La mafia et l’état

Il existe une certaine convergence dans les moyens utilisés par les Etats et par les mafias pour exercer un contrôle du territoire. Ceux-ci sont figurés au travers l’idée d’une monopolisation de la violence dans un territoire défini, qui permet d’y développer des activités économiques et d’y percevoir des impôts.

Ceci constitue une clef de compréhension pour analyser la puissance des mafias à travers le temps. La lutte pour le monopole de la violence est constante et nous ne pouvons parler de vainqueur ou de vaincu : l’Etat et la mafia sont deux forces – parmi d’autres – qui s’opposent, et s’entremêlent parfois, pour affirmer leurs intérêts. Cette monopolisation de la violence et la notion de légitimité qui l’accompagne n’existent pas de manière absolue, mais ils apportent une grille d’analyse au problème mafieux.

En reprenant l’histoire de la mafia esquissée ci-dessus au regard de ces notions, il est désormais plus facile de comprendre pourquoi la mafia était vue comme un problème primordial par l’Etat italien en cette fin du XIXe siècle.

En effet, celle-ci était considérée comme un obstacle au contrôle de l’Etat sur le territoire sicilien. L’Etat ne pouvait promouvoir son unité puisqu’il n’était pas capable d’imposer son monopole dans l’exercice de la violence et du contrôle économique qui devaient affirmer son contrôle du territoire ; le pizzo (l’impôt mafieux) faisant concurrence à l’impôt national en est l’expression symptomatique. La question de la légitimité apparaît d’autant plus à l’origine, en ce que l’Etat italien dans cette période post-unitaire n’était pas toujours vu comme légitime.

À partir de 1922, sous la pression du régime fasciste, de nombreux mafieux immigrèrent aux Etats-Unis, ce qui participa à l’amplification du pouvoir de la mafia, qui pouvait dès lors compter sur des appuis dans les deux continents.