A la veille de sa reprise de la guerre, Israël était acculé, le Hamas obligeant Netanyahou à honorer l’accord de cessez-le-feu qu’il avait signé. Confronté à ses problèmes politiques internes, le seul choix qu’avait Netanyahou était de faire exploser cet accord.
Le Premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou évalue la situation sur le mont Hermon avec le Ministre de la défense Israel Katz et l’ancien chef d’état-major de l’armée, Herzl Halevi, le 18 décembre 2024.
Mardi matin, Israël a annoncé la reprise de son assaut militaire contre la Bande de Gaza. La première vague de frappes aériennes a tué plus de 400 Palestinien.nes, dont 130 enfants, et blessé plus de 500 personnes, selon le Ministère de la santé de Gaza. La Société du Croissant-Rouge palestinien a déclaré que plusieurs familles avaient été entièrement anéanties par l’assaut.
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La nouvelle offensive visait également des personnalités clés des autorités administratives civiles de Gaza. Cela s’inscrit dans une nouvelle stratégie visant à saper la capacité du Hamas à gouverner Gaza en ciblant « non seulement les dirigeants militaires du Hamas, mais aussi son leadership civil », selon une source israélienne en interne qui s’est entretenue mardi avec Haaretz.
Dans une déclaration, le Bureau des médias du gouvernement de Gaza a déploré les meurtres du coordonnateur de l’action gouvernementale à Gaza, Isam Da’alis, du ministre adjoint à la justice, Mahmoud Hatteh, du ministre adjoint à l’intérieur, Ahmad Abu Watfeh, et du chef de la sécurité, Bahjat Abu Sultan.
Mais qu’est-ce qui explique que l’assaut israélien ait eu lieu à ce moment précis ? Et comment comprendre la décision de Netanyahou de reprendre la guerre alors qu’il subit des pressions internes pour poursuivre le cessez-le-feu afin d’obtenir la libération de plus de prisonnier.es israélien.nes ? Les circonstances entourant les négociations de cessez-le-feu en cours la semaine dernière donnent quelques réponses.
Se sortir du pétrin
La reprise des attaques israéliennes contre Gaza intervient près de deux mois après la signature d’un accord de cessez-le-feu avec le Hamas négocié par l’Égypte, le Qatar et les États-Unis. L’offensive fait également suite à plus d’un mois de tentatives infructueuses de passer à la deuxième phase de l’accord de cessez-le-feu, qui est destinée à inclure des pourparlers sur la fin de la guerre et le début de la reconstruction de Gaza en échange de la libération de tous les prisonnier.es israélien.nes restant.es. Depuis des semaines, le Premier Ministre israélien Benyamin Nétanyahou évite d’entamer la deuxième phase de l’accord et continue de faire pression pour une extension de la première phase. Ceci dans le but de libérer le plus grand nombre de prisonnier.es israélien.nes sans s’engager à mettre fin à la guerre contre Gaza.
Début mars, il a fait fermer le point de passage de Rafah et bloqué l’entrée de toute l’aide humanitaire à Gaza. L’impact de la fermeture a été immédiat, les prix des marchandises ont triplé dans toute la Bande de Gaza, les boulangeries se sont retrouvées sans électricité, et les organisations internationales, telles que l’UNRWA, ont dû réduire l’aide fournie aux civils. Les sept hôpitaux partiellement opérationnels à Gaza ont averti qu’ils cesseraient bientôt de fonctionner en raison du manque de carburant pour alimenter leurs groupes électrogènes. L’ONU a prévenu qu’une nouvelle famine se profile pour la population dévastée de Gaza.
Ces mesures israéliennes, qui violent les termes du cessez-le-feu, sont considérées comme une tentative israélienne de faire pression sur le Hamas pour qu’il fasse des concessions concernant la fin de la guerre – à savoir renoncer au contrôle de la Bande de Gaza et reculer sur la condition d’un retrait israélien total de Gaza, en particulier du couloir de Philadelphie, le long de la frontière égyptienne. Netanyahou a répété tout au long de la première phase du cessez-le-feu qu’il n’accepterait pas que le Hamas ou l’Autorité palestinienne jouent un rôle dans la gouvernance de Gaza après la guerre. Ce qui rend toute discussion d’après-guerre avec le Hamas dénuée de sens.
L’envoyé de Trump dans la région, Steve Witkoff, a également affirmé le 26 février que la poursuite de la gouvernance par le Hamas était « une ligne rouge » pour Israël et les États-Unis. Même lorsqu’un autre envoyé spécial de l’administration américaine, Adam Boehler, a rapporté que le Hamas était prêt à discuter non seulement de quitter le pouvoir, mais aussi de se désarmer – une affirmation que le Hamas n’a jamais confirmée – Israël a considéré les pourparlers directs de Boehler avec les représentants du Hamas comme irrecevables.
En bref, Israël a tiré toutes les ficelles imaginables pour tenter de reporter la mise en œuvre de toutes les phases du cessez-le-feu. Mais le Hamas a mis un frein à ces plans lorsqu’il a annoncé la semaine dernière qu’il était prêt à libérer le captif israélo-américain Edan Alexander et les corps de quatre autres prisonniers israéliens décédés, cela en échange d’une « feuille de route claire pour les pourparlers sur la deuxième phase ».
Netanyahou était scandalisé, parce que le Hamas tenait Israël avec l’accord de cessez-le-feu qu’il avait signé de son plein gré. Acculé, Netanyahou a accusé le Hamas de « manipulation » et de « guerre psychologique », insistant sur le fait que le Hamas « reste ferme dans son refus et n’a pas bougé d’un pouce ». La seule façon pour lui de se sortir de ce pétrin était de faire sauter l’ensemble de l’accord.
Cependant, il existe également des raisons politiques internes sous-tendant la reprise des assauts israéliens.
Nétanyahou et ses alliés
Un autre aspect de la décision de Nétanyahou de reprendre la guerre concerne sa bataille interne avec le système juridique et politique israélien, ainsi que sa constellation d’alliances d’extrême-droite et leurs demandes de reprise des hostilités.
Les alliés d’extrême droite de Nétanyahou qui, jusqu’au cessez-le-feu, composaient son cabinet, considèrent le cessez-le-feu en lui-même comme une capitulation inacceptable devant le Hamas, qui devrait être renversée. Le principal allié de Nétanyahou, le ministre, intransigeant, des Finances, Bezalel Smotrich, est resté dans la coalition gouvernementale malgré son opposition au cessez-le-feu. Cela afin d’assurer la stabilité du gouvernement. Son lot de consolation a été le nouvel assaut sur la Cisjordanie, baptisée « Opération mur de fer ».
Mais Smotrich a également déclaré à maintes reprises que Nétanyahou lui avait promis de reprendre la guerre, en s’attendant à une attaque encore plus dure et plus cruelle contre la population de Gaza qui conduirait à son déplacement massif. Nétanyahou n’a jamais nié avoir fait de telles promesses, mais même les familles des prisonnier.es israélien.nes ont accusé à plusieurs reprises Nétanyahou d’être plus fidèle à ses promesses à Smotrich qu’à la vie de leurs parents captifs à Gaza.
L’autre figure clé de la droite religieuse israélienne, Itamar Ben-Gvir, avait quitté le gouvernement à la suite de la signature de l’accord de cessez-le-feu. Mardi, après qu’Israël ait officiellement annoncé la reprise de la guerre, Ben-Gvir a accepté de revenir au cabinet de Nétanyahou.
Tous ces événements ont eu lieu alors que Nétanyahou continue de renforcer son contrôle sur les organes décisionnels israéliens. Après la démission de l’ancien chef d’état-major de l’armée, Herzl Halevi, Nétanyahou a nommé Eyal Zamir, décrit par les rapports israéliens comme étant suffisant proche de Nétanyahou pour devenir le prochain chef des armées. Nétanyahou a également renvoyé le chef du service de renseignement interne, Ronen Barr, la veille de la reprise de la guerre. Barr a refusé son licenciement, ce qui s’ajoute à la crise politique en cours en Israël.
Cette crise politique est protéiforme.
Premièrement, les dirigeants israéliens ne s’entendent pas sur la formation d’une commission d’enquête sur l’échec en matière de sécurité que représentent les attaques du 7 octobre. Les opposants à Nétanyahou l’accusent de tenter de manipuler sa formation pour se sortir de l’enquête, tandis que Nétanyahou accuse ses opposants de vouloir utiliser la commission pour l’attaquer politiquement.
Deuxièmement, Nétanyahou est lui-même confronté à de multiples accusations de corruption et un procès en attente qui continue d’être reporté en raison de la guerre.
Mardi, était prévue une nouvelle audition de Nétanyahou devant le tribunal israélien pour ses affaires de corruption, mais elle a été suspendue en raison du retour à la guerre.
Intérêts convergents
L’agenda politique des États-Unis pour le Moyen-Orient, et en particulier pour l’administration Trump, semblent toujours plus grand que la seule guerre israélienne contre Gaza et les jeux politiques de Nétanyahou. Trump s’est engagé à mettre fin à la guerre et à passer des accords de normalisation avec les pays arabes, en particulier avec l’Arabie saoudite. Ca n’était plus tenable lorsque Trump insistait pour « posséder Gaza » et en faire une « Riviera » une fois sa population expulsée. Steve Witkoff a alors rencontré les ministres arabes des Affaires étrangères à Doha la semaine dernière, acceptant de prendre le plan arabe de reconstruction de Gaza sans le déplacement de la population comme « base » pour les plans de reconstruction.
Cependant, cette vision plus large du Moyen-Orient pourrait elle-même être une raison de la reprise de la guerre par les États-Unis. La veille de la reprise des bombardements israéliens, les États-Unis ont lancé une série de frappes contre le Yémen, où le mouvement Ansar Allah (communément connu sous le nom de « Houthis ») avait également repris ses attaques contre des navires israéliens et américains dans la mer Rouge, en réponse au blocage de l’aide humanitaire israélienne à Gaza. Lundi, Trump a directement accusé l’Iran d’être responsable des actions d’Ansar Allah, promettant que Téhéran « en subira les conséquences ».
Au milieu des tentatives en cours de redessiner la carte géopolitique du Moyen-Orient, Israël insiste pour maintenir ses récentes prises de nouveaux territoires syriens et ses positions militaires dans le sud du Liban, les États-Unis font maintenant une démonstration de force contre l’Iran. L’approbation par Washington de la nouvelle campagne israélienne de bombardements doit être comprise dans ce même contexte.
Après plus d’un an et demi d’attaque massive contre leurs vies, les Palestinien.nes de Gaza se retrouvent pris entre ces agendas politiques croisés. Cela se produit à nouveau dans un silence assourdissant de la communauté internationale, pour qui les vies palestiniennes continuent d’être sans importance.
Quassam Muaddi,
Mondoweiss, 18 mars 2025, Agence Média Palestine, 20 mars 2025, traduction L.G, et Presse-toi à Gauche ! (Canada).
Le 24 mars 2025, Israël a refusé la proposition de cessez-le-feu le feu à Gaza, formulée par l’Égypte et le Quatar, qui prévoit la libération des otages (comme dans la seconde phase du cessez-le-feu initial, la première phase du cessez-le-feu initial étant terminée depuis le 1er mars 2025, première phase qu’Israël voulait étendre jusqu’à mi avril 2025, la seconde phase du cessez-le-feu initial prévoyant le retrait complet des troupes israéliennes de Gaza), proposition approuvée par le Hamas.
Le Hamas a egalement indiqué qu’il ne desarmerait pas tant que l’armée israélienne serait présente à Gaza.
Israël a précisé ce vendredi avoir formulé une contre proposition aux médiateurs égyptiens et quataris.
L’armée israélienne a étendu ses opérations militaires dans Rafah et à Khan Younes, des bombardements ayant été constatés dans la ville de Gaza et des tirs notamment dans Jabalia (soit des zones en dehors de la zone frontalière dont l’armée israélienne a pris le contrôle sur plusieurs kilomètres de profondeur dans l’enclave de Gaza).
. Victor Serge, Article clôturé le 30 mars 2025. Sources internationales.
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