard du hirak, en punissant dorénavant « quiconque reçoit des fonds, un don ou un avantage, par tout moyen, d’un État, d’une institution ou de tout autre organisme public ou privé ou de toute personne morale ou physique, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays, pour accomplir ou inciter à accomplir des actes susceptibles de porter atteinte à la sécurité de l’État, à la stabilité et au fonctionnement normal de ses institutions, à l’unité nationale, à l’intégrité territoriale, aux intérêts fondamentaux de l’Algérie ou à la sécurité et à l’ordre publics. » (C. pén., art. 95 bis). C’est en partie sur ce fondement que le chercheur Raouf Farrah fut condamné par le tribunal de Constantine, le 29 août 2023, à deux ans de prison ferme et 50 000 dinars d’amende, notamment pour avoir reçu des fonds de Suisse, pour les remettre à l’épouse et aux avocats de Mohad Gasmi (voir infra) ou encore pour avoir reçu des fonds afin de les transmettre aux familles de trente détenus d’opinion39. C’est encore sur ce fondement, mais aussi pour délit de « propagande » (C. pén., art. 95), que le journaliste Ihsane El Kadi a été condamné par la cour d’Alger, le 18 juin 2023, à sept ans de prison, dont cinq ans ferme40. Il lui était notamment reproché d’avoir transmis au quotidien La Croix, dont il était le correspondant, des informations, considérées comme sécuritaires et sensibles, qui portaient, entre autres, sur la mobilisation du hirak, et d’avoir postulé à un soutien financier de l’Agence française de développement médias (CFI), financée majoritairement par le ministère français des Affaires étrangères.

  • 41 Ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 po (…)
  • 42 « Gaïd Salah met en garde contre les objectifs “ambigus” de ceux qui veulent geler la Constitution  (…)

20La disposition phare de la répression a néanmoins été l’amendement de l’article 87 bis du Code pénal, par l’ordonnance n° 21-08 du 8 juin 202141. Celle-ci a en effet inclus sous la qualification d’acte terroriste ou de sabotage le fait d’« œuvrer ou inciter, par quelque moyen que ce soit, àaccéder au pouvoir ou à changer le système de gouvernance par des moyens non constitutionnels »(C. pén., art. 87 bis, al. 14). Cette disposition n’est pas sans rappeler « l’attentat, dont le but a été de détruire ou de changer le régime » (C. pén., art. 77), issu du Code pénal de 1966 et employé à l’époque du parti unique contre l’opposition (voir infra la LADDH). Or, en 2021, l’article 87 bis, alinéa 14 permet de criminaliser la revendication d’une transition démocratique, par-delà la Constitution autoritaire, portée à partir du 29 mars 2019, au nom de la souveraineté populaire, contre l’application de l’article 102 (de la codification de 2016), c’est-à-dire contre l’intérim présidentiel de 90 jours et l’élection présidentielle qui devait s’ensuivre. Le général Gaïd Salah s’en était d’ailleurs déjà pris, le 18 juin 2019, à « ceux qui prétendent, par ignorance ou arrogance et entêtement, ou animés par des intentions aux objectifs ambigus, oui ambigus, que le pouvoir du peuple est au-dessus de la Constitution et au-dessus de tous – et c’est une vérité utilisée à tort – car ils tentent sciemment d’outrepasser, voire geler, l’application des dispositions de la Constitution »42. La loi pénale n’a néanmoins pas d’effet rétroactif et c’est surtout la révision constitutionnelle de 2020 que cette disposition est venue sacraliser (Conseil DH, 2021, p. 4-5). Alors que le terrorisme armé hérité des années 1990 a pratiquement disparu, cette disposition permet ainsi d’incriminer un « terrorisme » désormais pacifique.

  • 43 « Le Président Tebboune préside une réunion périodique du Haut Conseil de Sécurité », APS, 18 mai 2 (…)
  • 44 Arrêté du 6 févr. 2022 portant inscription sur la liste nationale des personnes et entités terroris (…)
  • 45 Auteur d’Arabesque américaine : Le rôle des États-Unis dans les révoltes de la rue arabe, Montréal, (…)
  • 46 Les représentants des ONG internationales censés comploter contre l’unité de l’Algérie.
  • 47 Radio Algérienne, « Ahmed Bensaada expert des questions géopolitiques », You Tube, 15 févr. 2023.

21Cette ordonnance a notamment visé le Mouvement pour l’autodétermination de la Kabylie (MAK), notamment lorsqu’elle incrimine le fait de « porter atteinte à l’intégrité du territoire national ou d’inciter à le faire » (art. 87 bis, al. 15), et le mouvement Rachad (islamo-conservateur). Le Haut Conseil de sécurité (HCS) avait déjà classé ces organisations sur la liste des entités terroristes, le 18 mai 202143, avant qu’un arrêté du 6 février 2022 ne les inscrivît, ainsi que seize de leurs membres, réels ou supposés, sur la liste nationale des personnes et entités terroristes44. Ces mouvements furent en effet survalorisés et surmédiatisés par les autorités, dès l’année 2019 et surtout à partir de l’année 2021, afin de servir de repoussoirs au hirak du « changement radical », que la Constitution algérienne oppose désormais à un « hirak populaire originel » (préambule, § 10). Ahmed Bensaada45 opposera ainsi, le 15 février 2023, sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio algérienne, les tenants de la « voie constitutionnelle », pour l’année 2019, à ceux de la « transition », lesquels auraient été, selon lui, « le MAK, le mouvement séparatiste, […] les gens de Rachad, les anciens du FIS, […] ces ongistes-là46 qui étaient financés par les États-Unis, […] tous des gens qui ont un lien avec l’étranger »47.

  • 48 Décret législatif n° 92-03 du 30 sept. 1992 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorism (…)
  • 49 Ordonnance n° 95-11 du 25 févr. 1995 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 (…)
  • 50 Amnesty International, 110/21, MDE 28/4941/2021 – Algérie, 3 nov. 2021.
  • 51 Voir Meziane Abbane, « L’histoire secrète du Mouvement des enfants du Sud », El Watan, 29 mars 2014
  • 52 Pour la CNLD : t. crim. de première instance, Dar El Beïda, 18 oct. 2022, n° 22/01217.

22C’est plus généralement l’incrimination de terrorisme, issue du décret législatif n° 92-03 du 30 septembre 199248, codifiée par l’ordonnance n° 95-11 du 25 février 199549 (Boumghar, 2017), qui a eu les faveurs des autorités à partir du printemps 2021, alors que le Comité des droits de l’homme en avait déjà qualifié la définition de « trop large et peu précise » (Comité DH, 2018, § 17). C’est ainsi que Mohad Gasmi, militant anti-gaz de schiste et hirakiste, fut condamné le 17 octobre 2021, par le tribunal criminel de première instance d’Adrar, à de la prison ferme pour apologie du terrorisme (C. pén., art. 87 bis, 4)50. Il lui était en effet reproché un billet partagé le 18 janvier 2018 sur les réseaux sociaux, dans lequel il avait accusé les autorités d’être responsables de la radicalisation d’Abdessalam Tarmoune, chef du Mouvement des enfants du Sud pour la justice51. Les autorités jouèrent par ailleurs de l’amalgame avec le MAK et Rachad pour étendre les poursuites engagées sur la base du terrorisme à d’autres organisations : cela a notamment concerné le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), en raison du soutien financier apporté par ses membres aux familles des détenus d’opinion, et le Rassemblement pour la Kabylie (RPK), mouvement non indépendantiste engagé dans le hirak. Si la plupart de leurs membres ont depuis été acquittés52, c’est parfois après avoir passé plus d’une année en détention provisoire, dix-sept mois pour Hamou Boumedine, coordinateur du RPK, ou seize mois pour El Hadi Lassouli, membre de la CNLD.

La liberté religieuse

1. À travers la prohibition du prosélytisme laïque à l’égard des musulmans

  • 53 Le président du Conseil de la Nation depuis le mois d’avril 2019, Salah Goudjil, par ailleurs vétér (…)
  • 54 Tout en précisant » dans le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinctions de races (…)

23Dès les débuts du hirak, le général Gaïd Salah avait égrené ses communiqués de références à l’islam, tandis qu’au même moment était apparu une mouvance qualifiée de bādīsiyya-nūfambariyya53, caractérisée par un mélange de références conservatrices et nationalistes autour de la déclaration du 1er novembre 1954 qui se réclamait de « la restauration de l’État algérien souverain, démocratique et social dans le cadre des principes islamiques» (Harbi, 1981, p. 102)54.

  • 55 Voir la note de bas de page n° 36.
  • 56 Ordonnance n° 06-03 du 28 févr. 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres q (…)
  • 57 Voir la note de bas de page n° 37.

24L’instrumentalisation judiciaire de la religion, en contexte de hirak, débuta à travers l’affaire Yacine Mebarki. Cet activiste fut en effet condamné, en première instance, entre autres pour prosélytisme. D’après le juge, il avait cherché à propager la laïcité, « dernière des religions terrestres »55. En effet, l’ordonnance n° 06-03 du 28 février 200656, adoptée initialement contre les néo-évangéliques, punit quiconque : « incite, contraint ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion » (art. 11) (Zemirli, 2020, p. 203-244). En considérant que la laïcité était une religion, le juge permettait ainsi d’en incriminer la promotion, non en tant qu’idée politique, mais en tant que croyance religieuse. Néanmoins, en appel, la cour de Khenchla relaxa l’activiste de ce chef d’inculpation57. Elle lui avait en effet reconnu la qualité de musulman, en considérant qu’un tel délit ne pouvait être caractérisé qu’à l’égard des non-musulmans.

2. À travers l’instrumentalisation du blasphème à l’égard de l’islam

  • 58 T. Sidi M’hamed, Saïd Djabelkhir, 22 avr. 2021, n° 21/00483.
  • 59 Loi n° 01-09 du 26 juin 2001 modifiant et complétant l’ordonnance du 8 juin 1966 portant code pénal (…)
  • 60 Abdelghani Aichoun, « Ils se sont manifestés le jour du procès de Djabelkheir : La “Badissia novemb (…)

25Quant au fondateur du Cercle des lumières pour la pensée libre en Algérie, Saïd Djabelkhir, le tribunal de Sidi M’hamed le condamna, le 22 avril 2021, à trois ans de prison ferme et 50 000 dinars d’amende, pour blasphème58. En effet, la loi n° 01-09 du 26 juin 200159 incrimine « quiconque offense le prophète (paix et salut soient sur lui) et les envoyés de Dieu ou dénigre le dogme ou les préceptes de l’Islam, que ce soit par voie d’écrit, de dessin, de déclaration ou tout autre moyen » (C. pén., art. 144 bis 2) ( Zemirli, 2020, p. 245-294). Il était alors reproché à l’islamologue la publication sur les réseaux sociaux de billets critiques à l’égard de certaines interprétations du Coran et de la tradition islamique. L’instrumentalisation politique du procès ressortait d’autant plus, qu’à l’occasion d’une audience, les adversaires de l’islamologue se laissèrent aller à des louanges du défunt général Gaïd Salah, en scandant « État militaire, non-civil », par opposition à la revendication d’un « État civil, non-militaire » portée par le hirak, tout en se réclamant de l’« État phénicien », prôné par opposition à l’identité amazighe du pays60.

  • 61 C. Alger, Saïd Djabelkhir, 1er févr. 2023, n° 22/15938
  • 62 C. suprême, Saïd Djabelkhir, 7 févr. 2022, n° 22/00003. La Constitution algérienne proclame cependa (…)
  • 63 RADP, Réponse du Gouvernement algérien à la communication AL DZA 7/2021 du 9 août 2021 se rapportan (…)
  • 64 CEDH, E. S. c. Autriche, 25 oct. 2018, n° 38450/12.
  • 65 La Cour avait ainsi qualifié de « modérée » (§ 56) la peine d’amende de 480 euros à laquelle la req (…)

26Si le prévenu fut finalement relaxé par la cour d’Alger, le 1er février 202361, une exception d’inconstitutionnalité avait préalablement été tentée. La Cour suprême refusa cependant de la renvoyer à la Cour constitutionnelle, en constatant que les libertés d’opinion (art. 51), d’expression (art. 52) et de création intellectuelle (art. 74) n’étaient pas absolues62. Elle leur opposa en effet les dérogations prévues par le nouvel article 34 de la Constitution, tout en les faisant coïncider avec celles permises par le PIDCP (art. 19, § 3), sans opérer aucun contrôle de proportionnalité ni préciser quels éléments dérogatoires étaient particulièrement visés. Devant les rapporteurs spéciaux, le gouvernement algérien justifia l’article 144 bis 2 par ces mêmes dispositions, en vertu de « considérations sociétales liées à la sauvegarde de la paix religieuse » et la préservation de « l’ordre public »63. Il se référa par ailleurs à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), E. S. c. Autriche64. Or, cet arrêt ne légitime la répression du délit de blasphème que dans le cadre de « mesures restrictives proportionnées » (§ 43)65.

Des atteintes aux libertés collectives contraires aux libertés de réunion pacifique et d’association

27Afin de prévenir toute organisation de la contestation, les autorités disposaient déjà de dispositions législatives dont la mobilisation a permis de restreindre la liberté de réunion pacifique (PIDCP, art. 21) (A) et la liberté d’association (PIDCP, art. 22) (B).

Les libertés de manifestation et de réunion 

1. Une liberté de manifestation entre autorisation et déclaration préalables

  • 66 Loi n° 91-19 du 2 déc. 1991 modifiant et complétant la loi n° 89-28 du 31 déc. 1989 relative aux ré (…)

28Les marches du hirak étaient seulement tolérées dans les premiers mois du mouvement, notamment en raison du nombre de manifestants, jusqu’à treize millions le 8 mars 2019 (Driencourt, 2022, p. 110). Elles commencèrent par être restreintes dès les lendemains de la démission du président Bouteflika, en avril 2019, puis réprimées pénalement à partir du mois de juin 2019, excepté pour les marches du vendredi, voire celles du mardi pour les étudiants. En effet, depuis la « grève insurrectionnelle » du Front islamique du salut (FIS) de mai-juin 1991, la loi n° 91-19 du 2 décembre de la même année66 exige pour pouvoir manifester une autorisation préalable (art. 15, al. 2) qui relève du pouvoir « discrétionnaire » des autorités (Comité DH, 2018, § 45). En outre, un décret du 18 juin 2001, non publié au Journal officiel, avait interdit les manifestations sur la capitale, à la suite de la marche organisée sur Alger, le 14 juin précédent, dans le contexte du Printemps noir (ibid.)

  • 67 « Gaïd Salah relève les efforts “soutenus” de l’ANP pour faire sortir l’Algérie de sa crise », APS(…)
  • 68 « Pas de “détenus d’opinion”, la Constitution est garante de la liberté d’expression », art. cité.
  • 69 Voir la note de bas de page n° 26.
  • 70 C. Alger, Fethi Ghares, 22 mars 2022, n° 22/00967.

29Le général Gaïd Salah avait ainsi menacé, le 15 octobre 2019, de poursuites, « selon les voies légales », « certaines parties insidieuses qui s’efforcent de surfer sur la vague de ces manifestations »et « des entités inconnues ayant des objectifs malveillants [qui] consacrent de l’argent sale afin d’[en] amplifier » le nombre67. Aucune des marches du hirak n’avait en effet reçu d’autorisation préalable, une telle absence étant passible de participation à attroupement non armé (C. pén., art. 98) ou de provocation directe à attroupement non armé (C. pén., art. 100). Or, pour le président Tebboune, « ceux qui refusent de demander des autorisations pour des sit-in […] doivent en assumer la responsabilité, car la loi est claire »68. C’est d’ailleurs, entre autres, pour provocation directe à attroupement non armé que Nacer Meghnine fut condamné à de la prison ferme, en raison d’imprimés destinés à être distribués, où figuraient des photos de détenus d’opinion69. Les juges considéraient qu’ils visaient à faire sortir et se rassembler la population, ce qu’ils déduisirent aussi d’un appel à continuer la révolution et le hirak, lancé sur les réseaux sociaux par le coordinateur du Mouvement démocratique et social (MDS), Fethi Ghares, ce pourquoi il fut, en partie, condamné par la cour d’Alger, le 22 mars 2022, à un an de prison, dont six mois ferme70.

  • 71 Voir la note de bas de page n° 23.

30Certes, dans l’affaire Khaled Drareni, les juges avaient rappelé la révision constitutionnelle du 6 mars 2016, qui avait reconnu la « liberté de manifestation pacifique », mais ils avaient aussitôt précisé que cette liberté est circonscrite « dans le cadre de la loi qui fixe les modalités de son exercice » (2016, art. 49), c’est-à-dire la loi du 2 décembre 199171. Si depuis, la révision constitutionnelle de 2020 reconnaît la liberté de manifestation « sur simple déclaration préalable » (art. 52, al. 2), elle prévoit néanmoins que « les lois, dont la modification ou l’abrogation sont rendues nécessaires en vertu de la présente Constitution, demeurent en vigueur jusqu’à l’élaboration de nouvelles lois ou leur modification dans un délai raisonnable » (art. 225). Or ce « délai raisonnable » est indéterminé, alors que certaines lois organiques prévues par la Constitution de 1996 n’ont toujours pas été promulguées.

  • 72 « Organisation de marches. Le ministère de l’Intérieur rappelle l’impératif respect des procédures (…)
  • 73 Raouf Farrah, « Répression massive des Hirakistes, l’aveu d’échec de Tebboune », Twala, 18 mai 2021
  • 74 « Marche de vendredi : le ministère de l’Intérieur dément avoir reçu une demande d’autorisation », (…)

31Pour mettre un terme aux marches hebdomadaires du hirak, le ministère de l’Intérieur finit par publier un communiqué, le 9 mai 202172, où il réclamait désormais une « déclaration » préalable pour les marches du vendredi, en reprenant la formulation de la révision constitutionnelle de 2020, tout en menaçant à défaut les manifestants de poursuites pénales. Près d’un millier de personnes furent ainsi interpellées lors de la marche du 14 mai suivant73, tandis que le 20 mai 2021, un nouveau communiqué du ministère de l’Intérieur devait rappeler la nécessité d’obtenir une « autorisation » préalable, en renvoyant cette fois-ci à la formulation de la loi n° 91-19, toujours en vigueur, puisque située dans le « délai raisonnable » susmentionné74. Depuis, la capitale n’a plus connu de marches du hirak, suivie bientôt, à l’été suivant, par l’ensemble du pays.

  • 75 « Un ministre algérien traite les opposants de “mercenaires, pervers et homosexuels” », Le Monde, 3 (…)

32Quand bien même l’obligation légale d’une autorisation préalable finissait par être supprimée, il resterait aux autorités la possibilité d’interdire des manifestations, lorsque celles-ci contreviendraient, d’après la loi n° 91-19, « aux constantes nationales », « aux symboles de la révolution du 1er novembre, à l’ordre public et aux bonnes mœurs » (art. 9), « vagues principes » selon le Comité des droits de l’homme (Comité DH, 2018, § 45). C’est ainsi que le ministre de l’Intérieur, Salah Eddine Dahmoune, avait considéré, le 3 décembre 2019, que les manifestants du hirak opposés à l’élection présidentielle du 12 décembre étaient « des pseudo-Algériens, des traîtres, des mercenaires, des pervers, des homosexuels »75. Ces considérations pourraient dès lors aisément servir de fondement à des interdictions futures.

2. Une liberté de réunion de jure sur déclaration préalable et de facto sur autorisation préalable

  • 76 Loi n° 89-28 du 31 déc. 1989 relative aux réunions ou manifestations publiques, JORA n° 4 du 24 jan (…)
  • 77 Madjid Makedhi, « La conférence nationale des activistes du hirak interdite », El Watan, 20 févr. 2 (…)

33Quant à la liberté de réunion, si elle nécessite sur le plan légal une déclaration préalable, depuis la loi n° 89-28 du 31 décembre 198976 (art. 4, al. 1er), les autorités imposaient déjà en pratique, avant même le hirak, un régime d’autorisation préalable, régime qui fut a fortiori maintenu en contexte de répression du mouvement. Une conférence qui devait réunir les « dynamiques de la société civile et les activistes du hirak », à la veille du premier anniversaire du 22 février 2019, dut ainsi être annulée, à défaut d’autorisation77.

Les libertés d’association et le multipartisme

1. Entre autorisation et déclaration préalables, une liberté d’association soumise à des conditions d’exercice restrictives

  • 78 Loi n° 12-06 du 12 janv. 2012 relative aux associations, JORA n° 2 du 15 janv. 2012, p. 28-34.
  • 79 Loi n° 90-31 du 4 déc. 1990 relative aux associations, JORA n° 53 du 5 déc. 1990, p. 1438-1442.
  • 80 Madjid Makedhi, « Loi sur les associations : Des ONG veulent mettre fin à l’arbitraire », El Watan(…)

34Afin de prévenir la « contagion » des Printemps arabes, la loi n° 12-06 du 12 janvier 201278 était déjà venue restreindre la liberté d’association, par rapport à la loi n° 90-31 du 4 décembre 199079. Un délai de deux ans avait alors été prévu pour que les associations enregistrées jusque-là puissent se conformer à la nouvelle législation (art. 70), ce dont il résulta la disparition de 50 % d’entre elles80, en affaiblissant d’autant plus la société civile à l’orée du hirak. La loi n° 12-06 impose en effet d’obtenir la délivrance d’un récépissé d’enregistrement, à la suite d’une déclaration constitutive (art. 7). Or, cette délivrance ne relève pas tant d’un régime de déclaration préalable plutôt que d’une « autorisation préalable, caractéristique du régime préventif » (Benabbou, 2014, p. 15 ; voir aussi Comité DH, 2018, § 47). La loi n° 12-06 circonscrit par ailleurs l’objet et les buts de l’association « aux constantes et aux valeurs nationales ainsi qu’à l’ordre public, aux bonnes mœurs et aux dispositions des lois et règlements en vigueur» (art. 2, al. 4), critères « peu précis » (Comité DH, 2018, § 47). Le défaut d’enregistrement ou d’agrément expose à des poursuites pénales tout membre d’une association qui agit en son nom (art. 46).

  • 81 TA Alger, Association nationale Rassemblement Actions Jeunesse, 13 oct. 2021, n° 2101798. Dissoluti (…)

35Quant aux relations avec l’étranger, elles sont étroitement encadrées, tant sur un plan financier (art. 30) que pour les associations étrangères qui souhaiteraient s’implanter en Algérie (art. 63). En effet « l’Algérie craint, avant tout, que par ce biais, ces organismes étrangers en profitent pour s’immiscer dans ses affaires intérieures» (Benabbou, 2014, p. 20). L’association RAJ, fondée en 1992 et très active dans le hirak, fut ainsi dissoute par le tribunal administratif d’Alger, le 13 octobre 202181. Il lui était en effet reproché d’avoir reçu, en 2019, des militants tunisiens des droits humains à son siège, sans l’accord préalable des autorités compétentes imposé par l’article 23 de la loi n° 12-06.

  • 82 Comité DH, Aleksander Belyatsky c. Biélorussie, 24 juill. 2007, CCPR/C/90/D/1296/2004, § 7.2.
  • 83 « Examen d’un avant-projet de loi pour un mouvement associatif actif », APS, 9 mars 2022.
  • 84 Ministère de l’Intérieur, Avant-projet de loi organique n° … du … correspondant au … relative aux a (…)

36Certes, la révision constitutionnelle de 2020 prévoit désormais que « le droit de créer des associations […] s’exerce par simple déclaration » (art. 53, al. 1). Or, il s’agit du « droit de créer des associations » et non plus de la liberté d’association, supprimée à cette occasion, alors que Comité des droits de l’homme considère que « le droit à la liberté d’association ne comprend pas uniquement le droit de créer une association mais garantit aussi le droit de cette association d’accomplir librement les activités pour lesquelles elle a été créée »82. L’avant-projet de loi sur la liberté d’association83 maintient ainsi la disposition qui a permis la dissolution de l’association RAJ (art. 26)84. Cet avant-projet démultiplie par ailleurs les causes de dissolution, en imposant notamment le respect de principes encore plus vagues que ceux prévus par la loi n° 12-06, notamment le respect de « l’unité nationale » (art. 8), notion largement interprétée par la jurisprudence (voir supra).

  • 85 TA Alger, Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, 29 juin 2022, n° 22/01423.

37En outre, la suppression, en 2020, de la disposition remontant à la Constitution de 1989, selon laquelle « la défense individuelle ou associative des droits fondamentaux de l’Homme et des libertés individuelles et collectives est garantie » (2016, art. 39), aura facilité la dissolution par le tribunal administratif d’Alger, le 29 juin 2022, de la LADDH. Il était notamment reproché à cette association d’avoir exercé des activités autres que celles prévues par ses statuts (loi n° 12-06, art. 43), par des communiqués publiés sur les réseaux sociaux dénonçant la répression des marches du hirak, en entravant ainsi le cours des réformes, c’est-à-dire pour porter atteinte à l’ordre public, ou encore de susciter la fitna, par des communiqués prenant la défense de la minorité religieuse ibadite85. Si les membres fondateurs de la LADDH avaient été condamnés en 1985, à l’époque du parti unique, pour « atteinte à l’autorité de l’État » (C. pén., art. 77) (Collectif Contre la Répression en Algérie, 1986 et Aït-Larbi, 2016, p. 15-50), l’ouverture démocratique de 1989 avait permis l’agrément de l’association, ce que n’avait pas même remis en cause la participation de la Ligue aux côtés du FIS, lors des accords de Sant’Egidio de 1995.

  • 86 T. Sidi M’hamed, Hakim Mohamed Addad, 8 juill. 2021, n° 20/04884.

38La liberté associative fut par ailleurs indirectement attaquée, à travers plusieurs condamnations à de la prison ferme prononcées à l’égard de dirigeants associatifs investis dans le hirak. Il en a été ainsi du secrétaire général honoraire de RAJ, Hakim Addad, condamné à un an de prison ferme et 20 000 dinars d’amende86, de son président en exercice, Abdelouahab Fersaoui, condamné à six mois de prison ferme (voir supra), ou encore du président de l’association SOS Bab el-Oued, Nacer Meghnine, condamné à un an de prison ferme (voir supra).

2. Un multipartisme soumis à des conditions exorbitantes de formation et d’exercice

  • 87 « Rencontre de Monsieur le président de la République avec les représentants de la presse nationale (…)
  • 88 Loi n° 89-11 du 5 juill. 1989 relative aux associations à caractère politique, JORA n° 27 du 5 juil (…)
  • 89 Ordonnance n° 97-09 du 6 mars 1997 portant loi organique relative aux partis politiques, JORA n° 12 (…)
  • 90 Loi organique n° 12-04 du 12 janv. 2012 relative aux partis politiques, JORA n° 2 du 15 janv. 2012, (…)

39Si en février 2022 le président Tebboune avait qualifié « d’insensées » les assertions selon lesquelles des restrictions auraient été imposées aux partis politiques de l’opposition87, force est de constater que les partis politiques ayant appelé au boycott des différents scrutins organisés par les autorités, depuis 2019, ont fait l’objet d’un harcèlement judiciaire visant tantôt leurs structures, tantôt leurs représentants. En effet, si la Constitution de 1989 avait supprimé toute mention au parti unique et la loi n° 89-11 du 5 juillet 198988 consacré le multipartisme, les victoires électorales enregistrées par le FIS, aux élections locales de 1990 et législatives de 1991, avaient conduit à une restriction des conditions de formation et d’exercice des partis politiques par l’ordonnance n° 97-09 du 6 mars 199789, amendée par la loi organique n° 12-04 du 12 janvier 201290. Sur la forme, cette loi organique nécessite en effet un congrès constitutif, réunissant de 400 à 500 personnes représentatives de plus du tiers des wilayas, élues elles-mêmes par 1 600 adhérents, sans que le nombre de congressistes ne soit inférieur à 16 par wilaya et celui des adhérents inférieur à cent par wilaya (art. 24).

  • 91 CE, Parti socialiste des travailleurs, 20 janv. 2022, n° 200353.
  • 92 Rania Hamdi, « En Algérie, dissolution du RAJ, une ONG emblématique du Hirak », Jeune Afrique, 27 f (…)
  • 93 Arab Chih, « Le RCD répond à la mise en demeure du ministère de l’Intérieur : “Le pouvoir a choisi (…)
  • 94 T. crim. d’appel, Alger, Rachid Nekkaz, 3 juill. 2022, n° 20/01559.
  • 95 Ryad Hamadi, « Rachid Nekkaz annonce qu’il “arrête la politique” », TSA, 2 janv. 2023.

40Ces conditions exorbitantes justifièrent ainsi la suspension du Parti socialiste des travailleurs (PST) par le Conseil d’État, le 20 janvier 2022, pour ne pas avoir renouvelé son congrès dans les formes prescrites par la loi et ses statuts91, suivi le 23 février 2023 par la suspension du MDS92. Quant au Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), premier parti fondé à l’occasion de l’ouverture démocratique de 1989, il avait reçu, le 5 janvier 2022, un avertissement du ministère de l’Intérieur lui reprochant d’avoir organisé à son siège, le 24 décembre 2021, une réunion non déclarée avec des personnes et des organisations non agréées, afin de fonder un Front contre la répression, en contravention notamment avec la loi organique n° 12-04 sur les partis politiques et la loi n° 89-28 sur la liberté de réunion93. Plusieurs représentants de ces partis furent en outre condamnés à de la prison ferme. Ainsi de Karim Tabbou pour l’UDS, parti non agréé, condamné à un an de prison ferme (voir supra) ; de Fethi Ghares pour le MDS, parti agréé, condamné à un an de prison, dont six mois ferme (voir supra) ; ou bien encore de Rachid Nekkaz pour le Mouvement pour la jeunesse et la citoyenneté (MJC), parti non agréé, condamné à cinq ans de prison ferme et 500 000 dinars d’amende94, si bien qu’acculé il annonçait le 2 janvier 2023 renoncer à la politique95.

41Certes, la révision constitutionnelle de 2020 prévoit que « l’administration doit s’abstenir de toute pratique de nature à entraver [le droit de créer des partis politiques] » (art. 57, al. 8) et que la loi organique qui détermine les modalités de création des partis politiques « ne doit pas comporter de dispositions de nature à remettre en cause la liberté de leur création » (art. 57, al. 10). Or, outre le « délai raisonnable » susmentionné, cette disposition doit s’entendre dans le cadre des « constantes nationales » indéfinies du nouvel article 34, al. 2, ce qui pourrait ainsi permettre de maintenir la prohibition des partis fondés sur des objectifs contraires « aux valeurs et aux composantes fondamentales de l’identité nationale, aux valeurs de la Révolution du 1er Novembre 1954 et de l’éthique de l’Islam, [ou] à l’unité et à la souveraineté nationale » (loi n° 12-04, art. 8).

42Il ne s’agit d’ailleurs que du droit de « créer » des partis politiques, ce qui pourrait permettre de maintenir des dispositions telles que celle qui permet au ministre de l’Intérieur, depuis 2012, d’engager une procédure judiciaire en dissolution d’un parti politique, lorsque celui-ci n’a pas présenté des candidats à quatre élections législatives ou locales consécutives (loi n° 12-04, art. 70, al. 3). Cette disposition va à l’encontre du libre exercice de la vie politique par l’appel pacifique au boycott des élections.

Conclusion : une législation efficace à étouffer le hirak mais pas à susciter l’adhésion de la population aux autorités

43Près de cinq ans des débuts du hirak, la législation répressive déployée à partir du mois de juin 2019 s’est avérée d’une particulière efficacité afin de réduire la contestation et d’en prévenir l’organisation, jusqu’à en étouffer toute expression publique à partir des mois de mai et juin 2021, par la réactivation de l’autorisation préalable de la loi n° 91-19, pour les marches du vendredi, puis par l’extension de l’incrimination de terrorisme par l’ordonnance n° 21-08. C’est d’ailleurs de l’été 2021 que peut être datée la fin du hirak, en tant qu’expression publique de la société algérienne, seul un « hirak des catacombes » subsistant depuis.

  • 96 D’après les chiffres recensés par l’activiste Zakaria Hannache, lui-même poursuivi pour atteinte à (…)

44À la rentrée 2022, plus d’un millier d’individus avaient ainsi été emprisonnés et plusieurs milliers poursuivis pour « délit d’opinion »96. Ils auront participé, malgré eux, à la démobilisation du hirak, par la peur induite par la répression, maintenue par des vagues renouvelées d’arrestations. Si certains prévenus et accusés sont relaxés ou acquittés en première instance, c’est parfois après avoir passé plusieurs mois en détention provisoire, tout en étant maintenus sous la pression d’un appel interjeté par le ministère public, voire d’un pourvoi en cassation. En outre, si des personnes condamnées finissent par être libérées, à la suite d’une liberté conditionnelle, c’est néanmoins sans avoir été réhabilitées.

45Le hirak n’a donc pas seulement échoué en raison de ses difficultés d’organisation interne, mais aussi parce qu’il a été empêché de s’exprimer et de s’organiser, en raison d’une législation liberticide. Si cette législation est manifestement en contrariété avec les droits et libertés fondamentales, l’exception d’inconstitutionnalité paraît verrouillée, notamment en raison d’une Loi fondamentale permissive où « chaque paragraphe […] contient […] sa propre antithèse, sa Chambre haute et sa Chambre basse : dans le texte la liberté, dans la marge la suppression de cette liberté » (Marx, 1976 [1852], p. 31).

46Pourtant, afin de briser cette mécanique autoritaire, la décision du Conseil constitutionnel n° 1-D-L-CC 89 (voir supra) aurait pu permettre d’inclure des garde-fous. Le Conseil avait en effet affirmé que l’exercice d’un droit « ne peut faire l’objet que des seules restrictions nécessaires dans une société démocratique ». Par ailleurs, le recours à l’exception d’inconventionnalité constituait une échappatoire possible, afin de passer outre l’application des lois litigieuses. Or, les constatations et observations du Comité des droits de l’homme n’ont pas de valeur contraignante, et les autorités ont tendance à se référer aux vagues exceptions permises par le PIDCP, afin de les rendre compatibles avec celles prévues par le nouvel article 34 de la Constitution.

  • 97 Alors que la détention provisoire est « une mesure exceptionnelle » (Const., art. 44, al. 3 et C. p (…)
  • 98 Loi organique n° 04-11 du 6 sept. 2004 portant statut de la magistrature, JORA n° 57 du 8 sept. 200 (…)

47L’inefficience de ces recours, le zèle à maintenir certains individus en détention provisoire97 et des jurisprudences manifestement en contrariété avec le principe d’interprétation stricte de la loi pénale interrogent pour le moins l’indépendance de la justice. En effet, si la révision constitutionnelle de 2020 consacre désormais l’inamovibilité du juge du siège (art. 172, al. 1er), c’est « sauf dans les cas fixés par la loi » (art. 172, al. 2), tout en renvoyant plus généralement les modalités de mise en œuvre de ce principe à une loi organique (art. 172, al. 5). Or, la loi organique n° 04-11 du 6 septembre 200498 ne reconnaît le « droit à la stabilité » au magistrat du siège, qu’après un « service effectif » de dix années (art. 26, al. 1er). Une mutation reste par ailleurs toujours possible, « si les intérêts et le bon fonctionnement de la justice l’exigent » (art. 26, al. 2), et ce sur décision du Conseil supérieur de la magistrature, qui est présidé par le président de la République (Const. art. 180, al. 2).

  • 99 Boycott passif, puisque dans l’affaire Fersaoui (voir la note de bas de page n° 22), l’appel au boy (…)

48La principale limite de ces mesures répressives transparaît néanmoins dans le maintien de la défiance de la population vis-à-vis des autorités. Celle-ci se manifeste par la négative à l’occasion des différents scrutins organisés depuis 2019. Ils ont en effet tous été marqués par des taux records d’abstention, que les résultats officiels n’ont pas été à même de masquer. Rien ne contraint en effet la population à exprimer son adhésion aux autorités et c’est finalement par une désobéissance civile soft, le boycott passif99, que le hirak peut encore exprimer sa revendication originelle d’un « changement radical de système ».

49In fine, sur le long terme, cette répression renvoie par certains aspects à l’époque du parti unique. En effet, si la répression des années 1990 avait été légitimée par une « démocratie militante » contre un FIS dont certains dirigeants avaient qualifié la démocratie d’« impie » et contre le terrorisme armé qui avait résulté de l’arrêt du processus électoral en 1992, la répression du hirak s’en démarque par sa systématisation à toute opposition, y compris non-islamiste. Ce mouvement s’était pourtant singularisé par sa revendication pacifique en faveur d’un changement radical qui permettrait la libre expression de la souveraineté populaire, celle des articles 7 et 8 de la Constitution, brandis et scandés lors des marches. L’article 87 bis, alinéa 14 est cependant venu depuis incriminer de « terrorisme pacifique » l’une des revendications majeures du hirak, celle de la transition démocratique, dans une justice paradoxalement rendue « au nom du peuple ».

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Bibliographie

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Notes

1 « Gaïd Salah : l’ANP accompagnera la justice pour “rouvrir tous les dossiers lourds” liés à la corruption », APS, 8 août 2019.

2 Mokrane Aït Ouarabi, « Il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie », El Watan, 10 août 2021. Voir aussi « Pas de “détenus d’opinion”, la Constitution est garante de la liberté d’expression », APS, 16 févr. 2022 et « Président Tebboune : il n’y a pas de détenus d’opinion en Algérie », APS, 1er août 2022.

3 « Gaïd Salah met en garde contre les objectifs “ambigus” de ceux qui veulent geler la Constitution », APS, 18 juin 2019.

4 « Gaïd Salah met en garde contre ceux brandissant des drapeaux autres que l’emblème national », APS, 19 juin2019.

5 Ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, JORA n° 49 du 11 juin 1966, p. 530-561.

6 39,88 % : « Présidentielle du 12 décembre : résultats définitifs proclamés par le Conseil constitutionnel », APS, 17 déc. 2019. Voir aussi Nabila Amir, « Le RCD s’offusque du comportement du pouvoir : “Le taux de participation réel à la présidentielle n’a pas dépassé les 8 %” », El Watan, 15 déc. 2019.

7 Décret présidentiel n° 20-442 du 30 déc. 2020 relatif à la promulgation au Journal officiel de la République algérienne démocratique et populaire de la révision constitutionnelle, adoptée par référendum du 1er nov. 2020, JORA n° 82 du 30 déc. 2020, p. 2-49.

8 23,84 % : Proclamation n° 01/P.CC/20 du 12 nov. 2020 portant résultats définitifs du référendum du 1er nov. 2020 sur le projet de révision de la Constitution, JORA n° 72 du 3 déc. 2020, p. 4-5.

9 Loi organique n° 18-16 du 2 sept. 2018 fixant les modalités de mise en œuvre de l’exception d’inconstitutionnalité, JORA n° 54 du 5 sept. 2018, p. 10-14. Elle a été remplacée depuis par la loi organique n° 22-19 du 25 juill. 2022 fixant les procédures et modalités de saisine et de renvoi devant la Cour constitutionnelle, JORA n° 51 du 31 juill. 2022, p. 7-11.

10 Décret présidentiel n° 89-67 du 16 mai 1989 portant adhésion au pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, au pacte international relatif aux droits civils et politiques et au protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques, adoptés par l’Assemblée générale des Nations Unies le 16 déc. 1966, JORA n° 20 du 17 mai 1989, p. 437.

11 Décision n° 1-D-L-CC 89 du 20 août 1989 relative au Code électoral, JORA n° 36 du 30 août 1989, p. 871-874.

12 Comité DH, Observation générale n° 29 sur l’article 4, CCPR/C/21/Rev.1/Add.11, 2011, § 7.

13 Ordonnance n° 75-47 du 17 juin 1975 complétant et modifiant l’ordonnance n° 66-156 portant code pénal, JORA n° 53 du 4 juill. 1975, p. 612-618.

14 T. Sidi M’hamed, Mustapha Hocine Aouissi, Mokrane Chalal, Samira Messouci, Elhadi Kichou, 11 nov. 2019, n° 19/05422.

15 « Gaïd Salah met en garde contre ceux brandissant des drapeaux autres que l’emblème national », art. cité.

16 T. Annaba, Nadir Fetissi, 8 août 2019, n° 19/04476.

17 C. Alger, Bilal Bacha,Djaber Aibeche, Messaoud Leftissi, 18 mars 2020, n° 19/19254. Quant au Groupe de travail contre la détention arbitraire (GTDA), il conclura à la violation des articles 9, 19, 21, 22, 25 et 26 du PIDCP : Conseil DH (GTDA), Avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à sa quatre-vingt-huitième session (24-28 août 2020), avis nº 53/2020, concernant Messaoud Leftissi (Algérie), A/HRC/WGAD/2020/53.

18 C. suprême, Bilal Bacha, Djaber Aibeche, Messaoud Leftissi, 13 oct. 2022, n° 1479164.

19 À l’exception notable du général Ali Ghediri, candidat à l’élection présidentielle de 2019, condamné en appel sur renvoi par la cour d’Alger à six ans de prison ferme : Salima Tlemçani, « La Cour a rendu hier son verdict : Le général Ghediri condamné à 6 ans de prison ferme », El Watan, 18 mai 2023. Il lui était reproché un entretien, dans lequel il avait notamment affirmé qu’après avoir gagné le pari de sa professionnalisation, il restait à l’armée « l’engagement démocratique » : Hacen Ouali, « Gaïd Salah face à une responsabilité historique », El Watan, 25 déc. 2018.

20 Un projet de loi prévoit néanmoins d’étendre l’infraction d’entreprise de démoralisation de l’armée aux « autres services de sécurité » : RADP, ministère de la Justice, Projet de loi modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, 2023.

21 C. Alger, Karim Tabbou, 24 mars 2020, n° 20/05075.

22 C. Alger, Abdelouahab Fersaoui, 17 mai 2020, n° 20/05630.

23 C. Alger, Samir Benlarbi, Khaled Mohamed Drareni, Moh Slimane Hamitouche, 15 sept. 2020, n° 20/09758. Décision confirmée après cassation, la peine fut cependant réduite à six mois de prison avec sursis : C. Alger, Khaled Mohamed Drareni, 3 mars 2022, n° 21/09933. Voir aussi la résolution du Parlement européen du 26 novembre 2020 sur la détérioration de la situation des droits de l’homme en Algérie, en particulier le cas du journaliste Khaled Drareni (2020/2880(RSP).

24 « Déchéance de la nationalité pour les Algériens auteurs de graves préjudices aux intérêts de l’État », APS, 3 mars 2021.

25 Madjid Makedhi, « Le projet de loi sur la déchéance de la nationalité abandonné : Zeghmati et le gouvernement désavoués », El Watan, 6 avr. 2021.

26 C. Alger, Nacer Meghnine, Kamel Slimani, Abderrahmane Moussa, Zahir Bouzid, 14 nov. 2021, n° 21/13231.

27 T. Bir Mourad Raïs, Lakhdar Bouregaâ, 7 mai 2020, n° 20/00004.

28 Le décret présidentiel n° 22-217 du 8 juin 2022 a depuis consacré la journée du 4 août » Journée nationale de l’Armée Nationale Populaire » (art. 1, al. 1er), en commémoration de « la date de la reconversion de l’Armée de libération nationale, en Armée nationale populaire » (art. 1, al. 2) : JORA n° 39 du 8 juin 2022, p. 5.

29 « Rencontre de Monsieur le président de la République avec les représentants de la presse nationale. Unité et unification », El-Djeich, n° 704, mars 2022, p. 7.

30 Ibid.

31 Voir la note de bas de page n° 23.

32 Loi organique n° 12-05 du 12 janv. 2012 relative à l’information, JORA n° 02 du 15 janv. 2012, p. 18-27.

33 Loi organique n° 23-14 du 27 août 2023 relative à l’information, JORA n° 56 du 29 août 2023, p. 8-13.

34 T. Tamanrasset, Rabah Karèche, 12 août 2021, n° 21/01221.

35 Loi n° 20-05 du 28 avr. 2020 relative à la prévention et à la lutte contre la discrimination et le discours de haine, JORA n° 25 du 29 avr. 2020, p. 4-9.

36 T. Khenchla, Yacine Mebarki, 8 oct. 2020, n° 20/02684.

37 C. Khenchla, Yacine Mebarki, 25 nov. 2020, n° 20/02578.

38 Loi n° 20-06 du 28 avr. 2020 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, JORA n° 25 du 29 avr. 2020, p. 10-12.

39 T. Constantine, Mustapha Bendjama, Hicham Aboud, Amir Boukhors, Raouf Farrah, Sebti Farrah, Sofiane Berkane, Mountaha Habes, 29 août 2023, n° 23/00017. En appel, la peine de Raouf Farrah a été réduite à vingt mois de prison, dont huit mois ferme : « En Algérie, le chercheur Raouf Farrah libéré après une réduction de peine », Le Monde avec AFP, 26 oct. 2023.

40 C. Alger, Ihsane El Kadi, 18 juin 2023, n° 23/10374. La Cour suprême a depuis rejeté son pourvoi en cassation, dans un arrêt du 12 octobre 2023 : Ryad Hamadi, « La peine d’El Kadi Ihsane devient définitive : un “coup dur” pour sa famille », TSA, 24 oct. 2023.

41 Ordonnance n° 21-08 du 8 juin 2021 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, JORA n° 45 du 9 juin 2021, p. 6-7.

42 « Gaïd Salah met en garde contre les objectifs “ambigus” de ceux qui veulent geler la Constitution », art. cité.

43 « Le Président Tebboune préside une réunion périodique du Haut Conseil de Sécurité », APS, 18 mai 2021.

44 Arrêté du 6 févr. 2022 portant inscription sur la liste nationale des personnes et entités terroristes, JORA n° 11 du 13 févr. 2022, p. 24-26.

45 Auteur d’Arabesque américaine : Le rôle des États-Unis dans les révoltes de la rue arabe, Montréal, Michel Brûlé, 2011.

46 Les représentants des ONG internationales censés comploter contre l’unité de l’Algérie.

47 Radio Algérienne, « Ahmed Bensaada expert des questions géopolitiques », You Tube, 15 févr. 2023.

48 Décret législatif n° 92-03 du 30 sept. 1992 relatif à la lutte contre la subversion et le terrorisme, JORA n° 70 du 1er oct. 1992, p. 1490-1493.

49 Ordonnance n° 95-11 du 25 févr. 1995 modifiant et complétant l’ordonnance n° 66-156 du 8 juin 1966 portant code pénal, JORA n° 11 du 1er mars 1995.

50 Amnesty International, 110/21, MDE 28/4941/2021 – Algérie, 3 nov. 2021.

51 Voir Meziane Abbane, « L’histoire secrète du Mouvement des enfants du Sud », El Watan, 29 mars 2014.

52 Pour la CNLD : t. crim. de première instance, Dar El Beïda, 18 oct. 2022, n° 22/01217.

53 Le président du Conseil de la Nation depuis le mois d’avril 2019, Salah Goudjil, par ailleurs vétéran de la guerre de libération nationale, s’en était pris cependant à cette appellation, « quand on parle de “novembria-badissia”, c’est qu’on a menti sur l’Histoire » : Madjid Makedhi, « Salah Goudjil dénonce le slogan de “badissia-novembia”. “C’est un mensonge sur l’Histoire !” », El Watan, 28 oct. 2021.

54 Tout en précisant » dans le respect de toutes les libertés fondamentales sans distinctions de races et de confessions » (Harbi, 1981, p. 102).

55 Voir la note de bas de page n° 36.

56 Ordonnance n° 06-03 du 28 févr. 2006 fixant les conditions et règles d’exercice des cultes autres que musulman, JORA n° 12 du 1er mars 2006, p. 23-24.

57 Voir la note de bas de page n° 37.

58 T. Sidi M’hamed, Saïd Djabelkhir, 22 avr. 2021, n° 21/00483.

59 Loi n° 01-09 du 26 juin 2001 modifiant et complétant l’ordonnance du 8 juin 1966 portant code pénal, JORA n° 34 du 27 juin 2001, p. 13-15.

60 Abdelghani Aichoun, « Ils se sont manifestés le jour du procès de Djabelkheir : La “Badissia novembaria”, entre la “Phénicie” et l’“État militaire” », El Watan, 5 avr. 2021.

61 C. Alger, Saïd Djabelkhir, 1er févr. 2023, n° 22/15938

62 C. suprême, Saïd Djabelkhir, 7 févr. 2022, n° 22/00003. La Constitution algérienne proclame cependant que la liberté d’opinion est « inviolable », puisqu’elle relève du for intérieur. La révision de 2020 a par ailleurs été l’occasion de supprimer la liberté de conscience en français, de croyance en arabe, qui était reconnue depuis la Constitution de 1976 (Cherbi, 2023, RFDC)

63 RADP, Réponse du Gouvernement algérien à la communication AL DZA 7/2021 du 9 août 2021 se rapportant à M. Saïd Djabelkheir, 22 sept. 2021.

64 CEDH, E. S. c. Autriche, 25 oct. 2018, n° 38450/12.

65 La Cour avait ainsi qualifié de « modérée » (§ 56) la peine d’amende de 480 euros à laquelle la requérante avait été condamnée pour « dénigrement de doctrines religieuses » (C. pén. autrichien, art. 188).

66 Loi n° 91-19 du 2 déc. 1991 modifiant et complétant la loi n° 89-28 du 31 déc. 1989 relative aux réunions et manifestations publiques, JORA n° 62 du 4 déc. 1991, p. 1946-1948.

67 « Gaïd Salah relève les efforts “soutenus” de l’ANP pour faire sortir l’Algérie de sa crise », APS, 15 oct. 2020.

68 « Pas de “détenus d’opinion”, la Constitution est garante de la liberté d’expression », art. cité.

69 Voir la note de bas de page n° 26.

70 C. Alger, Fethi Ghares, 22 mars 2022, n° 22/00967.

71 Voir la note de bas de page n° 23.

72 « Organisation de marches. Le ministère de l’Intérieur rappelle l’impératif respect des procédures légales », APS, 9 mai 2021.

73 Raouf Farrah, « Répression massive des Hirakistes, l’aveu d’échec de Tebboune », Twala, 18 mai 2021.

74 « Marche de vendredi : le ministère de l’Intérieur dément avoir reçu une demande d’autorisation », APS, 20 mai 2021.

75 « Un ministre algérien traite les opposants de “mercenaires, pervers et homosexuels” », Le Monde, 3 déc. 2019.

76 Loi n° 89-28 du 31 déc. 1989 relative aux réunions ou manifestations publiques, JORA n° 4 du 24 janv. 1990, p. 143-145.

77 Madjid Makedhi, « La conférence nationale des activistes du hirak interdite », El Watan, 20 févr. 2020.

78 Loi n° 12-06 du 12 janv. 2012 relative aux associations, JORA n° 2 du 15 janv. 2012, p. 28-34.

79 Loi n° 90-31 du 4 déc. 1990 relative aux associations, JORA n° 53 du 5 déc. 1990, p. 1438-1442.

80 Madjid Makedhi, « Loi sur les associations : Des ONG veulent mettre fin à l’arbitraire », El Watan, 6 oct. 2018.

81 TA Alger, Association nationale Rassemblement Actions Jeunesse, 13 oct. 2021, n° 2101798. Dissolution confirmée en appel : CE, Association nationale Rassemblement Actions Jeunesse, 23 févr. 2023, n° 221518.

82 Comité DH, Aleksander Belyatsky c. Biélorussie, 24 juill. 2007, CCPR/C/90/D/1296/2004, § 7.2.

83 « Examen d’un avant-projet de loi pour un mouvement associatif actif », APS, 9 mars 2022.

84 Ministère de l’Intérieur, Avant-projet de loi organique n° … du … correspondant au … relative aux associations.

85 TA Alger, Ligue algérienne de défense des droits de l’homme, 29 juin 2022, n° 22/01423.

86 T. Sidi M’hamed, Hakim Mohamed Addad, 8 juill. 2021, n° 20/04884.

87 « Rencontre de Monsieur le président de la République avec les représentants de la presse nationale. Unité et unification », art. cité, p. 7.

88 Loi n° 89-11 du 5 juill. 1989 relative aux associations à caractère politique, JORA n° 27 du 5 juill. 1989, p. 604-607.

89 Ordonnance n° 97-09 du 6 mars 1997 portant loi organique relative aux partis politiques, JORA n° 12 du 6 mars 1997, p. 24-28.

90 Loi organique n° 12-04 du 12 janv. 2012 relative aux partis politiques, JORA n° 2 du 15 janv. 2012, p. 9-15.

91 CE, Parti socialiste des travailleurs, 20 janv. 2022, n° 200353.

92 Rania Hamdi, « En Algérie, dissolution du RAJ, une ONG emblématique du Hirak », Jeune Afrique, 27 févr. 2023.

93 Arab Chih, « Le RCD répond à la mise en demeure du ministère de l’Intérieur : “Le pouvoir a choisi la ligne du pire” », Liberté, 8 janv. 2022.

94 T. crim. d’appel, Alger, Rachid Nekkaz, 3 juill. 2022, n° 20/01559.

95 Ryad Hamadi, « Rachid Nekkaz annonce qu’il “arrête la politique” », TSA, 2 janv. 2023.

96 D’après les chiffres recensés par l’activiste Zakaria Hannache, lui-même poursuivi pour atteinte à l’intégrité de l’unité nationale, atteinte à l’intérêt national, « fake news », « délit de solidarité passive » et apologie du terrorisme (« Zakaria Hannache placé sous mandat de dépôt », El Watan, 24 févr. 2022), avant d’être condamné par contumace à trois ans de prison ferme : L.M/CNLD, « L’activiste Zaki Hannache condamné à 3 ans de prison », Le Matin d’Algérie, 2 mars 2023.

97 Alors que la détention provisoire est « une mesure exceptionnelle » (Const., art. 44, al. 3 et C. proc. pén., art. 123, al. 1er) (Ouamara, 2023, p. 112).

98 Loi organique n° 04-11 du 6 sept. 2004 portant statut de la magistrature, JORA n° 57 du 8 sept. 2004, p. 11-20.

99 Boycott passif, puisque dans l’affaire Fersaoui (voir la note de bas de page n° 22), l’appel au boycott actif des élections au profit d’une période de transition, via les réseaux sociaux, a été considéré comme l’un des éléments constitutifs du délit d’atteinte à l’intégrité de l’unité nationale.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Massensen Cherbi« Les mécanismes législatifs de l’autoritarisme algérien face au hirak : entre répression de la mobilisation et prévention de toute organisation du mouvement »L’Année du Maghreb [En ligne], 30 | 2023, mis en ligne le 22 décembre 2023, consulté le 03 septembre 2024URL : http://journals.openedition.org/anneemaghreb/12193 ; DOI : https://doi.org/10.4000/anneemaghreb.12193

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Auteur

Massensen Cherbi

Docteur en droit – Université Paris II Panthéon-Assas. Fellow of the Merian Centre for Advanced Studies in the Maghreb (MECAM) – 2023/2026; Université de Tunis

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Droits d’auteur

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Pour en savoir plus sur le Hirak algérien.
●Algerie,  après 5 ans de contestation, le retrecissement de l’espace civique s’etend au-delà de la rive sud de la Méditerranée, FIDH et collectif d’organisations signataires européennes et algériennes, 22 février 2024;
●  Année du Maghreb, pouvoir – hirak, an 2 : les signes de l’impasse (2021);
● Année du Maghreb, Gardé.e.s à vue : Domination(s) et reconfiguration des rapports entre policiers et manifestants durant le Hirak (2019 – 2021), 2023;