Déjà, lors du vote du budget en octobre 2024, un amendement déposé par LFI avait proposé une taxation sur le patrimoine des plus riches. Cet amendement venait taxer à hauteur de 2% la fraction supérieure du patrimoine d’un foyer qui dépasse le milliard d’euros. D’abord accepté, le texte n’avait pas survécu à la navette parlementaire avec le Sénat et surtout à l’utilisation du 49.3 par le Premier ministre. L’amendement finalement rejeté était la traduction parlementaire d’une l’idée de taxer les milliardaires, une idée avancée par l’économiste Gabriel Zucman.
Cet économiste français s’emploie activement à faire avancer cette réforme : « Je pense que quasiment tout le monde reconnaît le besoin d’une imposition minimale des ultra-riches » veut croire cet homme de 38 ans. « Le problème actuel vient du fait que les très riches peuvent échapper à l’impôt sur le revenu en structurant leur patrimoine », explique-t-il. Zucman partage sa vie entre l’Observatoire européen de la fiscalité à Paris qu’il dirige, et l’université de Berkeley en Californie. Il insiste sur l’importance d’un impôt minimal, dont la fixation à 2% « permettrait de s’assurer que les milliardaires français n’aient pas un taux de prélèvements obligatoires plus faible que celui des autres catégories sociales.» plaide-t-il. Zucman s’active en coulisses pour convaincre les députés de l’intérêt de sa proposition.
Mais une version légèrement différente est revenue à l’Assemblée nationale. Les députés écologistes souhaitent que les contribuables les plus fortunés, possédant plus de 100 millions d’euros, paient au moins 2% de leur fortune en impôts. Jeudi 25 février tard le soir, après d’âpres discussions dans l’assemblée, les députés ont adopté la proposition de loi écolo qui instaure un impôt plancher de 2% sur le patrimoine des «ultra-riches. Soutenue par l’ensemble des partis de gauche, elle a été adoptée par 116 voix contre 39. La députée écologiste Éva Sas, rapporteure du texte, s’est félicitée d’un vote qui envoie « le signal » que « l’immunité fiscale des milliardaires, c’est terminé ». La rapporteure a cité deux chiffres marquants :
« En 20 ans, les 500 plus grandes fortunes de France ont augmenté de .1.000 milliards d’euros, passant de 124 milliards à 1.170 milliards en 2023.
Et « le taux de taxation effective de ces contribuables n’est que de 2% d’impôt sur le revenu», selon une étude de l’Institut des politiques publiques de 2023.
Ce texte a peu de chances d’entrer en vigueur, car il faudrait qu’il soit voté par le Sénat. Or, si en octobre 2024, lors du premier vote sur le budget, les députés avaient adopté cette fameuse « taxe Zucman » portée par la gauche qui prévoyait de créer une taxe sur les biens des giga-riches, qu’ils soient Français ou détenant leur patrimoine en France, elle fut finalement rejetée par le Sénat. Par ailleurs, on se souviendra qu’une des premières mesures de Macron fut la suppression de l’impôt sur la fortune (ISF). Le Nouveau Front populaire et le RN se sont renvoyé la responsabilité de l’échec d’un rétablissement de cet impôt. Le NFP a proposé de créer un « ISF climatique » qui tiendrait compte de l’empreinte carbone du patrimoine. Celui-ci aurait rapporté 15 milliards d’euros, selon l’écologiste Éva Sas. Une proposition rejetée par la coalition gouvernementale, ainsi que par le RN. À l’inverse, un amendement RN qui visait à transformer l’actuel impôt sur la fortune immobilière (IFI) en impôt sur la fortune financière (IFF), dont serait exclue la résidence principale, a été rejeté par les soutiens du gouvernement et la gauche. Les deux blocs d’opposition se sont accusés d’avoir fait le jeu du gouvernement. « Honteux ! Le RN vote avec la macronie contre tous les amendements pour le retour et le renfort de l’impôt sur la fortune », s’est indigné le groupe LFI sur X.
En février 2025, cette fois, soutenue par l’ensemble des partis de gauche, la proposition des Ecologistes a donc été adoptée par 116 voix contre 39 dans l’Assemblée. La députée écologiste Éva Sas, rapporteure du texte, s’est réjouie d’un vote qui tout en ne touchant que les 1.800 à 2.000 multimilliardaires, inclut ceux-ci dans la grande majorité à qui l’on demande de nouveaux efforts. Au contraire, le gouvernement, par la bouche de la ministre des Comptes publics, a déploré une mesure «confiscatoire» qui encouragerait l’exil fiscal. Autre grief venu du gouvernement, « l’impôt plancher proposé par les écologistes taxe tout le patrimoine, y compris l’outil de travail », qu’il est « évidemment hors de question de taxer », critique-t-elle. La majorité des députés du groupe qui soutient le gouvernement, a donc voté contre. Le Rassemblement national, lui, s’est abstenu. Le mesure rapporterait entre 15 et 20 milliards d’euros alors que toutes les options du gouvernement pour faire contre-feu au texte voté ne rapporteraient qu’environ 2 milliards. Alors que le gouvernement essaie en vain de trouver les 60 milliards nécessaires pour rendre son budget acceptable, se passer d’une telle rentrée est peu compréhensible, si ce n’est pour protéger les ultra-riches. De plus, toujours selon Les Écologistes, la somme de recettes considérables ainsi récoltée pourrait être particulièrement utile par les temps qui courent aux services publics qui sont à réparer ou pour agir concrètement pour la transition écologique.
Amélie de Montchalin, a, elle, exprimé la ferme opposition du gouvernement à cette contribution qu’elle juge «confiscatoire et inefficace ». Elle a évidemment utilisé la bonne vieille méthode de la fuite des riches, toujours utilisée quand on parle de demander aux plus riches de contribuer à l’effort général. Selon elle, la taxe «ferait immédiatement partir les milliers de foyers et avec eux les capitaux à l’étranger». Les exemples du passé montrent que cette affirmation est fausse. Faisant miroiter aux députés une loi, le gouvernement plancherait actuellement sur l’instauration d’un «impôt minimal différentiel», pour s’assurer que la somme des impôts payés soit au moins égale à 0,5% du patrimoine, en excluant les biens professionnels. Comme la fortune des plus riches est très majoritairement composée d’actions, cette exception réduirait à peu de choses le prélèvement sur le patrimoine. Comme le disent les partisans du texte, « ce que vous appelez “biens professionnels“, ce sont les actions que possèdent MM. Arnault, Bolloré, Dassault ou Pinault ». Selon les économistes, la question de l’exonération des biens professionnels « est un classique des débats fiscaux». « Qui ne peut être sensible à l’idée qu’il faudrait protéger le four du boulanger ? ». Rhétoriquement, c’est apparemment fort, mais le four du boulanger ne vaut pas des milliards. De plus, pour limiter l’exil fiscal, un dispositif prévoit que les biens des 0,01% les plus riches continuent d’être imposables pendant les cinq années suivant leur départ de France. Une proposition alternative, mais aussi peu efficace, était incluse dans le budget 2025. Rappelons que lors du vote du budget, contre l’avis du gouvernement, l’hémicycle a adopté la décision soutenant la proposition de La France insoumise au projet de loi de finances : il opte pour une taxation à hauteur de 2% de la fraction supérieure du patrimoine d’un foyer qui dépasse le milliard d’euros.
Le député LFI Aurélien Le Coq a dit fort justement :
« Dans ce budget, on demande des efforts pour à peu près tout le monde sur à peu près tout », mais pas« sur le patrimoine des plus riches. Vous qui cherchez à remplir les caisses de l’État en permanence et bien là, vous avez la solution », a-t-il lancé au gouvernement avant le vote.
Malgré tous ces arguments et le vote positif de l’Assemblée, il est probable que le texte ne sera pas entériné. En effet, il doit passer par le Sénat où la majorité de droite rejettera plus que probablement le texte. Toutefois, plusieurs votes qui ont momentanément approuvé le texte montrent que l’idée de faire contribuer « les épaules les plus larges », comme on le dit en Belgique, fait doucement son chemin dans l’esprit de beaucoup. La prochaine tentative sera peut-être la bonne.
Alain Adriaens