Un système en place : réinventer les institutions

Quand on se demande quels seraient ces intérêts, le premier qui vient à l’esprit serait d’ordre financier. Que ce soit pour l’intercommunale Idelux ou pour la commune d’Arlon, l’installation de moyennes et petites entreprises sur un site autrefois considéré comme « à l’abandon » ne peut être que bénéfique. Mais on a l’impression que c’est aussi au niveau personnel, voire privé, que l’on retrouverait d’autres intérêts. D’un côté, on sait que le but de la création de ces espaces économiques est d’attirer des investisseurs et des entrepreneurs à venir s’y installer. Par cela, c’est à la fois l’intercommunale Idelux mais aussi la commune d’Arlon qui peuvent, par après, mettre en avant cette attractivité du territoire pour ces investisseurs et la disponibilité des infrastructures qui y sont mises en place.

 

Des intérêts en jeu, un système en place

Ce qui est assez flagrant cependant, c’est le manque de prise en compte des intérêts et des avantages en faveur des citoyens et riverains du quartier. Ceux-ci perdent un endroit public, vert et naturel de promenade, proche du centre-ville comme il en restait déjà très peu à Arlon et qui apportait au quartier une attractivité, devenu privé. Disparait aussi une barrière naturelle qui, potentiellement, coupait des bruits et des vues, parasites, de l’autoroute et de la nationale. Ils vont également devoir s’adapter à une circulation plus dense, avec les bruits et les nuisances qui l’accompagnent. Cela d’autant plus avec la création de nouveaux lotissements dans le quartier.

On passe donc d’un terrain public, qui profitait à plusieurs personnes et à une communauté, qui est celle à priori du quartier de Schoppach et un peu plus largement de la ville d’Arlon, à un terrain privatisé. Cette privatisation coupe totalement cette communauté de ce territoire et les « profits » de ces terres, de ces lieux, ne vont plus directement à ceux qui les côtoient quotidiennement, mais à d’autres personnes qui vont en tirer des profits sous forme de production de bénéfices privés. Les avantages, issus des usages de ce territoire, sont « délocalisés », ils deviennent « hors sols », déconnectés de la réalité et du terrain.

Anna Lowenhaupt Tsing parle aussi de ces sujets dans son livre « Le champignon de la fin du monde ». Elle dit :

 

Les forêts dépendent non seulement des pratiques de vie quotidienne locales et des politiques de gestion au niveau gouvernementale, mais aussi des opportunités transnationales de concentrer les richesses. L’histoire globale entre en jeu […]. 

 

Si elle met ici en exergue les différents niveaux d’influences à l’œuvre sur un territoire, elle met également en avant dans son ouvrage le fait que « tel un bulldozer géant, le capitalisme apparaît toujours comme écrasant la Terre sous le poids de ses seuls impératifs », et que cette « économie globale aura été la pièce centrale du progrès ». Elle insiste également sur le fait qu’il y a un lien important entre l’environnement et l’économie :

[C’est] l’histoire humaine de la concentration de richesse qui fait à la fois des humains et des non-humains des ressources dans lesquelles investir. […] Dans le processus d’aliénation, les personnes et les choses deviennent des ressources mobiles : elles  peuvent être déplacées du monde dans lequel elles vivaient, sur des distances considérables, pour être échangées contre d’autres biens vivant dans d’autres mondes, partout ailleurs. <span class="su-quote-cite"><a href="https://www.editionsladecouverte.fr/le_champignon_de_la_fin_du_monde-9782359251364" target="_blank">Tsing,'Le champignon de la fin du monde',2017,p. 37</a></span>