Manifestation festive pour préserver le champ des Cailles

Ce dimanche 13 février 2022 à 14h se déroulera à Watermael-Boitsfort une manifestation festive, en réponse au lancement du marché public pour la construction de 70 logements sur le champ des Cailles. Objectif : dénoncer l’amputation de ce champ et, plus largement, la bétonisation des espaces verts bruxellois, qu’une politique sociale et du logement plus volontariste pourrait éviter. Il s’agit aussi d’éviter la mise sous tutelle publique du projet citoyen d’agriculture urbaine qui s’y est déployé.

Lancé en catimini le 21 décembre dernier par la SLRB (Société du Logement de la Région de Bruxelles-Capitale), l’avis de marché public vise la construction de 56 logements sociaux, 14 logements moyens et un équipement collectif sur une surface de 25% du champ des Cailles, un des rarissimes terrains agricoles de la Région bruxelloise.

Au même moment, la Région bruxelloise planche sur les conclusions de son enquête sur le prochain PRAS (Plan Régional d’Affectation du Sol), dont un des 5 enjeux est de mieux intégrer l’agriculture urbaine dans la ville. Dans sa Déclaration de politique générale, le gouvernement bruxellois dit vouloir « mobiliser des moyens ambitieux en vue de développer cette filière » et « se fixer des objectifs volontaristes en la matière, à savoir la production de minimum 30% de la consommation annuelle des Bruxellois en fruits et légumes à l’horizon 2035 », ce qui passera entre autres par une « politique de soutien aux nouveaux agriculteurs urbains ».

Le collectif citoyen des Ami.e.s du champ des Cailles dénonce dès lors les projets de constructions lancés par la SLRB. Il entend défendre le champ et les activités agricoles et citoyennes développées par la Ferme du Chant des Cailles, et il n’est pas seul à le faire. Plus de 9.000 citoyens ont signé une pétition pour s’opposer au projet et ils seront plusieurs centaines à descendre dans les rues ce dimanche 13 pour faire entendre leurs voix. « Nous ne nous opposons pas à la création de logements sociaux dans le quartier (qui en compte déjà 59%) ni à Watermael-Boitsfort (qui en compte déjà 18%). Nous estimons toutefois essentiel de mettre fin à la bétonisation des sols alors que des alternatives existent et même s’imposent », précise le collectif. Il demande notamment au gouvernement bruxellois d’encadrer les loyers, de lutter davantage contre les logements insalubres et inoccupés (17.000 à 26.000, selon les récentes évaluations1), de lever les freins à la conversion des espaces de bureaux vides et de mettre les grands promoteurs immobiliers devant leurs responsabilités sociales et environnementales, pour répondre aux besoins des habitants plutôt que des investisseurs. Rappelons que, sur 4.000 logements construits en moyenne chaque année à Bruxelles, seuls 1.500 sont nécessaires pour absorber la croissance démographique et seuls 120 sont des logements sociaux2. « Ces chiffres illustrent toute l’absurdité du projet de constructions au champ des Cailles mais aussi sur d’autres espaces verts », alerte le collectif. « Ces projets immobiliers sont une aberration tant écologique que sociale ».Ci-dessous vous trouverez l’argumentaire Pourquoi construire sur le champ des Cailles n’a plus de sens.

Le collectif dénonce également le risque de démantèlement d’un projet citoyen actuellement fondé sur les liens : ceux entre producteurs et consommateurs d’une part, et ceux qu’il permet de tisser entre les gens du quartier de toutes origines et de tous milieux. Le protocole d’accord signé par la SISP

Le Logis-Floréal et la SLRB (mais refusé par l’asbl La Ferme du Chant des Cailles) prévoit en effet de faire basculer ce projet vers un modèle subsidié et contrôlé par les autorités en place. « Le protocole sape le principe fondamental sur lequel repose l’activité de maraîchage : la solidarité. Car, à la Ferme du Chant des Cailles, on paie ses légumes selon son niveau de revenu. Il nie aussi tout l’intérêt pédagogique de l’auto-récolte, qui enseigne un autre rapport à l’alimentation et au vivant ». Le collectif ajoute ne pas pouvoir accepter «  un discours qui prône la mixité et la cohésion sociale mais qui, dans les actes, se traduit par le démembrement d’un projet exemplaire dans ce domaine. »

La Ferme du Chant des Cailles a d’ailleurs dès le départ inscrit son projet d’agriculture urbaine dans une vision sociétale qui dépasse les seules questions environnementales : « Ce que nous contestons n’est donc pas la nécessité de loger décemment les dizaines de milliers de personnes en attente d’un logement social. Il y a nécessité. Ce que nous contestons, c’est le moyen. Il faut arrêter de prétendre que pour résoudre une crise, il faut en accentuer une autre. Au vu des millions de m2 mètres carrés de  bâtiments vides, au vu de l’urgence climatique et environnementale, couler du béton sur un sol vivant, amputer une des rares terres arables de la Région bruxelloise, en démantelant de surcroît un projet citoyen qui fait du bien à tout un quartier de logements sociaux, c’est un mauvais calcul. »

1 https://nawalbenhamou.brussels/un-premier-cadastre-regional-des-logements-presumes-inoccupes/

2 IEB: Ce que la promotion immobilière fait au logement et aux habitant-e-s de Bruxelles

Les amis du champ des Cailles*

* Le collectif des Ami.e.s du champ des Cailles est un collectif citoyen qui réclame la préservation intégrale du champ des Cailles, ainsi que la pérennité de l’ensemble des activités citoyennes et professionnelles qui s’y sont développées et permettent de préparer dès aujourd’hui une ville de demain plus verte et plus humaine pour les générations futures.

https://amischampcailles.wordpress.com/ ou

https://www.facebook.com/Les-Amies-du-champ-des-Cailles-103065844956519

 

Infos pratiques

Manifestation du 13 février

14h : départ de la marche, avenue des Archiducs (côté square)

15h : rassemblement festif, avenue des Cailles. Détails : https://www.facebook.com/events/477236290437028?acontext=%7B%22event_action_history%22%3A[%7B%22surface%22%3A%22page%22%7D]%7D

Contact presse : Luc Vandermaelen, amischampcailles@gmail.com, 0484/795 325 .

 

Pourquoi construire sur le champ des Cailles n’a plus de sens

À une époque où, compte tenu des crises climatique et écologique, la transition vers des pratiques nouvelles dans tous les secteurs devient incontournable et de plus en plus pressante, il convient d’innover pour garantir le droit au logement aussi bien et en même temps que la protection de l’environnement.

Les Ami·e·s du champ des Cailles prônent dès lors une politique du stop béton, qui s’applique non seulement au champ qu’ils/elles défendent, mais à tous les espaces verts et nourriciers de la région bruxelloise. C’est à nos yeux la seule façon de concilier le besoin de logement avec les autres besoins fondamentaux de la population, dont l’alimentation et un environnement sain. Logement social et terre nourricière sont des biens communs aussi précieux l’un que l’autre.

Il y a la même urgence à les protéger et les renforcer. Dès lors, la création de l’un ne saurait justifier la destruction de l’autre. D’autant plus que, comme indiqué dans le Plan d’urgence logement 2020-2024, « Le problème n’est pas le manque de logements disponibles mais l’inaccessibilité grandissante à ces logements pour une partie de plus en plus importante de la population. »

Cette politique du stop béton doit donc – et peut – s’accompagner de mesures structurelles de lutte contre la pauvreté. Réduire la désespérément longue liste d’attente pour les logements sociaux et pallier le manque de logements accessibles à Bruxelles implique de réduire le fossé entre les loyers et les revenus des Bruxellois·e·s, d’abord et avant tout par des mesures fermes d’encadrement et de régulation du marché de l’immobilier privé, mais aussi par le renforcement des aides au logement.

Ce travail de réduction de la demande de logements sociaux ne dispense pas d’améliorer l’offre en parallèle. Pour créer du logement social, d’autres solutions existent que de construire du neuf sur des terres non bâties. Il s’agit de rénover et remettre en état locatif le parc de logements publics, mais aussi et surtout d’utiliser les trop nombreux bâtiments vides en levant les freins à leur réquisition et leur réaffectation.

En 2019, 6,5 millions de m2 vides étaient déjà recensés à BruxellesSource. Aujourd’hui, la crise sanitaire n’a fait qu’accentuer et accélérer une tendance au recours au télétravail et à la baisse des besoins en espaces de bureau. À titre d’exemples, « La Commission européenne va réduire ses espaces de bureau de 25 à 30% dans les prochaines années ; Proximus va se replier sur une seule de ses deux tours ; Total Energies occupera 40% de surface en moins. » Pourtant « 650.000 m² [sont] en cours de construction à Bruxelles et en périphérie, qui arriveront sur le marché en 2025 »

Dans ces circonstances, bétonner un quart de l’une des rarissimes terres agricoles de la région bruxelloise pour construire 70 logements, c’est faire du chiffre, infinitésimal, au lieu de faire sens.

Car rappelons ce qui s’est désormais construit sur ce champ : un projet citoyen d’agriculture urbaine, écologique et participative.

Ce projet, la Ferme du Chant des Cailles, c’est :

  • un modèle d’agriculture qui restaure et renforce la vie du sol et la biodiversité,
  • une activité créatrice d’emplois locaux qui ont du sens,
  • un modèle économique innovant qui favorise la mixité par un système de fourchette de prix solidaire,
  • un partenaire actif du réseau local d’action sociale,
  • un projet pédagogique et des activités d’éducation relative à l’environnement inscrites au programme des écoles du quartier,
  • un lieu de convivialité où se côtoient des personnes de toutes origines, de tous milieux sociaux et de tous âges, ce qui crée des liens de bon voisinage et renforce les solidarités,
  • un espace vert qui offre respiration et détente aux habitants et répond au besoin de contacts avec la nature, si nécessaires au bien-être et à la santé,
  • un modèle de gouvernance citoyenne en intelligence collective par lequel le terrain est considéré et géré comme un bien commun,
  • une nouvelle façon de concevoir la ville, l’habiter et la vivre.

Au regard des objectifs régionaux de relocaliser la production agricole et de favoriser une production agroécologique, la Ferme du Chant des Cailles est exemplaire. C’est aussi un exemple en matière d’accès au plus grand nombre et de mixité sociale, même si des progrès en la matière restent bien sûr possibles. Le champ permet de nourrir 400 habitant·e·s du quartier en légumes, sans compter les potagers collectifs citoyens. 18% des personnes abonnées au système d’auto-récolte de légumes sont locataires de la sisp, comme 34% des membres du jardin collectif. On sait que le travail social prend du temps. Clairement, la Ferme capitalise sur un travail de fond mené depuis dix ans. Quel que soit le point de vue, environnemental, agricole, sanitaire ou social, cela n’a pas de sens d’amputer ce champ de 25% de sa surface maintenant et de réduire l’espace d’un projet citoyen à impact social et écol gique positif si porteur.

Pourquoi donc cette insistance à couler du béton sur ce champ si fertile ? Du fait de son statut juridique : en 1964, le CPAS de Bruxelles-Ville a cédé ce champ à la coopérative de locataires Le Logis, depuis devenue la société immobilière de service public (sisp) Le Logis-Floréal, à la condition qu’y soit construit du logement social. En 2014, ce champ a été mis à la disposition des habitant·e·s du quartier dans le cadre d’une convention d’occupation à titre précaire, en attendant les constructions.

En 2021, la Région bruxelloise a entamé un processus de révision du Plan Régional d’Affectation du Sol (PRAS), avec notamment pour enjeu de mieux intégrer l’agriculture urbaine dans la ville. Un processus qui pourrait changer la donne