Coup de tonnerre dans le paysage juridique : ce 21 juin, la Cour constitutionnelle recalait la loi réformant l’aide juridique de deuxième ligne de Koen Geens, qui avait mis fin au principe de gratuité de l’aide juridique. Un arrêt qui met un « stop » à une dérive dangereuse, et qui est riche d’enseignements… Tour d’horizon sur le « pro-deo » et derrière lui, sur les tendances politiques de fond qui traversent monde judiciaire et droits fondamentaux.
Justice protectrice et justice répressive : un même droit à être défendu·e
Comme le souligne très justement Manuela Cadelli dans son dernier ouvrage Radicaliser la justice, deux récits s’entrechoquent pour cerner le monde judiciaire. Pour certain·e·s, la Justice, c’est le troisième Pouvoir, levier de démocratie, instituée pour rétablir un équilibre et trancher en équité, à même d’éviter le rapport de force auquel sont livré·e·s entre elles et eux les êtres humains.
A ce récit historique issu des Lumières s’oppose bien souvent la justice portée par le récit de gens qui, particulièrement les plus précaires, voient plus souvent dans le droit et le juge le contrôle social, la correction normative, l’expression civile ou pénale de la fonction répressive d’un Etat aux règles construites par les notables et les puissant·e·s : la justice de classe.
Que la justice soit vue comme levier de protection ou de répression, ce qui est certain, c’est que droit, justice et système judiciaire sont complexes. L’accès au droit ou aux droits est rendu difficile, dans bien des cas impossible, sans la présence d’un avocat. Nos sociétés modernes se sont fondées sur l’affirmation de l’égalité entre êtres humains. Si l’effectivité de ce principe est bien souvent remise en cause quand il est confronté aux faits, son idée même serait ébranlée si notre société comportait une catégorie d’êtres humains pouvant être défendue par un·e avocat·e, et une autre qui en serait dépossédée.
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Merlin Gevers
Cour constitutionnelle, 21 juin 2018, arrêt n°77/2018, disponible en ligne : http://www.const-court.be/public/f/2018/2018-077f.pdf
Cette chronique prend son origine dans une analyse de l’arrêt de la Cour réalisée pour le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, au sein duquel je travaille.
Elle est aussi l’occasion de remercier Marie Doutrepont et Catherine Forget, avocates des requérant·e·s, et les associations à l’origine du recours, dont le travail de longue haleine auront permis de rétablir la gratuité de l’aide juridique pour les personnes les plus précaires : Syndicat des Avocats pour la Démocratie, Aimer Jeunes, Association pour le droit des Etrangers, Association Syndicale des Magistrats, ATD Quart Monde Belgique, Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté, Bureau d’Accueil et de Défense des Jeunes, Coordination et Initiatives pour et avec les Réfugiés et Etrangers, Défense des Enfants – International – Belgique – Branche francophone (D.E.I. Belgique), Intact, Ligue des Droits de l’Homme, luttes solidarités travail, Medimmigrant, ORCA : Organisatie voor clandestiene arbeidsmigranten, Point d’appui– Service d’aide aux personnes sans papiers, Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, Service d’Action Sociale Bruxellois, Service International de Recherche, d’Education et d’Action sociale, Vlaams Netwerk van verenigingen waar armen het woord nemen, Vluchtelingenwerk Vlaanderen ; et Dominique Andrien.