Les données concernant les saisies, les enquêteurs, ainsi que les juges le confirment : Anvers est désormais gangrénée par la mafia pour le contrôle de son port et des sommes énormes qui sont en jeu.
Le meurtre de la petite Firdaous, âgé de seulement 11 ans, le 9 janvier 2023, est l’une des conséquences les plus visibles et les plus dramatiques du problème mafieux en Belgique. La fillette était la nièce de deux barons de la drogue anversois ; Othman Younes et son frère Nordin El B. Ils tireraient actuellement les ficelles de leur trafic depuis Dubaï, d’où ils sont pratiquement hors d’atteinte pour la justice belge puisque la Belgique n’a pas de traité d’extradition avec cet État devenu la plaque tournante du blanchiment d’argent et un repère pour criminels fortunés en tout genre.
Notre pays est au centre de multiples réseaux criminels impliqués dans le trafic d’armes, le trafic d’êtres humains et bien évidemment dans le trafic de drogue. Des clans de différentes origines se partagent les juteux profits de ces activités criminelles. Cette situation se cache bien souvent derrière le voile opaque du tabou. Celle-ci reste encore aujourd’hui un sujet peu traité dans les médias (sauf dans le cas du trafic de drogue anversois) et peu connu de la population. Son invisibilité ne doit pourtant pas nous faire oublier sa dangerosité.
Deux attentats contre des médias néerlandais un peu trop curieux ont eu lieu en juin 2018.
Il suffit d’observer nos voisins néerlandais pour voir la partie visible de l’iceberg criminel. Deux attentats contre des médias néerlandais un peu trop curieux ont eu lieu en juin 2018. Le premier était un tir de lance-roquette sur le média Panorama qui venait de révéler le nom du grand baron de la drogue Ridouan Taghi. Le second, quelques jours plus tard, fut un attentant à la voiture piégée contre le journal De Telegraaf à Amsterdam, qui venait également de sortir un article révélant son nom.
En septembre 2019, l’avocat Derk Wiersum, qui avait pour client un repenti de la mafia marocaine (mocro-mafia) Reduan Bakkali, a été assassiné dans sa voiture. L’année suivante, une chambre de torture aménagée dans un conteneur est découverte par la police en pleine campagne. Le Premier ministre néerlandais, Mark Rutte, et la princesse Amalia, héritière du trône, ont même été placés sous protection policière en raison des menaces qui planaient sur eux suite au procès de Taghi et de certains de ses complices.
Ce baron de la drogue, longtemps en exil à Dubaï, n’hésite en effet pas à menacer les autorités néerlandaises et à faire taire ceux qui le gênent, comme le journaliste d’investigation Peter de Vries qui, devenu proche du repenti Bakkali, fut assassiné en 2021.
En Belgique aussi, la violence de ces réseaux est de plus en plus visible. Les attaques à la grenade à Anvers se sont multipliées ces dernières années. Cette violence en pleine expansion pourrait prendre de l’ampleur. Il n’y pas que les gens du milieu qui sont concernés. Le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne a notamment fait l’objet d’une menace d’enlèvement. Il a été placé sous protection policière. Dans notre pays, une centaine de personnes vivent sous protection policière à cause de menaces liées au milieu criminel.
La police a estimé sa production à 1 tonne de cocaïne par semaine à Bruxelles et en périphérie (ce qui représente 50 millions d’euros à la revente au détail chaque semaine).
Même dans les coins les plus reculés de la Belgique, le trafic de drogue est bien implanté. En témoigne la vaste opération policière menée le 18 octobre 2021 qui visait le démantèlement d’un réseau mafieux international implanté en Belgique. Des chimistes colombiens auraient directement travaillé dans des laboratoires clandestins en pleine campagne. La drogue arrivait sous forme de pâte de coca et y était directement transformée en cocaïne prête à être distribuée dans toute l’Europe.
Le lendemain, une opération encore plus grande mobilisant 1.100 policiers belges va mener à l’arrestation de 64 individus dans le cadre d’un réseau opérant dans toute l’Europe depuis la Belgique et surtout depuis Bruxelles. La police a estimé sa production à 1 tonne de cocaïne par semaine à Bruxelles et en périphérie (ce qui représente 50 millions d’euros à la revente au détail produit chaque semaine).
“Au sein de cette organisation criminelle, des sommes considérables en espèces sont manipulées. Il fait appel à des entreprises belges et étrangères par l’intermédiaire d’hommes de paille et utilise la corruption, les menaces et la violence, voire le meurtre, pour atteindre son objectif“, a expliqué Éric Jacobs, directeur de la police judiciaire fédérale (PJF) de Bruxelles.
Le nombre d’opérations anti-drogue n’a de cesse d’augmenter. Elle montre d’une part l’intérêt des enquêteurs pour ces réseaux internationaux, d’autre part la présence croissante de réseaux mafieux internationaux opérant sur notre territoire de manière hautement organisé. En ce sens, il n’est donc plus possible de nier la présence des clans mafieux en Belgique. Ceux-ci n’hésitent pas à utiliser tous les moyens de pression à leur disposition pour imposer leurs lois et leur business illégaux. Autant de faits de violences qui n’ont sans aucun doute pas leur place dans nos sociétés.
Il serait évidemment réducteur de ne parler que des réseaux de drogue en ce qui concerne les affaires mafieuses en Belgique. Au-delà du trafic de drogue, Bruxelles est considéré comme une plaque tournante dans le trafic d’armes. A l’image des grandes villes européennes, il n’est pas difficile, pour qui a des liens avec le monde criminel, de se procurer une arme.
Le trafic d’êtres humains est un autre point qui mérite toute notre attention, surtout au vu des horreurs qui se cachent derrière : prostitution forcée, exploitation de personnes vulnérables, violence psychologique ou physique pour garantir la docilité des victimes. Ces formes d’esclavage moderne sont peu traitées médiatiquement. Elles n’en restent pas moins dramatiques pour les personnes victimes de ces trafics. Selon le Global Slavery Index, la Belgique compterait sur son sol, quelques 23.000 esclaves modernes, ce qui nous positionne en 135ème position dans le classement des pays ayant recours à l’esclavage, sur 167 répertoriés. Nous avions sorti un article sur ce sujet, il y a quelques années, déjà : “L’esclavage n’a jamais été aussi moderne”.
C’est ainsi que de nombreuses personnes ferment les yeux sur l’origine de l’argent qui les payent : élus locaux, banquiers, policiers corrompus, conseillers financiers, avocats, clients, etc.
Les personnes qui travaillent pour ces réseaux et les individus à leur tête s’enrichissent par la violence dont ils se rendent coupables. Qu’ils soient ou non ceux qui commettent les actes violents, ils se rendent tous complices d’une économie nécessairement violente. Ils participent en cela à sa prolifération en s’enrichissant sans empathie pour les victimes de leurs business.
Tous ces trafics génèrent de grandes quantités d’argent. Cette économie nécessite donc forcément des appuis dans le système légal pour garantir la sécurité des acteurs de ces réseaux mafieux et leurs bénéfices générés. C’est ainsi que de nombreuses personnes ferment les yeux sur l’origine de l’argent qui les payent : élus locaux, banquiers, policiers corrompus, conseillers financiers, avocats, clients, etc. Tous, complices ou non, se rendent coupables de laisser faire, et donc d’accepter, des activités illégales qui engendrent de la violence.