Le 24 février dernier, le nouveau Secrétaire d’État, Antony Blinken, a fait officiellement savoir que les USA comptaient briguer un siège au Conseil des Droits Humains de l’ONU. En effet, 1/3 des membres doit être renouvelé en janvier 2022 pour un nouveau terme de 3 ans. Ce conseil est un organe intergouvernemental chargé de renforcer la promotion et la protection des Droits Humains sur la planète.
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En attendant le futur scrutin, ils auront le statut d’« observateur », avec voix consultative uniquement… Relayant l’Associated Press, le Guardian indiquait que les États-Unis lorgnaient sur l’un des sièges qui devrait être libéré par l’Autriche, le Danemark ou l’Italie.C’est l’Assemblée générale de l’ONU qui, au mois d’octobre, devra opérer le choix définitif des 47 membres du Conseil des Droits Humains : la campagne est donc d’ores et déjà lancée…
Selon les termes du communiqué officiel,
Joe Biden avait fait de ce sujet l’un des thèmes de ce qui était alors une autre campagne, celle des présidentielles, souhaitant rompre définitivement avec la « tweetdiplomacy » l’unilatéralisme forcené de son prédécesseur. En juin 2018 en effet, Trump avait décidé de retirer son pays du Comité des Droits Humains. C’était par ailleurs la première fois qu’un membre quittait « volontairement » cette assemblée…, mais ce n’était guère le premier coup d’essai de Trump puisque, sous sa présidence, les États-Unis ont notamment pris leurs distances avec l’accord de Paris sur le climat, avec l’accord nucléaire avec l’Iran, avec l’OMS ou encore l’UNESCO.
Relayée par le New York Times, l’ambassadrice auprès des Nations Unies, Nikki R. Haley, avait alors justifié à la tribune de l’ONU la position américaine par une attitude jugée beaucoup trop focalisée sur Israël : « Plus tôt au cours de cette année, comme les années précédentes, le Conseil des Droits Humains a passé cinq résolutions contre Israël, plus que le nombre passé contre la Corée du Nord, l’Iran et la Syrie tous ensemble ». Elle chargeait encore davantage la barque : « (…) cette interminable hostilité à l’égard d’Israël est une preuve évidente que le Conseil est motivé par des préjugés politiques, pas par les Droits Humains ».
Près de 3 ans plus tard, face à la volonté affichée par l’administration Biden de ne plus jouer la politique de la chaise vide dans les instances internationales, l’opposition républicaine reste farouche. Ainsi, reprenant les mêmes arguments à l’égard d’Israël, 40 député∙e∙s républicain∙e∙s ont adressé, début février, une lettre au président Biden lui enjoignant de ne pas réintégrer le Conseil des Droits Humains et de ne pas y cautionner en outre la présence en son sein de nations aux mœurs plus que « légères » en la matière pourtant parfois soutenues à bout de bras par le pouvoir sortant. La tentative aura donc été un salutaire coup d’épée dans l’eau…
Observateur attentif de ce sujet brûlant, le blog Middle East Eye citait le 24 février dernier Martin Konecny, le directeur de l’European Middle East Project, dont le propos visait à relativiser le poids du Conseil des Droits Humains, en faisant judicieusement remarquer que les USA avaient plus que régulièrement usé de leur droit de veto au Conseil de Sécurité de l’ONU, et ce dans le but de contrecarrer les résolutions condamnant la politique israélienne à l’égard des Palestinien∙e∙s…
Quoi qu’il en soit, il semble effectivement y avoir un frémissement, un changement de ton et de positionnement diplomatique du côté de Washington. L’avenir et l’analyse des faits nous diront s’il est question d’un simple repositionnement stratégique, ou bien d’un réel reset diplomatique de la part de Washington au bénéfice des Droits Humains.
L’avenir nous dira également si, suite à l’« affaire Khashoggi » et à d’autres manquements graves, l’Arabie saoudite conservera son siège dans le concert des nations soucieuses de la protection des Droits Humains… Au côté des USA ?
Serge Fillot
[1] Interview à Alternatives internationales, n° 25, juin 2005 – G.SALAMÉ a dirigé un ouvrage très éclairant sur la question de la démocratie, dans le Monde arabe, mais aussi de façon globale, intitulé Démocraties sans démocrates. Politiques d’ouverture dans le monde arabe et islamique, Fayard, 1994.