Quand le consumérisme tue …

Après avoir offert un aperçu de la situation du travail forcé en Belgique, penchons-nous sur les 40 millions d’esclaves demeurant dans le monde. De l’Indonésie, au Congo en passant par la Chine, nombre d’États bénéficient d’un asservissement encore trop présent. Et le dénominateur commun de cette exploitation humaine demeure bien souvent notre système capitaliste consumériste. Une rétrospective non exhaustive des conséquences de notre consommation carnassière.

 

Les mines de Kiwah Ijen, le gouffre du soufre

En Indonésie, sur l’île de Java se trouve un volcan en activité qui renferme le lac le plus acide de la planète. Au sein de ses parois fumantes, les émanations de soufre se font aussi nocives que constantes. Ils sont des centaines à travailler jour et nuit afin de remonter le soufre de ces toxiques abîmes.
Armés, pour les plus riches d’un masque à gaz, pour les moins aisés d’un simple foulard, ils doivent détacher les énormes plaques de soufre afin de les remonter. Les vapeurs de soufre sont si âcres qu’aucune machine ne pourrait faire le travail de ses hommes, elles s’oxyderaient directement.C’est en 1911, sous la colonisation hollandaise, que débutera l’exploitation de ces mines de soufre dans les conditions que l’on peut encore observer aujourd’hui.

Les conséquences sont nombreuses pour ces mineurs : intoxication, problèmes respiratoires, problèmes d’articulations, fatigues musculaires ou coupures multiples de par l’acidité du soufre.Chacun remontera les quelques 2.400m de dénivelé que présente le volcan, avec 60 à 100kg de soufre sur le dos, selon leurs capacités et leur matériel.

La société privée PT Candi Ngrimbi qui les exploite affirme prendre soin des travailleurs en leur distribuant des masques en papier. Masques en papier que les travailleurs refusent constamment, selon cette même société, préférant utiliser leurs propres vêtements. Les esclaves sont payés en moyenne entre 12 à 15$ par jour(à peu près 85€ par mois), ce qui est légèrement supérieur au salaire moyen local. Pour une espérance de vie fixée à 50 ans.

Les usages du soufre sont multiples. Citons le savon, les traitements pour la peau, les engrais, les pesticides, les explosifs mais aussi et surtout le sucre blanc raffiné. Ce même sucre que nous achetons ici en Belgique. Non content d’être mauvais pour notre santé, ce sucre blanc raffiné tue des centaines de personnes, à l’autre bout de notre monde, sur l’île de Java.

 

Un million d’Ouïghours enfermés dans des camps

Il aura fallu quelques années pour que l’opinion publique apprenne ce que certaines ONG tentent d’expliquer sans relâche : des camps de redressement existent en Chine pour toute personne dissidente. Plusieurs millions de personnes y sont enfermées. Principalement des Ouïghours. Mais pour la Chine il ne s’agit pas de prisonnier∙e∙s. Non, il s’agit d’étudiant∙e∙s. Un système de point est mis en place afin de noter quotidiennement leur soumission au pouvoir et leur transformation idéologique. Le tout en vue d’obtenir un « diplôme », clé de sortie de cette prison. Et cela va plus loin.

Depuis 2016, dans la région du Xinjiang, les Ouïghour∙e∙sâgé∙e∙s de 12 à 65 ans doivent se soumettre à des tests sanguins et des échographies afin de juger de la qualité de leur santé. Sympathique et coûteuse pratique du gouvernement chinois qui permet à la Chine de créer une base de données plus qu’honorable de « donneurs d’organes ». Les États-Unis, avec leurs 145 millions de donneurs d’organes, accusent une attente de presque 4 ans pour une transplantation. En Chine, par contre, c’est quelque 373.536 personnes pour une attente d’environ 12 jours. La naïveté nous pousserait presque à féliciter la Chine pour leur efficacité. Sauf que les témoignages et les preuves s’amoncellent et glacent le sang.

Jusqu’en 2015 – officiellement du moins- la Chine prélevait des organes directement sur les personnes condamnées à mort. Désormais les Ouïghour.es ont pris le relais. Le comble de l’ironie réside sans doute dans les acheteurs potentiels de ces organes : les pays musulmans. En effet, les organes d’Ouïghours sont vantés comme « halal » et valent donc beaucoup plus cher.
Un sombre “tourisme d’organes” semble se mettre en place, attirant des riches personnes étrangères pouvant se payer le luxe de l’horreur : prélever de force des organes sur des êtres humains vivants.

Et il n’y a pas que les Ouïghour∙e∙s qui sont enfermé∙e∙s dans ces camps. Toute communauté un tant soit peu subversive y a sa place. Les Falun Gong, notamment, dont la pratique active de la méditation est jugée comme une menace par le parti communiste chinois.

« Les gens ont l’air d’avoir oublié l’Holocauste. Pourtant c’est bien un Holocauste qui se passe sous nos yeux au XXIe siècle.»

Les enfants également n’y coupent pas. Après que leurs parents se soient fait enfermer dans ces centres de redressement, les enfants sont envoyés, eux, dans des camps d’endoctrinement où l’utilisation de l’Ouïghour y est prohibée et où iels recevront une « éducation patriotique ». Plus de 500.000 enfants sont enfermés dans ce genre de camps. « Les gens ont l’air d’avoir oublié l’Holocauste. Pourtant c’est bien un Holocauste qui se passe sous nos yeux au XXIe siècle. On enferme des hommes dans des camps de concentration où ils font du travail forcé, on fait des tests sur eux, on leur prélève leurs organes et on force les femmes à se marier à des Han » dénonce ErkinSidick, membre du World UyghurCongress.

Le China Tribunal, un tribunal indépendant, a mené son enquête en 2019 sous l’impulsion du collectif ETAC (End Transplant Abuse).Le verdict est sans appel :

« Les membres du tribunal sont certains – à l’unanimité et au-delà de tout doute raisonnable – qu’en Chine les prélèvements forcés d’organes auprès de prisonniers d’opinion ont été pratiqués pendant une période substantielle et impliquant un grand nombre de personnes. »

Selon la même enquête, cet horrible trafic rapporterait quelques milliards de dollars par an.

 

Et que dire de ce business à l’écoute d’Emma Reilly, avocate des Droits Humains aux Nations-Unies, et qui confesse qu’à plusieurs reprises, son supérieur juridique a partagé des noms d’activistes Ouïghours au gouvernement chinois. Ce dernier aura tôt fait de retrouver la famille de ces militant∙e∙s et de leur rendre une visite musclée. Au lieu d’aider les ressortissant∙e∙s Ouïghour∙e∙s venant voir les Nations-Unies en quête de soutien, les Nations-Unies livrent directement celleux-ci au gouvernement chinois. Emma Reilly tente depuis 2013 d’éveiller les consciences face à cette problématique. Elle a tenté de poursuivre les Nations-Unies pour “complicité dans un génocide“, seulement elles bénéficient d’une immunité diplomatique et sont donc inattaquable. Les Nations-Unies disposent d’une cour d’arbitrage interne, où Emma Reilly a porté plainte.
Lors du procès, les Nations-Unies se défendent en avançant : “Qu’il n’est pas raisonnable de la part d’Emma Reilly de penser que les principes de Droits Humains et même le principe de ‘ne pas blesser’ pourraient surpasser la possibilité de meilleures relations politiques avec la Chine.” 
Et Emma Reilly de conclure que les Nations-Unies ont ajoutés qu’ils avaient le droit de mentir quant aux allégations de coopération avec le gouvernement chinois. Ce qu’ils ont fait lorsque d’autres membres ont, également, portés plainte.
Emma Reilly a de nombreuses preuves : des mails, des enregistrements des audiences en cause et les déclarations de ses supérieurs. Rien n’a été mis en place pour endiguer cette mortelle collaboration. Désormais écartée de ses fonctions par les Nations-Unies, Emma Reilly en appelle à une réaction publique internationale. Selon ses déclarations, les Nations-Unies sont coupables de complicité dans un génocide et doivent être traduits en justice.
Que dire de la participation concrète et active d’une organisation supra-nationale à des sévices contre lesquelles elle est censée lutter ? Et comment ne pas s’insurger face à l’impunité criminelle de cette situation ?