COMMENT PARLER DE LA CORÉE ?

Point de vue
HISTOIRE CONTEMPORAINE ET MEDIAS

 

Le 20 avril dernier, ARTE diffusait le documentaire de John Maggio intitulé Corée, Une guerre sans fin (2020). Les documentaires historiques traitant de la Guerre froide que diffuse la chaîne sont trop souvent biaisés pour qu’on ne se félicite pas de la qualité de celui-ci. S’efforcer d’éviter un parti-pris d’hostilité systématique à la Corée du Nord n’est en effet pas courant. J. Maggio a, quant à lui, pris celui d’expliquer « septante années de politique étasunienne en Corée ».

Un bel effort qui n’empêche cependant pas quelques lacunes.

 

L’affiche du documentaire

S’appuyant sur une iconographie de grande qualité – en nous montrant par exemple des images, trop rares, de Syngman Rhee[1] – le film donne la parole à une série d’experts parmi lesquels l’on se réjouit de trouver Bruce Cumings[2]. Faut-il reprocher au film le fait que la plupart des autres intervenants, pour la plupart sud-coréens ou américains – et même un « politique » toujours actif comme Victor Cha[3] et une « analyste » de la CIA (!), fassent pencher la balance en faveur de la vision traditionnelle que l’on nous inculque du conflit ? L’opacité du régime du Nord ne pouvait, il est vrai, guère permettre d’entendre des témoins de l’autre camp. Mis à part un militaire transfuge de l’Armée populaire… Exceptionnel, par contre, le témoignage d’une Sud-Coréenne âgée, éborgnée à l’époque par des tirs américains.

Une hécatombe

 

Rappelons brièvement que la Guerre de Corée (juin 1950-juillet 1953) a fait au moins 3 millions de morts et quelque 5 millions de déplacés. De tous les conflits, c’est elle qui aurait fait le plus de morts civils. Bien sûr, comme pour tout conflit armé, les chiffres des victimes varient selon les auteurs, mais André Collet[4] totalise, au niveau des pertes militaires, 1.827.000 personnes, auxquelles il faut ajouter « plus d’un million de victimes civiles ». L’historien britannique Eric J. Hobsbawm[5] parle de 3 à 4 millions de morts et l’historien américain David Horowitz[6] évoque « quelques 4 millions de victimes »


By Paul Delmotte

Professeur de Politique internationale, d'Histoire contemporaine et titulaire d'un cours sur le Monde arabe à l'IHECS, animé un séminaire sur le conflit israélo-palestinien à l'ULB. Retraité en 2014.