Accord UE-Mercosur : Qu’a conclu la Commission européenne en notre nom ?

Note de décryptage – Décembre 2024

Cette note de décryptage prend la suite des précédentes notes publiées en janvier, août et novembre 2024.

 

Avertissement : la Commission européenne a publié le 10 décembre seize nouveaux textes ou textes modifiés suite à l’annonce de la conclusion des négociations de l’accord UE-Mercosur le 6 décembre, soit plus de 360 nouvelles pages à ajouter, pour l’essentiel, au contenu de l’accord conclu en 2019. Cette note est un tout premier décryptage, qui laisse de nombreuses questions en suspens, afin de contrebalancer quelque peu l’opération de communication menée par la Commission européenne selon laquelle la nouvelle version de l’accord éteindrait comme par magie les critiques, réserves et oppositions exprimées depuis plusieurs années.

 

En guise de résumé, quelques premiers points :

  1. Depuis deux ans, la Commission avait plusieurs fois affirmé « ne pas rouvrir les négociations sur le contenu de l’accord » : c’était manifestement un mensonge puisque plusieurs parties ont été modifiées et plusieurs ajouts effectués ;
  2. Les dispositions portant sur les marchés agricoles (quotas, droits de douane, normes sanitaires ) n’ont par contre pas été modifiées : ce qui a justifié les mobilisations du monde agricole perdure ;
  3. Le contenu de l’accord reste très déséquilibré : globalement à l’avantage de l’industrie européenne et de l’agrobusiness sud-américain ;
  4. Plusieurs lignes rouges du Brésil et de l’Argentine ont visiblement été prises en compte et la Commission européenne a consenti à revoir plusieurs dispositions en ce sens (automobiles, marchés publics, etc) ;
  5. La Commission européenne a consenti à un « mécanisme de rééquilibrage » qui limite probablement le droit à réguler et les possibilités d’introduire de nouvelles politiques de restriction des échanges pour des raisons sociales et/ou écologiques ;
  6. L’ajout d’une annexe sur le développement durable et les références à l’Accord de Paris et à la lutte contre la déforestation relèvent plus du greenwashing que d’une transformation de la nature de l’accord de libre-échange.
  7. Faire de l’Accord de Paris une « clause essentielle » à l’accord n’apporte que peu de garanties, n’a qu’une portée opérationnelle limitée et ne transforme pas cet accord de libre- échange en accord climato-compatible ;
  8. L’annonce selon laquelle les pays du Mercosur auraient pris des « engagements légalement contraignants » en matière de lutte contre la déforestation « d’ici à 2023 » paraît infondée à la lecture des textes.

Dans cette première version de cette note de décryptage, vous trouverez cinq sections :

  1. Un manque de transparence problématique
  2. Qu’y a-t-il de neuf dans l’accord UE-Mercosur ?
  3. L’économie générale de l’accord est-elle modifiée ?
  4. Pourquoi la Commission européenne a-t-elle pu contourner le Non français ? Qui porte la responsabilité de la conclusion de cet accord ?
  5. Ce projet d’accord peut-il encore être bloqué ?

 

 

A.  Un manque de transparence qui sape l’information et la démocratie

Si les négociations de l’accord de libre-échange entre l’UE et les pays du Mercosur menées depuis près de 25 ans n’ont jamais brillé par leur transparence, les deux dernières années ont été particulièrement opaques. En deux ans, le seul document que la Commission européenne a rendu public – la version préliminaire de ce qu’elle avait appelé un « joint instrument » répertoriant les engagements des deux parties en matière de développement durable – ne l’a été qu’après la publication d’une version fuitée par les organisations de la société civile1.


By AITEC

Association Internationale des Techniciens, Experts et Chercheurs