LE PROCES ASSANGE, UN PROCES EQUITABLE ? (2019-2020)

JULIAN ASSANGE, UNE VIE
Épisode 33

Sous la férule de la magistrate Emma Arbuthnot, la procédure d’extradition de Julian Assange vers les États-Unis démarre dès son expulsion de l’ambassade. Et se poursuit pendant qu’il purge à Belmarsh sa peine de 50 semaines pour avoir rompu les conditions de sa libération conditionnelle en 2012.

Très vite l’équipe de Wikileaks évoque un conflit d’intérêts.
Très vite l’équipe de Wikileaks évoque un conflit d’intérêts. En cause, rien moins que le mari et le fils d’Emma Arbuthnot. Le premier, James Norwich Arbuthnot, est un membre conservateur de la Chambre des Lords. Entre 2005 et 2014, il a présidé le Comité spécial de la défense qui supervise le ministère de la Défense et les forces armées britanniques. Il était en poste lors des opérations militaires en Afghanistan et en Irak, dont WikiLeaks a révélé des aspects criminels. En outre, il a été lié à des sociétés de défense ou de sécurité britanniques et leurs dirigeants, dont des agissements douteux ont aussi été mis en lumière par Wikileaks.

Ce n’est pas tout ! Le fils d’Emma Arbuthnot est concerné lui aussi : Alexander Arbuthnot est vice-président de Vitruvian Partners depuis décembre 2018. Cette société anti-fuites de données a été créée par les services de renseignement britanniques, en réponse aux fuites de Chelsea Manning vers WikiLeaks et aux leaks d’Edward Snowden. Son personnel est composé de fonctionnaires recrutés directement par la NSA et la CIA !

Toute la famille, et la juge elle-même donc, est liée à des sociétés, des groupes, des think thank  qui se sont prononcés en termes violents ou ont même agi contre Assange et Wikileaks
Et ce n’est encore pas tout ! Toute la famille, et la juge elle-même donc, est liée à des sociétés, des groupes, des think thank  qui se sont prononcés en termes violents ou ont même agi contre Assange et Wikileaks. La juge a bénéficié d’avantages financiers dans le cadre de ces activités.

Emma Arbuthnot a refusé de se récuser, elle a refusé de reconnaître tout biais dans ses jugements, et il n’a pas été question de réviser ses décisions antérieures qui ont été défavorables à Julian. Par exemple, quand il a demandé l’abandon de la procédure d’extradition vers la Suède une fois que la Suède a clos son enquête, elle a rejeté cette demande, et jugé qu’un mandat d’arrêt pour une affaire inexistante était toujours valable…. Ou encore, elle a rejeté les conclusions du Groupe de travail des Nations Unies sur la détention arbitraire qui avait jugé « arbitraire » la détention de Julian, et elle a qualifié son séjour à l’ambassade de “volontaire”.

Emma Arbuthnot est bel et bien restée à la tête de tout le procès
Mais sous la pression de toutes ces révélations, elle a fini par renoncer à présider elle-même les audiences, et désigné la Juge Baraitser pour la remplacer. Mais Emma Arbuthnot est bel et bien restée à la tête de tout le procès. Et elle vient d’être nommée à la cour d’appel, qui serait compétente si jamais la défense de Julian doit faire un recours contre la décision du 4 janvier.

Les lecteurs de WANTED sont désormais coutumiers de la partialité des juges de Julian Assange, ainsi que des manipulations des procureurs britanniques et suédois (WANTED 17, 31 et 30)… Mais ce n’est toujours pas tout : 2 personnalités politiques concernées par le processus d’extradition sont elles aussi associées d’une manière ou d’une autre aux activités de ces groupes, sociétés et think tanks, qui sont les adversaires acharnés de WikiLeaks. L’ancien Secrétaire d’État à l’Intérieur, Sajid Javid, qui a signé l’ordonnance d’extradition de Julian Assange vers les États-Unis le 13 juin 2019 – ce qui a déclenché la procédure judiciaire en cours. Et l’actuelle Secrétaire d’État à l’Intérieur, Priti Patel, qui doit intervenir à une étape ultérieure de la procédure.

Les entretiens de Julian et de son équipe de défense ont été espionnés dans l’ambassade
Le caractère équitable du procès de Julian n’a pas été violé que par les conflits d’intérêt de ses juges. Le « privilège avocat-client » – la protection légale des communications entre un avocat et son client et de leur caractère confidentiel – a été enfreint à de nombreuses reprises. Les entretiens de Julian et de son équipe de défense ont été espionnés dans l’ambassade, ses notes et son ordinateur – qui contenaient sa ligne de défense – ont été confisqués de manière illégale et envoyés par l’Équateur… aux États-Unis (WANTED 30).

De plus, depuis son séjour à Belmarsh, de multiples obstacles ont entravé la préparation de sa défense – privation de ses lunettes de lecture, pas d’ordinateur jusqu’en juillet 2020 – et puis juste en lecture seule -, entraves aux rencontres et communications avec ses avocats… En outre, son aptitude à se défendre s’est dégradée avec son état psychologique. Et cette situation s’est aggravée en raison des traitements inhumains et dégradants subis à Belmarsh. Pour ne prendre qu’un exemple, le 22 février 2019, jour d’ouverture du procès, les autorités pénitentiaires l’ont en une seule journée menotté à 11 reprises, transféré dans 5 cellules différentes, fouillé à deux reprises et lui ont confisqué ses documents juridiques privilégiés. Sans surprise, la juge Baraitser a refusé d’intervenir auprès des autorités pénitentiaires pour qu’elles garantissent à Julian les conditions élémentaires de l’égalité des parties au procès – un des aspects du droit à un procès équitable.

Dans son rapport au gouvernement britannique sur le traitement réservé à Julian Assange, le rapporteur spécial des Nations Unies, Nils Melzer écrit :

Aucun observateur objectif ne peut échapper à la conclusion que les droits de M. Assange à une procédure régulière ont été sérieusement, systématiquement et délibérément violés à chaque phase de chaque procédure judiciaire menée contre lui dans toutes les juridictions concernées.
Il prêche dans le désert. Les gouvernements concernés rejetteront tous ses conclusions, ne daignant même pas répondre aux questions nombreuses et précises que le rapporteur leur pose.

 

Belgium4Assange

Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir

Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.

A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes.

Sources / Pour en savoir plus

Sur les conflits d’intérêt

https://www.dailymaverick.co.za/article/2019-11-14-julian-assanges-judge-and-her-husbands-links-to-the-british-military-establishment-exposed-by-wikileaks/

https://www.dailymaverick.co.za/article/2020-09-04-as-british-judge-made-rulings-against-julian-assange-her-husband-was-involved-with-right-wing-lobby-group-briefing-against-wikileaks-founder/

https://www.dailymaverick.co.za/article/2019-11-15-conflicts-of-interest-judge-in-julian-assange-case-fails-to-declare-sons-links-to-uk-and-us-intelligence/

https://twitter.com/WISEUpAction/status/1205163940436750342

https://www.wsws.org/fr/articles/2019/07/12/arbu-j12.html

https://www.dailymaverick.co.za/article/2020-02-22-uk-minister-who-approved-trumps-request-to-extradite-assange-spoke-at-secretive-us-conferences-with-people-calling-for-him-to-be-neutralized/

 

Lettre aux autorités suédoises de Nils Melzer, rapport spécial des NU à la torture :

https://www.lawyersforassange.org/fr/open-letter.html

 

Autres enfreintes au droit à un procès équitable :

https://www.lawyersforassange.org/fr/open-letter.html