La bascule de la paix

Beaucoup de politiciens n’ont rien compris ! Ou alors ils sont égarés par leurs ambitions personnelles. Contrairement à leurs déclarations à tout va, qui attisent les querelles entre les pays, les régions ou les communautés, les Belges n’ont pas tous envie de se concurrencer, d’entrer en conflit, de se diviser ou se démolir les uns les autres sous n’importe quel prétexte. Femmes et hommes souhaitent, pour la majorité, vivre des relations paisibles et constructives.

Découvrir ce qui les en empêche n’est pas le propos de ce papier, mais si le lecteur veut un début d’explication, il peut la trouver chez Spinoza qui avance que « les hommes se croient libres parce qu’ils sont conscients de leurs désirs mais ignorent les causes qui les déterminent. » Réfléchir sur les causes de ses propres jugements et les remettre en question permet d’aller vers plus de compréhension d’autrui et donc d’entente.

Êtes-vous optiréaliste ?

Je suis convaincue qu’un fond de bonté est davantage constitutif de notre être humain que la tendance à la violence et à l’égoïsme. Et je la légitime notamment par l’explication du chercheur Jacques Lecomte, docteur en psychologie : « L’individu ayant une propension fondamentale à la bonté, mais pouvant également se tourner vers la violence, par manque existentiel ; il convient de faciliter les situations susceptibles de faire émerger le meilleur de chacun tout en étant lucide sur le fait qu’aucune société ne peut transformer radicalement les individus. Chacun a sa part de responsabilité : les individus comme les institutions. » Cette réflexion pourrait-elle fonder une posture politique partant de l’a priori de « Faire émerger le meilleur de chacun » ? Ce positionnement qui n’est ni exagérément pessimiste ni exagérément optimiste inspire au chercheur un bien joli mot : « l’optiréaliste ». Je crois que nous sommes nombreux à l’être, partagé∙e∙s entre une vision à la fois émerveillée ou au contraire révoltée par le comportement humain.

Le mur n’est plus un mur mais reste un mur

L‘exemple récent qui inspire cette note est le « mur à bascules du Mexique ». Imaginé, osé et réalisé au bout de 10 ans par Ronald Rael et Virginia San Fratello, professeur∙e∙s d’architecture et de design dans des universités californiennes, il fait tout simplement la nique aux politiques anti-migratoires américaines.

Il s’agit de trois balançoires à bascule installées de part et d’autre du mur dressé entre Sunland Park, dans l’État du Nouveau-Mexique et Ciudad Juarez au Mexique. Ces bascules permettent aux petits comme aux grands de se rejoindre à travers la frontière pour un moment et de rencontre… et de plaisir ! Le projet n’est pas seulement un exercice de rébellion et de liberté, il exprime sans aucun doute ce besoin de fraternité qui est au cœur de tous les peuples pendant que les discours démagogues et racistes découragent, inquiètent, effrayent.

Autour des « bascules du Mexique », comme dans les cours de récré, les petits enfants, tant qu’ils ne sont pas touchés par des propos adultes désobligeants, ignorent les couleurs de peau qui feraient des différences. Ils courent, ils jouent, ils rient, se disputent et se raccommodent vite. Les deux Californiens qui, par volonté de reconnaissance mutuelle et de fraternité, ont imaginé contrer ce mur avec humour et obstination, font plus pour la paix que les 65 murs construits et planifiés (soit 40.000 km de long, ce qui est la circonférence de la Terre) par les Trump, Salvini, Erdogan et autre Xi Jinping.

La principale résistance citoyenne, accessible à tous, est de faire pression dans la rue et partout où on peut se rassembler et réfléchir ensemble à un avenir plus durable pour toute l’humanité. Avec Hannah Arendt, nous devons déconstruire les maux dénoncés par l’écologie environnementale et sociale et agir plus éthiquement, sachant que « L’homme moderne vit à présent dans un monde où sa conscience et sa tradition de pensée ne sont pas capables de poser des [ou les ? Ndlr] questions adéquates ». D’où la nécessité de basculer vers d’autres modes et structures d’organisation à inventer dans les diverses sociétés humaines, chacune agissant avec davantage d’humanité et de respect pour la vie.

Godelieve Ugeux