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Au-delà des dettes bilatérales, les pays de l’UE peuvent également exercer une influence sur les pays du Sud par l’intermédiaire de la Banque Européenne d’Investissements. Les crédits octroyés par la BEI sont marqués par des caractéristiques contraires aux intérêts des peuples : manque de transparence qui débouche sur la corruption, des détournements de fonds et la surfacturation, aide liée aux entreprises européennes afin de favoriser les bénéfices de leurs grands actionnaires, normes environnementales défaillantes, promotions des retombées économiques au détriment de la lutte contre la pauvreté.
Au niveau européen, il faut souligner que la politique monétaire n’est pas sans conséquence sur les peuples du Sud. En réponse au déclenchement de la crise financière de 2007-2008, la Banque centrale européenne (BCE) a mis en place une politique de quantitative easing (QE, assouplissement quantitatif). Au-delà des effets très discutables de cette politique en Europe, le QE a provoqué un afflux massif de capitaux des pays de l’UE vers les pays du Sud. A la recherche de placements rentables, d’importantes liquidités ont été déversés dans ces pays, les investisseurs européens se sont rués sur les émissions d’obligations des pays du Sud car elles étaient plus rémunératrices que les obligations émises par les États du Nord. Ces obligations sont évidemment plus risquées. De plus, les importants achats d’obligations du Sud entraînent une forte augmentation de la dette des pays qui les émettent, les menant à un niveau insoutenable. Alors qu’une nouvelle crise de la dette se propage, ces flux financiers, hautement spéculatifs et volatils, contribuent davantage à déstabiliser les économies de ces pays qu’à les renforcer.
Les politiques néolibérales (PAS, à partir des années 80) ont augmenté le nombre des pauvres dans les pays du Sud. Les institutions financières mondiales, la Banque mondiale à leur tête, mettent en avant l’« inclusion financière » pour accélérer l’intégration de cette population dans l’économie de marché.
Pour des centaines de millions de personnes extrêmement pauvres, l’« inclusion financière » signifie en réalité qu’elles vont devenir une proie facile pour les prêteurs que ce soit via les agences de micro-crédit ou les usuriers traditionnels. Les attaques néolibérales contre les services publics (écoles, hôpitaux) et la précarisation de ceux et celles qui ont un emploi salarié accentuent davantage les besoins monétaires, notamment pour les femmes responsables de familles monoparentales. Les institutions capitalistes de micro-crédit, sponsorisées par les grandes institutions internationales comme la Banque mondiale et la Banque Européenne d’Investissement,se multiplient alors, sous couvert de lutte contre la pauvreté, elles font d’importants profits sur le dos des secteurs les plus pauvres de la population en imposant des conditions abusives et des taux usuraires. Les agences de micro-crédit parmi lesquelles figurent des filiales de grandes banques privées comme BNP Paribas ou Santander proclament avoir près de 100 millions de clients à l’échelle planétaire dont près de 80% sont des femmes. Malgré la campagne médiatique en sa faveur, le bilan du micro-crédit des 30 dernières années est clairement tout à fait négatif.
Les solutions à apporter en termes de lutte contre la pauvreté ne consistent pas à endetter les pauvres via le marché mais à augmenter leurs revenus de manière importante en leur garantissant des prix suffisamment élevés pour leurs produits (produits de l’agriculture et de la pêche notamment), des salaires décents, des emplois stables, un accès à des services publics gratuits en matière d’éducation et de santé, un accès au crédit via des organismes publics ou des coopératives prêtant à taux zéro ou à des taux très bas. La lutte contre le micro-crédit abusif doit être liée à la grande bataille contre la dette publique.
Par ailleurs, nous ne devons pas oublier la soi-disant aide publique au développement, qui sert en règle générale à entretenir des rapports de domination entre les pays. Une aide qui est « conditionnée » par l’application de politiques néolibérales : coupes dans les dépenses publiques qui dégradent la qualité des services de santé et d’éducation, baisse de l’emploi dans la fonction publique, baisse des aides publiques aux petits producteurs locaux, précarisation des travailleu∙r∙se∙s, privatisation, gestion des frontières et des migrations pour renforcer l’Europe forteresse, pour ne donner que quelques exemples. Toutes ces conditions sont définies par les principaux gouvernements du Nord et le couple Banque mondiale/FMI. Cette aide passe par trois canaux : l’aide multilatérale, l’aide bilatérale et les ONG. En outre, un certain nombre de dépenses comptabilisées dans l’APD sont tout à fait discutables ou carrément odieuses car elles n’arrivent jamais aux populations censées en bénéficier : elles servent, par exemple, à la détention de personnes demandeuses d’asile ou à d’autres politiques migratoires restrictives appliquées sur le territoire des pays de l’UE. Certaines sommes comptabilisées dans l’APD sont le résultat d’un pur jeu d’écriture. Par exemple des créances irrécupérables sont annulées et comptabilisées comme s’il s’agissait d’un don sans que cela corresponde à un apport de fonds en faveur du pays concerné.
Comme dans les pays du Nord, un des moyens privilégiés pour favoriser l’intervention du secteur privé dans les sociétés est la promotion des partenariats public-privé (PPP). Autrefois financés par les États, le financement et la réalisation de biens et services d’infrastructures sont alors confiés au secteur privé… Les pouvoirs publics s’endettent encore un peu plus auprès du secteur privé. De grandes entreprises privées de travaux publics deviennent propriétaires des nouvelles infrastructures et les louent ensuite aux pouvoirs publics. Ces PPP se caractérisent par un manque de transparence dans les appels d’offre et dans la comptabilité, par la surfacturation par les entreprises privées, par le non-respect des normes en vigueur, par l’absence de consultation publique et de bénéfices pour la population, par des contrats de locations de plusieurs dizaines d’années aux frais des pouvoirs publics, etc. Les PPP doivent être rejetés !
Enfin, nous ne devons pas oublier que les États européens font partie d’institutions internationales qui dépassent le cadre européen : le Fonds Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale (BM), et même la Banque africaine de développement pour certains États européens, en particulier les anciennes métropoles coloniales. C’est le cas également pour la Banque asiatique de développement, la Banque asiatique d’investissement pour les infrastructures (AIIB) et la Banque interaméricaine de développement (BID). Les États européens ont une lourde responsabilité dans la politique néfaste qu’elles mènent.
Etant donné :
1. le caractère anti-démocratique de ces institutions ;
2. les contradictions flagrantes entre les plans d’ajustement structurels du FMI et plusieurs traités internationaux sur les droits humains;
3. la responsabilité de ces institutions dans l’éclatement de la crise de la dette du tiers monde en 1980 ;
4. le financement passé et présent de régimes despotiques ou dictatoriaux par le FMI et Banque mondiale, les dettes réclamées par la Banque mondiale et le FMI aux pays du Sud doivent être considérées comme illégitimes ou/et odieuses. Malgré l’hégémonie des Etats-Unis dans ces deux institutions depuis leur création, en vertu des droits de vote dont disposent les pays de l’UE (ou groupes de pays présidés par un pays de l’UE), ces derniers aussi ont une responsabilité évidente dans le niveau d’endettement des pays du Sud et dans les conséquences néfastes des politiques qui y sont menées.
En guise de conclusion, les gouvernements européens (complices des grandes entreprises privées européennes), tant sur un plan historique qu’en raison de leur poids politique, économique, militaire ou encore financier sur la scène mondiale ont une énorme responsabilité dans les injustices subies par les peuples du Sud tant sur un plan bilatéral (« anciens » empires, passage du colonialisme au néocolonialisme, accords de libre-échange spécifiques, réseaux interlopes – Françafrique –, etc.), que multilatéral (accords de libre-échange continentaux – Eurafrique –, réglementations sur les questions fiscales, adhésion et droits de vote des pays de l’UE au sein des institutions financières internationales – Banque mondiale – BM, Fonds monétaire international – FMI, Banque européenne d’investissement – BEI, Organisation mondiale du commerce – OMC, Groupe des 7/20 (G7/20), Club de Paris, OCDE, etc. –, représentations au Conseil de sécurité de l’ONU, etc.).
Recommandations
Afin d’annuler les créances illégitimes et odieuses réclamées à des pays tiers et ainsi promouvoir des formes de développement souveraines, solidaires et autocentrées des pays du Sud, les gouvernements des pays européens devraient, sans aucune forme d’ingérence, s’engager à :
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Strictement respecter la primauté des droits humains sur tout autre droit.
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S’opposer à la promotion systématique du secteur privé pour financer le développement des pays du Sud, et notamment s’opposer à la promotion des Partenariats Public-Privé (PPP).
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Annuler leur soutien au système du micro-crédit abusif et à ses institutions, en favorisant leur remplacement par de véritables coopératives gérées par les populations locales et par un service public de crédit octroyant des prêts à taux zéro ou très bas.
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Mettre fin aux politiques néo-libérales et de privatisation des services publics.
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Abroger une série de traités internationaux, multilatéraux et/ou bilatéraux (économiques, commerciaux, politiques, militaires, etc.) contraires à l’exercice de la pleine souveraineté des États du Sud et aux intérêts des peuples du Sud et plus largement à l’intérêt général de l’humanité.
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Quitter les institutions internationales et autres groupes informels qui par essence nourrissent les asymétries Nord/Sud, parmi lesquelles le FMI, la Banque mondiale, l’OMC, le Club de Paris, le G7 ou encore le G20.
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Quitter les banques régionales de développement situées hors de leurs frontières, notamment la Banque africaine de développement, la Banque asiatique de développement, la Banque interaméricaine de développement.
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Appeler et participer, avec les pays du Sud à la création d’institutions internationales multilatérales alternatives démocratiques (sur le principe 1 pays=1 voix), équitables et sous contrôle des peuples. Il s’agit donc de contribuer à créer de nouvelles institutions internationales respectueuses des droits humains et de la Nature et à réformer en profondeur l’Organisation des Nations unies en mettant notamment un terme au droit de veto au sein du Conseil de sécurité. La réforme profonde doit aussi concerner certaines agences spécialisées de l’ONU qui sont devenues captives du « partenariat » avec des fondations privées qui font la promotion des PPP, du micro-crédit, du tout au marché, du libre-échange…
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Apporter leur soutien à la mise en place des audits citoyen sur leur territoire afin de procéder à l’annulation des dettes réclamées à des pays tiers et ayant été identifiées comme illégales, insoutenables, illégitimes et/ou odieuses.
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Lancer un vaste programme d’audit à participation citoyenne pour mettre en évidence toutes les formes de spoliation et d’exploitation des peuples du Sud.
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Soumettre à de lourdes amendes les entreprises qui ont spolié sous différentes formes les peuples du Sud afin de contribuer financièrement à un fonds spécial d’aide et de compensation.
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Financer les pays du Sud, hors aide publique au développement, par des prêts à taux zéro, remboursable en tout ou partie dans la devise souhaitée par le débiteur.
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Mettre à disposition des populations des pays du Sud à travers leurs associations/organisations autonomes, l’ensemble des documents, y compris ceux classés « secret défense », pouvant permettre de faire la lumière sur l’origine des dettes réclamées par les différentes catégories de créanciers.
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Rendre public régulièrement l’ensemble des créances réclamées à des tiers sous une forme facilement accessible et compréhensible.
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Exproprier les « biens mal acquis » par les gouvernants et les classes dominantes du Sud et les rétrocéder aux populations concernées et sous leur contrôle.
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Mettre fin à l’aide publique au développement dans sa forme actuelle car elle est essentiellement un instrument de domination au bénéfice quasi exclusif des pays du Nord et la remplacer par une « Contribution de réparation et de solidarité » inconditionnelle et sous forme de dons, en excluant dans le calcul de celle-ci les annulations de dette et les montants ne servant pas les intérêts des populations du Sud. Cette contribution doit correspondre au moins à 1% du revenu national brut des pays les plus industrialisés.
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Adresser des excuses officielles publiques pour l’ensemble des méfaits accomplis par les puissances européennes à l’égard des populations du Sud, ouvrant le droit à des réparations.
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Affirmer le droit à des réparations et/ou compensations aux peuples victimes du pillage colonial et de la spoliation par le mécanisme de la dette.
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Reconnaître leur dette écologique à l’égard des pays du Sud et procéder à des réparations et/ou compensations en récupérant le coût de ces dépenses par un impôt ou des amendes prélevées sur les grandes entreprises responsables de la pollution.
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Interdire aux entreprises de leur pays de spéculer sur les ressources et les productions des pays du Sud.
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Sanctionner lourdement les entreprises coupables de toute forme de corruption de fonctionnaires publics des pays du Sud.
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Sanctionner les hauts fonctionnaires et le personnel politique qui dans les pays européens ont favorisé ou favorisent la spoliation sous différentes formes des peuples du Sud.
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Sanctionner lourdement les banques (y compris en allant jusqu’au retrait de la licence bancaire) qui se prêtent à du blanchiment d’argent sale, à l’évasion fiscale, à la fuite des capitaux, à la spoliation des populations du Sud.
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