Épisode 28
Edward Snowden est un jeune informaticien qui travaillait pour des sociétés sous-traitantes de la NSA et de la CIA. Il découvre la portée des programmes de surveillance mondiale mis au point par les services américains, ainsi que leurs outils techniques. Il est bouleversé, non seulement par le caractère scandaleux et immoral de cette surveillance généralisée, mais aussi parce qu’elle viole les principes et les dispositions de la Constitution des États-Unis… À 29 ans, il décide de tout révéler :
À partir du 5 juin 2013, Edward Snowden commence à divulguer ses informations par l’intermédiaire de Glenn Greenwald, journaliste au Guardian, et de la réalisatrice Laura Poitras. Quelques jours plus tard, le 8 juin, depuis l’hôtel Mira où il se cache à Hong Kong, il dévoile son identité dans une vidéo postée par le Guardian et justifie son acte :
Au total, il transmettra plus d’un million et demi de documents. Ces leaks concernent la surveillance mondiale d’internet – mais aussi des téléphones portables et autres moyens de communication. Ils montrent comment la NSA collabore avec les services des alliés des USA : la Grande-Bretagne, l’Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande (les fameux « five eyes » anglo-saxons). L’ancien directeur de La NSA dira :
À titre d’exemple, le programme Tempora, géré par les services britanniques du GCHQ, espionnait directement l’opérateur belge Belgacom et, à travers lui, la Commission européenne, le parlement européen et les relations de l’Union européenne avec le reste du monde. L’enquête que déclenchera la justice belge s’est heurtée à une fin de non-recevoir et un refus de collaboration des « alliés » britanniques… Mais même si les « alliés » européens n’iront pas très loin dans l’expression de leur indignation, ces affaires auront un retentissement mondial et vont notamment mobiliser les Européens pour élaborer leur règlement général de protection des données, le fameux RGPD.
Wikileaks décide de l’aider. Sarah Harrison se rend à Honk Kong pour tenter de le faire sortir du territoire chinois, avant que Pékin cède aux pressions diplomatiques. En collaboration avec Julian depuis « son » ambassade à Londres, ils cherchent un pays qui accorde l’asile politique à Edward Snowden, et une trajectoire aérienne : il doit à tout prix éviter de survoler des pays qui pourraient faire atterrir l’avion pour procéder à son arrestation. Au total, 21 demandes d’asile seront émises : la France, l’Islande, Cuba, le Venezuela, le Brésil, l’Inde, la Chine, l’Allemagne et l’Autriche, la Bolivie, la Finlande, l’Italie, l’Irlande, les Pays-Bas, le Nicaragua, la Norvège, la Pologne, l’Espagne et la Suisse… Aucun de ces pays n’osera le lui accorder.
Après plusieurs jours de tractations, un plan finit par se dessiner. Edward Snowden se rendra à Cuba, via la Russie, pour rejoindre ensuite soit le Venezuela, soit l’Équateur. Mais alors que Sarah et Edward sont en route pour Moscou, les États-Unis révoquent son passeport. À son arrivée sur le sol russe, il se voit refuser l’embarquement pour Cuba. Sarah décide alors de rester avec lui. Edward Snowden restera 5 semaines bloqué dans la zone de transit de l’aéroport de Sheremetyevo à Moscou, avec pour seul refuge une pièce sans fenêtre et pour seule aide Sarah Harrison… ainsi que le Burger King de l’aéroport qui, le considérant comme un héros, lui offre chaque jour un hamburger…
Les États-Unis sont à l’affût de toute tentative d’embarquement. Un moment, ils pensent qu’Edward Snowden a embarqué pour la Bolivie, dans l’avion du président Morales. Julian affirme que c’est Wikileaks qui a fait courir cette rumeur, pour désorienter la surveillance américaine. Du coup, sous la pression des États-Unis, plusieurs pays, dont la France et l’Italie, refusent à l’appareil présidentiel l’entrée dans leur espace aérien. Le Président Morales sera même contraint d’atterrir à Vienne et fouillé, ce qui donnera lieu à un beau scandale diplomatique.
Finalement, Snowden obtient un permis de séjour en Russie. Sarah restera encore plusieurs mois avec lui, quelque part à Moscou… Une amitié très forte et « à vie » s’est nouée entre eux et Edward Snowden ne tarit jamais d’éloges pour qualifier l’extrême courage dont Sarah a fait preuve pour l’accompagner dans sa cavale.
Le président Obama qualifiera Snowden de traître. En réponse, Julian déclarera :
Cette année-là, Julian Assange reçoit le Prix du Global Exchange Humans Right People’s Choice, le Prix Yoko Ono Lennon du courage pour les arts, le Prix des droits de l’homme de l’Association de la presse brésilienne. Sarah Harrison recevra le prix Willy Brandt pour le courage politique.
En 2020, à l’initiative de Carta Academica, Belgium4Assange a contribué à la remise des prix d’Academicus Honoris Causa à Sarah Harrison, Chelsea Manning, Edward Snowden et, bien sûr, Julian Assange. Anything to say, l’œuvre itinérante du sculpteur Davide Dormino, les représente tous les trois debout sur une chaise.
Voilà, c’était le 28ème épisode de WANTED, la série qui vous emmène au cœur du réacteur de notre monde pour vous en dévoiler les secrets. Demain, les révélations de WikiLeaks concerneront l’Europe.
Belgium4Assange
Texte écrit par Delphine Noels,
Avec la collaboration de Marc Molitor, Pascale Vielle et Bogdan Zamfir
Le 4 janvier 2021 sera une date historique : à Londres, la justice britannique rendra son verdict dans le procès d’extradition de Julian Assange. Quels sont les enjeux de ce procès ? En quoi nous concernent-t-ils directement ? Difficile d’avoir les idées claires à ce sujet tant la mésinformation et la désinformation ont été grandes.
A partir du 1er décembre et jusqu’au 4 janvier, Belgium4Assange diffusera quotidiennement un épisode de WANTED, série Facebook qui raconte la vie de Julian Assange en 34 épisodes. |
Sources / Pour en savoir plus
Nous vous recommandons vivement la lecture de ces deux ouvrages :
Permanent Record, Edward Snowden, 2019, Metropolitan Books (titre français : Mémoire vive).
Nulle part ou se cacher, Glenn Greenwald.
Edward Snowden, nous sommes à une décision de pouvoir changer le monde : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=OWHtptkykPg&fbclid=IwAR1dMSRsYSSOSdLAIROxW2hqhywCGnS87kFek3ddpBnsghjCuPMEifV_QaE
Sur l’aide apportée à Snowden par WikiLeaks : https://www.nytimes.com/2013/06/24/world/offering-snowden-aid-wikileaks-gets-back-in-the-game.html
Citizen Four, film à regarder absolument sur Edward Snowden : https://www.youtube.com/watch?v=EDhB-A23IUk
Lien du Guardian sur Edward Snowden : https://www.theguardian.com/world/video/2013/jul/08/edward-snowden-video-interview.
Lien vers les WikiLeaks files de mars 2010 :
https://file.wikileaks.org/file/us-intel-wikileaks.pdf.
https://www.nytimes.com/2010/03/18/us/18wiki.html.
Émission au cours de laquelle Julian réagit aux publications d’Edward Snowden : https://www.democracynow.org/2014/2/18/julian_assange_on_being_placed_on.
Sur la fuite d’Edward Snowden : https://www.mediapart.fr/journal/culture-idees/040315/edward-snowden-les-coulisses-de-la-plus-grande-fuite-de-lhistoire?onglet=full.
Qu’est-ce que les révélations de Snowden ont changé dans le monde ? : https://www.lemonde.fr/pixels/article/2019/09/13/ce-que-les-revelations-snowden-ont-change-depuis-2013_5509864_4408996.html.
Sur Snowden :
https://edwardsnowden.com/fr/2014/02/18/manhunting-timeline-2010/.
Sur le refus de la deuxième demande d’asile à la France : https://www.mediapart.fr/journal/international/090714/la-demande-dasile-dedward-snowden-sinvite-lassemblee.