Le budget wallon 2025 a été adopté par le Parlement de Wallonie le 18 décembre dernier. Il offre une photographie des choix politiques posés par la coalition wallonne MR-Les Engagés.
Voici un tour d’horizon en trois parties des mesures explicites et des impacts implicites de ce budget.
Sommaire :
Partie 1/3 : Un budget d’austérité
- Un budget sans vision, sauf comptable
- Une équation impossible
- Massacre à la râpe à fromage pour 268 millions d’euros, et ce n’est qu’un début
- Évaluation à géométrie variable
Partie 2/3 : Un déficit qui s’aggrave (à paraître lundi 24/02)
- La contradiction fondamentale de ce budget
- Besoins de financement : 4,3 milliards dont 3,3 milliards sur les marchés financiers
- Trajectoire budgétaire : l’éternelle illusion d’un retour à l’équilibre
- Absence d’explications sur les politiques qui vont concrétiser la trajectoire
- Solde SEC 2025, une manipulation de 1,4 milliards d’euros ?
Partie 3/3 : Une dette qui se creuse (à paraître mercredi 26/02)
- La dette continue d’augmenter malgré les mesures d’austérité
- Le ratio « dette directe / recettes » continue également de se dégrader
- Les intérêts de la dette directe : un quasi doublement en deux ans
- Forte augmentation du taux implicite, mais pas (encore) d’effet boule de neige
- Et les intérêts de la dette indirecte ?
- Une règle d’or budgétaire, c’est toujours non !
1. Un budget sans vision, sauf comptable
Un budget est plus qu’une simple affaire de chiffres. Par les choix et les priorités qu’il pose, un budget reflète les ambitions sociales, économiques et écologiques d’un gouvernement. Et lorsqu’on examine les documents budgétaires de ce nouveau gouvernement, ce qui frappe, c’est justement l’absence d’objectifs socioéconomiques forts, de stratégie claire et de perspectives positives pour la vie des gens. Créer des emplois durables et de qualité ? Renforcer la justice sociale et fiscale ? Accompagner les entreprises dans leur transition écologique ? Renforcer les investissements dans les secteurs stratégiques ? Accélérer le redéploiement industriel ? Sauver notre biodiversité ? … autant de priorités absentes de ce budget.
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Si on devait résumer ce budget wallon en une seule phrase, ce serait : « faire mieux avec moins, pour rassurer les marchés financiers », un slogan répété tant de fois par la droite depuis tant d’années. Tout le monde sait bien qu’il manque cruellement de moyens, humains et financiers, pour répondre aux nombreux défis de nos sociétés capitalistes contemporaines. Rappelons ici le chiffre avancé par l’ancien président de la Banque centrale européenne, l’Italien Mario Draghi, dans son rapport sur l’économie européenne rendu en septembre dernier : il faut investir, au minimum, 800 milliards d’euros par an au niveau européen si on veut éviter que le Continent ne décroche par rapport à la Chine et aux États-Unis et ne s’enfonce dans la récession. Mais non, ce gouvernement continue de vivre dans le passé et revient avec ses vieilles rengaines de droite : l’État est obèse, les services publics sont inefficaces, la dette est trop élevée, les fonctionnaires sont des privilégiés et des fainéants …
Qu’il faille tenir compte des déficits et de la situation budgétaire de la Région, c’est une évidence. Mais satisfaire les marchés financiers ne devrait jamais passer devant les priorités sociales. Par ailleurs, cela ne constitue pas un projet de société, d’autant plus qu’un scénario à la grecque n’est pas du tout à l’ordre du jour. Mais pour ce gouvernement néolibéral, il faut avant tout se soumettre aux desideratas des marchés financiers. Le ministre Desquesnes (Les Engagés) a lui-même déclaré : « Que cela plaise ou non, nous vivons dans des règles du jeu qui sont celles des marchés financiers[1]. »
Les objectifs budgétaires du nouveau gouvernement sont donc :
2. Une équation impossible
- Diminuer fortement les dépenses publiques
- Diminuer fortement les recettes
- Revenir à l’équilibre budgétaire en 2029.
Le tout, en :
- Évitant l’austérité
- N’appliquant aucune nouvelle taxe
- Améliorant la qualité des services publics et le bien-être des citoyens
- Favorisant la croissance économique
- Développant de nouvelles politiques
- Garantissant la transition écologique et numérique.
Cette équation est une illusion totale.
Le gouvernement affirme qu’il n’y a pas d’austérité dans ce budget, et que toutes les coupes budgétaires annoncées seront sans conséquence, tant sur la qualité des services publics que sur le bien-être des citoyens. Réduire les recettes, ce serait améliorer le solde budgétaire. Et réduire les moyens des services publics, ce serait améliorer leur qualité ; couper dans les budgets environnementaux, ce serait améliorer la transition écologique ; réduire les dépenses, ce serait développer de nouvelles politiques. Vous l’aurez compris, le gouvernement vit dans un roman, celui de 1984[2].
Ci-dessous un aperçu des mesures d’économies qui sont annoncées et qui s’élèvent à 268 millions d’euros pour l’année 2025.
3. Massacre à la râpe à fromage pour 268 millions d’euros, et ce n’est qu’un début
Contrairement à ce que le gouvernement déclare, les mesures et la trajectoire budgétaire annoncées sont bel et bien des politiques d’austérité, et elles auront inévitablement des conséquences négatives, à court et moyen terme, à tous les niveaux : social, économique et environnemental.
Pour rappel, lors de sa conférence de presse début juillet, le président des Engagés Maxime Prévot l’a en réalité reconnu, en déclarant ceci : « si on réalisait tous nos objectifs sur une seule législature plutôt que sur deux, la pente de la trajectoire budgétaire serait si forte qu’on n’éviterait pas le sang et les larmes ». Sauf erreur, diviser par deux du sang et des larmes, cela reste du sang et des larmes.
Le gouvernement décide d’utiliser une fois de plus la fameuse technique de la râpe à fromage, c’est-à-dire de couper « un peu » dans de très nombreuses lignes budgétaires, en feignant de croire qu’en adaptant quelque peu les secteurs touchés, cela n’aura pas d’impact.
Donnons quelques exemples marquants de ces coupes et montrons quels en seront les impacts, souvent multiformes.
Attaques sur les communes et les CPAS. Deux mesures vont toucher directement les finances communales.
Premièrement, la fin de la majoration de 1 % du fonds des communes (-15 millions pour 2025). Sur l’ensemble de la législature, cela représente un manque à gagner de 251 millions. Quand on sait que d’une part, les communes sont déjà dans le rouge, et que, d’autre part, elles sont les premiers investisseurs publics du pays, concentrant environ 40 % des investissements, on comprend à quel point cette mesure va impacter le tissu économique wallon. Deuxièmement, la non-indexation des points d’« aide à la promotion de l’emploie » dits APE (-13,5 millions). Avec un manque à gagner de plus de 200 millions sur la législature, cela pourrait entrainer la perte de 2.000 emplois dans les services publics wallons, dont des centaines dans les CPAS. Or, les CPAS sont déjà débordés, et les réformes prévues au fédéral vont aggraver fortement la situation. En effet, la limitation des allocations de chômage et d’insertion à deux ans maximum pourrait entrainer l’exclusion de plus de 124.000 personnes, dont 55.000 en Wallonie.
Attaques sur le tissu associatif. Le gouvernement décide de réduire les malnommées subventions facultatives de 60 millions, soit 30 % de l’enveloppe globale. Ces subventions, loin d’être facultatives, financent tout un tissu associatif et des projets locaux (dont les CPAS) qui remplissent une fonction très importante en matière sociale, culturelle et éducative.
Attaques sur la mobilité. Même si, grâce une mobilisation importante, l’abonnement TEC à 1 €/mois pour les 18-24 ans est maintenu en 2025, le gouvernement décide cependant de geler l’indexation pour l’Office des Transports wallons (OTW : -35 millions), ce qui va signifier moins de financement pour le TEC et donc moins de mobilité. La mobilité douce (vélo-piéton) en prend aussi pour son grade : la subvention pour le réseau cyclo-piéton passe de 13 à 4 millions, le Plan Wallonie-cyclable passe de 5,4 millions à zéro euro, et les subventions pour la sensibilisation et la prestation de mobilité durable sont diminuées de 20 %.
Attaques sur le logement. Les primes Énergie sont remises en cause (les montants ne sont pas encore connus) alors que l’isolation et la rénovation des logements constituent un enjeu clé. Le budget pour le logement public est réduit de 50 millions, alors même que 45.000 familles sont toujours en attente d’un logement social, et que le secteur de la construction est en difficulté. De plus, le budget consacré à « l’allocation loyer », une aide (125 euros par mois) pour les ménages à faibles revenus (moins de 17.000 euros bruts pour un isolé) passe de 21 à 5 millions d’euros (-16 millions), alors même que cette mesure viole le principe de standstill inscrit dans la Constitution, à savoir le fait que quand une mesure octroyée touche à un droit fondamental, on ne peut pas la retirer.
Cette liste pourrait encore continuer, mais on comprend l’essentiel : ce budget nous met sur le chemin d’une société plus injuste : services publics dégradés, initiatives citoyennes affaiblies, soutiens aux plus fragiles déforcés, conditions de travail dégradées, destructions d’emplois, moins de mobilité, moins d’accès au logement, communes et CPAS dans le rouge, …
Et le pire, c’est qu’il affirme que tout cela n’est qu’un début. Citons le ministre-président Adrien Dolimont : « C’est la première fois que les efforts structurels sont aussi importants : 268 millions d’euros, c’est un effort équivalent à un peu moins de 10 % de notre déficit. C’est à la fois beaucoup pour les décisions que cela implique, mais également encore peu, malheureusement, au regard des finances de la Région. »
4. Évaluation à géométrie variable
Le nouveau Gouvernement a fait de l’évaluation un des principes clés de sa politique. Chaque dépense devrait être analysée et chaque euro devrait dorénavant être dépensé de manière efficace. Cependant, dans les faits, ce principe est appliqué de manière totalement incohérente ou contradictoire. Donnons quelques exemples.
Subventions facultatives. Le gouvernement affirme que ces subventions doivent être évaluées, mais il annonce déjà 60 millions d’euros de coupes, avant même que les évaluations soient réalisées. Couper d’abord, évaluer ensuite…
Projet de liaison Seine-Escaut.Un énorme investissement de 345 millions est programmé pour construire trois nouvelles écluses sur le réseau Seine-Escaut, alors même que deux évaluations ont été réalisées et ont abouti à des avis négatifs. Malgré ces avis négatifs, le Gouvernement poursuit ce projet, justifiant sa décision par le fait que ces travaux sont déjà entamés. Cette justification fait étonnamment écho à l’autre décision du même gouvernement de stopper les travaux d’extension du tram à Liège, dont les travaux étaient également bien entamés.
Tremplin 24 mois +.Ce dispositif du Forem, visant à favoriser l’engagement de personnes éloignées de l’emploi (plus deux ans), a démontré son efficacité avec un taux de succès remarquable. Pourtant elle est quasiment supprimée (réduction de 90 %), privant les chômeurs de longue durée et les employeurs d’un outil qui fonctionne. Cette incohérence est d’autant plus forte que ce gouvernement affirme vouloir s’attaquer au problème du chômage de longue durée.
Air Bag. Ce dispositif, destiné à développer le secteur indépendant via des incitants financiers, a été jugé inefficace par certaines évaluations, en particulier pour son « effet d’aubaine »[3]. Cependant, le gouvernement décide de maintenir ce programme, sans aucune remise en question ou adaptation.
Les aides APE. Les aides à la promotion de l’emploi (APE), considérées par beaucoup comme essentielles pour l’emploi et la cohésion sociale, sont coupées, bien que n’ayant jamais fait l’objet d’évaluations négatives. Ce mécanisme avait par ailleurs déjà fait l’objet d’une réforme sous le précédent gouvernement.
Accompagnement des entreprises pour les programmes de recherche européens.Deux évaluations externes ont été réalisées ces dernières années et ont conclu à l’inefficacité de ce système d’accompagnement coordonné par l’AKT (anciennement Union wallonne des entreprises -UWE). Ces évaluations ont recommandé de rapatrier ce dispositif au sein de l’administration wallonne. Que fait le gouvernement ? Il le laisse aux mains de l’AKT.
Fin du Statut dans la fonction publique.Cette annonce constitue un tournant majeur. Elle n’a pourtant fait l’objet d’aucune évaluation, pour estimer tous ses impacts budgétaires, organisationnels et sociaux.
Tous ces exemples montrent le fossé énorme entre cette culture de l’évaluation qui serait au centre de la politique gouvernementale, et la réalité. À moins que ces incohérences ne mettent justement en évidence que le gouvernement vise surtout à servir un projet de société de droite, avec ou sans évaluation.
[1] Intervention en commission Mobilité du Parlement wallon le 3 décembre 2024 : https://www.youtube.com/watch?v=fIuzXoClhI0.
[2] Allusion au roman de George Orwell « 1984 ».
[3] On parle d’effet d’aubaine lorsque les bénéficiaires d’une action publique auraient dans tous les cas engagé cette action, y compris en l’absence d’une aide publique.
Le gouvernement wallon présente donc un budget 2025 avec 17,7 milliards de recettes et 20,6 milliards de dépenses, et donc un déficit budgétaire de 2,9 milliards.
Le déficit SEC, c’est-à-dire validé par l’Union européenne après une série de corrections comptables, s’établit quant à lui à -2,3 milliards d’euros.
Comment le déficit SEC s’améliore-t-il de 600 millions par rapport au déficit brut ? Essentiellement via une nouvelle opération de trésorerie de 600 millions.
Cela fait plusieurs années que le gouvernement réalise ce type d’opérations. Il est déjà allé chercher 700 millions d’euros dans les trésoreries des unités d’administration publique (UAP) en 2024. Il convient de rester attentif à ce genre d’opérations. Elles ne sont pas reproductibles à l’infini et vont mettre en difficulté les moyens d’action de ces UAP.
1. La contradiction fondamentale de ce budget
La priorité affichée de ce gouvernement était donc la réduction des déficits sur 2025-2029 et l’amélioration de la trajectoire budgétaire. Il réalise dans ce budget 2025, selon ses propres déclarations, un effort historique de 268 millions d’euros. Dans cette optique, on pourrait alors s’attendre à avoir un déficit plus faible en 2025 qu’en 2024. Il n’en est rien. Le déficit SEC est identique à celui de 2024, à savoir 2,3 milliards.
Comment est-ce possible ? Parallèlement à toutes ces réductions budgétaires désastreuses, le gouvernement n’a rien de trouvé de mieux à faire que de concrétiser deux réformes fiscales qui vont diminuer les recettes de 1,5 milliards d’euros d’ici 2029.
La première réforme est la baisse des droits d’enregistrement (passant de 12 % à 3 %), qui est entrée en vigueur le 1er janvier 2025, et qui va coûter 250 millions d’euros. Toutes ces « économies » ne servent donc en réalité qu’à compenser une perte de recettes liée à une seule réforme fiscale, réforme qui est par ailleurs totalement injuste et inefficace. En effet, sans rentrer dans les détails ici, plusieurs analyses ont démontré que cette réforme, au départ visant un objectif légitime d’amélioration de l’accès à la propriété, ne va profiter financièrement qu’aux ménages ayant des revenus élevés et achetant les logements les plus chers, tandis que tous les autres y perdront au change (notamment à cause de la suppression du chèque-habitat).
Mais ce n’est pas tout. Le gouvernement a également fait passer une autre réforme, à savoir la réduction drastique (-50 %) des droits de succession, qui fera perdre à la Région 400 millions d’euros par an à partir de 2028, date de son entrée en vigueur.
Avec ces deux réformes, le gouvernement nage en pleine contradiction : d’un côté, il place la réduction des déficits comme la priorité des priorités, de l’autre, il procède à des réformes qui aggravent le déficit de plusieurs centaines de millions d’euros.
L’éditorialiste Bertrand Henne résume la situation avec d’autres mots : « On frise la dissonance cognitive. (…) De deux choses l’une. Si la situation budgétaire n’est pas aussi catastrophique, que répondre à tous ceux qui sont touchés par les nombreuses économies annoncées ? Au contraire, si dans les prochaines années, le scenario à la grecque se produit, que répondre à ceux qui diront : « Mais pourquoi diable s’être privé de centaines de millions de rentrées fiscales ? » »[1].
Ces deux réformes fiscales ont par ailleurs une conséquence très importante : pour espérer respecter la trajectoire budgétaire qu’il s’est fixée, le gouvernement va devoir réaliser des efforts beaucoup plus importants que ce qui était prévu jusqu’alors, à savoir un effort structurel cumulatif d’environ 150 millions (1 % des recettes). Ainsi, par exemple, le gouvernement prévoit-il en 2028 des économies de plus de 550 millions sur une seule année (150 millions + les 400 millions perdus via la réforme des droits de succession qui entrera en vigueur cette année-là) ? Ce sera impossible budgétairement, et socialement et économiquement destructeur. Cela ne tient pas la route.
Ajoutons que les récentes décisions prises par le nouveau gouvernement fédéral, en particulier en matière de réforme des droits aux allocations de chômage et d’insertion, devraient coûter 270 millions d’euros à la Région wallonne, selon les premières estimations du Ministre-Président Adrien Dolimont. Et le retour à l’équilibre s’éloigne encore plus …
2. Besoins de financement : 4,3 milliards dont 3,3 milliards sur les marchés financiers
Afin d’équilibrer ses comptes, le gouvernement devrait a priori « emprunter » 4,3 milliards d’euros : 2,9 milliards de déficit et 1,4 milliards arrivant à échéance. Le Conseil régional du Trésor a cependant fixé la balise à 3,3 milliards d’euros pour les emprunts sur les marchés financiers en 2025. Afin de respecter cette balise, le gouvernement décide de :
- S’endetter anticipativement en 2024 pour l’année 2025 pour un montant de 120 millions ;
- S’endetter à la Banque européenne d’investissement (BEI) pour un montant de 275 millions ;
- Inscrire une sous-utilisation de crédit pour l’année 2025 pour un montant de 610 millions.
Les deux premiers financements sont des opérations comptables, des vues de l’esprit. En effet, emprunter anticipativement, cela reste emprunter, et cela fait augmenter la dette ; tout comme emprunter à la BEI plutôt qu’aux marchés financiers, cela reste emprunter, et cela fait augmenter la dette.
Par ailleurs, inscrire une sous-utilisation de crédit n’est pas du tout apprécié par la Cour des comptes. Le Ministre-Président se justifie en disant que c’est habituel : « La sous-utilisation des crédits est maintenue au même niveau que l’année passée. Ici aussi, on peut considérer que c’est relativement prudent au vu de l’inexécuté des budgets des dernières années en proportion, soit environ 3 % d’inexécution du budget[2]
Le conseiller à la cour des comptes, M. Rion répond : « à titre personnel, en tant que technicien, je trouve que la sous-utilisation est une mauvaise technique. Ce n’est pas raisonnable. Vous avez un budget. On sait tous autour de la table que le budget, par définition, est une prévision et qu’il va y avoir des différences en plus et en moins, et en dépenses et en recettes. Mais, prévoir d’entrée de jeu que les crédits de dépense que l’on va prévoir sont surestimés à concurrence de 609 millions d’euros, 1 milliard d’euros ou encore 1,3 milliard d’euros – selon les réalisations, on constate que cela évolue –, cela pose un problème sur la crédibilité de la prévision budgétaire. À titre personnel, si je devais faire une critique par rapport à toutes ces mécaniques de calcul, je trouve qu’à terme il faudrait faire disparaître cette ligne « sous- utilisation de crédits ». On sait très bien que dans un budget, par définition, on fait des ajustements et que seul le compte a le chiffre définitif. Mais utiliser la sous- utilisation comme moyen de pilotage budgétaire, j’avoue que c’est un peu surprenant, avec toutes les questions que cela peut poser[3]. »
3. Trajectoire budgétaire : l’éternelle illusion d’un retour à l’équilibre
Lors des débats budgétaires en décembre 2024, le gouvernement a confirmé la trajectoire présentée en juillet 2024 lors de la Déclaration de politique régionale (DPR), à savoir un retour à l’équilibre SEC en 2029 pour la Région wallonne.
Évolution du déficit SEC
Ce premier graphique donne à nouveau l’illusion d’un retour à l’équilibre d’ici quelques années. Cela devient une habitude du gouvernement, et est sans doute lié à cette idée qu’un État ne doit pas dépenser plus que ce qu’il gagne, ce qui est totalement faux par ailleurs. Bien sûr, il ne s’agit en aucun de s’endetter pour le plaisir de s’endetter. Il est toujours préférable de financer le développement humain par des ressources non génératrices d’endettement, mais il est parfaitement normal et légitime qu’un État s’endette, notamment pour financer des grands projets d’infrastructures, des investissements stratégiques et productifs, ou encore pour financer la transition énergétique et écologique.
Pour rappel, lors de la précédente législature, le gouvernement présentait déjà une trajectoire avec un retour à l’équilibre en 2024. Dans ce cas, il s’agissait de sortir de toutes les dépenses exceptionnelles : relance, Covid-19, inondations, Ukraine, énergie.
Mais la réalité fut tout autre, avec un déficit 2024 (solde brut à financer) s’élevant à 3 milliards d’euros.
Cette fois-ci, l’illusion d’un retour à l’équilibre provient du fait que le gouvernement décide de prendre en compte le déficit SEC, et non plus le solde brut à financer. À nouveau, si on prend ce solde brut à financer, la réalité est tout autre, avec un déficit qui s’élèverait à 1,5 milliards en 2029.
Choisir de prendre en considération le déficit SEC plutôt que le solde brut à financer ne constitue pas une erreur en soi. En effet, c’est ce montant que prend en compte l’Union européenne. Cependant, cela ne devrait pas permettre de créer cette illusion que la Région wallonne va revenir à l’équilibre d’ici quelques années. Par ailleurs, c’est contradictoire avec les années précédentes, où le ministre du Budget wallon – alors Adrien Dolimont (MR) – répétait à plusieurs reprises, en s’appuyant sur les analyses de la commission externe de la dette, que c’est le solde brut à financer qu’il faut prendre en compte. Le 26 septembre 2023, il déclarait une fois de plus : « Dans un tableau budgétaire, le chiffre le plus important, c’est le solde brut à financer[4]. ». Alors que toutes les trajectoires présentées lors des précédentes années montraient l’évolution du solde brut à financer, ces graphiques ont maintenant disparu de la circulation…
Notons également que cette amélioration des soldes budgétaires d’ici 2029 résulte surtout de la diminution progressive des dépenses liées au Plan de relance. En effet, celles-ci devraient passer de 2,2 milliards d’euros en 2025 à 150 millions d’euros en 2028 et 2029.
4. Absence d’explications sur les politiques qui vont concrétiser la trajectoire
Alors que les niveaux de déficits et la trajectoire SEC sont fixées quasiment à l’euro près jusqu’en 2029, aucun détail n’est fourni sur la manière d’atteindre cette trajectoire. C’est le grand flou concernant les projections pluriannuelles qui détaillent les politiques qui vont permettre d’atteindre l’équilibre structurel d’ici 2029.
Pour rappel, en Flandre, le gouvernement a donné, quelques jours après sa constitution, une trajectoire budgétaire détaillée, politique par politique, avec un plan d’action clair et des moyens identifiés chaque année pour concrétiser ses objectifs budgétaires.
Quels secteurs vont être impactés, année après année ? Quelles mesures d’économies sont prévues et pour quel montant ? Quelles sont les économies identifiées ? Autant de questions qui restent à l’heure actuelle sans réponse.
La Cour des comptes n’est pas non plus très convaincue : « D’après le Gouvernement, la trajectoire intègre les conséquences de la réforme des droits d’enregistrement et de succession ainsi que l’effort de soutenabilité graduelle préconisé́ par la commission précitée, à concurrence d’un montant cumulatif de 1 % des recettes[5]. »
Ajoutons un autre élément critique de la Cour par rapport à cette trajectoire : « La trajectoire ne reprend pas les nouveaux emprunts à conclure pour couvrir les déficits successifs dans la mesure où les projections relatives à la dette sont établies sur la base de son échéancier actuel et de ses refinancements[6]. »
5. Solde SEC 2025, une manipulation de 1,4 milliards d’euros ?
Un autre élément problématique dans ce budget est le solde SEC pour l’année 2025. Comme nous l’avons vu ci-dessus, celui-ci s’élèverait, selon les dernières projections du gouvernement, à 2,3 milliards d’euros.
Cependant, lors des projections de l’ancien gouvernement, et cela jusqu’en novembre 2023, la trajectoire prévoyait un solde SEC de -900 millions d’euros. Cela fait une différence de 1,4 milliards d’euros.
Le gouvernement aurait-il délibérément aggravé fortement le déficit afin de pouvoir montrer une trajectoire qui s’améliore ? Il est permis de douter, d’autant plus que, ne l’oublions pas, le gouvernement vient de faire passer deux réformes fiscales qui, toutes choses égales par ailleurs, vont avoir pouvoir conséquence de dégrader cette trajectoire de plusieurs centaines de millions d’euros d’ici 2029.
Lors des débats budgétaires, de nombreuses questions ont été posées à ce sujet par les parlementaires. Les réponses données par le Ministre-Président Dolimont ne sont pas satisfaisantes et ne permettent pas de justifier d’où vient cette énorme différence.
***
Contrairement aux affirmations du nouveau gouvernement MR-Engagés, ce budget est tout sauf courageux ou raisonnable économiquement : le déficit s’aggrave, le retour à l’équilibre en 2029 est illusoire, et aucune mesure n’est prise pour réduire notre dépendance aux marchés financiers. Par contre, une chose est sûre, les mesures d’austérité sont nombreuses, de nombreux secteurs et politiques publiques vont être touchées négativement et les impacts sociaux, économiques mais aussi budgétaires ne vont pas tarder à se faire sentir.
[1] Voir sa chronique du 5 décembre 2024 sur la radio publique La Première, en version écrite (https://www.rtbf.be/article/les-ambiguites-du-budget-wallon-pour-eviter-un-scenario-a-la-grecque-11473128) ou audio (https://auvio.rtbf.be/emission/les-coulisses-du-pouvoir-l-edito-politique-11443).
[2] Parlement de Wallonie – Session 2024-2025 – CRIC n° 46 – Commission des affaires générales, du budget, des relations internationales et du bien-être animal – Mardi 3 décembre 2024, p. 21, https://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/2024_2025/CRIC/cric46.pdf.»
[3] Ibid., p. 30.
[4] https://www.lesoir.be/539595/article/2023-09-26/le-budget-wallon-la-fois-en-equilibre-et-en-deficit.
[5] Parlement de Wallonie – Session 2024-2025 – CRIC n° 46, op.cit., p. 25.
[6] Loc. cit.
Comme nous l’avons montré dans les deux première parties (ici et ici), la priorité affichée de ce gouvernement serait la réduction des déficits et la maitrise de l’endettement, via des mesures d’austérité. Non seulement cette orientation constitue une grave erreur, mais elle s’avère également totalement inefficace, tant du point de vue des déficits (voir partie 2) que de l’évolution de la dette et des intérêts de celle-ci.
1. La dette continue d’augmenter malgré les mesures d’austérité
Pour rappel, la dette wallonne a fortement augmenté ces dernières années. La dette de la Région wallonne (dette directe) a plus doublé depuis 2019 : elle est passée de 12,6 milliards d’euros en 2019 à 28,2 milliards d’euros en 2024.
Malgré les efforts structurels annoncés, la dette directe va continuer d’augmenter les prochaines années pour atteindre 36,5 milliards en 2029.
Entre 2019 et 2023, la dette brute consolidée – dette de la Région wallonne + dette des unités d’administration publique (UAP) – a augmenté́ de 13,3 milliards d’euros, soit +57,2 % en 5 ans. Cette hausse globale provient essentiellement de celle de la Région (dette directe) qui a augmenté́ de quelque 100,3 % alors que la dette indirecte (dette des UAP) demeurait relativement stable (+5,7 % au cours de la même période).
La dette brute consolidée de la Région devrait passer de 38 milliards d’euros en 2024 à 41,1 milliards en 2025.
Le gouvernement déclare qu’avec les efforts structurels décidés pour les cinq années à venir, la dette à la fin 2029 devrait s’établir à 47,5 milliards d’euros. Les efforts consentis permettraient alors d’éviter un accroissement de notre dette avoisinant les 2 milliards d’euros. Cela signifie que, sans toutes ces mesures d’économies qui sont programmées, la dette se serait établie à 49,5 milliards en 2029. Et encore, c’est loin d’être sûr, cela reste des prévisions, et de nombreux facteurs, externes ou non, pourraient provoquer une nouvelle augmentation de la dette. On a envie de dire : « tout ça pour ça ? »
2. Le ratio « dette directe / recettes » continue également de se dégrader
La Cour des comptes souligne que le ratio « dette directe / recettes » va continuer à se dégrader dans les années à venir, passant de 160 % des recettes en 2024 à 190 % en 2029.
Contrairement à ce qu’il faisait ces dernières années, le gouvernement prend maintenant en compte le ratio « dette directe / recettes » et non plus « dette brute / recettes », en se fixant l’objectif d’atteindre un ratio de 180 %.
Est-ce à nouveau un moyen facile de faire apparaitre les chiffres sous un meilleur jour ?
En effet, les chiffres utilisés jusqu’alors par le gouvernement (et la commission externe de la dette) montraient un ratio « dette / recettes » passant de 200 % en 2023 à 242 % en 2029.
Par ailleurs, rappelons que cette affirmation, selon laquelle la dette deviendrait insoutenable lorsque le ratio dette /recettes dépasse 180 %, est totalement fausse et ne se base sur aucune étude ni réalité́ économique.
3. Les intérêts de la dette directe : un quasi doublement en deux ans
Les intérêts de la dette directe wallonne vont fortement augmenter au cours des années qui suivent. Ils ont déjà augmenté de 120 millions rien qu’en 2024. Ils vont doubler entre 2023 et 2025, passant de 370 millions à 605 millions en 2025.
NB : La Cour des comptes remarque également que les intérêts de la dette ont été sous-estimés de 50 millions d’euros en 2024.
Cette forte augmentation en 2025 s’explique aisément :
- L’emprunt de 1,4 milliards d’euros arrive à échéance. Il a été contracté en 2020 à très bas taux (0,5 %). Il coûtait donc 7 millions d’euros par an en intérêts à rembourser. Il va être refinancé via un nouvel emprunt sur les marchés financiers, mais cette fois à un taux d’environ 3,5 %. Ce nouvel emprunt va donc maintenant coûter annuellement 49 millions d’euros.
- Le déficit de 2,3 milliards sera financé par de nouveaux emprunts sur les marchés financiers. Cela va coûter annuellement 80 milliards d’euros en intérêts de la dette.
On le voit, cette tendance à l’augmentation est forte, et presque inéluctable dans le cadre de taux d’intérêts qui restent élevés. Les intérêts de la dette vont-ils devenir la première dépense de la Région wallonne, comme c’est déjà le cas en France, et empêcher la Région de répondre à ses obligations sociales et démocratiques ? N’est-il pas temps de remettre en cause ce paiement aveugle et d’affronter les marchés financiers ?
Ajoutons que la Cour des comptes critique le gouvernement sur l’absence d’analyse sérieuse de ces évolutions : « Pourtant obligatoire, aucune analyse de la sensibilité́ des charges de la dette à une variation des taux d’intérêt et de croissance n’a été présentée dans l’exposé général du budget. La Cour des comptes relève en outre que si le risque de taux relatif à la dette existante est limité, compte tenu de son profil, d’importantes opérations de refinancement seront réalisées au cours de ces prochaines années à des conditions peut-être moins favorables[1]. »
4. Forte augmentation du taux implicite, mais pas (encore) d’effet boule de neige
Alors qu’il avait tendance à diminuer depuis de nombreuses années, le taux implicite (ratio intérêts payés/dette totale) se met à augmenter rapidement : il passe de 1,5 % en 2023 à 2 % en 2025. À l’heure actuelle, notamment du fait d’un niveau d’inflation élevé, l’effet boule de neige n’est pas encore à l’ordre du jour. Pour rappel, on parle d’effet boule de neige en économie lorsque le taux moyen implicite de la dette devient supérieur à la croissance réelle du PIB (hors inflation). Un effet d’emballement se produit alors.
Mais cet effet pourrait se concrétiser dans un avenir plus ou moins proche. Citons encore la Cour des comptes :
« En raison des taux d’intérêt historiquement bas qui ont prévalu jusqu’au début de 2022, le taux d’intérêt implicite de la dette directe régionale (soit 1,5 % au 31 décembre 2023) reste encore inférieur au taux d’inflation (4,1 % en 2023 et 3,2 % en 2024). Malgré l’existence d’un déficit important et le ralentissement de la croissance économique, cette situation permet d’éviter les conséquences néfastes découlant de l’activation de l’effet boule de neige. Cependant, le ralentissement de l’inflation, qui retomberait sous les 2 % dès 2025, combiné à la hausse probable du taux d’intérêt implicite en raison de l’augmentation des taux de référence sur les marchés financiers depuis 2022 et au maintien d’un déficit élevé, pourraient créer les conditions propices à l’activation de cet effet boule de neige[2]. »
Signalons que, même sans cet effet boule de neige, l’augmentation actuelle (quasi doublement en deux ans) est telle qu’elle doit nous alerter et nous pousser à réfléchir sérieusement à remettre en cause le paiement aveugle des intérêts de la dette.
5. Et les intérêts de la dette indirecte ?
Les intérêts de la dette indirecte sont les intérêts payés par les organismes d’intérêt public (UAP), tels que la Sofico, l’OTW etc. Ces organismes publics s’endettent et doivent donc payer des intérêts. Ces intérêts doivent être pris en compte car ils rentrent dans le périmètre consolidé du budget de la Région wallonne.
En 2022, ils s’élevaient à 331 millions (voir graphique ci-dessous). En 2023, ils ont fortement augmenté pour s’élever à 402 millions d’euros. Malheureusement, aucun chiffre n’est disponible pour les années 2024 et 2025, mais vu l’augmentation généralisée des taux d’intérêts, il est plus que probable qu’ils ont continué à augmenter.
Ce montant de 400 millions d’euros payés en 2023 est interpellant. Il signifie que, pour la première fois, les intérêts de la dette indirecte dépassent ceux de la dette directe : 372 millions payés en 2023. Cela est d’autant plus interpellant qu’on parle d’une dette trois fois moins élevée (11 milliards pour la dette indirecte et 30 milliards pour la dette directe). Cela signifie donc que le taux d’intérêt moyen que les UAP doivent payer aux créanciers est trois plus élevé que les taux dont bénéficie la Région wallonne. Cela s’explique essentiellement par le fait que les UAP empruntent directement aux banques et non pas aux marchés financiers.
Ajoutons que, dans tous les cas, si on prend en compte les intérêts de la dette indirecte, nous sommes déjà en réalité à 1 milliard d’euros payés chaque année par la Région en intérêts de la dette aux grandes banques. On pourrait faire beaucoup d’investissements utiles avec un milliard d’euros par an…
6. Une règle d’or budgétaire, c’est toujours non !
Sans donner beaucoup plus de détails, le Ministre-Président a confirmé lors des débats budgétaires de décembre 2024 que la volonté́ du prochain gouvernement était d’inscrire une règle d’or budgétaire dans un décret : « la Région poursuivra l’actualisation des travaux sur la soutenabilité́ de la dette et mettra prochainement au point une règle de soutenabilité́ de la dette via un cadre décrétal[3]. »
Soyons clairs : la maitrise des déficits et de l’endettement doit faire partie des objectifs à poursuivre, mais se soumettre uniquement à cet objectif est tout sauf une bonne idée. Cela peut être un remède pire que le mal, en poussant à toujours plus d’austérité, en produisant un effet récessif, et donc en aggravant le déficit et la dette. La priorité des priorités doit être la création d’un cadre propice à un développement économique et humain solide, égalitaire et durable.
[1] Rapport de la Cour des comptes – Projets de décrets contenant les budgets de l’année 2024 et les budgets de l’année 2025 de la Région wallonne – 28 novembre 2024, p. 37, https://www.ccrek.be/fr/publication/budgets-de-l-annee-2025-de-la-region-wallonne.
[2] Loc. cit.
[3] Parlement de Wallonie – Session 2024-2025 – CRIC n° 46 – Commission des affaires générales, du budget, des relations internationales et du bien-être animal – Mardi 3 décembre 2024, p. 21, https://nautilus.parlement-wallon.be/Archives/2024_2025/CRIC/cric46.pdf.
25 février 2025.
Ma Tribune (à ne pas confondre avec Tribune, l’organe syndical de la CGSP-FGTB décliné nationalement et sectoriellement) est un journal en ligne, lancé par les Interrégionales bruxelloise et wallonne de la CGSP, pour donner une information “à gauche” sur divers sujets peu abordés habituellement par la presse syndicale.
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Sources :