Les banques, aussi nommées institutions de crédit, occupent des fonctions centrales dans notre société. Elles ont un statut privé, alors qu’elles fournissent des services d’intérêt public en assurant le bon fonctionnement des systèmes de paiement (c’est à dire l’infrastructure qui permet l’utilisation des comptes courants, cartes de débit/crédit, distributeurs de billets et virements), en collectant l’épargne et en finançant les entreprises, les communes et autres institutions publiques et les ménages par le crédit. Parce qu’elles sont les principales dispensatrices de prêts, les banques privées jouent un rôle essentiel dans la création monétaire, processus largement impacté par la financiarisation.[1] En ce sens, il nous est quasiment impossible de les contourner.
En se détournant de ces fonctions essentielles et en développant sur les marchés financiers des activités de plus en plus risquées et déconnectées des besoins de la société, les banques ont aussi joué un rôle d’accélérateur et d’amplificateur des déséquilibres préexistants, et leurs activités ont déclenché la crise financière de 2007-2008.
Dans de nombreuses régions du monde, notamment en Europe, les États sont venus au secours des banques : il s’agissait – nous disait-on – d’éviter une interruption possiblement désastreuse des activités des banques qui nous sont essentielles, autrement dit, d’éviter que les comptes ne soient bloqués et que les ménages, les entreprises et les collectivités ne soient privés de leurs moyens de paiement. Étant donné les pertes accusées par les banques au moment de la crise, le montant de ces sauvetages a atteint des niveaux colossaux : selon un rapport de la Commission européenne du 21 décembre 2012, « Entre le 1er octobre 2008 et le 1er octobre 2012, la Commission a autorisé l’octroi d’aides au secteur financier pour un montant total de 5.058,9 milliards d’euros (40,3 % du PIB de l’UE) »[2]. De cette somme, 1.615,9 milliard d’euros (12,8 % du PIB de l’UE) a effectivement été utilisé pour recapitaliser les banques, couvrir leurs pertes et accorder les garanties nécessaires à leur survie, soit l’équivalent d’environ 10 ans de programmation communautaire par l’Union européenne. Mais si le discours de justification des sauvetages reposait sur l’usage essentiel et quotidien des moyens de paiement et sur le maintien de l’épargne, ce sont surtout les banques de financement et d’investissement qui ont bénéficié de l’essentiel des aides et non les banques de détail.[3]
Aline Fares (Belfius est à nous/CADTM Belgique), Chiara Filoni (CADTM Belgique), Patrick Saurin (CADTM France, Sud BPCE – France), Jean-Marie Harribey (Attac France)
Article écrit dans le cadre de la réalisation du Cahier de revendications communes : Sur la dette et la nécessité d’un réel contrôle citoyen sur la finance au niveau européen, coordonné par le CADTM Belgique |
Pour en savoir plus :
Publications :
Les Autres Voix de la Planète, ”Pour une socialisation des banques”, N° 75, 2ème trimestre, CADTM, 2018 – http://www.cadtm.org/Pour-une-socialisation-des-banques
Au service de quelle banque sommes-nous ?, Sud BPCE, 2014 – https://www.sudbpce.com/wp- content/uploads/2014/12/PLAQUETTE-BANQUES-SUD-BPCE.pdf
Toussaint, Husson, Saurin, Tombazos, Urbán Crespo, Que faire des banques ? Version 2.0 Des mesures immédiates pour aller vers la socialisation, CADTM, 2016 – http://www.cadtm.org/Que- faire-des-banques-Version-2-0
Patrick Saurin, Pourquoi la socialisation du secteur bancaire est-elle préférable au système bancaire privé actuel ? Une proposition de réponse à la lumière du cas français, CADTM, 2018 – http://www.cadtm.org/Pourquoi-la-socialisation-du
L’importance d’être séparé. Faire prévaloir l’intérêt général sur celui des banques, Finance Watch, février 2014 – https://www.finance-watch.org/wp-content/uploads/2019/02/Finance- Watch_Importance-d-etre-separe.pdf
Eric Toussaint, Patrick Saurin, Comment socialiser le secteur bancaire, CADTM, 2018 – http://www.cadtm.org/Comment-socialiser-le-secteur-bancaire
Aline Fares, Que penser de l’expansion en Europe des « alternatives » au modèle bancaire dominant ?, CADTM, 2018 – http://www.cadtm.org/Que-penser-de-l-expansion-en-Europe-des- alternatives-au-modele-bancaire
Chiara Filoni, Banques : Le bail-in est-il une solution ?, CADTM, 2018 – http://www.cadtm.org/Banques-Le-bail-in-est-il-une-solution
Patrick Saurin, Socialiser le système bancaire, CADTM, 2013 – http://www.cadtm.org/Socialiser- le-systeme-bancaire
Éric Toussaint, Bancocratie , Aden & CADTM, 2014
ATTAC & Basta !, Le Livre noir des banques, Les Liens qui Libèrent, 2015 Les Économistes atterrés, La monnaie un enjeu politique, Points, 2018
BNP Paribas – Dans les eaux troubles de la plus grande banque européenne, France Televisions, 2018 – https://www.francetelevisions.fr/bnp-paribas-dans-les-eaux-troubles-de-la-plus-grande- banque-europeenne
Qui a peur de la Deutsche Bank ?, ARTE, 2017
Les gangsters de la finance, ARTE, 2018 – https://www.arte.tv/fr/videos/069080-000-A/les- gangsters-de-la-finance/
Sites internets:
www.belfiusestanous.be http://www.cadtm.org/Banques?lang=fr
[1] L’évolution du bilan consolidé des banques françaises entre 1980 et 2014 en témoigne : tandis que la part des crédits à la clientèle passait de 84 % à 34,6 %, les dépôts chutaient de 73 % à 34,5 %, cette baisse ayant pour contrepartie une explosion des titres à l’actif (de 5 % à 37,3 %) et au passif (de 6 % à 41,9 %). Cf. La monnaie un enjeu politique, Les Économistes atterrés, Paris, Points, 2018, pp. 70-71.
[2] Rapport de la Commission, « Tableau de bord des aides d’État. Rapport sur les aides d’État accordées par les États membres de l’UE », 21 décembre 2012, p. 10.
[3] Saurin P., Socialiser le système bancaire, CADTM, 2 fév. 2013 http://www.cadtm.org/Socialiser-le-systeme-bancaire
[4] Eric Toussaint, Bancocratie, éditions Ades, 2014
[5] Nous choisissons ici de mentionner le genre très largement dominant des personnes au pouvoir et à la tête des banques et autres institutions financières.
[6] Le FMI émet des analyses régulières sur l’état du système financier international et alerte depuis au moins deux ans, à intervalles répétés, sur le caractère insoutenable des activités financières (notamment le niveau d’endettement public et privé, voir par exemple : https://www.imf.org/fr/News/Articles/2019/04/09/blog-gfsr-weak-spots-in-global- financial-system-could-amplify-shocks )
[7] Voir par exemple l’analyse récente d’un des dirigeants de Wall Street: Sarah Ugolini, L’ancien n°2 de Wall Street annonce un “tsunami” financier, Capital, mars 2019 – https://www.capital.fr/economie-politique/lancien-ndeg2-de- wall-street-annonce-un-tsunami-financier-1332881
[8] Voir l’article de Chiara Filoni « Le bail-in est-il une solution?», dans la partie «Pour en savoir plus» de ce chapitre
[9] Comme l’explique Sud Solidaire BPCE: “Le montant notionnel, ce sont les sommes sur lesquelles portent les paris spéculatifs des banques avec les produits dérivés.” voir réf. infra
[10] Sources: rapports annuels des banques citées, disponibles en ligne
[11] Mise à jour des données utilisées dans la Plaquette Au service de quelle banque sommes-nous? de Sud Solidaires BPCE https://www.sudbpce.com/wp-content/uploads/2014/12/PLAQUETTE-BANQUES-SUD-BPCE.pdf
[12] Voir le rapport L’importance d’être séparé (…) de Finance Watch dans la partie « Pour en savoir plus »
[13] Comme en témoigne la réglementation européenne qui, sous couvert de”labellisation” des bonnes pratiques, encourage la relance de la titrisation, pratique centrale dans la crise financière de 2007-2008.
[14] De nombreux scandales ont égrainé les dix années qui ont suivi la crise et impliqué plus particulièrement les plus grandes banques privées d’Europe et des États-Unis: prêts toxiques, manipulation des marchés des changes, des taux d’intérêt (notamment le LIBOR) et des marchés de l’énergie, évasion fiscale massive, blanchiment d’argent pour le crime organisé, etc. Des documentaires éloquents ont été réalisé (notamment sur HSBC, Deutsche Bank et BNP Paribas) que nous recommandons, voir dans la partie « Pour en savoir plus »
[15] Voir à ce sujet le site “scandesbanques.be”
[16] Voir les analyses de la plateforme Belfius (site infra.) est à nous au sujet de la banque Belfius, propriété à 100% de l’Etat belge et pourtant soumise à la logique de maximisation du profit, au détriment des employé.e.s et usager.e.s
[17] Voir les articles de Jérémie Cravatte et Frank Vanaerschot, ING montre une voie sans issue, La Libre, octobre 2016 et d’Aline Fares, Belfius, l’illusion d’une privatisation, La Libre, mars 2018