ENQUÊTE SUR UN SCANDALE AUX DROITS DE SUCCESSION
ÉVASION FISCALE – L’affaire Verbruggen – Épisode 7/11
31 Janvier 2000. Au Liechtenstein. 3 millions d’honoraires payés d’un coup à un Cabinet d’avocats belge, sur un compte au Luxembourg.
Le citoyen lambda qui s’intéresserait à cette affaire aurait même l’impression que ceux qui cachent peuvent véritablement tout se permettre : la justice n’est toujours pas parvenue à leur imposer de communiquer aux notaires et experts judiciaires ce qui doit l’être. Il faut dire que la justice ne s’est toujours pas décidée à imposer des mesures coercitives. Pourquoi ?
Il n’est que de lire les conclusions de l’avocat Fabian Tchékémian, conseil des héritiers aux fausses déclarations, à propos notamment du périmètre de l’expertise à effectuer pour apprécier jusqu’où le « business juridique » et la morgue qui l’accompagne peuvent aller : l’insistance répétitive mise à éliminer certains éléments du périmètre d’expertise est si radicalement exprimée que l’on se dit quasi-automatiquement que c’est principalement sur ces éléments là que les experts judiciaires devraient précisément se pencher ! Il faudrait même oublier, au nom de cette radicalité- là, que les comptes d’actifs et passifs ne sont pas en fin de période l’expression du cumul d’opérations comptables qui posent question, de même qu’il n’y a pas lieu de s’étonner que les opérations comptabilisées par l’héritière réviseur d’entreprise soient majoritairement constituées de ce que les comptables qualifient « d’opérations diverses (OD) réparatrices » consistant notamment à corriger des erreurs d’imputation, de codification etc., erreurs dont on a du mal à imaginer qu’elles puissent être commises par un réviseur (l’héritière Chantal), auteur des écritures.
Une affaire pourtant extrêmement simple qui aurait pu être résolue pour quelques milliers d’euros.
De quoi s’agit-il en fait ? D’évaluer trois sociétés familiales de droit belge et une société planquée au Liechtenstein pour déterminer l’assiette des droits de succession à payer par les héritiers du richissime notaire et de son épouse, mère au foyer.
La composition de l’armada d’hommes de loi et de professionnels du chiffre : bien souvent des ténors dans leur métier.
L’armada est particulièrement bien fournie et l’on y trouve quelques éminents représentants de chacun de ces ordres professionnels affichant des pratiques déontologiques au-dessus de tout soupçon. Dressons-en une liste qui n’est certainement pas exhaustive mais qui est susceptible d’intéresser ceux qui douteraient qu’un problème aussi simple qu’une succession, fusse-t-elle celle d’un richissime notaire, puisse mobiliser autant d’experts. Ce sera aussi l’occasion pour ceux-là de mieux comprendre pourquoi tout cela a coûté de l’ordre de dix millions d’euros d’honoraires de conseil à ceux qui ont mobilisé toutes ces compétences et de se souvenir que le recours à ces professionnels du droit et de la finance n’est pas permis à tout le monde et n’est finalement réservé qu’à ceux qui disposent de puissants moyens financiers.
L’Ordre des avocats y est particulièrement bien représenté, pas moins de cinq Bâtonniers ont eu à traiter de cette affaire et s’y sont illustrés : Maître Emmanuel de Wilde d’Estmael, la référence en matière de droits de succession et de planification successorale dont il convient de préciser cependant que le Cabinet ne présente plus le nombre impressionnant d’associés qu’il comptait encore il y a seulement quelques mois. Le planificateur successoral semble avoir entrepris une carrière solitaire et ses propres associés ont créé leur propre Cabinet (« Delahaye Avocats ») spécialisé lui aussi dans la matière des droits de succession, où l’on retrouve notamment les avocates Géraldine Hollanders de Ouderaen et Jessica Fillenbaum qui se sont considérablement investies, avec leur patron Maître Emmanuel de Wilde d’Estmael, dans l’organisation de l’évasion successorale et la défense des cinq héritiers n’ayant toujours pas payé le moindre euro de droits (mais beaucoup de frais de conseil), et qui continuent encore à le faire à partir de leur nouveau cabinet. Robert de Baerdemaeker, Bâtonnier de l’Ordre de 2006 à 2008 s’est aussi mobilisé dans la défense des cinq héritiers rebelles aux droits de succession. Le prestigieux Cabinet DaldeWolf s’est lui lancé dans la bataille et ce dès l’origine, avec l’avocat Patrick De Wolf lui-même et Fabian Tchékémian. Le bien connu Olivier Klees, avocat aux multiples publications, est aussi présent dans la défense des héritiers qui ne supportent pas les droits de succession ; il est d’ailleurs l’auteur, lors de la procédure d’appel suite au jugement de première instance ayant condamné ses cinq clients à cinq mois de prison avec sursis, d’une formule choc qu’il fallait oser:
Pascal Vanderveeren, Bâtonnier de l’Ordre de l’Ordre de 1998 à 2000, est le principal défenseur de Marc Verbruggen, le chef de file des cinq héritiers aux fausses déclarations de succession, tout comme Philippe T’Kint. Maître Jean-Pierre Buyle, Bâtonnier de l’Ordre de 2010 à 2012, comme Maître Jean Cruyplants, Bâtonnier de l’Ordre de 2002 à 2004, se sont puissamment lancés dans la bagarre, les épisodes 4 et 5 l’illustrent abondamment. Et l’on n’oubliera évidemment pas le Cabinet Dupont et de Caluwé, destinataire et en principe bénéficiaire de ce pactole de 3 millions d’euros dont nous parlons en tout début d’épisode (lecteurs, vous avez le choix entre le dénommer cabinet aux 3 millions d’honoraires payés d’un coup ou cabinet aux 19 années de conseil payées d’un coup, à la fin de la dix-neuvième année). Maître Johan Dubar est intervenu et Maître François Balot intervient. Enfin, l’ex-Bâtonnier Lindemans s’est illustré dans une séquence particulièrement saisissante de cette longue histoire dont nous aurons l’occasion de parler. Le frère de Luc Verbruggen, Jack, s’est adjoint, lui, les services de Maître Adrien Masset, pénaliste réputé. Il avait suivi son frère Luc dans la plainte initiale de fin 2002 pour abandonner la partie dès 2006, voire plus tôt. L’avocat Victor-Vincent Dehin l’a également conseillé pour tenter en 2008 de convaincre Luc Verbruggen d’accepter un partage « hors la loi ». Luc Verbruggen avait eu recours aux services de Maître Xavier Magnée, Bâtonnier de l’Ordre de 1990 à 1992, de Georges Nicolis et de Paul Verhaeghe, jusqu’à ce qu’il ne puisse ni accepter les pressions exercées par les Bâtonniers en exercice et les ex-Bâtonniers sur ses propres avocats (cf épisodes 4 et 5), ni financer la guerre juridique que ses adversaires lui ont imposée à partir du moment où il excluait la transaction. Ruiné, il se défend donc seul depuis 2014/2015. L’administration fiscale a d’abord utilisé les compétences de Maître Luc Van Helschoot, puis de celles de Robin Dubail et Marc Demartin. Impossible de terminer cette longue liste sans mentionner Emile Verbruggen, le frère de Robert, l’avocat des puissants : l’affaire Verbruggen est l’unique affaire pour laquelle il est resté à l’ombre, lui qui aimait tant la lumière. L’Ordre des réviseurs d’entreprises n’est pas en reste quant à la mobilisation que cette affaire a entraîné.
Des sommités sont intervenues ou interviennent encore :
– Gérard Delvaux qui est aussi Expert-comptable, Ex-Président puis Président Honoraire de l’IEC (Institut des Experts-comptables et conseils fiscaux) et qui a rejoint en 2008 avec son cabinet DFSA (Delvaux, Fronville, Servais et Associés) l’un de ces grands cabinets mondiaux d’audit et de conseil, véritables fiscotrafiquants, qui pratiquent l’évasion fiscale à l’échelle industrielle et planétaire, BDO, qui se classe dans les tous premiers après les fameux « Big Four » (Deloitte, PwC, EY et KPMG) et qui comme eux est présent dans tous les paradis fiscaux quelle que soit leur taille. Jusqu’en 2013, Gérard Delvaux a été Président et Administrateur délégué de BDO Réviseur d’entreprise.
– Fernand Maillard (actuel Vice-Président de l’Institut des Réviseurs d’entreprises),qui a commis plusieurs ouvrages avec l’avocat Philippe T’Kint qui défend Marc Verbruggen, le chef de file des cinq héritiers aux fausses déclarations de succession.
Et puis aussi :
-Joëlle Bacq toujours inscrite à l’Institut malgré ce qui est mis en évidence dans l’épisode 2 (« Braquage familial avant braquage à l’héritage »).
-Martine Piret, premier expert judiciaire conjointement nommés dans le cadre de la liquidation de la succession du notaire Robert Verbruggen et de son épouse
-Jacques Clocquet, deuxième expert judiciaire nommé
-Hugues Fronville du cabinet Delvaux, Fronville, Servais et Associés (DFSA), troisième expert judiciaire nommé
-Henri Garny, quatrième expert judiciaire nommé
–Bertrand Guevar, Marc Ghyoot, M.Bikar, Jean-François Nobels
Sans oublier, bien entendu :
-Chantal Verbruggen, l’héritière, la « ministre des finances » de la famille Verbruggen, celle qui passait les écritures comptables des sociétés familiales et tenait de A à Z les comptabilités, pour certaines tenues au crayon, tout en conseillant de près les activités comptables et financières de son frère Marc, devenu le chef de file des 5 héritiers anti-droits de succession.
L’Ordre des Experts-comptables a aussi beaucoup donné, y compris par des personnalités emblématiques de la profession à l’instar de : -Raymond Krockaert, ex-Président puis Président Honoraire de l’IEC (Institut des Experts-comptables et conseils fiscaux).
-Vincent Delvaux, actuel Vice-Président de l’IEC, fils de Gérard Delvaux ancien Président et Président Honoraire.
Mais aussi :
-Frank Van Nunen, toujours inscrit à l’Ordre malgré ce qui est mis en évidence dans l’épisode 2 (« Braquage familial avant braquage à l’héritage »).
-Bernadette Noël Van De Putte
Et,
Le cinquième expert judiciaire nommé, Emmanuel Sanzot, celui sur lequel repose à l’heure actuelle la lourde responsabilité de valoriser la succession du notaire Robert Verbruggen et de son épouse, les quatre précédents ayant échoué (volontairement ou non ?) ou ayant carrément renoncé.
La Chambre des Notaires a tenu, on l’a vu, une place centrale avec les notaires Yves Deschamps auquel a succédé son fils Régis Deschamps, Eric Willems, sans oublier Liliane Verbruggen, la notaire héritière et Léon Verbruggen, le notaire frère de Robert. Yves Herneux et Pierre Hames, nommés notaires judiciaires ont la responsabilité de procéder à la liquidation de la succession en collaboration avec le cinquième expert judiciaire. Il reste à citer encore d’autres experts : l’expert en œuvres d’art Jean-Pierre Vandenbroeck, l’expert immobilier Fabien de Géradon nommé avec leréviseur Martine Piret dans le cadre de la première expertise, ainsi que l’expert immobilier Luc Asselman. L’expert architecte Patrice Courtens et le géomètre expert Eric de Patoul sont aussi intervenus.
On ne peut terminer cette longue énumération faite à dessein sans parler de Monsieur Philippe Steiger, gestionnaire de fortune, celle planquée dans Fidelec dont l’existence a été niée jusqu’en 2010 et qui a fini par devoir apparaître, convoqué par la magistrate Laure du Castillon lors du procès en correctionnel de première instance au cours duquel elle a requis dix mois de prison pour les cinq héritiers (finalement condamnés à cinq mois). Philippe Steiger ne s’est pas présenté, est resté en Suisse d’où il gérait Fidelec, mais s’est trouvé dans l’obligation de délivrer un relevé de compte justifiant de la consommation des millions cachés dans Fidelec, relevé qui ne laisse pas d’interroger ceux qui ont pris la peine d’analyser le dossier et qui doutent fort que le paiement de près de trois millions d’honoraires au Cabinet Dupont et de Caluwé ait été effectué à la date indiquée sur le relevé, nous le disions en début d’épisode.
Si vous avez eu la patience de parvenir à ce stade-là de l’épisode, vous ne serez plus étonnés que les honoraires divers et variés ont vraisemblablement franchi le cap des 10 millions d’euros pour, répétons- le, une succession déclarée de 117.000 euros, encore tout récemment soutenue par les cinq héritiers, sous serment, devant les notaires judiciaires.
Mais comment l’Institution judicaire peut-elle ignorer cette véritable débauche d’argent qui apporte la preuve par neuf du scandale de cette succession ? Elle en est pourtant l’une des victimes.
L’Institution judiciaire, victime. Les citoyens qui la financent paient les frais de justice provoqués par les évadés fiscaux en procès. La double peine pour ceux qui ne s’évadent pas.
Deux des prochains épisodes permettront de croquer le portrait de deux de ces éminents experts.
Invincible, l’armada ?
Christian Savestre
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