Marins, dockers et autres au sein de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) au début du 21 siècle

Résumé

Forte des succès de sa lutte contre les pavillons de complaisance, l’ITF s’est dotée d’une équipe de permanents importante qui lui permet de déployer des stratégies standardisées alliant communication percutante et coordination entre les sections professionnelles. Toutefois, il apparaît que les identités professionnelles et les enjeux régionaux restent trop marqués pour susciter une réelle cohésion. La bureaucratisation des appareils syndicaux nourrit une incompréhension réelle des intérêts et des enjeux de la base comme de la démocratie syndicale. L’analyse de cette stratégie permet de réinterroger les voies du syndicalisme comme outil de contre-pouvoir des travailleurs.

Texte intégral

  • 1 Ordre dicté par les multinationales et les institutions intergouvernementales qu’elles ont mises en (…)

1Le vingtième congrès de la Fédération internationale des travailleurs des transports (Durban, 2006) a inauguré une nouvelle stratégie politique dénommée « Organisons-nous mondialement » (ONM), afin de lutter plus efficacement contre les transformations en cours dans le secteur des transports, telles que la globalisation de la chaîne logistique et la dissémination des centres de gestion, qui ne permettent plus de considérer l’entreprise comme seul espace des conflits et de leur résolution. La majorité du congrès se fondait sur la conviction que les transports représentent un maillon essentiel de l’économie mondialisée, et en déduisait que les travailleurs des transports, à travers leurs organisations syndicales, disposent d’une influence non négligeable face à l’ordre économique mondial1.

2Rappelons que l’ITF est aujourd’hui une fédération sectorielle internationale, affiliée à la Confédération syndicale internationale, regroupant huit sections du secteur économique des transports (aérien, rail, port, maritime, navigation intérieure, pêche, route et tourisme). Son influence territoriale s’appuie sur l’adhésion de la plupart des organisations syndicales nationales des transports, parmi lesquelles il faut signaler celles d’Europe centrale et orientale, après la dissolution du bloc soviétique. Héritière d’une histoire qui remonte à 1896, sa direction espère dépasser les clivages professionnels traditionnels (tels que marins-dockers, ou maritimes-terrestres) pour fédérer autour de sa propre identité.

3Mais le contexte général a évolué, même si le secteur des transports s’est souvent distingué par la résilience de ses organisations ouvrières. Depuis la fin des années 1970, presque partout les effectifs syndicaux ont décliné. La capacité des organisations syndicales à susciter des mobilisations générales des travailleurs s’est réduite, les conduisant à se tourner davantage vers la négociation permanente en se dotant d’une bureaucratie experte (un personnel permanent embauché par l’organisation syndicale) en même temps qu’elles s’intégraient aux institutions de « dialogue social », au détriment de la mobilisation. Pour l’ITF, la stratégie ONM correspond en partie à ce renfort de personnel visible dans beaucoup de structures syndicales. Mais l’initiative tire aussi sa pertinence de ce que tous les travailleurs des transports sont soumis à des contraintes et des enjeux communs : automatisation et déqualification de leurs professions, libéralisation du secteur et introduction de la libre concurrence impliquant un accroissement du dumping social, ou encore une baisse généralisée du nombre de travailleurs liée aux regroupements d’entreprises et aux nouvelles technologies. Pourtant, l’ITF déplore à chaque congrès depuis 2006 le manque de soutien de ses syndicats affiliés à cette stratégie politique.

  • 2 La stratégie des pavillons de complaisance consiste dans l’immatriculation de navires sous pavillon (…)
  • 3 Cela reprend les quatre grands courants syndicaux tels que les ont détaillés René Mouriaux et Genev (…)

4Cette étude se propose d’examiner comment certaines branches sectorielles de l’ITF, notamment celles du secteur maritime et portuaire, s’appuyant sur leurs identités professionnelles, ont divergé de cette approche, soit en s’appropriant l’ONM de façon imprévue, soit en ne s’y impliquant pas, soit même en refusant de l’accepter. Nous prendrons en considération quatre sections fondatrices de l’ITF : d’une part les marins et les dockers, dont la solidarité a débouché sur les politiques les plus réussies de l’ITF, comme la lutte contre les pavillons de complaisance2, et d’autre part les cheminots et les routiers (transports intérieurs, terrestres), qui opposent leur logique continentale à la logique internationale des deux secteurs précédents. L’étude est restreinte à quatre pays, marqués par une diversité de traditions syndicales ouest-européennes : Allemagne, Belgique, France et Royaume-Uni3.

5Nos sources sont diverses. Tout d’abord, nous avons étudié un corpus documentaire d’archives syndicales comprenant, d’une part, les archives de l’ITF (rapports d’activité et minutes des congrès depuis 2006, ensemble des documents relatifs à la stratégie ONM, site web), et d’autre part, les archives des organisations syndicales des quatre pays retenus (rapports de congrès disponibles, presse syndicale). Nous avons également mené une série d’entretiens basés sur un questionnaire unique traduit dans deux langues (anglais et français) afin de sonder le contenu des identités professionnelles de chaque section et de les confronter à la politique ONM. Enfin, nous avons mené une enquête de terrain en nous rendant au congrès de la Fédération européenne des travailleurs des transports, qui s’est tenu du 23 au 26 mai 2017 à Barcelone.

6Dans un premier temps, nous présenterons la stratégie ONM, que nous situerons dans le champ théorique. Puis nous interrogerons les identités professionnelles dans le secteur des transports, tant les traits communs à l’ensemble des sections que ce qui est propre à chacune d’elles. Nous nous demanderons en particulier dans quelle mesure les secteurs terrestres ont pu s’adapter ou non à la politique de l’Internationale des transports, marquée par la prégnance des sections de marins et de dockers, maritimes et plus tournées vers l’international. Une troisième partie examinera le mode de cohabitation des deux perspectives, afin d’expliquer le manque d’investissement de certains secteurs affiliés et d’évaluer l’efficacité de cette politique. En conclusion, nous exposerons les évolutions observées au fil du temps, avant d’émettre des hypothèses quant au devenir de cette politique. Il s’agira d’évaluer si une stratégie qui repose avant tout sur des procédures standardisées, fortement tributaires de sa bureaucratie, confère encore à l’organisation syndicale sa vocation de contre-pouvoir.

 

ONM : une stratégie politique héritée de la lutte contre les pavillons de complaisance

7La stratégie ONM mise en place par l’ITF tire parti de sa lutte contre les pavillons de complaisance. Celle-ci, engagée en 1948, reposait sur l’action conjointe des dockers et des marins en cas de conflit avec un armateur, les premiers bloquant les navires au port en solidarité avec les marins à bord. L’immobilisation de la marchandise représentait un tel coût pour les armateurs qu’il leur fallait trouver un arrangement et céder aux demandes du syndicat. Après vingt-cinq ans d’application de cette tactique, l’ITF obtient une reconnaissance formelle par l’OIT et l’ONU, qui lui accordent en 1974 le droit de nommer des inspecteurs de navires capables de faire signer des conventions collectives standard et d’infliger des amendes si celles-ci ne sont pas respectées. Ce combat, qui a été l’un des succès les plus importants des organisations syndicales internationales, était fondé sur la coopération des sections de marins et de dockers.

  • 4 C’est le cas de sociétés comme Maersk par exemple. Cf. Antoine Frémont, Conteneurisation et mondial (…)

8Trente ans plus tard, l’ITF doit répondre aux transformations de la chaine logistique globale et à l’apparition de sociétés multinationales qui opèrent dans un très grand nombre de pays et modifient la répartition des modes de transports4. La stratégie ONM part du constat que les grands opérateurs de transports agissent désormais à l’échelle mondiale. Elle s’appuie à la fois sur l’impératif des opérateurs d’éviter toute interruption imprévue des flux de marchandises telle que des navires bloqués au port (économie des « flux tendus »), mais également sur l’image de l’entreprise à l’heure de la mondialisation de l’information. Elle repose sur la conviction qu’il faut à la fois coordonner les différents secteurs des transports localement et internationalement pour paralyser le trafic, et mener des campagnes de communication. C’est le mode d’action que l’ITF a choisi dans sa campagne contre Ikea, lancée en 2014 : elle a mis l’accent sur les conditions de travail des transporteurs, malmenés par une entreprise qui faisait appel à des sociétés pratiquant le dumping et forçait les employés à ne pas respecter les normes européennes en matière de temps de repos. La réussite de l’opération a reposé sur la distribution à l’ensemble de ses affiliés de « kits » standardisés de communication et d’actions. La rhétorique a été coordonnée par le « siège » de l’ITF à Londres dans des « packs » standard ; les différentes professions ont été appelées à faire grève ensemble et au même moment sur la chaîne logistique pour peser sur le transporteur et l’entreprise concernée.

  • 5 L’International Bargaining Forum est une plateforme de négociation mise en place par l’ITF ainsi qu (…)

9La mise en œuvre de telles mobilisations, intégrant des procédures standardisées et des niveaux complexes de coordination, s’appuie sur des changements obtenus dans la lutte contre les abus des pavillons de complaisance. Au fil du temps, les négociations se sont déplacées en amont et ont été systématisées et institutionnalisées, comme le montre la mise en place récente d’une plateforme dédiée de négociation, l’International Bargaining Forum (IBF)5. Les inspecteurs de l’ITF contrôlent les navires, évaluent le respect des conventions collectives et peuvent contraindre les armateurs à régulariser leur situation (conditions de vie et de travail des marins, immatriculation des navires). Les armateurs apprécient que cette procédure leur évite l’immobilisation très coûteuse de la marchandise et sont prêts à payer les frais qu’elle implique. L’ITF y gagne en termes de moyens et de standardisation généralisée des formes de l’action. Ce surcroît de revenus issu du secteur maritime lui permet d’augmenter son personnel permanent.

  • 6 René Mouriaux, Le Syndicalisme en France depuis 1945, Paris, La Découverte, 2008, 121 p.
  • 7 Ibid.
  • 8 Qui se définit par la liberté des acteurs, une transformation du rôle de l’État, devenu régulateur (…)
  • 9 Richard Hyman, Understanding European Trade Unionism : Between Market, Class and Society, Londres, (…)

10Les caractéristiques de la stratégie ONM de l’ITF justifient un bref éclairage théorique. L’accroissement du rôle de la négociation dans l’ITF et dans le syndicalisme en général fait partie d’une transformation lourde de la société. Trois éléments majeurs en sont à l’origine : l’institutionnalisation croissante des organisations de travailleurs depuis 1945 à tous les échelons6, la désyndicalisation massive depuis les années 1970, la remise en cause progressive des droits syndicaux7, le tout dans un contexte de politiques budgétaires restrictives et de développement du management néolibéral à l’échelle mondiale8. Ces phénomènes ont transformé la façon dont le syndicat se légitime. La force numérique a laissé place à l’« expertise sociale » comme source de légitimation. Ce changement est allé de pair avec une bureaucratisation croissante des appareils syndicaux et une systématisation de la négociation, au détriment de la confrontation et du rapport de force9. Il s’agit désormais moins de s’opposer et de contrer le pouvoir des acteurs économiques et politiques que de négocier les formes de ce pouvoir en espérant en limiter certains aspects.

  • 10 René Mouriaux et Geneviève Bibes (dir.), op. cit.
  • 11 Corinne Gobin, L’Europe syndicale, entre désir et réalité : essai sur le syndicalisme et la constru (…)
  • 12 Richard Hyman, « Shifting Dynamics in International Trade-unionism : Agitation, Organization, Burea (…)

11Deux interprétations sociologiques ont été données à cette évolution du syndicalisme, du rapport de force vers la négociation. Les auteurs qui abordent l’acteur syndical à travers le triptyque « syndicat/patronat/État » au sein des relations industrielles y ont très tôt vu un affaiblissement du syndicalisme et de son rôle de contre-pouvoir à l’échelle nationale10, européenne11 ou internationale12. Se situant dans une perspective marxiste, ils placent le conflit au cœur des rapports de force. Paralysé par cette transformation de la légitimation, le conflit ne peut plus se dérouler. Or la notion de contre-pouvoir implique que ceux à qui l’entreprise, aidée par des dispositions législatives, dicte un rapport au travail ripostent, soit en faisant valoir des droits et des dispositions représentant leurs intérêts, soit en limitant les effets des choix économiques appliqués. Ces interprétations partent du travailleur et considèrent que l’action syndicale doit émaner de la base, la force et les effectifs en grand nombre de l’organisation permettant sa reconnaissance.

  • 13 Ce courant théorique est principalement nord-américain. Dès la fin des années 1980, Mona-Josée Gagn (…)
  • 14 Alain Touraine, Le Retour de l’acteur, Fayard, 1984, 341 p.
  • 15 Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Armand Colin, 2007, 128 p.
  • 16 Des courants marxistes, notamment animés par des trotskistes, avaient déjà souligné leur opposition (…)
  • 17 Kim Voss, « Dilemmes démocratiques : démocratie syndicale et renouveau syndical », La Revue de l’IR (…)

12Une autre école définit le syndicat comme une organisation dotée d’un pouvoir d’influence fondé sur des ressources propres13. Elle présuppose que les rapports sociaux s’inscrivent dans des réseaux d’acteurs marqués avant tout par leur « capacité à » exister librement, au-delà des déterminismes économiques, politiques et sociaux14. L’acteur syndical est ainsi inséré dans des réseaux d’acteurs avec lesquels il interagit en cherchant à maximiser son influence15. Dans cette optique, la bureaucratie n’est plus tant appréhendée comme une atteinte à la démocratie syndicale16 que comme une ressource nécessaire, susceptible de préserver la vie démocratique interne en informant, en formant, et en éduquant les membres et leurs délégués. Ces derniers pourront ainsi adhérer de façon pleinement consciente aux choix de la tête de l’organisation professionnalisée17.

  • 18 Les propositions analysées dans ce paragraphe figurent dans le document de travail « ONM » soumis e (…)

13La stratégie ONM illustre parfaitement la prise de conscience par la direction centrale de l’ITF de ce changement de paradigme18. Elle est une tentative de se couler dans ce moule en développant des formes de négociation et de concertation multiples dans le domaine des transports.

  • 19 Violaine Delteil, Patrick Dieuaide, « Les comités d’entreprise européens dans l’UE élargie : entre (…)
  • 20 Terme employé par l’ITF dans son programme stratégique de 2006.

14L’ITF vise par exemple à renforcer sa capacité « d’acteur réseau », c’est-à-dire situé au cœur d’un système d’alliances, en multipliant les partenariats syndicaux ou extrasyndicaux (ONG par exemple). Elle souhaite aussi accroître son influence dans les institutions intergouvernementales en participant à différents groupes de travail et en produisant des études scientifiques. Enfin, elle multiplie les négociations directes avec les employeurs à la fois à travers les accords collectifs internationaux19 ou la mise en place de l’IBF. Ce volet stratégique fait primer la négociation sur les autres formes d’action. En même temps et sans y voir de contradiction, l’ITF se fixe l’objectif d’« organiser les inorganisés20 » et de renforcer la défense des droits syndicaux là où ils sont attaqués.

15Les moyens qu’elle met en œuvre agrandissent sa bureaucratie, notamment à travers l’embauche d’experts supposés accroître son efficacité et sa crédibilité. Elle charge géographes, juristes et économistes d’effectuer un « mappage » du réseau des échanges mondiaux et des forces syndicales qui s’y superposent. Il s’agit de renforcer ou encourager la création d’organisations syndicales en leur fournissant des moyens logistiques et matériels, puis tenter de les fédérer localement et régionalement. Il s’agit également de mener des « campagnes » combinant des actions traditionnelles, qui étudient un thème précis grâce à la forte professionnalisation et forment les syndicats membres pour qu’ils relaient la campagne à leurs différents échelons, et des actions spectaculaires relayées par la presse, les réseaux sociaux, des sites et des canaux dédiés, pour aller au-delà du réseau habituel.

16Mettre en place une telle politique repose, surtout à l’échelon international, sur la participation active des membres de l’organisation. Cela signifie que les affiliés doivent la percevoir comme une réponse pertinente à leurs besoins, ou qu’ils se retrouvent suffisamment solidaires pour y participer malgré l’absence d’intérêts immédiats. L’existence d’une identité commune aux travailleurs des transports, centrée sur l’existence de l’ITF, pourrait être un moteur de solidarité et de cohésion compensant le manque de participation des affiliés. Nous allons voir qu’en fait les identités professionnelles de chaque section déterminent des urgences qui semblentassez éloignées de l’action commune proposée.

 

Marins, dockers, cheminots, routiers : quelques exemples d’actions inspirées par l’identité professionnelle juste avant et au temps de la stratégie ONM

  • 21 Les premières organisations internationales, les Secrétariats professionnels internationaux (SPI), (…)

17L’identité professionnelle figure parmi les facteurs nécessaires à l’action collective de type syndical. Plusieurs recherches ont démontré son importance comme facteur de cohésion. C’est encore plus vrai à l’échelle internationale, où les premières organisations ouvrières dépassant le cadre national ont été des fédérations professionnelles (parfois « industrielles » au sens de regroupements de professions d’un secteur économique cohérent) fondées sur la défense du métier ou de la profession plutôt que des alliances de confédérations ouvrières nationales21. Or, dans le secteur des transports, les cultures de métier traditionnelles sont depuis plusieurs décennies ébranlées par le néolibéralisme, les politiques de dérégulation, l’exaltation de la mobilité et de la polyvalence qui les accompagnent. L’avènement de nouvelles formes de travail (télétravail, automatisation, etc.), de contrat (CDD, intérim, contractuel, etc.), de pratiques concurrentielles (dumping social, travailleurs détachés) et de sous-traitance tend à déqualifier les individus et à déconstruire les éléments constitutifs de l’identité professionnelle.

18Les tendances technologiques et économiques qui transforment et dissolvent les frontières des métiers et secteurs des transports sont nombreuses. Certaines accusent les différences entre travailleurs maritimes et terrestres, d’autres les affectent selon leur vulnérabilité à l’automation et au recrutement d’étrangers. Les professions « maritimes et portuaires » sont marquées par la dimension internationale des échanges de marchandises, mais aussi par la dépendance à la mer (irrégularités saisonnières, dangers, incidents diplomatiques, présence dominante des groupements d’armateurs), dimension qui a rapproché marins et dockers dans l’histoire et créé une tradition d’ententes interprofessionnelles au moment de conflits avec les grandes compagnies maritimes. Pour les professions plus tournées vers le continent (cheminots et routiers), ces influences internationales ont moins compté que la législation nationale, à laquelle il faut maintenant ajouter la législation continentale ou régionale. La structuration de pôles économiques continentaux ou régionaux est allée le plus loin en Europe avec le développement de l’Union européenne et de sa politique des transports (à comparer avec l’ALENA, en Amérique du Nord, et d’autres organismes régionaux). En même temps, certains secteurs ont été plus frappés par les tentatives de contournement des forteresses syndicales au moyen de l’automation – c’est le cas des dockers et des cheminots –, mais aussi par la délocalisation de la main-d’œuvre, autrement dit la recherche par les employeurs de travailleurs suffisamment qualifiés en dehors du marché de l’emploi national traditionnel. C’est le cas des marins et des routiers.

19Au fil des années, les stratèges de l’ITF ont cru pouvoir se saisir de cet affaiblissement potentiel des identités professionnelles pour renforcer le recours des syndicats affiliés au siège londonien. La démarche utilisée dans la lutte contre les pavillons de complaisance (issus de lois sur l’enregistrement des navires) fut généralisée et proposée sous l’appellation « ONM » comme moyen de lutte contre deux nouvelles menaces : celles d’un nouveau cycle d’automation sans prise en compte de ses effets sociaux et celle de la délocalisation des entreprises de transport ou de leurs embauches. L’ITF soulignait le caractère transverse de ces transformations, qui affectaient négativement tous les travailleurs des transports, et promouvait le concept de « famille syndicale », ici celle des transports et donc de l’ITF, comme lien entre ses différentes sections, fondé sur leurs dénominateurs communs. Cette volonté à la fois fédératrice et centralisatrice s’est heurtée aux solidarités historiques, aux intérêts de proximité et aux identités professionnelles, parfois transformées mais résilientes. Voici quelques exemples qui montrent comment l’enchevêtrement des tendances générales analysées par l’ITF a pu aboutir à des conséquences imprévues à un moment précis et dans un secteur précis.

  • 22 ILO (OIT), « ILO Focuses on Social and Labour Problems in Ports », ILO 96/14, et Frank Broeze, The (…)

20En rétrospective, la grève des docks de Liverpool (1995-1998) résonne comme un avertissement. Alors que, dans la campagne contre les pavillons de complaisance, les dockers venaient en aide aux marins contre les armateurs, cette fois les dockers demandaient que les marins et les autres travailleurs refusent de traverser leur piquet de grève et bloquent toute arrivée ou tout départ de marchandises dans les entrepôts. Les dockers de Liverpool appartenaient à l’ATGWU, membre fondateur et principal affilié britannique de l’ITF. Un de leurs griefs concernait la possibilité que le chargement et le déchargement de navires, jusque-là réservés aux dockers agréés, puissent être exécutés par des marins, des travailleurs étrangers embarqués comme passagers ou des intérimaires recrutés à Londres, sans qualification. Mais au sommet de la hiérarchie syndicale, les dirigeants des sections dockers et marins de l’ITF venaient d’atténuer leur opposition à la privatisation des ports, suite à un rapport de l’OIT22. C’est ce qui explique que, dès le premier accord, rejeté par le groupe dockers local, car jugé trop favorable aux armateurs, l’ITF ait souhaité ne pas prolonger le conflit. La solidarité avec les grévistes est alors passée largement par des TLA (accords intersyndicaux transnationaux) et des soutiens populaires et médiatiques importants. Il s’est ensuivi une scission au sein de la section dockers de l’ITF, qui s’est soldée par la création de l’International Dockworkers Council (IDC) à Gothenburg en 1998.

  • 23 Voir John Barzman, « Conflits et négociations au Havre avant et après les grandes réformes portuair (…)

21Les partisans de l’IDC ont alors défendu la prépondérance des syndicats de ports et leur coordination au sein d’un réseau strictement dockers, contre la soumission à un état-major central et la dilution des revendications portuaires dans un ensemble trop vaste. Cette option est qualifiée de « néocorporatisme » par certains auteurs, mais, alors que le corporatisme traditionnel envisageait un rapprochement entre travailleurs et patrons de la même corporation, l’IDC adopte au contraire un profil très revendicatif. Sa campagne contre la dérégulation néolibérale des ports européens, inspirée de la célèbre directive Bolkestein, déclenche une telle mobilisation qu’elle entraîne les syndicats portuaires restés dans l’ITF. À deux reprises, en 2003 et 2006, les « paquets portuaires » (ensemble de contre-réformes) proposés par la Commission européenne sont rejetés par le Parlement européen23. L’IDC est alors déclarée représentative et siège désormais dans la Commission de dialogue social européenne dans les ports, aux côtés de l’ITF. Ici encore, les relations entre dockers et marins (présents dans l’ITF) ont été fragilisées.

  • 24 Le dernier combat en date est relatif à la modification de la directive du temps de travail, accusé (…)

22Dans l’exemple des routiers, des revendications très spécifiques au métier semblent plus motivantes que les appels à la mobilisation au nom d’une solidarité perçue comme trop générale. L’introduction de l’automatisation, ici incarnée par le traçage GPS, met en évidence l’attachement viscéral des chauffeurs à la possibilité de gérer leur temps de travail, à ce qu’ils ressentent comme leur liberté. L’imaginaire d’évasion qu’offrent la route et le voyage leur semble intrinsèque à la profession. Or, cette autonomie se trouve très concrètement limitée par les disques de tachygraphes qui enregistrent leurs itinéraires et limitent leur gestion des temps de pause ou leur estimation de la capacité du temps de conduite. Par conséquent, la lutte syndicale porte d’abord sur l’aménagement du temps de repos et la répartition du temps de travail, en pointant les risques de dérives d’un contrôle excessif, tels que la fatigue sur la route24. Or, ces temps sont régulés par l’Union européenne, renvoyant les solutions potentielles à une stratégie continentale dirigée vers ses institutions.

  • 25 Le phénomène apparaît plus lointain et moins préoccupant chez les dockers, qui pensent être parvenu (…)

23Dans la section cheminote et ses affiliés nationaux, il est reproché à l’automatisation de faire disparaître certains corps de métier et d’entraîner une diminution drastique du nombre de travailleurs. D’où l’importance que les travailleurs du rail donnent aux luttes pour endiguer la décrue des emplois25. Or, l’une des solutions mobilisées pour maintenir l’emploi passe par la revendication de conserver les chemins de fer comme service public, tant au niveau national qu’européen. Une fois encore, c’est à l’Union européenne qu’est imputée la privatisation du rail.

  • 26 Les pannes informatiques ont entraîné un blocage total de ces terminaux et généré des pertes élevée (…)

24Les tendances générales comme l’automatisation, le dumping social et le recrutement de main-d’œuvre exogène n’ont pas des effets simultanés et identiques dans tous les secteurs des transports. Si l’automatisation représente un danger pour les dockers, l’exemple du port de Hambourg et de ses deux terminaux entièrement automatisés a montré un certain nombre de limites qui font reculer l’échéance de tels projets26. La défense « néocorporatiste » de la profession et des acquis gagnés dans le passé apparaît comme une réponse aux difficultés rencontrées. Chez les marins, l’automatisation a plus contribué à transformer les relations à bord des navires qu’à diminuer le nombre de marins, dans la mesure où le coût de la main-d’œuvre a été en grande partie résolu pour les armateurs par les transferts de pavillons. Enfin, la question du dumping social ne s’exprime pas de la même façon dans la navigation maritime et le transport routier. Très précoce et vite mondialisée chez les marins, victimes de la stratégie des pavillons de complaisance échafaudée par les armateurs, elle survient plus tardivement chez les chauffeurs routiers, et dans un cadre plus continental. Les élargissements successifs de l’Union européenne apparaissent même comme la première menace en la matière, avec la directive des travailleurs détachés.

  • 27 Arnaud Le Marchand, « Des dockers aux damnés de la mer : néocorporatisme et syndicalisme transnatio (…)

25Au final, chaque section a déployé ses propres moyens (y compris à l’échelon européen et international) pour répondre aux défis qu’elle rencontrait : lutte contre les pavillons de complaisance pour les marins, grèves et « néocorporatisme » pour les dockers, lutte pour le maintien des conditions de vie et organisation à l’échelle communautaire pour les routiers et les cheminots27.

26Alors que certains stratèges de l’ITF avaient entrevu la possibilité de dépasser le cadre des sections avec l’érosion des identités professionnelles et industrielles, avec l’idée de lui substituer une stratégie ONM de la « famille ITF », la réalité a montré la résilience des différences en ce qui concerne la perception de la menace principale, de l’échelle géographique pertinente et des solidarités à mettre en œuvre.

 

Évitement des sections et tentative d’adaptation de la stratégie ONM

27Les syndicats affiliés européens adoptent dans la pratique trois attitudes face à la stratégie ONM, allant de la méconnaissance à la participation « détournée » en passant par l’adhésion de principe, incitant l’ITF à revoir sa copie.

  • 28 Les instances de dialogue sectoriel existantes ont été standardisées en 1999 avec la création de la (…)

28Les cheminots affirment soit ne pas connaître cette stratégie, soit s’en sentir trop éloignés pour y prendre part. L’espace européen ­– voire de façon plus restrictive celui de l’UE – leur paraît plus adapté que l’espace mondial visé par la stratégie ONM, du fait de la priorité qu’ils donnent à la lutte contre la privatisation. Outre que le problème semble venir des directives de la Commission européenne, celle-ci offre un cadre d’intervention « ferroviaire » normé par les mécanismes de dialogue social depuis 199928. En outre, l’UE a déjà délimité sa propre conception minimaliste du service public européen, avec délégation de service public à des organismes privés et corridors prioritaires du réseau transeuropéen des transports. Pour les cheminots, il s’agit donc d’infléchir ces normes européennes.

29Les travailleurs européens du transport routier de marchandises méconnaissent également la stratégie ONM. Certains l’évoquent à travers une participation des plus réduites (une simple présence) et, souvent, seulement dans la mesure où elle recoupe des luttes nationales antérieures. Ainsi, si les responsables français évoquent la campagne ONM contre la multinationale américaine XPO Logistics, c’est surtout parce que celle-ci vient de racheter Norbert Dentressangle, une compagnie française dans laquelle les travailleurs s’étaient amplement mobilisés les années précédentes. De la même façon, certains responsables allemands l’associent à la campagne « DHL », autre multinationale de la logistique, celle-ci d’origine allemande. En réalité, les préoccupations des chauffeurs routiers semblent liées davantage à l’automatisation qui, couplée au dumping social, menace leur identité professionnelle. Pour eux aussi, l’espace de lutte privilégié est européen, d’une part parce qu’une partie du problème se manifeste dans la concurrence est-ouest à l’échelle de l’Europe, notamment au niveau des formes d’utilisation – légales ou non – de l’automatisation permettant de faire respecter le temps de travail et de pause, d’autre part parce que, comme pour les cheminots, l’UE ouvre un cadre de négociation qui paraît offrir une meilleure opportunité de faire aboutir les revendications de la section.

  • 29 Arnaud Le Marchand, « Des dockers aux damnés de la mer… », art. cité.

30Par contre, certains syndicats membres des sections marins et dockers prennent apparemment une part active dans la stratégie ONM de l’ITF, mais en la limitant aux intérêts clairement identifiables des marins et des dockers. Ces sections maritimes sont les seules à évoquer des actions communes incluses dans la stratégie ONM. En fait, leur collaboration semble surtout prolonger l’ancienne campagne de lutte contre les pavillons de complaisance (navires), devenue plus récemment lutte contre les ports de complaisance en lien avec des problématiques nouvelles29. En outre, concernant les dockers, la forme « néocorporatiste » des luttes contre les atteintes à leur statut, explique, comme on l’a vu dans la partie précédente, qu’ils se regroupent en nombre croissant au sein de l’IDC depuis 1999.

 

Conclusion : l’indépassable section, témoin des limites de la théorie des ressources comme pouvoir syndical

31Comment interpréter les limites de la stratégie ONM ? Elles tiennent sans doute aux sections qui, malgré une fonction identique (transporter des biens et des personnes d’un point A à un point B) paraissant pouvoir créer la cohésion, appréhendent de façon singulière les difficultés communes et inhérentes à leur fonction. Dès lors, les syndicats membres de l’ITF ne parviennent pas à trouver leur intérêt dans la stratégie proposée par le centre. Par ailleurs, la stratégie mondiale de la fédération se heurte également au poids du syndicalisme européen au sein du syndicalisme mondial, pour deux raisons.

32D’une part, la majeure partie des syndicats européens accorde une place fondamentale aux représentants issus de la base, formés « sur le tas » au sein de métiers qu’ils ont pratiqués ou qu’ils pratiquent encore. Les responsables issus des milieux « experts » extérieurs au champ professionnel sont de ce fait souvent perçus de façon critique, surtout lorsqu’ils occupent des postes de permanents à l’échelon européen ou international.

33D’autre part, l’existence d’un mouvement syndical européen indépendant s’appuie sur une législation communautaire et une gouvernance européenne qui, selon les sections, paraissent offrir un cadre d’intervention pertinent auprès des acteurs institutionnels pour endiguer les difficultés dont les travailleurs sont victimes.

34En outre, la force de mobilisation que représentent les identités professionnelles ne permet pas facilement de dépasser le cadre des sections pour « globaliser ». L’absence ou la faiblesse d’une identité propre à l’ensemble du secteur des transports n’est pas compensée par la mobilisation d’une identité commune puisée dans le registre de la famille syndicale, de ses luttes héroïques passées et de ses victoires. Enfin, le succès de la lutte contre les pavillons de complaisance et la puissante solidarité historique entre marins et dockers au sein de l’organisation séparent les deux secteurs maritimes des autres et ne débouchent pas automatiquement sur la mise en œuvre d’une stratégie syndicale réellement efficace pour l’ensemble des travailleurs des transports du monde. Les sections de l’ITF s’impliquent donc très inégalement dans cette nouvelle stratégie. C’est pourtant peut-être du succès initial de la lutte contre les pavillons de complaisance qu’il faudrait s’inspirer. Il représente l’exemple d’un contre-pouvoir efficace, construit dans la lutte et imposant une rupture idéologique avec la logique patronale, avant de tomber dans les errements de la négociation permanente et rémunérée, perçue comme une évolution inéluctable dans un réseau d’acteurs indéfiniment connecté.

35La difficulté de l’ITF à mobiliser sur un programme limité mais fédérateur comme l’ONM conduit à mettre en doute l’idée que les acteurs, y compris les syndicats, sont émancipés de tout déterminisme et peuvent avancer en fonction de la fréquence de leurs interactions et leurs choix stratégiques. Cette idéologie oriente les répertoires d’actions vers la négociation, car celle-ci serait nécessaire au maintien d’une influence réelle. De plus, en posant les réseaux et les interactions comme décisifs dans les jeux d’influence, elle occulte la nature même des interactions, dimension fondamentale. Or celles-ci relèvent avant tout de la communication qui, malgré la multiplicité de ses canaux (notamment les médias), reste fondée sur un fond commun. Ce fond est actuellement celui du discours professionnalisé de l’expert (expert économique, expert social) paré de sa trompeuse neutralité idéologique. Ce discours expert n’est pas forgé par les acteurs syndicaux eux-mêmes, mais bien plus, surtout à l’échelle internationale, par les acteurs intergouvernementaux qui codifient sous une forme juridique les problèmes économiques et sociaux.

36Tant que le mouvement syndical international est forcé de maintenir des interactions en continu avec ces experts et communicants, au prétexte qu’ils lui confèrent sa légitimité, il ne peut que s’adapter à ce langage dans lequel s’exerce un rapport de domination qui lui est défavorable à plusieurs titres. Il est contraint d’abord de transformer son discours sans toujours disposer des ressources suffisantes pour y exceller (inégalité face au recrutement d’experts pour interpréter les actes juridiques par exemple) ; de l’homogénéiser dans un jargon technique (les exemples foisonnent dans la stratégie ONM) qui restreint le positionnement idéologique ; de réduire les horizons d’attentes (dont font partie les programmes) à des objectifs tangibles nécessaires au maintien de la négociation, en écartant les contre-projets qui pourraient paraître utopiques. Or, il nous semble que, s’il souhaite dépasser le cadre des identités professionnelles pour atteindre la cohésion de ses affiliés professionnellement et géographiquement très différents, le mouvement syndical doit envisager la rupture avec le consensus expert dominant. Il doit se donner des occasions de se réapproprier son discours originel et ses horizons d’attentes. Il pourrait alors proposer un projet politique capable de fédérer au-delà de l’immédiat et réhabiliter le conflit comme creuset de contre-pouvoir.

 

Kevin Crochemore

Chercheur associé au GRAID, Université libre de Bruxelles.


Bibliographie

37Richard Balme, Didier Chabanet, Vincent Wright (dir.), L’Action collective en Europe, Paris, Presses de Science-Po, 2002.

38Sophie Béroud, René Mouriaux, « Approches de la bureaucratie syndicale dans les États capitalistes », Critique communiste, n° 162, printemps-été 2001, p. 99-113.

39Christian Chevandier, Cheminots en grève, ou la construction d’une identité (1848-2001), Paris, Maisonneuve et Larose, 2002.

40Aurélie Decoene, « La libéralisation des services portuaires et la grève des dockers », Courriers hebdomadaires du CRISP, 2007/21-22, n° 1966-1967, p. 5-89.

41Claude Dubar, La Crise des identités. L’interprétation d’une mutation, Paris, PUF, coll. Le lien social, 2010, 256 p.

42Anne Dufresne, Les Stratégies de l’eurosyndicalisme sectoriel : étude de la coordination salariale et du dialogue social, thèse de doctorat, Paris-Bruxelles, 2006.

43Maurice Duval, Ni morts, ni vivants, marins ! : pour une ethnologie du huis clos, Paris, PUF, 1998.

44Annie Fouquet, Udo Rehfeldt, Serge Le Roux (dir.), Le Syndicalisme dans la mondialisation, Paris, Éditions de l’Atelier, 2000.

45Antoine Frémont, Conteneurisation et mondialisation : les logiques des armements de lignes régulières, thèse d’habilitation à diriger des recherches, Paris, 2005.

46Corinne Gobin, L’Europe syndicale, entre désir et réalité : essai sur le syndicalisme et la construction européenne à l’aube du XXIe siècle, Bruxelles, Labor, 1997.

47Nadia Hilal, « L’Europe, nouvelle figure de la crise syndicale : les syndicats face à la libéralisation du rail en Europe », Politique européenne, 2009/1, n° 27, p. 75-103.

48Richard Hyman, Understanding European Trade Unionism : Between Market, Class and Society, Londres, SAGE Publications Ltd, 2001, 208 p.

49Christian Levesque, Gregor Murray, « Comprendre le pouvoir syndical : ressources et aptitudes stratégiques pour renouveler l’action syndicale », La Revue de l’IRES, vol. 65, n° 2, 2010, p. 41-65.

50René Mouriaux, Geneviève Bibes (dir.), Les Syndicats européens à l’épreuve, Paris, Presse de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990.

51René Mouriaux, Le Syndicalisme en France depuis 1945, Paris, La Découverte, 2008, 121 p.

52Michel Pigenet, « Les dockers : retour sur le long processus de construction d’une identité collective en France, XIXe-XXe siècles », Genèses, 2001/1, n° 42, p. 5-25.

53Jean Sagnes (dir.), Histoire du syndicalisme dans le monde, des origines à nos jours, Toulouse, Privat, 1994, 575 p.

54Denis Segrestin, Le Phénomène corporatiste, Paris, Fayard, 1985.

55Kim Voss, « Dilemmes démocratiques : démocratie syndicale et renouveau syndical », La Revue de l’IRES, vol. 65, n° 2, 2010, p. 87-107.


Notes

1 Ordre dicté par les multinationales et les institutions intergouvernementales qu’elles ont mises en place : Organisation maritime internationale (OMI), très importante pour l’ITF, Banque mondiale, Union européenne et autres.

2 La stratégie des pavillons de complaisance consiste dans l’immatriculation de navires sous pavillon permettant aux armateurs de bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché à très faible protection sociale.

3 Cela reprend les quatre grands courants syndicaux tels que les ont détaillés René Mouriaux et Geneviève Bibès : René Mouriaux et Geneviève Bibes (dir.), Les Syndicats européens à l’épreuve, Paris, Presse de la Fondation nationale des sciences politiques, 1990, 145 p.

4 C’est le cas de sociétés comme Maersk par exemple. Cf. Antoine Frémont, Conteneurisation et mondialisation : les logiques des armements de lignes régulières, thèse d’habilitation à diriger des recherches, Paris, 2005. Dans une moindre mesure, d’autres sociétés diversifient leur offre de transports, à l’image de la SNCF (Géodis, SNCM, SCNF Fret, etc.).

5 L’International Bargaining Forum est une plateforme de négociation mise en place par l’ITF ainsi que par une partie des armateurs « loyaux » à partir de 2002, qui permet de discuter en amont (c’est-à-dire avant l’intervention de l’inspecteur de navire) les conditions et le contenu des conventions collectives rédigées par l’ITF. Cf. John Barzman et Kevin Crochemore, « Conditions de travail en mer et pavillons de complaisance : l’action de la Fédération internationale des ouvriers du transport de 1948 à 1974 », Dossier « Travail et travailleurs maritimes, XVIIIe-XXe siècles : du métier aux représentations », Revue d’histoire maritime, 2015.

6 René Mouriaux, Le Syndicalisme en France depuis 1945, Paris, La Découverte, 2008, 121 p.

7 Ibid.

8 Qui se définit par la liberté des acteurs, une transformation du rôle de l’État, devenu régulateur plutôt qu’interventionniste, et une lecture des rapports économiques et sociaux purement « professionnelle », écartant en apparence toute référence idéologique ou interprétation partisane, surtout après 1991.

9 Richard Hyman, Understanding European Trade Unionism : Between Market, Class and Society, Londres, SAGE Publications Ltd, 2001, 208 p.

10 René Mouriaux et Geneviève Bibes (dir.), op. cit.

11 Corinne Gobin, L’Europe syndicale, entre désir et réalité : essai sur le syndicalisme et la construction européenne à l’aube du XXIe siècle, Bruxelles, Labor, 1997 ; Roland Erne, European Unions : Labor’s Quest for a Transnational Democracy, London, Cornell University Press, 2008, 387 p.

12 Richard Hyman, « Shifting Dynamics in International Trade-unionism : Agitation, Organization, Bureaucracy, Diplomacy », Labour History, vol. 46, 2005-2, p. 137-154.

13 Ce courant théorique est principalement nord-américain. Dès la fin des années 1980, Mona-Josée Gagnon réinterroge la notion de contre-pouvoir et celle de pouvoir syndical. Plus récemment, des auteurs comme Jasper, Poletta ou encore Levesque et Murray ont abordé la notion de pouvoir syndical. Cf. Christian Levesque, Gregor Murray, « Comprendre le pouvoir syndical : ressources et aptitudes stratégiques pour renouveler l’action syndicale », La Revue de l’IRES, vol. 65, n° 2, 2010, p. 41-65.

14 Alain Touraine, Le Retour de l’acteur, Fayard, 1984, 341 p.

15 Pierre Lascoumes et Patrick Le Galès, Sociologie de l’action publique, Armand Colin, 2007, 128 p.

16 Des courants marxistes, notamment animés par des trotskistes, avaient déjà souligné leur opposition à toute bureaucratie, certains allant même jusqu’à renier toute forme de structure représentative. Cf. Sophie Béroud, René Mouriaux, « Approches de la bureaucratie syndicale dans les États capitalistes », Critique communiste, n° 162, printemps-été 2001, p. 99-113.

17 Kim Voss, « Dilemmes démocratiques : démocratie syndicale et renouveau syndical », La Revue de l’IRES, vol. 65, n° 2, 2010, p. 87-107.

18 Les propositions analysées dans ce paragraphe figurent dans le document de travail « ONM » soumis en 2006 lors du congrès de l’ITF à Durban et dans d’autres documents de travail distribués aux congrès de 2010 et 2014, qui reprennent les mêmes objectifs à quelques aménagements près.

19 Violaine Delteil, Patrick Dieuaide, « Les comités d’entreprise européens dans l’UE élargie : entre outil de gestion et levier syndical », Travail et Emploi, n° 123, 2010, p. 53-65.

20 Terme employé par l’ITF dans son programme stratégique de 2006.

21 Les premières organisations internationales, les Secrétariats professionnels internationaux (SPI), étaient des fédérations organisées par métiers (exemples : la première, celle des chapeliers en 1876, ou celle des musiciens). Plus tard, elles ont correspondu à des regroupements de métiers d’une industrie (fédérations internationales des mineurs, des métallurgistes ou des transports). Cf. Georges Lefranc, Le Syndicalisme dans le monde, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ?», 1966.

22 ILO (OIT), « ILO Focuses on Social and Labour Problems in Ports », ILO 96/14, et Frank Broeze, The Globalisation of the Oceans : Containerisation from the 1950s to the Present, Oxford University Press, 2002.

23 Voir John Barzman, « Conflits et négociations au Havre avant et après les grandes réformes portuaires », L’Espace politique, 16/2012-1, En ligne : <https://journals.openedition.org/espacepolitique/2242?lang=en>.

24 Le dernier combat en date est relatif à la modification de la directive du temps de travail, accusée de donner plus de latitude aux employeurs dans la répartition du temps de pause et du temps de travail.

25 Le phénomène apparaît plus lointain et moins préoccupant chez les dockers, qui pensent être parvenus à contenir cette menace par leur forte solidarité.

26 Les pannes informatiques ont entraîné un blocage total de ces terminaux et généré des pertes élevées pour le port. Par ailleurs, si la vitesse de déchargement peut être optimisée, elle se heurte à des limites inhérentes aux ruptures de charges qui font décroître l’intérêt économique de ce type de terminal.

27 Arnaud Le Marchand, « Des dockers aux damnés de la mer : néocorporatisme et syndicalisme transnational », Variations, 20/2017, mis en ligne le 25 avril 2017, consulté le 22 juillet 2022. En ligne : <http://journals.openedition.org/variations/794> ; Nadia Hilal, L’Eurosyndicalisme par l’actioncheminots et routiers en Europe, L’Harmattan, Paris, 2007, 298 p.

28 Les instances de dialogue sectoriel existantes ont été standardisées en 1999 avec la création de la Commission de dialogue social européenne ferroviaire, en même temps que 31 autres secteurs. Philippe Pochet, Anne Dufresne, Christophe Degryse, Dominique Jadot, European sectoral social dialogue 1997-2004, Bruxelles, European Trade Union Institute for Research, Education, Health and Safety (ETUI-REHS), Observatoire social européen (OSE), 2006, p. 15.

29 Arnaud Le Marchand, « Des dockers aux damnés de la mer… », art. cité.

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Kevin Crochemore« Marins, dockers et autres au sein de la Fédération internationale des travailleurs des transports (ITF) au début du 21 siècle »Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique [En ligne], 154 | 2022, mis en ligne le 15 octobre 2022, consulté le 21 décembre 2024URL : http://journals.openedition.org/chrhc/19774 ; DOI : https://doi.org/10.4000/chrhc.19774

 

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