Mahdi Amel, le Gramsci arabe

HOMMAGE.
Madhi Amel, né en 1936 et assassiné lorsqu’il marchait dans la rue de l’Algérie à Beyrouth le 18 mai 1987, il y a 38 ans,  par des miliciens islamistes chiites “probablement manipulés par la Syrie de Hafez El Hassad” (comme certains autres dirigeants de la gauche libanaise, également assassinés, Madhi Amel s’etait prononcé contre la main mise syrienne sur le Liban) est un philosophe marxiste libanais,  surnommé le “Gramsci arabe”, doctorant en philosophie de l’Université de Lyon, professeur de philosophie à l’Institut des Sciences Sociales de l’Université libanaise de Beyrouth, dirigeant du Parti Communiste Libanais et membre de l’Union des Écrivains Libanais. Il reste, par ses écrits comme par sa vie militante, une référence incontournable de la gauche libanaise et arabe, son nom ayant été maintes fois rappelé et scandé lors des mouvements sociaux et de citoyens, multiconfessionnels, ayant agité le Liban depuis 2019.
Victor Serge, chroniqueur POUR, 27 avril 2025.

Près de quarante ans après sa mort, Hassan Abdallah Hamdan (1936-1987), plus connu sous son nom de guerre Mahdi Amel, reste une référence politique et intellectuelle pour la gauche libanaise et arabe.

Hassan Abdallah Hamdan (1936-1987), plus connu sous le nom de guerre de Mahdi Amel, était un communiste libanais original qui a été surnommé le “Gramsci arabe”1. Comme le marxiste italien, Amel a tenté de “nationaliser” le communisme en appliquant les catégories critiques du marxisme au contexte national2 et en élaborant sur cette base un projet politique et culturel pour l’émancipation des masses. Il a été assassiné par des milices islamistes chiites en 1987. Bien que son projet politique ait été partiellement dépassé par les accords de Taëf de 1989 (qui ont mis fin à la guerre civile libanaise), il reste le témoignage d’un intellectuel militant et critique qui a consacré sa vie à lutter contre le système confessionnel libanais et à poursuivre un véritable projet de libération nationale. C’est aussi pourquoi, récemment, il est devenu l’un des symboles des jeunes générations de Libanais qui sont descendus dans la rue en 2017 et 2019 pour renverser l’“État confessionnel”, ainsi que de tous les Arabes qui ont cherché une voie originale vers le communisme.

 

Le contexte historique et l’expérience de vie d’un intellectuel militant

Le projet culturel et politique de Mahdi Amel peut être placé dans le contexte plus général de l’émancipation nationale des intellectuels et des forces politico-culturelles du Sud, qui se sont engagés dans la construction de nouvelles sociétés post-coloniales libérées de la dépendance vis-à-vis du centre capitaliste et de l’hégémonie culturelle occidentale. On peut relier Amel à la pensée et au parcours politique de Frantz Fanon, qu’il a rencontré en Algérie et dont il était un admirateur ; à l’intellectuel indien Ranajit Guha, qui, depuis l’Inde, a introduit Antonio Gramsci dans les études postcoloniales par le biais de ce que l’on appelle les “études subalternes” ; ou, enfin, à Ali Shariati, l’intellectuel iranien qui a tenté de fusionner le marxisme avec la théologie chiite de la libération.