Il est certain que le dernier ouvrage d’Alain Damasio, Les furtifs, que l’on peut qualifier de politique fiction, ne plaira pas à tout le monde : c’est un livre difficile et passionnant à la fois que beaucoup abandonneront en cours de route. Il faut dire qu’il s’étale sur 705 pages et que ces pages sont écrites dans une langue complexe, d’une richesse incroyable, mais qui demande un effort et une attention de tous les instants. Avant de dire tout le bien que je pense de cet ouvrage, expliquons les difficultés qui rebuteront ceux qui n’auront pas le courage de rentrer dans le jeu, riche mais ardu, que propose Damasio.
Les furtifs est un récit polyphonique narré par une demi-douzaine de protagonistes aussi divers qu’attachants. Chacun de ceux-ci use d’un langage très personnel et si deux ou trois parlent comme vous et moi, il n’en va pas ainsi de tous. Un Argentin, entrelarde ses propos de mots d’espagnol, un grapheur déjanté parle une langue hyper branchée, un geek nous cause comme un ordinateur… Mais au-delà de ces cas particuliers, Damasio jongle avec les mots, il les brise, les malaxe, les recompose… S’il n’y a pas 10 000 néologismes au long des pages, il n’y en a pas un seul… On ne comprend pas toujours tout, mais cela crée une musique, des rythmes dont il s’avérera qu’ils sont importants pour le récit.