“Partager mes émotions”

Ce samedi 23 septembre, les plus grands slameurs de Belgique ont sorti leurs plus belles punchlines afin de s’affronter à coup de rimes. C’est au centre culturel Jaques Franck, à Bruxelles, que la joute verbale a eu lieu durant la 7ème édition du Poetry Slam.

« Chaque slameur a son propre style dans un poetry slam: de la connaissance de soi poétique à la critique sociale dure,
tout sera abordé pendant le CB Poetry Slam. »
(CB Poetry Slam)

Des présélections ont eu lieu dans toute la Belgique avec environ 20 candidats par préliminaire. Suite à cette phase préparatoire, 10 poètes francophones et néerlandophones sont sortis du lot dégagés pour s’affronter devant un public d’amoureux du verbe. Un jury composé de 5 professionnels était également présent.

Après 3 tours, c’est le jeune slameur liégeois Nathan Jonniaux, AKA REQ, qui a reçu le prix du public et qui a été sélectionné pour représenter la Belgique lors du championnat européen de slam, à Budapest en novembre. Le podium a aussi accueilli Maravilha (Anvers) et Bout de Souffle (Bruxelles), arrivés 2ème et 3ème.

Le journal POUR a eu l’occasion d’interviewer REQ pour le questionner sur la compétition, son parcours et son rapport au slam.

POUR : Salut REQ ! Je pense que ce serait pas mal que tu nous expliques un peu ce que représente/signifie le slam pour toi. Comment pourrais-tu le définir ? Quand et comment es-tu « tombé » dedans ?

REQ : Le slam pour moi, c’est un partage. Partage de qui je suis. Partage de comment je vois ce qui m’entoure. Partage de mes émotions. Partage de mes sentiments et ressentiments. Partage de mes contradictions. Le slam c’est également une manière de mettre en forme la Remise En Question à laquelle je tiens tant. Remettre en question autant ce que je suis, ce que je représente que ce qui ne dépend pas de moi.  Le slam, au-delà de ce que j’en pense, se définit par ses contraintes: 3 minutes d’un texte déclamé par son auteur, sans musique, sans accessoires, sans costume, sans décor. Juste une personne, son corps et sa voix.

J’ai commencé le slam en novembre 2016, au micro-ouvert organisé par La Zone ASBL. Endroit qui m’est aujourd’hui très cher car j’y ai passé de merveilleux moments et j’y ai rencontré des personnes admirables et formidables, tant par leur art que par leur sympathie et leur attention.

POUR : Quelle est ton rapport à la société et comment utilises-tu le slam pour l’exprimer? Où en est la scène belge?

REQ : Mon rapport à la société est complexe et mes textes le rendent bien. Comme je le disais, je suis en perpétuelle remise en question. A tel point que j’en viens à questionner des comportements que j’ai et qui me dérangent profondément. Lorsque je dénonce ou critique quelque chose qui me déplaît dans la société, j’essaye immédiatement de questionner mon rôle vis-à-vis de ce que je critique. Par exemple, j’ai souvent eu tendance à me dire qu’il suffisait que les gens arrêtent de passer leur permis de conduire pour contrer en partie le changement climatique. Pourtant, dans un mois je passe mon permis pratique. J’en viens à vivre des choses que je critique donc j’en viens à me critiquer moi-même. Le slam me permet d’exprimer mes contradictions et me permet d’ouvrir le débat publiquement. Le slam me permet également de me mettre à nu devant les gens. D’exprimer ma fragilité.

POUR : Comment s’est passée la compétition ? Comment te sens-tu, te prépares-tu pour la compétition à Budapest ?

REQ : Le championnat belge était fort en émotions. J’avais déjà vécu le Grand Slam National à Paris en mai 2018 mais je n’avais pas ressenti autant de pression que pour le championnat belge. C’est rare que je sois nerveux avant une scène mais ça fait aussi du bien de le vivre. Comme je l’ai dit à d’autres slameurs et slameuses en backstage, mon premier texte est l’expression parfaite de ma vulnérabilité et je me sens mieux après l’avoir déclamé: « Nathan, décompresse! Mais j’me sens comme un raisin qui explose dès qu’on le presse ».

Je suis fier que le public ait autant apprécié mes performances. Mon objectif est de toucher le public de manière subtilement dérangeante. « Comme si ça venait te tirer un poil derrière les couilles », me disait dernièrement un homme à La Zone. J’ai apprécié la métaphore !

Pour Budapest, je ne me prépare pas encore. Je prendrai conscience du fait d’avoir gagné le championnat belge une fois que je serai derrière le micro à Budapest et à Paris. Je ne sais pas encore quels textes je vais faire. Je sais par contre que mes camarades slameurs seront là, en amont, pour me soutenir et me conseiller; et je leur en suis profondément reconnaissant.

François Heinrich


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