La conférence « Back From Davos » bloquée par une alliance de collectifs activistes anticapitalistes

Le communiqué des activistes

Aujourd’hui lundi 27 janvier 2020, nous, militant∙e∙s pour la justice sociale et climatique, gilets jaunes, syndicalistes, jeunes et vieux, avons décidé de bloquer le Cercle de Lorraine.

Ce lieu accueille aujourd’hui des acteurs influents de l’économie et de la vie politique venus se raconter leurs meilleurs souvenirs du sommet de Davos[1]. Ce lieu, c’est le symbole de la bourgeoisie et du mépris de classe. Ce soir, entre deux coupes de champagne et des discours très officiels sur les soi-disant bienfaits de leurs entreprises et de leurs politiques, les puissant∙e∙s vont y discuter des meilleurs moyens d’augmenter leurs marges de profits.

Pourtant, depuis là où nous vivons, c’est clair que ce système ne peut pas continuer à fonctionner de cette manière. Il suffit de regarder un peu autour de nous pour voir que la misère ne fait qu’augmenter, que l’accès aux soins de santé diminue, que c’est de plus en plus dur de trouver un travail décent. Ou encore pour voir que la planète se consume chaque jour un peu plus sous le poids de nos déchets et gaz toxiques…

Ce système destructeur est entretenu par des gens comme ceux que nous empêchons de se réunir aujourd’hui. Eux ne tremblent pas quand on augmente le prix de l’essence, de l’énergie ou des transports en commun pendant que nous, on galère à payer nos factures d’électricité. Ils ne galèrent pas non plus pour se déplacer  depuis les endroits où nous on peut encore payer le prix du loyer. C’est eux qui se gavent en spéculant sur les catastrophes naturelles et qui font évader tout leur argent dans des paradis fiscaux alors que, de l’autre côté, on nous supprime nos droits sociaux parce qu’ils coûteraient trop cher à la société. C’est les riches qui nous coûtent trop cher ! Laissons-les payer la facture !

Aujourd’hui, nous sommes uni∙e∙s et déterminé∙e∙s. Aujourd’hui, nous nous battons contre leur monde et leurs idées qui dégradent l’ensemble des écosystèmes et détricotent nos solidarités et nos droits. Nous luttons contre un système qui nous considère avec mépris et qui nous divise pour mieux régner. Quelle que soit notre couleur de peau, notre genre, notre orientation sexuelle, nous exigeons le droit à une démocratie radicale et à une société juste et solidaire qui ne laisse personne derrière.

Nous construisons déjà nos alternatives et notre monde pour demain, mais il est temps de passer à la vitesse supérieure !

Nous avons manifesté, signé des pétitions, voté, fait la grève, désobéi et même dialogué avec des dirigeant∙e∙s pour les alerter de la catastrophe écologique, humaine et sociale en cours. Mais ils se sont bouchés les oreilles aux cris de la rue, quand ils ne l’ont pas réprimé brutalement.

Nous savons que si nous n’agissons pas, personne ne le fera à notre place.

Face à un système capitaliste irréformable, nous appelons chacun∙e à s’organiser collectivement pour reprendre du pouvoir, à entrer en résistance, à mettre nos territoires en lutte, à faire front commun, à passer d’actions symboliques aux actions concrètes. C’est dans l’intensité et la diversité de nos luttes et de nos tactiques que nous créerons un monde juste et solidaire.

Pour nous, pour nos enfants, pour toutes les générations futures d’ici et d’ailleurs.

Parce que nous avons encore le choix…

Act For Climate Justice, Les Macrales, Flashmob Justice Fiscale, Jeunes FGTB Bruxelles, Students For Climate, Union Communistes Libertaires, Act∙eur∙rice∙s des temps présents, Jeunes Organisés et Combatifs, Climate Express, Agir pour la Paix, Extinction Rebellion Belgium, Groupe Action CGSP-ALR Bxl, Groupe des Cétacés, Workers For Climate, Les Dodos, Entre murs/entre mondes, ROR Bruxelles, Gilets Jaunes Liège et Charleroi, La Tête Haute, Collectif de Lutte Anti Carcérale (CLAC)

Le pourquoi et comment de l’action

Ce 27 janvier, plus de 200 activistes issus de 25 collectifs différents ont empêché la tenue de la conférence « Back From Davos » organisée par le Cercle de Lorraine en plein centre de Bruxelles. Ils et elles se sont cadenassés aux entrées grâce à des dispositifs d’envergure. Militants anticapitalistes, gilets jaunes, activistes climatiques, jeunes, féministes et syndicalistes dénoncent l’accumulation de profit pour une minorité, qui souffle à l’oreille de certains politiques, responsable de la destruction de la planète et des inégalités.

Chaque année à Bruxelles, une conférence de débriefing « Back From Davos » est organisée. Cette année, elle a lieu au Cercle Loraine. Cette conférence réunit, sur invitation uniquement, des dirigeant∙e∙s d’entreprise, Ministres et autres politiciens pour « discuter » des conclusions du Forum de Davos.

Cette année, militants anticapitalistes, féministes, jeunes, gilets jaunes, activistes climatiques de divers horizons et syndicalistes ont rassemblé leurs forces pour empêcher la tenue de cette conférence. Plus de 200 personnes bloquent les différentes entrées de la conférence depuis 17h00 avec l’intention d’y rester jusqu’à l’annulation de celle-ci. Différents collectifs revendiquent l’action. Une déclaration commune (voir ci-dessus) a été lue par les activistes pour interpeller l’ensemble de la société sur l’urgence de se mettre en résistance en passant à l’action directe.

Pour elles et eux, ce genre de soirée entretient un système économique responsable de la destruction de la planète, détricotant les solidarités et les droits sociaux au profit de l’accumulation de richesse et de pouvoir par une minorité. Ils entendent remettre la lutte des classes au cœur de leur action collective.

Selon Camille[2], gilet jaune participant à l’action  « C’est eux qui se gavent à spéculer sur les catastrophes naturelles et à faire évader tout leur argent dans des paradis fiscaux alors que, de l’autre côté, on nous supprime nos droits sociaux parce qu’ils coûteraient trop cher à la société » et à Camille[3], activiste climatique d’ajouter : « Les premières victimes de ces dominations sont les femmes, les personnes issues des classes populaires et les personnes racisées. La nécessaire révolution écologique ne peut se faire sur leur dos, ce sont les personnes qui se réunissent ce soir qui coûtent cher et doivent payer ! ».

Cette action se veut être le début d’une année de nouvelles résistances par l’ensemble des collectifs présents qui s’allient et appellent chacun∙e à s’organiser collectivement pour reprendre du pouvoir d’agir, pour entrer en résistance, et faire fronts communs, pour passer des actions symboliques aux actions concrètes. Elle s’inscrit également dans l’agenda des mobilisations sociales en cours telles que l’appel à la régularisation des personnes sans papiers qui s’est tenue à 13h00 devant le cabinet de Maggie De Block et les manifestations syndicales prévues mardi 28 janvier. « C’est dans l’intensité de nos luttes que nous créerons un monde juste et solidaire » déclarent-ils.

Le forum de Davos, au départ simple réunion informelle entre le monde du business et le pouvoir politique a aujourd’hui acquis un pouvoir impressionnant sur la scène internationale malgré son caractère anti-démocratique. C’est un club très sélectif, seules les entreprises avec un chiffre d’affaire de plus de 5 milliards d’euros peuvent en devenir membre. Il entend augmenter le pouvoir du monde privé au détriment de la régulation par l’État[4].


[1] Voir notre chronique impertinente sur les leurres et malheurs des pseudo-maîtres du monde.
[2] Nom d’emprunt.
[3] Nom d’emprunt.
[4] Selon une étude, 100 multinationales sont responsables de 71% des émissions globales de gaz à effet de serre depuis 1988 et la majorité de ces dernières sont membres du Forum de Davos. Il a déjà fait l’objet de nombreuses contestations, notamment par le mouvement altermondialiste.