Lettre ouverte d’associations de femmes à la Première ministre, Sophie Wilmès 

L’urgence est absolue pour les droits des femmes ! 

Le 3 avril 2020, un communiqué de presse, signé par les 12 ministres membres de la Conférence interministérielle droits des femmes ainsi que la Première ministre Sophie Wilmès, annonçait la tenue d’un groupe de travail préparatoire sur la situation socio-économique des femmes en confinement. Un programme a priori prometteur: prise en compte des réalités des femmes en première ligne dans les secteurs de la santé, du social et de l’accompagnement à la personne, mais aussi des familles monoparentales et de l’accès à la santé sexuelle et reproductive. Prometteur certes, mais depuis, plus de nouvelle. Plus d’un mois après le début du confinement, face à cette situation exceptionnelle qui exige des réponses et des mesures exceptionnelles, nous posons la question: où en sont les droits des femmes ? 

 

Emboîtant le pas d’autres pays européens, la Belgique a entamé son confinement, le 12 mars, pour faire face au coronavirus. Une semaine plus tard, la mesure de la crise sanitaire a été prise et le pays est passé en confinement total. Cet état d’urgence a déjà été prolongé deux fois. 

Dès les premières heures de ce confinement, les associations de défense des droits des femmes et celles actives dans la lutte contre les violences faites aux femmes ont tiré la sonnette d’alarme. Parce que nous sommes témoins au quotidien des inégalités et des violences que vivent les femmes, nous savions que le confinement serait catastrophique pour nombre d’entre elles. 

Dès ces premiers instants, nousassociations, individuellement ou en plateformes, via des contacts directs, des notes de travail ou des lettres ouvertes, en multipliant les canaux, les témoignages et les constats effrayantsavons interpellé les responsables politiques. Ces inégalités ne sont pas nouvelles et en temps de crise, tous les éléments sont rassemblés pour qu’elles soient exacerbées. 

Plus d’un mois après, force est de constater que nombre de ces mesures d’urgence tant attendues pour soulager les femmes et en particulier les plus précaires, les plus éloignées de leurs droits et les plus éprouvées par les conséquences de ce confinement, n’ont toujours pas vu le jour. Pourtant ces mesures avaient été identifiées par les actrices de terrain et par les femmes elles-mêmes, notamment concernant le soutien des secteurs féminisés et des métiers dits de première ligne; le soutien aux familles monoparentales; un accès facilité à l’IVG et la contraception; la garantie des droits sociaux et économiques des femmes; laccès notamment aux services sociaux et à la santé; les droits des femmes migrantes, ainsi que la sécurité des femmes victimes de violences. 

Malheureusement, la liste est encore longue et vous n’êtes pas sans le savoir, madame la Première ministre, car nous vous l’avons déjà remise, à vous et à toutes les ministres membres de la CIM. 

Hormis quelques initiatives essentielles mais insuffisantes en matière de lutte contre les violences, rien ou presque n’a changé pour ces femmes. Non seulement l’ensemble des problématiques que nous soulevions n’a pas été abordé, mais les femmes, que le confinement précarise, violente, détruit, quand il ne les tue pas, sont renvoyées aux calendes grecques. Lorsque chaque heure compte, que vont-elles devenir, pendant les deux semaines qui nous séparent encore de la tenue de la prochaine Conférence interministérielle? 

Une fois de plus, les femmes ne sont pas prises au sérieux. Pire, elles sont mises en danger par l’inertie des pouvoirs publics, alors même qu’elles sont les premières en ligne durant cette crise. 

Les inégalités sont structurelles : être femme, c’est déjà être précaire. Mais, en temps de crise, cette précarité redouble. Précarité que nous devons également aux nombreuses mesures d’austérité prises ces dernières années par les gouvernements successifs au niveau fédéral. 

Ce que nous voyons, nous, femmes et associations de terrain, c’est que nos droits n’ont jamais été la priorité de la Belgique. Ce que nous voyons, nous, femmes et associations, c’est que même en état d’urgence, même en situation de crise sanitaire, politique et sociale, les femmes sont les éternelles oubliées. 

Que devons-nous en déduire ? Que signifie une Conférence interministérielle des droits des femmes si elle ne peut se traduire en actes tangibles ? Doit-on comprendre que la CIM se bute à la complexité institutionnelle et à la difficulté de trouver un terrain d’entente entre les entités fédérées et le  fédéral ? À un manque d’intérêt pour les femmes et leurs droits ? À des budgets inexistants ? Au fait que les décisions sont prises ailleurs ?