La radicalisation de la démocratie est la seule solution

LES RENCONTRES DE POUR

La vidéo de la Rencontre sera mise en ligne très prochainement

Ce 23 juin 2022, POUR a accueilli

Chantal MOUFFE

 

Sur le thème : «La radicalisation de la démocratie est la seule solution »

Chantal Mouffe est philosophe. Elle a étudié à Louvain, Paris et Essex et a travaillé dans de nombreuses universités à travers le monde, aussi bien en Europe qu’aux États-Unis, au Canada, et en Amérique latine. Elle a également été professeure invitée à Harvard, Cornell, Princeton, ainsi qu’au CNRS. Durant la période 1989-1995, elle fut directrice de programme au Collège international de philosophie à Paris. Elle occupe actuellement un poste de professeur au Département de sciences politiques et relations internationales à l’Université de Westminster en Angleterre, où elle dirige le Centre pour l’étude de la démocratie.

Chantal Mouffe a notamment développé la théorie de la « démocratie agonistique », soit l’idée selon laquelle le conflit est constitutif de la politique (« illusion du consensus »). Il y a forcément un « eux » et un « nous ». Ce « nous », la gauche doit, selon Chantal Mouffe, le construire en adoptant une stratégie « populiste », qu’elle oppose au populisme de droite..
La crise sanitaire risquant de donner du répit au néolibéralisme, Chantal Mouffe considère que la gauche doit assumer un projet radical et écolo, répondant au besoin de protection de la population, autrement portée vers l’écueil d’un nationalisme “immunitaire”.

L’Etat pourrait sortir renforcé de cette crise, le néolibéralisme aussi. Dominerait alors un néolibéralisme étatisé plus ou moins autoritaire, et qui recourrait à ce que le Biélorusse Evgeny Morozov a appelé le “solutionnisme numérique” : l’usage des technologies comme solution à tout problème, politique y compris. Selon Chantal Mouffe, « Le néolibéralisme est en train d’essayer de se réinventer sous une forme technologique. […] Le danger principal pour la démocratie ne vient pas des forces populistes mais du néolibéralisme lui-même ».

Pour Chantal Mouffe, « les idées doivent rencontrer les affects », dont le rôle ne doit pas être sous-estimé et ne pas être laissé aux seuls populistes de droite. Les affects forment un levier de mobilisation politique que néglige une partie de la gauche, trop rationaliste.  Il ne s’agit pas de renoncer à la raison, mais de susciter des “affects communs” qui se cristallisent dans la création d’un collectif, d’un “nous”, autour de valeurs démocratiques.

Selon Chantal Mouffe, «Ce que met en question le mouvement des “Gilets jaunes”, ce n’est pas une petite mesure mais le projet néolibéral même. Je ne vois pas comment on peut trouver une issue. Ce n’est pas en donnant des petites miettes qu’on va arranger les choses ». Avant les élections présidentielles françaises de 2017 où Macron incarnait « l’illusion du consensus », ni gauche, ni droite, Chantal Mouffe indiquait que si Macron et l’illusion du consensus gagnaient, ils risquaient d’ouvrir un boulevard à l’extrême droite.   

Chantal Mouffe a publié de nombreux ouvrages. Citons :  « Pour un populisme de gauche » 2018, « Construire un peuple, pour une radicalisation de la démocratie » 2017 avec Iñigo Errejon, « L’illusion du consensus » 2016, « Le paradoxe démocratique » 2016, « Agonistique : Penser politiquement le monde » 2014, « Hégémonie et stratégie socialiste : Vers une démocratie radicale » 2009 avec Ernesto Laclau, « Le politique et ses enjeux. Pour une démocratie plurielle » 1994.