Disparitions en tous genres, nominations étranges, troublantes coïncidences.  

Affaire Verbruggen. 
Les suites de notre enquête (13ème article).

Rappel

Cela fait maintenant dix-neuf années que cinq des sept héritiers du richissime notaire bruxellois Robert Verbruggen ont déclaré une succession de 117.000 euros, déclaration à faire se retourner dans sa tombe n’importe quel notaire ou n’importe quel fonctionnaire des impôts.

Cela fait plus de huit années que l’administration fiscale belge a procédé à deux saisies conservatoires totalisant plus de 32 millions d’euros et toujours renouvelées.

Quant à la justice, elle semble avoir l’éternité pour elle.
Et pendant ce temps, la Région Bruxelles-Capitale attend, impavide (le dictionnaire des synonymes propose pour cet adjectif un large éventail qui va d’indifférent, serein à peinard : le lecteur fera son choix), d’encaisser de 50 à 100 millions de droits de succession une fois que l’administration fiscale fédérale, toujours responsable du recouvrement et du contentieux en la matière, verra ses actions passées ou à venir, déterminées ou irrésolues, couronnées de succès. 

Quant à la justice, elle n’est toujours pas parvenue à faire émerger la vérité ni à imposer aux cinq héritiers qu’ils produisent les pièces nécessaires pour que l’expert et le notaire judiciaires nommés pour liquider la succession puissent y parvenir.           

L’affaire Verbruggen, toujours non éclaircie, a ceci de particulier que son extrême longueur est parsemée de disparitions en tous genres, de nominations étranges ainsi que de coïncidences troublantes. Tout change, mais rien ne change et certaines personnes clés réapparaissent quelques années après, dans d’autres rôles. Quant à la justice, elle semble avoir l’éternité pour elle.

 

Une héritière décède avant la liquidation de la succession.

Christiane, qui faisait partie de la bande des cinq réfractaires aux droits de succession,  a décidé de faire bande à part, de manière radicale, en décédant brutalement le 24 novembre 2020 ou le 22 novembre 2020, selon que l’on se réfère à l’avis d’obsèques publié par une partie de la famille ou que l’on donne crédit à l’administration fiscale dans les dernières conclusions qu’elle a déposées dans le cadre du nième calendrier d’échanges entre les parties, destinés à aboutir à la liquidation de la succession : à croire que cette famille a décidément des problèmes avec les chiffres dès qu’il s’agit de procéder à des déclarations légales, qu’elles soient de  succession ou de décès.

Christiane connaissait par cœur les sociétés qui abritaient l’immense fortune constituée par son père notaire au sein de trois sociétés de droit belge et d’une de droit Liechtensteinois. Elle en était administratrice (sauf pour celle immatriculée au Liechtenstein) et en assurait le secrétariat. Elle était en outre exécuteur testamentaire en compagnie de son frère Marc, une responsabilité assumée de manière pour le moins « inédite » en complète contravention avec les obligations qui incombent à un exécuteur testamentaire.

Que vont faire ses quatre héritières ?
Que vont faire ses quatre héritières ? Rejoindre les quatre militants de l’évasion fiscale aux droits de succession ou au contraire renoncer à un héritage qui pourrait bien se révéler empoisonné ? On ne le sait pas encore, mais cela ne saurait tarder puisque la planification sempiternelle d’échanges de conclusions qui rythme depuis tant d’années l’impuissance judiciaire devrait nous le révéler en février 2021.

Quant au dernier souvenir que garderont ceux qui étaient présents lors de la dernière audience judiciaire du 9 octobre 2020, ce sera celui du phénoménal écho donné par la Coupole du Palais de Justice aux impitoyables accusations proférées par son frère Jack lors du transport de toutes les parties vers une salle d’audience adaptée au huis clos souverainement décidé par la Présidente de la Chambre en charge de l’audience : un huis clos qui ne l’aura donc pas été complètement

 

D’autres disparitions d’acteurs clés.

Point n’est besoin de mourir pour disparaître de la scène, volontairement ou non, après y avoir joué un rôle déterminant. C’est notamment le cas de trois d’entre eux.

La juge d’instruction, disparue au Sénégal après avoir quitté la magistrature.

On vous a déjà raconté l’histoire de Silviana Verstreken[1], qui a laissé en plan la magistrature pour s’évader au Sénégal avec le compagnon de sa greffière, baroudeur mal à l’aise avec les contraintes légales. L’aventurier y laissera sa peau dans des circonstances plus que mystérieuses. Ses parents désemparés font face à une justice belge qui semble les regarder de haut, à une justice sénégalaise qui tourne en rond, toutes deux semblant engagées dans un concours de lenteur cependant que l’Ordre professionnel des avocats n’est pas en reste dans l’attitude hautaine qu’elle manifeste. L’ex-juge d’instruction revenue en Belgique troquera l’immense réserve animalière de Bandia au Sénégal contre le parc zoologique de Pairi Daiza et a ainsi tout loisir de réfléchir aux raisons qui l’ont poussée notamment  à faire disparaître non seulement les preuves qui auraient permis de régler cette affaire d’évasion fiscale aux droits de succession de manière très rapide, mais aussi à ne jamais exécuter les quatre commissions rogatoires qu’elle avait pourtant ordonnées au Luxembourg, en Suisse, aux Pays-Bas et en Allemagne.

 

La magistrate, cheffe de la section financière du Parquet de Bruxelles, nommée aux Affaires Etrangères.     

Le 27 janvier 2011, la 49ème Chambre du Tribunal de Première Instance de Bruxelles condamne la bande des cinq à 5 mois de prison avec sursis.

Elle est devenue la magistrate de référence en matière de blanchiment d’argent.
Substitut du Procureur du Roi, Laure du Castillon y représente donc la société et en défend les intérêts. L’affaire Verbruggen est entre de bonnes mains, celles de la cheffe de la section financière du Parquet de Bruxelles. Elle est jeune, mais son expérience est déjà bien fournie. De septembre 1990 à août 2001, elle a été avocate au sein du Cabinet Janson. Dans le même temps, elle est Professeure Assistante à l’UCL (Université Catholique de Louvain). Elle devient ensuite Magistrate pendant 10 années et prend la responsabilité de la section financière du Parquet. Pendant qu’elle travaillait sur l’affaire Verbruggen, elle menait aussi l’enquête sur les avoirs de l’ex-Président Ben Ali et participait à l’élaboration de la plateforme de partage opérationnel sur les avoirs de l’ex-Président et de sa famille, ce qui avait notamment conduit à la saisie conservatoire de comptes bancaires et d’un immeuble à Bruxelles appartenant à des proches de Ben Ali, dans le cadre de deux informations judiciaires ouvertes sur des soupçons de blanchiment et de corruption. Elle est devenue la magistrate de référence en matière de blanchiment d’argent.

Dans l’affaire Verbruggen, son réquisitoire de « confiscation spéciale » du 15 décembre 2010 demande la confiscation des actions détenues dans les coffres de la KB LUX au nom du notaire décédé Robert Verbruggen ainsi que toutes les autres actions des sociétés dans lesquelles le notaire a logé sa fortune, « en quelques mains qu’elles se trouvent ». Le réquisitoire précise que

la confiscation à 100% des actions est justifiée dans le but de prévenir de nouveaux délits envers la masse successorale, dans l’attente du partage qui sera déterminé par les juridictions civiles.

Laure du Castillon requiert 10 mois de prison avec sursis à l’encontre des 5 héritiers et demande la requalification d’abus de confiance en vol, relativement aux actions qui ne figuraient pas dans la déclaration de succession du père et qui avaient fait ensuite l’objet de donations à la bande des cinq par leur mère décédée le 31 décembre 2005.

On le sait[2], les cinq seront finalement condamnés à 5 mois de prison avec sursis, puis la Cour d’Appel (c’est l’avocat général Jean-François Godbille qui officie alors) les innocentera complètement le 18 septembre 2012 au bénéfice du doute et en écartant toutes les présomptions civiles et fiscales et la Cour de Cassation confirmera le jugement d’Appel le 06/03/2013.

C’est en juillet 2013 que Laure du Castillon quitte le Parquet de Bruxelles, suite à sa nomination au Ministère des Affaires Etrangères en tant que Procureure Générale détachée à la « Gouvernance Internationale ». Le détachement dure puisqu’elle y est toujours. Elle est experte dans la lutte contre la corruption transnationale à grande échelle, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. A ce titre, elle est impliquée dans la coordination nationale et internationale avec l’Union Européenne et les agences internationales concernées.

« sortez de la justice bruxelloise, vous n’obtiendrez jamais rien d’elle »
Aux dires de Luc Verbruggen, consultables depuis des années sur son site, elle lui aurait confié, le 24 avril 2013, avoir été approchée par sa hiérarchie pour aller en première instance dans le sens de ce que l’avocat général Godbille a défendu ensuite en appel, en concluant ses propos ainsi :« sortez de la justice bruxelloise, vous n’obtiendrez jamais rien d’elle ».  Sa nomination aux Affaires Etrangères, selon ces dires, aurait même été précédée d’une mise à l’écart consistant à s’occuper des infractions de roulage. Ce dernier point est malheureusement invérifiable sur les bases de données disponibles, afférentes au déroulement de carrière des magistrats, qui à l’heure actuelle sont disponibles pour la période 1830-1920 et qui si tout va bien le seront cette année pour la période 1920-1945. On s’en tiendra donc à remarquer que la date de détachement de Laure de Castillon aux affaires étrangères pour s’occuper de blanchiment au niveau international succède de peu au… blanchiment de la bande des cinq, en Appel puis en Cassation.

Alors, concours de circonstances ou mise au placard (doré) ?

 

Le départ à la retraite de l’avocat général qui avait blanchi la bande des cinq, blanchi à son tour après son implication dans le Kazakhgate.

Le blanchiment est partout dans cette histoire ! 
Le blanchiment est partout dans cette histoire ! Le 14 octobre 2020, l’ex-Avocat Général Jean-François Godbille et donc ex-défenseur de l’intérêt général, depuis peu à la retraite, apprend que la Cour de Cassation confirme à son égard le bénéfice du non-lieu à propos du don effectué par la sulfureuse avocate de Patokh Chodiev (affaire du Kazakhgate), Me Françoise Degoul, à destination des œuvres de la Princesse Léa, don qui avait finalement atterri dans une association scoute que Jean-François Godbille présidait. Sans entrer dans le détail de cette affaire ténébreuse, rappelons que le virement des 25.000 euros à l’asbl scoute est intervenu quelques mois après la signature, le 17 juin 2011, de la fameuse transaction pénale entre le trio kazakh d’hommes d’affaires impliqué et le parquet général de Bruxelles, dont Jean-François Godbille est un éminent membre. Une transaction controversée qui a donné lieu à une enquête parlementaire qui s’est terminée[3] en mars 2018 par un vote majorité contre opposition sur un rapport final aux conclusions « rabotées ».

En appel, dans l’affaire Verbruggen, c’est ce même Jean-François Godbille qui, dans sa fonction de défenseur de l’intérêt général, avait néanmoins trouvé le moyen dans son réquisitoire verbal de déclarer entre autres que : « Le fisc n’a pas sa place ici », « qu’une fausse déclaration de succession n’est pas un faux en écriture ». La Cour d’Appel présidée par le juge Luc Maes (parti lui aussi à la retraite, en octobre 2019) avait décidé, le 18 septembre 2012, de l’acquittement général des cinq héritiers après avoir considéré que le véritable précis d’évasion fiscale écrit par l’avocat spécialisé en planification successorale Emmanuel de Wilde d’Esmaël n’était ni plus, ni moins que la somme de « conseils judicieux et parfaitement légaux » .

Comme Laure de Castillon, Jean-François Godbille est spécialisé dans la criminalité financière et a précédé cette dernière de quelques années en devenant Substitut du Procureur en 1985 à Bruxelles avant de rejoindre la Cour d’Appel en 2002.

Ces deux spécialistes de la criminalité financière sont parvenus à des conclusions totalement opposées à propos du même dossier. 
Et pourtant, ces deux spécialistes de la criminalité financière sont parvenus à des conclusions totalement opposées à propos du même dossier. On ne parle pas de nuances entre les deux, mais de véritable gouffre qu’il est impossible de comprendre à propos d’un dossier qui ne peut être considéré comme complexe sur le fond. On a également quelque mal à comprendre que les réquisitions de première instance de Laure du Castillon, invalidées en appel par Jean-François Godbille, aient pu la conduire à une promotion au Ministère des Affaires Etrangères et l’on revient à la question : promotion ou placard doré ? On se serait plutôt attendu à l’inverse, ce qui n’aurait par la suite pas manqué de sel : un Procureur Général détaché auprès du Ministère des Affaires Etrangères sur le thème de la « Gouvernance Internationale », faisant l’objet d’une instruction judiciaire pour des faits de corruption passive et de trafic d’influence, à propos d’une affaire vraiment très internationale.

 

Laure du Castillon, magistrate que l’on préfère détachée au Ministère des Affaires Etrangères plutôt que Procureure au Parquet Européen. 

Au Ministère des Affaires Etrangères, Laure du Castillon appartient maintenant depuis près de dix ans à la Direction Générale des Affaires Multilatérales et de la Mondialisation (DGM) dont les compétences sont subdivisées en huit domaines. Elle agit au sein du quatrième domaine (M4) intitulé « Direction Gouvernance Internationale » qui a en charge de gérer, promouvoir et coordonner la politique belge dans les domaines de la coopération économique et financière internationale, de la lutte contre le crime organisé international dans le secteur financier, le cyberespace et l’Etat de droit (lutte contre la corruption, le blanchiment d’argent et le crime organisé).

La création d’un Parquet européen et la désignation, par chacun des 22 membres (parmi les 27) de l’Union européenne qui l’ont décidé, d’un magistrat pour le représenter est une occasion unique pour elle et pour son pays de faire valoir à la fois son expérience de terrain et ses connaissances accumulées depuis des années de l’ensemble des institutions qui luttent contre la corruption et la criminalité financière. Naturellement, elle se porte candidate pour représenter son pays au sein de cette nouvelle institution.

Un terrain que Laure du Castillon connaît à la perfection depuis des dizaines d’années
Le parquet européen sera le premier parquet indépendant et décentralisé de l’Union, habilité à rechercher, poursuivre et traduire en justice les auteurs d’infractions portant atteinte au budget de l’Union européenne, comme la fraude et la corruption. Ses magistrats, investis de pouvoirs importants, sont des spécialistes des matières économiques et financières. La création de ce parquet fait écho à des revendications anciennes, nées des difficultés majeures qu’ont les pays européens à traiter les fraudes transnationales graves, les délinquants en col blanc étant bien au fait des lourdeurs des justices européennes quand il s’agit de communiquer entre elles : bref, un terrain que Laure du Castillon connaît à la perfection depuis des dizaines d’années

Le Ministre de la Justice Koen Geens avait lancé un appel public le 25 janvier 2019 auquel six candidats avaient répondu, tous entendus par le Collège des procureurs généraux et par le procureur fédéral. Les lecteurs assidus de l’enquête sur l’affaire Verbruggen noteront qu’outre Laure de Castillon, deux autres des prétendants suivants ont été acteurs dans l’affaire Verbruggen :

-Jean-Pascal Thoreau, magistrat fédéral délégué à Eurojust (Unité de Coopération Judiciaire de l’Union Européenne, chargée de renforcer la coopération judiciaire entre les Etats membres) auprès duquel la juge d’instruction Silviana Verstreken a dû aller récupérer son dossier d’instruction (voir infra).

-Olivier Coene, substitut du Procureur du Roi de Bruxelles, connu pour avoir traité du dossier Fortis et dont nous n’allons pas manquer de parler dans un prochain article.

-Laure du Castillon, pour laquelle il faut souligner, en sus des qualités déjà explicitées, sa parfaite maîtrise de la langue anglaise, très importante pour la fonction à exercer.

-Patrick Carolus, avocat général à la Cour d’Appel de Bruxelles qui a été le successeur en 2010 de Paul Dhaeyer à la tête de la cellule Ecofin du parquet de Bruxelles

-Jean-Marc Verelst, avocat général près la Cour d’Appel de Bruxelles, représentant le ministère public lors du procès de la KB Lux, passé quelques mois au Cabinet du ministre de la justice Koen Geens et actuel directeur de l’Office Central pour la Saisie et la Confiscation (OCSC)

– Yves Van Den Berghe : directeur de cabinet adjoint du Ministre Koen Geens, en charge de la  réforme pénale, sans expérience connue en matière financière, mais ayant attiré l’attention des médias en tant qu’avocat général lors du procès de Kim De Gelder, le tueur de la crèche de Termonde en 2009, devant les assises de Flandre Orientale en 2013. La langue anglaise ne semble pas être une de ses spécialités.

Le collège des procureurs généraux qui devait formuler un avis sur les candidatures, après avoir entendu tous les prétendants, avait retenu les dossiers de Yves Van Den Berghe (le seul à obtenir un avis très favorable), Jean-Pascal Thoreau (avis favorable) Patrick Carolus, Jean-Marc Verelst. Olivier Coene et Laure du Castillon étaient eux passés à la trappe et se sont vu notifier le rejet de leurs candidatures le 29 mars 2019. Le ministre de la Justice Koen Geens a ensuite écarté la candidature de Jean-Pascal Thoreau pour ne retenir in fine que les candidatures de Yves Van Den Berghe, Patrick Carolus et Jean-Marc Verelst. C’est ce trio qui a été proposé par le gouvernement fédéral à l’Union Européenne pour audition par la Commission ad hoc composée de magistrats européens, en charge d’émettre un avis, non contraignant, pour les prétendants de chacun des 22 pays. L’audition des trois candidats proposés a donné lieu à l’ordre suivant de classement : Jean-Marc Verelst, puis Patrick Carolus et enfin en dernier Yves Van Den Berghe.

La Belgique est devenue avec la Bulgarie et le Portugal le troisième pays à ne pas respecter l’avis incitatif non contraignant de la commission ad hoc
Passant outre l’avis non contraignant de la commission ad hoc, c’est le dernier classé par cette dernière qui est imposé par le gouvernement fédéral et son Ministre de la justice Koen Geens. Yves Van Den Berghe est donc désigné pour représenter la Belgique lors de la tenue d’un sommet européen sur la justice le 19 décembre 2019 officialisant les 22 procureurs désignés, en présence de Koen Geens. C’est ainsi que la Belgique est devenue avec la Bulgarie et le Portugal le troisième pays à ne pas respecter l’avis incitatif non contraignant de la commission ad hoc constituée à cet effet.

A noter que le Parquet européen débutera en principe son activité vraisemblablement en mars 2021, en retard par rapport à ce qui était prévu.

 

Laure du Castillon ne se laisse pas faire et dépose un recours devant le Conseil d’Etat.

Son avocat, le célèbre Marc Uyttendaele, dont nos sources indiquent qu’il l’aurait déjà défendue avant son détachement auprès du Ministère des Affaires Etrangères en 2013, dépose en juillet 2019 un recours devant le Conseil d’Etat et demande la suspension et l’annulation de la décision prise par le gouvernement fédéral et son ministre de la Justice.

Le recours est principalement fondé sur l’absence d’une procédure de sélection des candidats claire, sur des procédures de décision prises par un gouvernement démissionnaire, en affaires courantes, alors que le choix du représentant belge ne peut être considéré comme urgent et enfin sur le fait que Koen Geens aurait été partial dans cette affaire en privilégiant deux membres de son cabinet. La requête met enfin en avant le parcours professionnel de la candidate non retenue, particulièrement idoine au regard de la mission pour laquelle elle postulait.

La demande de suspension a été finalement rejetée par le Conseil d’État, fin octobre 2019. Cependant, l’auditeur devant le Conseil d’État a estimé qu’un des moyens invoqués était fondé. Nous n’avons pas connaissance des suites données à ce jour, ni de l’issue définitive.

 

Laure de Castillon fait des émules : le candidat sélectionné numéro un par la commission ad hoc instaurée par l’Union européenne dépose à son tour un recours, devant le Tribunal de l’Union européenne.

L’avocat de Jean-Michel Verelst, Me Cédric Molitor, a confirmé le 08 janvier 2021 avoir entamé un recours en annulation de la décision prise par le Conseil de l’Union européenne (UE) d’entériner la nomination du procureur belge auprès du Parquet européen.

Ce recours, déposé en octobre 2020 contre la décision du Conseil de l’UE validant la procédure, est porté devant le Tribunal de l’UE, juridiction de première instance de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) basée à Luxembourg.

Selon Me Molitor, seuls trois pays (la Bulgarie, la Belgique et le Portugal) n’avaient pas suivi l’avis du comité de sélection européen, et le Conseil avait alors toléré une procédure complémentaire qui n’était pas prévue dans le règlement sur le Parquet européen.

Outre cette “rupture d’égalité“, le requérant reproche aux autorités de n’avoir pas justifié correctement l’écart par rapport à la décision du comité de sélection. Il assure en outre que la comparaison des titres et fonctions des candidats jouait en faveur de son client, “au regard de sa carrière“.

 

Il n’y a pas que les personnes qui disparaissent, les dossiers aussi !

Première disparition.

Nous sommes le 22 novembre 2007 lors d’une audience de procédure de la chambre du conseil du Tribunal de première instance de Bruxelles, relativement à la plainte déposée par Luc Verbruggen (et son frère Jack) le 12 décembre 2002 à l’encontre de leurs cinq frère et sœurs.

la Présidente de la chambre du conseil, Françoise Mahieu, indique que le dossier Verbruggen a disparu
À l’ouverture de l’audience, la Présidente de la chambre du conseil, Françoise Mahieu, indique que le dossier Verbruggen a disparu. À cette date, il faisait déjà un mètre de haut. Interpellée par Luc Verbruggen, Silviana Verstreken, la juge d’instruction, confirme cette disparition.  Le substitut de Procureur du Roi qui a pourtant la responsabilité de sa garde ne réagit pas. Luc Verbruggen demande alors que ses conclusions et ses pièces déjà communiquées aux parties soient déposées au dossier. La Présidente refuse d’en prendre possession, invoquant le fait que le dossier ayant disparu, il n’était pas possible de les classer.

Se rendant au greffe pour tenter de savoir où se trouvait son dossier, Luc Verbruggen apprend par Mme Sckerlinck que son dossier est entre les mains de Mr le Conseiller à la Cour de Cassation Francis Fischer, sans parvenir à savoir pourquoi et au nom de quelle procédure il pouvait s’y trouver. Les conclusions et pièces de Luc Verbruggen sont, dans un premier temps, acceptées, puis refusées suite à l’intervention de la juge d’instruction Silviana Verstreken qui s’y est formellement opposée.

Cette disparition ne fut que momentanée mais pour autant jamais élucidée. Cela a valu à Luc Verbruggen un courrier du 17 décembre 2007 émis par le premier président de la Cour de Cassation G. Londers lui indiquant que tout cela était mensonger et ce d’autant plus que Mr Fischer ayant été admis à l’éméritat depuis le mois de juin 2007, il n’avait pas pu traiter un dossier judiciaire après cette date.

À ce jour, cette disparition demeure mystérieuse malgré les questions posées au plus haut niveau.

 

Deuxième disparition.

Silviana Verstreken décide de céder à la pression du Barreau et donc de retirer de son dossier d’instruction les pièces à conviction perquisitionnées chez l’avocat
Nous sommes le 20 avril 2004. Silviana Verstreken décide de céder à la pression du Barreau et donc de retirer de son dossier d’instruction les pièces à conviction perquisitionnées chez l’avocat Emmanuel de Wilde d’Estmaël, le planificateur successoral. A qui s’adresse-t-elle ? Au Procureur en charge du dossier de la succession du notaire Robert Verbruggen, Françoise Mahieu (qui prononcera le non-lieu). Et pourquoi ? Parce que dans sa fonction de Procureur, Françoise Mahieu peut demander à son collègue Procureur Jean-Pascal Thoreau le dossier d’instruction de Silviana Verstreken, relatif à la succession du notaire, qu’elle lui a transmis et que celui-ci détient depuis le 10 février 2004. Silviana Verstrecken en a impérativement besoin pour que ses enquêteurs écartent les pièces à conviction et modifient les procès-verbaux existants comme elle leur a demandé expressément par écrit.

Mais pourquoi le Procureur Jean-Pascal Thoreau a-t-il eu besoin d’accéder au dossier de la succession du richissime notaire ? Parce qu’il instruit une affaire où les Verbruggen et notamment les deux frères Luc et Marc sont omniprésents. Et quelle est cette affaire ? SRI, une société gérant des maisons de retraite à propos de laquelle Silviana Verstreken a été saisie d’une plainte déposée par Luc Verbruggen. Jean-Pascal Thoreau enquête lui sur un autre volet de l’affaire SRI à propos d’une autre plainte déposée par Luc Verbruggen le 8 décembre 2003 à l’encontre de quatre personnes physiques et d’une personne morale. Silviana Verstreken n’a pas avancé d’un iota sur la première plainte SRI dont elle est chargée depuis le 23 juin 2000, mais près de 4 années après, son homologue en charge de cet autre volet de l’affaire SRI a besoin pendant plus de 2 mois du dossier d’instruction de la succession du notaire Robert Verbruggen. Mais quel rapport avec SRI ? Que vient faire la succession du notaire dans cette affaire SRI qui concerne la gestion de maisons de retraite ?

 

Troisième disparition

Son dossier a disparu. Il n’a jamais été retrouvé. Cela a permis à l’épouse du notaire défunt de ne pas avoir à prouver qu’elle était propriétaire des titres
Très rapidement après le décès de son père le 12 avril 2002, Luc Verbruggen fait opposition sur les titres des trois sociétés familiales de droit belge et de la société Fidelec immatriculée au Liechtenstein qui appartiennent à son père et remet le dossier complet à la Directrice de l’Office National des Valeurs Mobilières, Madame Staquet. Quelques mois plus tard, cette dernière l’informe que son dossier a disparu. Il n’a jamais été retrouvé. Cela a permis à Claire Gram, l’épouse du notaire défunt, de ne pas avoir à prouver face à l’opposition formée qu’elle était propriétaire des titres. La disparition du dossier était une nécessité pour que la planification successorale imaginée par l’avocat spécialiste Emmanuel de Wilde d’Esmaël puisse fonctionner. Sans cette disparition, la succession aurait pris une toute autre tournure.

 

Comment faire émerger la vérité ?

Près de vingt années après le décès du notaire richissime, la justice est toujours à l’arrêt et n’a toujours pas pris les décisions qui permettraient de contraindre ceux qui détiennent les pièces nécessaires à la valorisation de sa succession et à son partage.

Tous détiennent des informations que la justice n’a pas pu, su, voulu faire émerger
Nombre de professionnels du droit et du chiffre qui ont été acteurs de cette saga et qui le sont encore sont en contact les uns avec les autres. Il suffit de consulter les réseaux sociaux professionnels ou non tels que Linkedin et Facebook pour s’en convaincre. Leur proximité est même impressionnante et tous détiennent des informations que la justice n’a pas pu, su, voulu faire émerger.

Personne ne peut souhaiter qu’il faille recourir aux réseaux sociaux pour faire éclater la vérité. Mais la justice n’y parvenant toujours pas au bout de tant d’années, il a lieu de penser à une solution démocratique, celle consistant à recourir à une commission d’enquête parlementaire qui aura alors tout loisir de convoquer ceux et celles qui doivent l’être, dont certains et certaines sont toujours tenus par un secret professionnel dont ils pourraient se libérer.

Cela s’est fait pour le Kazakhgate dans lequel Armand De Decker, ami intime de Emile Verbruggen, ancien ténor du Barreau, a joué un rôle majeur, tout comme cet ex-ténor a joué un rôle éminent, mais dans l’ombre, dans ce que l’on peut appeler le Verbruggengate.

L’enjeu est de taille : 50 à 100 millions de droits de succession pour la région Bruxelles-Capitale. C’est considérable, d’autant plus en ces temps de pandémie qui font exploser tous les budgets, fédéraux et régionaux.

Et puis, au- delà de ces nécessités financières, il en existe une autre, celle pour les citoyens d’être convaincus qu’ils vivent dans un Etat de droit. Une telle affaire ne leur en donne pas le sentiment. Alors si la justice n’y parvient pas, que leurs représentants élus y parviennent.

Il est temps que le politique mette un terme à ce scandale particulièrement délétère, la justice ne s’en montrant pas capable
Rendez-vous compte, on ne sait toujours pas aujourd’hui ce que rémunéraient les près de 3 millions d’honoraires payés en une seule fois, en 2002, à l’avocat bruxellois de Caluwé au Luxembourg, à partir d’une holding financière immatriculée au Liechtenstein.

Il est temps que le politique mette un terme à ce scandale particulièrement délétère, la justice ne s’en montrant pas capable. D’aucuns voudraient sans doute que tout cela se termine enfin par une transaction à l’abri des regards. Mais pour cela, il faudrait l’unanimité chez les héritiers. Et cela, c’est une autre paire de manches….Heureusement pour ceux qui veulent encore la vérité.

Christian Savestre

Vous pouvez retrouver tous les épisodes de l’enquête sur notre site web

Vous pouvez également télécharger le dossier complet en version PDF

[1] Episode 6 de l’Affaire Verbruggen « Du Parquet de Bruxelles à la réserve de Bandia au Sénégal, puis retour précipité en Belgique : l’itinéraire tourmenté de la juge d’instruction Silviana Verstreken »

[2] Episode 5 de l’affaire Verbruggen « La Bande organisée des Bâtonniers et ex-Bâtonniers »

[3] https://www.levif.be/actualite/belgique/commission-kazakhgate-les-conclusions-rabotees-par-la-majorite/article-normal-820359.html