La nouvelle réforme du droit du travail a raté le coche. C’est le point de vue exprimé par la CFDT (syndicat réformiste français) dès la présentation des ordonnances, et par Thomas Piketty (économiste, auteur de : « Le capital au XXIème siècle) dans un tribune du « Monde » (10 septembre 2017).
L’une des principales mesures de la réforme consiste à plafonner les indemnités pour licenciement abusif, ceci afin de réduire le nombre de contentieux, leur durée et leur coût. Elle est supposée contribuer à relancer de nouvelles embauches, mais critiquée pour constituer au contraire une grande liberté de licenciement offerte au patronat.
Une telle réforme aurait pu être digérée si elle avait été accompagnée d’une réforme complémentaire portant sur le contrôle économique et social de la gestion des entreprises.
Flexisécurité et Cogestion
Cette réforme du droit du travail s’inspire du concept de « flexisécurité » pratiqué depuis des années, avec un certain succès, en Europe du Nord. Elle vise à combiner la flexibilité de l’emploi, jugée nécessaire par les évolutions économiques et technologiques de plus en plus rapides, avec la sécurité tout aussi nécessaire dans l’adaptation des travailleurs à ces évolutions. Celle-ci est assurée, dans les pays nordiques, par des allocations de chômage élevées et par l’assurance d’un suivi intense des travailleurs perdant leur emploi, dans la phase de reconversion et de formation à de nouveaux emplois.
Mais à côté de cette « flexisécurité », les pays d’Europe du Nord ont aussi inscrit dans leur législation, une représentation importante et réelle des travailleurs dans les conseils d’administration des entreprises. Cette transformation remonte aux années 1950 déjà.
Un partage du pouvoir entre Capital et Travail
Depuis le XIXème siècle, les règles définissant le pouvoir des actionnaires et des travailleurs, dans les sociétés par actions, étaient claires ; une action = une voix. Ces règles marginalisaient complètement le pouvoir des travailleurs qui ne pouvaient posséder, éventuellement, que quelques actions. Elles donnaient tout le pouvoir aux actionnaires importants.
Ce sont ces règles que les pays germaniques et nordiques ont radicalement transformées au fil du temps.
Aujourd’hui, les représentants des salariés (délégués syndicaux) détiennent :
- en Allemagne, 50% des sièges dans les conseils d’administration des grandes entreprises ;
- en Suède, un tiers des sièges ;
et ce, indépendamment de toute participation au capital.
En France, depuis une loi de 2014 seulement, un siège (sur douze), avec voix décisionnelle, est réservé à un représentant des salariés au conseil d’administration.
Notons au passage qu’au Royaume-Uni, comme aux États-Unis, les actionnaires détiennent toujours la totalité des sièges.
« En même temps… »
En organisant « en même temps » la réforme de la flexisécurité et celle de la cogestion, la France aurait ouvert chez elle, et renforcé chez ses partenaires, la perspective d’une véritable économie sociale de marché, objectif assigné, dans les traités l’Union, à la construction européenne.
Macron a raté l’occasion d’ajouter une corde de plus à son arc européen.